Ubwoko

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Ubwoko[1] (amoko au pluriel) est un terme kinyarwanda et kirundi qui signifie – dans son sens le plus général – une « espèce » de n'importe quelle catégorie d'êtres ou de choses, par exemple ubwoko bw 'inyoni, une espèce d'oiseaux[2].

Dans le Rwanda et le Burundi précoloniaux, ubwoko désigne plus particulièrement le clan, la race, la tribu. C'est un groupe de consanguins de type patrilinéal assez large qui permet à ses membres de se reconnaître dans un lien traditionnel de descendance commune, « mais rien de plus »[3]. Dans ce groupe social, l'ancêtre commun dont ils se réclament n'est pas connu, il est même très souvent fictif ou mythique[4].

Le clan se reconnaît à son totem (inyamaswa) – généralement un animal sauvage – qui sert de symbole héraldique, mais auquel aucune forme de culte n'est rendu. C'est une sorte de drapeau sous lequel se rangent les membres du clan[5].

De fait le caractère et les fonctions de l' ubwoko ont beaucoup évolué au fil du temps. En 1971, l'anthropologue belge Marcel d'Hertefelt considère que « l’appartenance clanique s'exprime dans une idéologie de parenté », mais que l' ubwoko « ne possède plus beaucoup de fonction aujourd'hui »[6].

La notion traditionnelle d' ubwoko prend une dimension nouvelle lorsque, dans les années 1930, l'administration coloniale belge entreprend de doter tous les Rwandais d'une carte d'identité bilingue (français/kinyarwanda) y faisant référence. Un glissement de sens se produit alors puisque le mot ubwogo est traduit par « ethnie ». Chaque porteur d'un tel document est désormais explicitement désigné comme « Hutu », « Tutsi », « Twa » ou « Naturalisé »[7], selon des critères nécessairement arbitraires.

Cette pièce d'identité est toujours en vigueur en 1994 lorsque débute le génocide. La classification ethnique s'avère alors lourde de conséquences.

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Les documents antérieurs à 1960 emploient ubgoko, selon Charles Ntampaka dans La filitation en droit rwandais : étude de droit africain comparé, Musée royal de l'Afrique centrale, Tervuren, 2001
  2. Bernardin Muzungu, Histoire du Rwanda précolonial, L'Harmattan, 2003, p. 57 (ISBN 2-7475-3616-5)
  3. Ian et Jane Linden, Christianisme et pouvoirs au Rwanda : 1900-1990 (trad. et rév. par Paulette Géraud), Karthala, Paris, 1999, p. 409 (ISBN 2-86537-918-3)
  4. Ferdinand Nahimana, « Composition du clan (ubwoko) », in Le Rwanda, émergence d'un État, L'Harmattan, 1993, p. 63 (ISBN 2-7384-1716-7)
  5. Alexis Kagame, « Les quinze clans », 1954 [1]
  6. Marcel d'Hertefelt, Les clans du Rwanda ancien. Éléments d’ethnosociologie et d’ethnohistoire, Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, 1971 [2]
  7. Exemple de carte d'identité [3]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Albert Trouwborst, « Umuryango et ubwoko, la parenté », in Christine Deslaurier et Dominique Juhé-Beaulaton (dir.), Afrique, terre d'histoire : au cœur de la recherche avec Jean-Pierre Chrétien, Karthala, Paris, 2007, p. 226-233 (ISBN 978-2-84586-913-4)

Liens externes[modifier | modifier le code]