Théologie des deux alliances

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La théologie des deux alliances, ou théologie de la double alliance, est une doctrine de la théologie chrétienne, et plus particulièrement de l'Église catholique, selon laquelle Dieu n'a jamais rompu son alliance avec le peuple d'Israël. Par conséquent, l'Alliance de l'Ancien Testament demeure valide en ce qui concerne le judaïsme : il n'y a pas lieu, pour les chrétiens, de chercher à convertir les juifs à la religion de Jésus-Christ.

Nostra Ætate[modifier | modifier le code]

Synagoga and Ecclesia in Our Time (2015), sculpture de Joshua Koffman pour le cinquantenaire de Nostra Ætate. Contrairement aux représentations traditionnelles de Ecclesia et Synagoga, où la Synagogue apparaît déchue, les yeux aveuglés par un bandeau, l'œuvre montre ici le judaïsme et le christianisme sous l'apparence de deux reines couronnées, d'une égale majesté.

La doctrine des deux alliances est en opposition frontale avec la théologie de la substitution, ou supersessionisme, qui a prévalu dans le catholicisme jusqu'au concile Vatican II et selon laquelle le christianisme se substituait au judaïsme, l'Église chrétienne devenant le « véritable Israël » (verus Israel) au détriment de l'« ancien Israël » (vetus Israel)[1]. La déclaration Nostra Ætate (1965) indique[2] :

« L'Église ne peut oublier qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l'antique Alliance, [...] L'Église a toujours devant les yeux les paroles de l'apôtre Paul sur ceux de sa race à qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les patriarches, et de ce qui est né, selon la chair, le Christ (Rm 9, 4-5). »

L'Alliance non révoquée[modifier | modifier le code]

En 1973, le Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme déclare à son tour[3] :

« Une catéchèse chrétienne véritable doit affirmer la valeur actuelle de la Bible tout entière. La première Alliance, en effet n'a pas été rendue caduque par la nouvelle. Elle en est la racine, la source, le fondement et la promesse. »

L'abandon du supersessionisme par l'Église catholique est acté par le cardinal allemand Joseph Ratzinger avant même son élection pontificale[4], alors qu'il est préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, ainsi que par Jean-Paul II, dont l'allocution adressée aux dirigeants des communautés juives d'Allemagne (Mayence, ) évoque le « peuple de Dieu de l'Ancienne Alliance, qui n'a jamais été révoquée par Dieu »[5] :

« La rencontre entre le peuple de Dieu de l'Ancienne Alliance que Dieu n'a jamais dénoncée (Rm 11, 29) et celui de la Nouvelle Alliance, est en même temps un dialogue à l'intérieur de notre Église, pour ainsi dire entre la première et la seconde partie de notre Bible [...]. La deuxième dimension de notre dialogue est la rencontre entre l'Église chrétienne d'aujourd'hui et le peuple de l'Alliance conclue avec Moïse. »

La Nouvelle Alliance ne se substitue pas à l'Ancienne : au contraire, elle s'inscrit dans l'alliance éternelle de Dieu avec le peuple juif, que Jésus a renouvelée. Il appartient aux chrétiens, par pure grâce, d'entrer, par le Christ et le mystère de la rédemption, dans cette alliance éternelle[6].

De même, dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium (2013)[7], le pape François reprend les concepts d'Alliance irrévocable et de fidélité du peuple juif à la Loi de Moïse déjà rappelés par le cardinal Walter Kasper en [8].

L'universalité du salut en Jésus-Christ[modifier | modifier le code]

Le document intitulé « Les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables[9] », publié en 2015 par le Magistère de l'Église catholique, se réfère notamment aux chapitres 9 et 11 de l'Épître aux Romains[10]. Aux sections 5 et 6, il traite des questions liées à l'universalité du salut en Jésus-Christ, dans la perspective de l'Alliance de Dieu avec Israël, et au mandat d'évangélisation par rapport au judaïsme[10]. Il souligne qu'il ne saurait exister deux voies ou approches différentes menant au salut mais précise que la mission salvifique universelle de Jésus-Christ ne signifie en rien que les juifs soient exclus du salut, le Christ étant venu sauver les gentils mais aussi les juifs (35, 36, 37)[10].

La question de l'évangélisation[modifier | modifier le code]

Il ne s’agit pas de s'efforcer de convertir les juifs, « mais plutôt d’attendre l’heure voulue par le Seigneur où nous serons tous unis et où "tous les peuples [l’]invoqueront […] d’une seule voix et le serviront sous un même joug" (Nostra Ætate, n. 4) »[10]. Il convient toutefois de ne pas surinterpréter le fait que « l’Ancienne Alliance n’a jamais été révoquée », phrase prononcée par Jean-Paul II dans son discours de Mayence, en 1980, et confirmée par le Catéchisme de l’Église catholique en 1993 (39)[10]. En conclusion, « alors que l’Église rejette par principe toute mission institutionnelle auprès des juifs, les chrétiens sont néanmoins appelés à rendre témoignage de leur foi en Jésus-Christ devant les juifs, avec humilité et délicatesse, en reconnaissant que les juifs sont dépositaires de la Parole de Dieu et en gardant toujours présente à l’esprit l’immense tragédie de la Shoah » (40)[10].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Marcel Simon, Verus Israël : Les relations entre chrétiens et juifs dans l'Empire romain (135-425), Boccard, 2e édition, 1983 (ISBN 978-2701800035)
  2. Nostra Ætate, n° 4, 1965.
  3. Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme, 1973, chapitre V a.
  4. « La théologie de l'Alliance dans le Nouveau Testament », communication du cardinal Joseph Ratzinger à l'Académie des sciences morales et politiques, 23 janvier 1995.
  5. Jean-Paul II à Mayence, 1980, Documentation catholique, 21 décembre 1980, n° 1798, p. 1148-1149, lire en ligne.
  6. Conférence des évêques de France, Service national pour les relations avec le judaïsme, Déconstruire l'antijudaïsme chrétien, éditions du Cerf, juin 2023, chapitre 6, « La Nouvelle Alliance remplace-t-elle l'Ancienne Alliance et l'Église est-elle le nouveau peuple de Dieu ? »
  7. Evangelii gaudium (2013) n. 247.
  8. Dominus Iesus.
  9. Citation de l'Épître aux Romains 11:29.
  10. a b c d e et f « Les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables », 50e anniversaire de Nostra Ætate, document du Vatican, 2015.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages
Articles et documents en ligne

Articles connexes[modifier | modifier le code]