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La '''plongée''', en [[Prise de vues cinématographique|cinéma]] (en anglais {{lang|en|high-angle shot}}), est une représentation dont le point de vue est situé au-dessus du sujet. L'axe de la [[Perspective (représentation)|perspective]] n'est pas horizontal mais en pente descendante. La '''plongée verticale''' ou '''totale'''<ref>{{ouvrage |langue=fr |prénom1=Vincent |nom1=Pinel |titre= Dictionnaire technique du cinéma |lieu=Paris |éditeur=Armand Colin |lien éditeur=Armand Colin |année=2012 |pages totales=369 |isbn=978-2-200-35130-4 |passage=229 }}</ref> est la prise de vue directement au-dessus du sujet.
[[Fichier:Amsterdam - Keizersgracht - 1316.jpg|vignette|Le [[Keizersgracht]] d'[[Amsterdam]] vu en plongée.]]


La '''plongée''', en [[Prise de vues cinématographique|cinéma]] (en anglais ''{{langue|en|high-angle shot}}'', prise de vue d'angle haut), est une représentation dont le point de vue est situé au-dessus du sujet. L'axe de la [[Perspective (représentation)|perspective]] n'est pas horizontal mais en pente descendante. La '''plongée verticale''' ou '''totale''' est la prise de vue directement au-dessus du sujet.
La [[peinture]] et la [[photographie]] ont adopté le terme du cinéma. Les premières « vues plongeantes » ou « cavalières » ou « à vol d'oiseau » appartiennent au domaine de la [[topographie]]<ref>{{ouvrage |prénom1=Ségolène |nom1=Bergeon-Langle | prénom2=Pierre |nom2=Curie |titre= Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique|lieu=Paris|éditeur=Editions du patrimoine|année=2009 |isbn=978-2-7577-0065-5|passage=71}} ; exemples dans le [[Trésor de la langue française]], « cavalier, adj. », « oiseau », « plongeant ». L'expression « [[perspective cavalière]] » a pris le sens technique d'une vue plongeante avec le point de vue reporté à l'infini, de sorte que les parallèles ne convergent pas.</ref> et, pour la photographie, à la [[photographie aérienne]], dont [[Nadar]] fit en 1858 les premiers essais en [[Aérostat|ballon]]<ref>{{ouvrage|auteur=Nadar|lien auteur=Nadar|titre=Quand j'étais photographe|année première édition=1900|lieu=Paris |éditeur=Actes Sud |collection=Babel |année=1998 |passage=21-44}}.</ref>. La plongée s'utilise fréquemment aux mêmes fins pour montrer, depuis une position élevée, la position des joueurs dans une rencontre sportive, celle des armées dans une bataille, la disposition des lieux dans un plan d'ensemble. Dès que la plongée est suffisamment accentuée pour que l'horizon sorte du cadre, la plongée enferme la vue dans un cadre d'autant plus étroit que l'angle est abrupt. Exagérée, elle [[Raccourci (esthétique)|raccourcit]] le sujet dans le sens de la hauteur avec un effet de tassement. Les personages debout perdent la forme humaine. Les damnés dans les peintures du {{page h'|Jugement dernier}} sont vus en plongée, puisqu'on se représente traditionnellement l'[[Enfer]] en bas, sous terre.


