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« Attila » : différence entre les versions

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| charte = monarque
| charte = monarque
| nom = Attila
| nom = Attila
| image = Pınarbaşı 18.JPG
| image = Eugene Ferdinand Victor Delacroix Attila fragment.jpg
| légende = ''Attila suivi de ses hordes barbares foule aux pieds l'Italie et les Arts'' (détail), [[vue d'artiste]] [[Peinture romantique|romantique]], [[Eugène Delacroix]], [[1847 en arts plastiques|1847]].
| légende = Buste d’Atilla a [[Kayseri]]
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| à partir du fonction1 = [[434]]
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'''Attila''', né vers 395<ref group="Note">La date de naissance d'Attila n'est pas documentée ; voir diverses hypothèses dans la section [[#Enfance mal connue dans un empire jeune|Enfance mal connue dans un empire jeune]].</ref> dans les plaines du [[Danube]] et mort en {{Date||mars|453}} dans la région de la [[Tisza]] (actuelle [[Hongrie]]), fréquemment appelé '''Attila le Hun''', roi des [[Huns]] de 434 à sa mort, est le chef d'un [[Empire hunnique|empire]] composé de [[Huns]], mais aussi, entre autres, d'[[Ostrogoths]] et d'[[Alains]], formé sur le territoire de l'[[Europe centrale]] et [[Europe de l'Est|orientale]]. Durant son règne, c'est un des ennemis les plus redoutés des [[Empire romain|Romains]] de l'[[Empire byzantin|Empire d'Orient]] puis de l'[[Empire romain d'Occident|Empire d'Occident]], à une époque où les Romains<ref>En 212, tous les hommes libres de l'empire romain sont devenus citoyens romains. Leurs descendants du {{s-|V}} sont donc citoyens romains.</ref> sont confrontés à de nombreux autres peuples « [[Barbare|barbares]] » ([[Wisigoths]] du [[royaume de Toulouse]], [[Royaume des Burgondes|Burgondes]] de [[Sapaudie]], [[Suèves]] d'[[Hispanie]] et [[Vandales]] d'[[Afrique romaine|Afrique]], notamment).
'''Attila''', né aux alentours de 395<ref group="Note">La date de naissance d'Attila n'est pas connue ; diverses hypothèses sont discutées dans la section [[#Enfance mal connue dans un empire jeune|Enfance mal connue dans un empire jeune]].</ref> dans les plaines du [[Danube]] et mort en {{Date||mars|453}} dans la région de la [[Tisza]] dans l'Est de la [[Hongrie]] actuelle, fréquemment appelé '''Attila le Hun''', est le souverain des [[Huns]] de 434 jusqu'à sa mort en mars 453. Il est aussi l'empereur d'un [[Empire hunnique|empire]] composé de [[Huns]], d'[[Ostrogoths]] et d'[[Alains]] entre autres, sur le territoire de l'[[Europe centrale]] et [[Europe de l'Est|orientale]].


Après une vaine tentative pour conquérir la [[Sassanides|Perse sassanide]] dans les années 430, Attila se tourne vers l'Europe orientale, traverse le Danube à deux reprises, pille les [[Balkans]], détruit la ville de [[Naissus]] en 441, mais ne parvient pas à prendre [[Constantinople]], capitale de l'Empire d'Orient, il obtient tout de même le versement d'une rançon.
Pendant son règne, il est l'un des ennemis les plus redoutés des [[Empire romain|empires romains]] [[Empire romain d'Occident|occidental]] et [[Empire byzantin|oriental]]. Après une tentative infructueuse pour conquérir la [[Sassanides|Perse]], il se tourne vers l'Europe, traverse le Danube par deux fois, pille les [[Balkans]], détruit la ville de [[Naissus]] (Niš) et massacre sa population en 441. Mais il ne peut prendre [[Constantinople]], dont il obtient cependant rançon. Il tente ensuite de conquérir la [[Gaule romaine]], franchit le Rhin en 451 et marche jusqu'à [[Cenabum|Aurelianum]] ([[Orléans]]), pillant au passage [[Metz]] et [[Reims]] ainsi que la région de [[Verdun]], avant d'être vaincu à la [[Bataille des champs Catalauniques (451)|bataille des champs Catalauniques]], près de [[Châlons-en-Champagne]].