== Vues d'ensemble ==
[[Fichier:1634 Hals Malle Babbe anagoria.JPG|vignette|[[Portrait]] de Malle Babbe par [[Franz Hals]] (1634). La plongée atténue l'aspect inquiétant de la sorcière.]]
[[Fichier:Potemkin-still5.jpg|thumb|[[Serguei M. Eisenstein|Eisenstein]], ''[[Cuirassé Potemkine]]'' : fermeture de l'espace par une plongée accentuée.]]
On représente normalement les personnages selon un [[angle de prise de vue|angle de vue]] approximativement horizontal. La plongée est un effet, employé avec une intention dramatique. On place le spectateur en position supérieure, ce qui inhibe son agressivité et rend, en général, le personnage inoffensif ou sympathique. Dans la peinture, jusqu'à la fin du {{s-|XIX}}, le tableau est une fenêtre verticale sur le monde, traversé par la ligne d'[[horizon]] dont on n'admet pas l'absence. Les parties situées en dessous de cette ligne sont vues en plongée, d'autant plus qu'elles sont proches. [[Raffaello Sanzio|Raphaël]] a représenté des saintes sous un angle légèrement plongeant, accentué par leur attitude, tête baissée. En photographie et au cinéma, la plongée montre le décolleté des femmes et évite la proéminence du nez de près, à la courte focale.
La [[peinture (art)|peinture]] et la [[photographie]] ont adopté le terme du cinéma. Les premières « vues plongeantes » ou « cavalières » ou « à vol d'oiseau » appartiennent au domaine de la [[topographie]]<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Ségolène |nom1=Bergeon-Langle |prénom2=Pierre |nom2=Curie |titre=Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique |lieu=Paris |éditeur=Editions du patrimoine |année=2009 |pages totales=1249 |passage=71 |isbn=978-2-7577-0065-5}} ; exemples dans le [[Trésor de la langue française]], « cavalier, adj. », « oiseau », « plongeant ». L'expression « [[perspective cavalière]] » a pris le sens technique d'une vue plongeante avec le point de vue reporté à l'infini, de sorte que les parallèles ne convergent pas.</ref> et, pour la photographie, à la [[photographie aérienne]], dont [[Nadar]] fit en 1858 les premiers essais en [[Aérostat|ballon]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Nadar]]|titre=Quand j'étais photographe|lieu=Paris|éditeur=[[Actes Sud]]|collection=Babel|année=1998|année première édition=1900|passage=21-44|isbn=}}.</ref>. La plongée s'utilise fréquemment aux mêmes fins pour montrer, depuis une position élevée, la position des joueurs dans une rencontre sportive, celle des armées dans une bataille, la disposition des lieux dans un plan d'ensemble.
Dès que la plongée est suffisamment accentuée pour que l'horizon sorte du cadre, la plongée enferme la vue dans un cadre d'autant plus étroit que l'angle est abrupt. Exagérée, elle [[Raccourci (esthétique)|raccourcit]] le sujet dans le sens de la hauteur avec un effet de tassement. Les personnages debout perdent la forme humaine. Les damnés dans les peintures du {{page h'|Jugement dernier}} sont quelquefois vus en plongée, puisqu'on se représente traditionnellement l'[[Enfer]] en bas, sous terre.
{{clr}}
== Personnages vus en plongée ==
[[Fichier:1634 Hals Malle Babbe anagoria.JPG|vignette|[[Portrait]] de [[Malle Babbe]] par [[Franz Hals]] (1634). La légère plongée atténue l'aspect inquiétant de la folle.]]
On représente normalement les personnages selon un [[angle de prise de vue|angle de vue]] approximativement horizontal. La plongée est un effet, employé avec une intention dramatique. On place le spectateur en position supérieure, ce qui inhibe son agressivité et rend, en général, le personnage inoffensif ou sympathique. Dans la peinture, jusqu'à la fin du {{s-|XIX}}, le tableau est une fenêtre verticale sur le monde, traversé par la ligne d'[[Horizon (physique)|horizon]] dont on n'admet pas l'absence. Les parties situées en dessous de cette ligne sont vues en plongée, d'autant plus qu'elles sont proches. Quand l'horizon se situe dans la partie haute du tableau, et que le sujet principal est en dessous, on estime que la vue est en plongée. [[Raffaello Sanzio|Raphaël]] a représenté des saintes sous un angle légèrement plongeant, accentué par leur attitude, tête baissée.


En photographie et au cinéma, la plongée montre le décolleté des femmes et évite la proéminence du nez de près, à la courte focale. Le [[selfie]], [[autoportrait]] à courte distance et courte focale, est le plus souvent pris en légère plongée. La position de vue supérieure, qu'on connaît lorsqu'on rend visite à une personne assise ou debout, peut aussi correspondre à un [[plan subjectif]] ou à une allusion [[érotisme|érotique]].
Au cinéma, le réalisateur peut utiliser la plongée pour un effet d'enfermement, d'étroitesse, de difficulté et d’infériorité du sujet. {{citation|David Cronenberg, avec [[La Mouche (film, 1986)|La Mouche]], a voulu faire une fable philosophique sur un nouveau [[L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde|Docteur Jekyll]]. Le générique se déroule sur un fond mouvant inidentifiable car il est flou. C’est un grouillement de points colorés, comme une ruche ou une fourmilière. À la fin du générique, le point se fait, le flou disparaît, nous sommes dans une galerie d’art vue en plan général et en plongée. Ce grouillement, ce sont les fourmis humaines qui se pressent pour un vernissage<ref>{{ouvrage |langue=fr |prénom1=Marie-France |nom1=Briselance |lien auteur1=Marie-France Briselance |prénom2=Jean-Claude |nom2=Morin |lien auteur2=Jean-Claude Morin |titre=Grammaire du cinéma |lieu=Paris |éditeur=Nouveau Monde |lien éditeur=Nouveau Monde (éditions) |année=2010 |pages totales=588 |isbn=978-2-84736-458-3 |passage=464 }}</ref>.}}
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Fichier:Rembrandt (Rembrandt van Rijn) - A Woman in Bed - Google Art Project.jpg|[[Rembrandt van Rijn|Rembrandt]], ''Femme dans son lit''.
Fichier:Marilyn Monroe and Jane Russell at Chinese Theater 2.jpg|[[Marilyn Monroe]] et [[Jane Russell]] (1953).
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Dans les codes du cinéma et de la photographie, la forte plongée est réputée diminuer le personnage, le rendre pitoyable. On présente classiquement le personnage en plongée, alors qu'il est en danger, pour accentuer son triomphe dans la suite de la séquence. Toutefois {{cita|un cinéma qui s'enfermerait [dans ce procédé de [[connotation]]] serait vite voué à la [[sclérose]]}}<ref>Yveline Baticle , « Le verbal, l'iconique et les signes », Communication et langages, 1977, Volume 33, Numéro 1, pp. 20-35 [http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1977_num_33_1_4372 en ligne]</ref>.


Les [[Grue (cinéma)|grues]] permettent d'élever la caméra pour une prise de vues en plongée ; à défaut, les machinistes installe un ou plusieurs [[Praticable (cinéma et télévision)|praticables]] où sont hissés aussi bien le cadreur que sa caméra.
Dans l'action, la plongée intensifie les mouvements ascendants, qui se dirigent alors vers le spectateur. Le filmage des fusées au décollage comporte presque toujours le plan en plongée durant lequel l'engin s'ébranle sort du champ. {{citation|Lorsque les Jets de [[West Side Story (film)|West Side Story]], réalisé par [[Robert Wise]], chorégraphié par [[Jerome Robbins]], sautent en l’air en direction du regard des spectateurs, la caméra est placée en plongée totale à 90°, cette prise de vue génère-t-elle une sensation d’abattement, de défaite, ou au contraire une impression de liberté, de fraternité et d’exaltation? Bien évidemment, cette plongée magnifie le groupe de danseurs. Ce plan, qui est l’un des plus beaux du film, et le plus étonnant, plaide contre la définition traditionnelle de la plongée qui est sensée écraser les personnages. Comme le prouvent aussi les naïades des chorégraphies de [[Busby Berkeley]], où le cinéaste [[Lloyd Bacon]], pour le film [[Prologue (film)|Prologue]], perche sa caméra tout en haut du studio et filme pratiquement à la verticale des évolutions aquatiques pleines de vie, de gaieté et de beauté, donnant une image démultipliée de la perfection. Une plongée sur les plongeons, quoi de plus naturel<ref>{{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=474 }}</ref>!}}