Il franchit ensuite les [[Alpes]], entre en [[Italie]], dévastant une partie de la [[plaine du Pô]], dont la ville d'[[Aquilée]], mais doit rebrousser chemin, certainement à la suite du déclenchement d'une épidémie qui ravage ses troupes. Il projette cependant de nouvelles campagnes contre les Romains quand il meurt en mars 453. Après sa mort, son proche conseiller [[Ardaric]] des [[Gépides]] mène une révolte germanique contre la domination des Huns, et l'Empire hunnique [[Bataille de la Nedao|s'effondre rapidement]].
En 451, il attaque la [[Gaule romaine|Gaule]], s'empare de [[Metz]] et de [[Reims]], puis met le siège devant [[Cenabum|Orléans]]. Il est contraint de lever ce siège face à une coalition conduite par le général romain [[Flavius Aetius|Aetius]], au service de l'empereur d'Occident [[Valentinien III]], coalition incluant notamment les [[Wisigoths]] du [[Royaume wisigoth|royaume de Toulouse]]. Vaincue un peu plus tard aux [[Bataille des champs Catalauniques (451)|champs Catalauniques]] (dans la région de [[Châlons-en-Champagne|Châlons]]), l'armée d'Attila parvient cependant à quitter la Gaule.


La culture hunnique et la personnalité d'Attila ont fasciné ses contemporains. L'[[historiographie]] chrétienne a une vision négative du personnage, mais d'autres traditions, scandinaves et germaniques, l'ont érigé en figure positive. Ces mythes divergents se retrouvent dans les nombreuses représentations artistiques d'Attila, de l'Antiquité à nos jours. Les [[Magyars|Hongrois]] le célèbrent comme un héros fondateur.
En 452, il attaque l'[[Italie]] par le nord, dévastant une partie de la [[plaine du Pô]], notamment la ville d'[[Aquilée]]. Mais, arrivé à proximité de [[Ravenne]], résidence de l'empereur, il se retire sans combat, sans doute en raison d'une épidémie touchant ses troupes.


== Biographie ==
Il meurt en mars 453 de façon inattendue, alors qu'il projette de nouvelles campagnes. Un de ses proches conseillers, le [[Gépides|Gépide]] [[Ardaric]], dirige alors une révolte des Germains contre la domination des Huns et l'Empire hunnique s'effondre rapidement ([[bataille de la Nedao]], 454).
=== Sources écrites et archéologie ===
L'historiographie d'Attila se heurte à une difficulté majeure : elle ne dispose que de sources écrites en [[grec ancien|grec]] et en [[latin]] par les ennemis des [[Huns]]. Ses contemporains laissent de nombreux témoignages à son sujet, mais il n'en reste que des fragments<ref name="Escher25">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=25}}.</ref>.


[[Priscus (historien)|Priscus]] est un diplomate et historien de langue grecque. Plus qu'un témoin, c'est un acteur de l'époque d'Attila. Il est membre de l'ambassade de l'empereur romain {{monarque|Théodose|II}} à la cour du souverain hunnique en 449. Il est l'auteur de huit livres d'une ''Histoire'' couvrant une période allant de 434 à 452 et dont il ne reste aujourd'hui que des fragments<ref name="Rouche413">{{harvsp|Rouche|2009|p=413}}.</ref>. En outre, [[Jordanès]] et [[Procope de Césarée]], historiens du {{s-|VI|e}}, le citent dans leurs œuvres. Bien que Priscus soit évidemment partial de par ses fonctions, son témoignage est une source primaire majeure et il est le seul à avoir donné une description physique d'Attila.
La culture hunnique et la personnalité d'Attila ont fasciné ses contemporains. L'[[historiographie]] romaine, qui est alors chrétienne, donne une vision très négative du personnage (conservée par exemple dans la tradition scolaire en France), mais d'autres cultures (scandinaves, germaniques), en font une figure positive. Les [[Magyars|Hongrois]] le célèbrent même comme un héros fondateur.


Jordanès est un historien [[Goths|goth]] ou [[Alains|alain]] de langue latine du {{s-|VI|e}}. Il laisse un ouvrage, ''[[Histoire des Goths]]'', qui constitue l'autre grande source concernant l'[[Empire hunnique]] et ses voisins. Sa vision reflète celle de son peuple et de la postérité d'Attila un siècle après sa mort. [[Marcellinus Comes]], chancelier de [[Justinien]] à la même époque, est une source précieuse concernant les relations des Huns avec l'[[Empire byzantin|Empire romain d'Orient]]<ref name="Escher30">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=30}}.</ref>.
== Sources concernant Attila ==
En ce qui concerne les sources écrites, on ne dispose que de textes en [[grec ancien|grec]] et en [[latin]], donc écrits par des adversaires des [[Huns]]<ref>Les [[Goths]] disposaient d'une langue écrite depuis l'époque de l'évêque [[Wulfila]] (vers 305-383), qui a traduit la [[Bible de Wulfila|Bible]] en [[gotique]]. Leurs éventuels textes historiques n'ont pas été conservés.</ref>.