== Mouvements ==
[[File:LoumaCrane.jpg|400px|gauche|thumb|Caméra installée sur une grue Louma, en plongée à 90°]]
La [[vision humaine]] est plus sensible aux mouvements qu'aux formes<ref>{{Ouvrage|prénom1=Richard|nom1=Gregory|lien auteur1=Richard Gregory|titre=Eye and Brain|sous-titre=The psychology of seeing|éditeur=[[Princeton University Press]]|année=1997|numéro d'édition=5|isbn=}} Chapitre 6, « Voir le mouvement ».</ref>. Le déplacement dans l'image transforme complètement l'effet de la plongée. Au cinéma, dans l'action, la plongée intensifie les mouvements ascendants, qui se dirigent alors vers le spectateur. Le filmage des fusées au décollage comporte presque toujours le plan en plongée durant lequel l'engin s'ébranle sort du champ. La vue en plongée, mouvement ascendant vers le spectateur, se [[Raccord (cinéma)|raccorde]] à une vue en [[contre-plongée]] où le mouvement se poursuit, dans une variante oblique du raccord [[champ-contrechamp]]. Les mouvements descendants en forte plongée sont, réciproquement, des conclusions, à moins qu'ils ne raccordent sur une entrée de champ en contre-plongée, qui leur donne un aboutissement et une suite.
Le célèbre [[Chantons sous la pluie]] nous offre un très bel exemple de ces envolées miraculeuses. {{Citation|À la fin de la chanson « Beautiful girl », la caméra, installée sur une [[grue (cinéma)|grue]], exécute un [[travelling|travelling avant]] sur le chanteur entouré de danseuses, et passe au-dessus de lui, en plongée totale à 90°, la caméra s’élève dans les airs, les filles forment comme les pétales d’une fleur, tous regardent la caméra suspendue au-dessus de leur tête. De nos jours, ce mouvement serait filmé avec une [[Louma]], une grue qui n’a pas besoin d’embarquer l’opérateur et son assistant<ref>{{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=393 }}</ref>.}} La plongée peut ainsi stigmatiser un personnage, le rapetisser moralement, mais aussi au contraire souligner sa force et son dynamisme.


{{citation|Lorsque les Jets de [[West Side Story (film)|West Side Story]], réalisé par [[Robert Wise]] [...] sautent en l’air en direction du regard des spectateurs, la caméra est placée en plongée totale à 90° [...] cette plongée magnifie le groupe de danseurs. Ce plan, qui est l’un des plus beaux du film, et le plus étonnant, plaide contre la définition traditionnelle de la plongée qui est censée écraser les personnages. Comme le prouvent aussi les naïades des chorégraphies de [[Busby Berkeley]], où le cinéaste [[Lloyd Bacon]], pour le film [[Prologue (film)|Prologue]], perche sa caméra tout en haut du studio et filme pratiquement à la verticale des évolutions aquatiques pleines de vie, de gaieté et de beauté, donnant une image démultipliée de la perfection<ref>{{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=474}}</ref>.}}.
Les mouvements descendants en forte plongée sont, réciproquement, des conclusions, à moins qu'ils ne raccordent sur une entrée de champ en contre-plongée, qui leur donne un aboutissement et une suite.
== Références ==
{{références}}


== Articles connexes ==
== Plongée totale ==
[[File:OverPoolFootlightParade33Trailer.jpg|droite|thumb|''Footlight Parade'' (1933) de Busby Berkeley, plongée verticale sur des figures de natation synchronisée]]
{{Autres projets|commons=Category:High-angle shot|commons titre=Plongée|wiktionary=plongée|wiktionary titre=plongée}}
La plongée verticale ou plongée totale<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Vincent |nom1=Pinel |titre=Dictionnaire technique du cinéma |lieu=Paris |éditeur=[[Armand Colin]] |année=2012 |pages totales=369 |passage=229 |isbn=978-2-200-35130-4}}</ref> s'effectue avec un axe de prise de vues à peu près vertical.

Dans les années 1930, le chorégraphe [[Busby Berkeley]] filme des grands [[corps de ballet]]. On y voit de la plongée à 90° sur le plan d'eau et des [[natation synchronisée|nageuses synchronisées]]. Dans ''[[Chantons sous la pluie]]'', {{Citation|à la fin de la chanson {{citation étrangère|langue=en|Beautiful girl}}, la caméra, installée sur une [[grue (cinéma)|grue]], exécute un [[travelling|travelling avant]] sur le chanteur entouré de danseuses, et passe au-dessus de lui, en plongée totale à 90°, la caméra s’élève dans les airs, les filles forment comme les pétales d’une fleur, tous regardent la caméra suspendue au-dessus de leur tête<ref>{{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=393}}</ref>}}.

Au {{s-|XXI}} dans les prises de vues de compétitions sportives par équipes, une caméra suspendue au-dessus du terrain par des câbles, et mobile, dite [[caméra tyrolienne]], montre ainsi, vus comme sur une [[carte topographique]] le placement des joueurs sur le terrain.

La plongée verticale ou{{citation|vue d'oiseau<ref>{{citation étrangère|langue=en|bird's eye view}}, {{Chapitre|titre chapitre=Glossary of Film Terms |titre ouvrage=The New York Times Guide to Essential Knowledge|année=2011 |édition=3 |passage=214| lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=6pGauDNi-QUC&pg=PA214&lpg=PA214&dq=god+%22high+angle+shot%22&source=bl&ots=b5dHOHJ6hY&sig=FQ7fEia6PilueeSZHeTfo7ULyF4&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjrqcah_8HRAhXFyRoKHWpVAvoQ6AEITDAK#v=onepage&q=god%20%22high%20angle%20shot%22&f=false}}</ref>}}, montrant des personnes réduites à une tache sans individualité se désigne parfois comme {{citation|le point de vue de Dieu}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Blain|nom1=Brown|titre=Cinematography : Theory and Practice : Image Making for Cinematographers and Directors|lieu=New York, London|éditeur=Focal Press|année=2012|numéro d'édition=2|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=uyMYMbjheqgC&pg=PA64&dq=god+%22high+angle+shot%22}}.</ref>. Le critique Jorge Luengo Ruiz a noté que [[Martin Scorsese]] l'utilise abondamment<ref>{{Lien web|url= www.lesinrocks.com/inrocks.tv/god-watching-shot-peche-mignon-de-martin-scorsese/|titre= Le "God watching shot", le péché mignon de Martin Scorsese|auteur=Antoine Sgalogna|site= Les Inrocks|date= 09 janvier 2017}} rendant compte de {{lien web|langue=en |url=https://vimeo.com/193740044|auteur=Jorge Luengo Ruiz|titre=Martin Scorsese // God’s Point of View|date=décembre 2016}}.</ref>. Cet effet d'enfermement, de déshumanisation du groupe se trouve dans l'image de fond du générique du film ''[[La Mouche (film, 1986)|La Mouche]]'' de [[David Cronenberg]]. Il se déroule {{citation|sur un fond mouvant inidentifiable car il est flou. C’est un grouillement de points colorés, comme une ruche ou une fourmilière. À la fin du générique, le point se fait, le flou disparaît, nous sommes dans une galerie d’art vue en plan général et en plongée. Ce grouillement, ce sont les fourmis humaines qui se pressent pour un vernissage<ref>{{Grammaire du cinéma|passage=464}}</ref>.}}.

=== Dans les effets spéciaux ===

La plongée verticale a servi dès les débuts du cinéma pour permettre une séquence où l'action défie les lois de la pesanteur, le spectateur étant censé [[suspension volontaire de l'incrédulité|ignorer]] qu'on peut placer la caméra dans n'importe quelle position. [[Ferdinand Zecca]] tourne en [[1902 au cinéma|1902]] ''[[La Soubrette ingénieuse]]'', dans lequel une jeune servante, chargée d'accrocher des tableaux, a l'idée de grimper à quatre pattes le long des murs pour pendre les cadres. Le truquage est simple. La toile peinte représentant un mur du salon bourgeois, {{citation|est couchée à plat sur le sol du studio et la caméra est hissée au-dessus d'elle, filmant en direction du bas [...] La soubrette joue à genoux sur le décor. Elle peut ainsi faire mine de se mouvoir sur une paroi verticale<ref>{{harvsp|Briselance|Morin|2010|p=99 }}</ref>}}. Ce genre de truquage, repris en [[1907 au cinéma|1907]] par [[Segundo de Chomón]] pour ''[[Les Kiriki, acrobates japonais]]'', a été plusieurs fois utilisé depuis. Ici, un film non identifié, tourné en [[1914 au cinéma|1914]], où une sirène nage dans les profondeurs aquatiques.
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Image:Moving pictures - how they are made and worked (1914) (14768118622).jpg|Répétition de la comédienne sur une feuille de décor sous-marin posé à plat. On ne voit pas la caméra, perchée sous le toit.
Image:Moving pictures - how they are made and worked (1914) (14581975107).jpg|Photogrammes extraits du film montrant le résultat du trucage (la sirène nage !).
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== Annexes ==
{{autres projets
|commons=Category:High-angle shot
|commons titre=Plongée
|wiktionary=plongée
|wiktionary titre=plongée
}}
=== Articles connexes ===
* [[Glossaire du cinéma]]
* [[Angle de prise de vue]]
* [[Angle de prise de vue]]
* [[Contre-plongée]]
* [[Contre-plongée]]
* [[Glossaire du cinéma]]
* [[Grue (cinéma)]]
* [[Grue (cinéma)]]
* [[Louma]]
* [[Louma]]
* [[Photographie aérienne]]
* [[Photographie aérienne]]

== Notes et références ==
{{références}}


{{portail|photographie|cinéma|télévision}}
{{portail|photographie|cinéma|télévision}}


[[Catégorie:Prise de vue photographique]]
[[Catégorie:Prise de vue photographique]]
[[Catégorie:Terme de technique cinématographique]]
[[Catégorie:Terminologie cinématographique]]
[[Catégorie:Technique cinématographique]]
[[Catégorie:Figure de style]]
[[Catégorie:Analyse et esthétique du cinéma]]
[[Catégorie:Analyse et esthétique du cinéma]]

Dernière version du 28 juillet 2023 à 10:59

Le Keizersgracht d'Amsterdam vu en plongée.

La plongée, en cinéma (en anglais high-angle shot, prise de vue d'angle haut), est une représentation dont le point de vue est situé au-dessus du sujet. L'axe de la perspective n'est pas horizontal mais en pente descendante. La plongée verticale ou totale est la prise de vue directement au-dessus du sujet.

Vues d'ensemble[modifier | modifier le code]

Eisenstein, Cuirassé Potemkine : fermeture de l'espace par une plongée accentuée.

La peinture et la photographie ont adopté le terme du cinéma. Les premières « vues plongeantes » ou « cavalières » ou « à vol d'oiseau » appartiennent au domaine de la topographie[1] et, pour la photographie, à la photographie aérienne, dont Nadar fit en 1858 les premiers essais en ballon[2]. La plongée s'utilise fréquemment aux mêmes fins pour montrer, depuis une position élevée, la position des joueurs dans une rencontre sportive, celle des armées dans une bataille, la disposition des lieux dans un plan d'ensemble. Dès que la plongée est suffisamment accentuée pour que l'horizon sorte du cadre, la plongée enferme la vue dans un cadre d'autant plus étroit que l'angle est abrupt. Exagérée, elle raccourcit le sujet dans le sens de la hauteur avec un effet de tassement. Les personnages debout perdent la forme humaine. Les damnés dans les peintures du Jugement dernier sont quelquefois vus en plongée, puisqu'on se représente traditionnellement l'Enfer en bas, sous terre.

Personnages vus en plongée[modifier | modifier le code]

Portrait de Malle Babbe par Franz Hals (1634). La légère plongée atténue l'aspect inquiétant de la folle.

On représente normalement les personnages selon un angle de vue approximativement horizontal. La plongée est un effet, employé avec une intention dramatique. On place le spectateur en position supérieure, ce qui inhibe son agressivité et rend, en général, le personnage inoffensif ou sympathique. Dans la peinture, jusqu'à la fin du XIXe siècle, le tableau est une fenêtre verticale sur le monde, traversé par la ligne d'horizon dont on n'admet pas l'absence. Les parties situées en dessous de cette ligne sont vues en plongée, d'autant plus qu'elles sont proches. Quand l'horizon se situe dans la partie haute du tableau, et que le sujet principal est en dessous, on estime que la vue est en plongée. Raphaël a représenté des saintes sous un angle légèrement plongeant, accentué par leur attitude, tête baissée.

En photographie et au cinéma, la plongée montre le décolleté des femmes et évite la proéminence du nez de près, à la courte focale. Le selfie, autoportrait à courte distance et courte focale, est le plus souvent pris en légère plongée. La position de vue supérieure, qu'on connaît lorsqu'on rend visite à une personne assise ou debout, peut aussi correspondre à un plan subjectif ou à une allusion érotique.

Dans les codes du cinéma et de la photographie, la forte plongée est réputée diminuer le personnage, le rendre pitoyable. On présente classiquement le personnage en plongée, alors qu'il est en danger, pour accentuer son triomphe dans la suite de la séquence. Toutefois « un cinéma qui s'enfermerait [dans ce procédé de connotation] serait vite voué à la sclérose »[3].

Les grues permettent d'élever la caméra pour une prise de vues en plongée ; à défaut, les machinistes installe un ou plusieurs praticables où sont hissés aussi bien le cadreur que sa caméra.

Mouvements[modifier | modifier le code]

La vision humaine est plus sensible aux mouvements qu'aux formes[4]. Le déplacement dans l'image transforme complètement l'effet de la plongée. Au cinéma, dans l'action, la plongée intensifie les mouvements ascendants, qui se dirigent alors vers le spectateur. Le filmage des fusées au décollage comporte presque toujours le plan en plongée durant lequel l'engin s'ébranle sort du champ. La vue en plongée, mouvement ascendant vers le spectateur, se raccorde à une vue en contre-plongée où le mouvement se poursuit, dans une variante oblique du raccord champ-contrechamp. Les mouvements descendants en forte plongée sont, réciproquement, des conclusions, à moins qu'ils ne raccordent sur une entrée de champ en contre-plongée, qui leur donne un aboutissement et une suite.

« Lorsque les Jets de West Side Story, réalisé par Robert Wise [...] sautent en l’air en direction du regard des spectateurs, la caméra est placée en plongée totale à 90° [...] cette plongée magnifie le groupe de danseurs. Ce plan, qui est l’un des plus beaux du film, et le plus étonnant, plaide contre la définition traditionnelle de la plongée qui est censée écraser les personnages. Comme le prouvent aussi les naïades des chorégraphies de Busby Berkeley, où le cinéaste Lloyd Bacon, pour le film Prologue, perche sa caméra tout en haut du studio et filme pratiquement à la verticale des évolutions aquatiques pleines de vie, de gaieté et de beauté, donnant une image démultipliée de la perfection[5]. ».

Plongée totale[modifier | modifier le code]

Footlight Parade (1933) de Busby Berkeley, plongée verticale sur des figures de natation synchronisée

La plongée verticale ou plongée totale[6] s'effectue avec un axe de prise de vues à peu près vertical.

Dans les années 1930, le chorégraphe Busby Berkeley filme des grands corps de ballet. On y voit de la plongée à 90° sur le plan d'eau et des nageuses synchronisées. Dans Chantons sous la pluie, « à la fin de la chanson « Beautiful girl », la caméra, installée sur une grue, exécute un travelling avant sur le chanteur entouré de danseuses, et passe au-dessus de lui, en plongée totale à 90°, la caméra s’élève dans les airs, les filles forment comme les pétales d’une fleur, tous regardent la caméra suspendue au-dessus de leur tête[7] ».

Au XXIe siècle dans les prises de vues de compétitions sportives par équipes, une caméra suspendue au-dessus du terrain par des câbles, et mobile, dite caméra tyrolienne, montre ainsi, vus comme sur une carte topographique le placement des joueurs sur le terrain.

La plongée verticale ou« vue d'oiseau[8] », montrant des personnes réduites à une tache sans individualité se désigne parfois comme « le point de vue de Dieu »[9]. Le critique Jorge Luengo Ruiz a noté que Martin Scorsese l'utilise abondamment[10]. Cet effet d'enfermement, de déshumanisation du groupe se trouve dans l'image de fond du générique du film La Mouche de David Cronenberg. Il se déroule « sur un fond mouvant inidentifiable car il est flou. C’est un grouillement de points colorés, comme une ruche ou une fourmilière. À la fin du générique, le point se fait, le flou disparaît, nous sommes dans une galerie d’art vue en plan général et en plongée. Ce grouillement, ce sont les fourmis humaines qui se pressent pour un vernissage[11]. ».

Dans les effets spéciaux[modifier | modifier le code]

La plongée verticale a servi dès les débuts du cinéma pour permettre une séquence où l'action défie les lois de la pesanteur, le spectateur étant censé ignorer qu'on peut placer la caméra dans n'importe quelle position. Ferdinand Zecca tourne en 1902 La Soubrette ingénieuse, dans lequel une jeune servante, chargée d'accrocher des tableaux, a l'idée de grimper à quatre pattes le long des murs pour pendre les cadres. Le truquage est simple. La toile peinte représentant un mur du salon bourgeois, « est couchée à plat sur le sol du studio et la caméra est hissée au-dessus d'elle, filmant en direction du bas [...] La soubrette joue à genoux sur le décor. Elle peut ainsi faire mine de se mouvoir sur une paroi verticale[12] ». Ce genre de truquage, repris en 1907 par Segundo de Chomón pour Les Kiriki, acrobates japonais, a été plusieurs fois utilisé depuis. Ici, un film non identifié, tourné en 1914, où une sirène nage dans les profondeurs aquatiques.

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, , 1249 p. (ISBN 978-2-7577-0065-5), p. 71 ; exemples dans le Trésor de la langue française, « cavalier, adj. », « oiseau », « plongeant ». L'expression « perspective cavalière » a pris le sens technique d'une vue plongeante avec le point de vue reporté à l'infini, de sorte que les parallèles ne convergent pas.
  2. Nadar, Quand j'étais photographe, Paris, Actes Sud, coll. « Babel », (1re éd. 1900), p. 21-44.
  3. Yveline Baticle , « Le verbal, l'iconique et les signes », Communication et langages, 1977, Volume 33, Numéro 1, pp. 20-35 en ligne
  4. Richard Gregory, Eye and Brain : The psychology of seeing, Princeton University Press, , 5e éd. Chapitre 6, « Voir le mouvement ».
  5. Briselance et Morin 2010, p. 474
  6. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, Paris, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 229
  7. Briselance et Morin 2010, p. 393
  8. « bird's eye view », « Glossary of Film Terms », dans The New York Times Guide to Essential Knowledge, 3, (lire en ligne), p. 214
  9. (en) Blain Brown, Cinematography : Theory and Practice : Image Making for Cinematographers and Directors, New York, London, Focal Press, , 2e éd. (lire en ligne).
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  11. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, coll. « Cinéma », , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 464
  12. Briselance et Morin 2010, p. 99