De nombreuses sources ecclésiastiques contiennent des informations utiles bien qu'éparses, parfois difficiles à authentifier et déformées par le temps et les [[Copiste|moines copistes]] du {{s-|VI|e}} au {{s-|XVII|e}}. Les chroniqueurs hongrois du {{s-|XII|e}}, considérant les Huns comme des ancêtres glorieux, reprennent des éléments historiques et les ajoutent à leurs légendes<ref name="Escher32">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=32}}.</ref>.
=== Écrits d'auteurs contemporains d'Attila ===
Ses contemporains laissent de nombreux témoignages à son sujet, mais il n'en reste que des fragments<ref name="Escher25">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=25}}.</ref>.


La littérature et la transmission du savoir des Huns étaient uniquement [[Tradition orale|orales]], à travers les épopées et les poèmes chantés qui se transmettaient de génération en génération<ref name="Rouche354">{{harvsp|Rouche|2009|p=354}}.</ref>. Très indirectement, cette [[histoire orale]] nous est transmise par les [[Littérature nordique|littératures nordiques]] et [[Littérature de langue allemande|germaniques]] des peuples voisins couchées par écrit entre le {{s-|IX|e}} et le {{s-|XIII|e}}. Attila est le personnage central de nombreuses épopées médiévales comme la ''[[Chanson des Nibelungen]]'', qui est l'une des plus connues, ou encore ''d'[[Eddas]]'' et de [[saga]]s<ref name="Escher32"/>{{,}}<ref name="Rouche354"/>.
Le principal auteur de l'époque d'Attila est [[Priscus (historien)|Priscus]], diplomate et acteur des relations de l'Empire d'Orient avec Attila. Il fait en effet partie de l'ambassade de l'empereur {{monarque|Théodose|II}} envoyée à Attila en 449. Il est l'auteur d'une ''Histoire'' de langue grecque en huit livres couvrant la période de 434 à 452, dont il ne reste aujourd'hui que des fragments<ref name="Rouche413">{{harvsp|Rouche|2009|p=413}}.</ref>. On a cependant des citations de Priscus chez [[Jordanès]] et [[Procope de Césarée]], historiens du {{s-|VI|e}}. Bien que Priscus {{refnec|soit évidemment partial}} du fait de ses fonctions, son témoignage est une source majeure ; il est notamment le seul auteur à donner une description physique d'Attila.


L'[[archéologie]] fournit des détails sur le mode de vie, l'art et les techniques guerrières des Huns. Il reste quelques traces de batailles ou de sièges mais aujourd'hui encore la tombe d'Attila et l'emplacement de sa capitale n'ont toujours pas été localisés<ref name="Escher33-37">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=33-37}}.</ref>.
=== Auteurs du {{s-|VI}} ===
Jordanès est un historien germain ([[Goths|goth]] ou [[Alains|alain]]) de langue latine du {{s-|VI|e}}. Son ''[[Histoire des Goths]]'' constitue la deuxième source importante concernant l'[[Empire hunnique]] et ses voisins. {{pas clair|Sa vision reflète celle de son peuple et de la postérité d'Attila un siècle après sa mort}}.


=== Origines ethniques et familiales ===
[[Procope de Césarée]] (vers 500-vers 565), général au service de l'empereur d'Orient [[Justinien]] (de 527 à 565), est l'auteur d'un ouvrage intitulé ''Les Guerres de Justinien''.
==== Origines d'un nom ====
Le nom sous lequel Attila est connu aujourd'hui vient des Germains, qui l'ont transmis aux Romains qui l'ont à leur tour transcrit en grec et en latin. Dans sa propre langue, le hunnique, son nom devait être proche phonétiquement mais probablement avec un sens différent<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Otto J.|nom1=Maenchen-Helfen|lien auteur1=Otto John Maenchen-Helfen|titre=The World of the Huns|sous-titre=Studies in Their History and Culture|éditeur=[[University of California Press]]|année=1973|pages totales=602|passage=chapitre 9.4|isbn=978-0-520-01596-8|lire en ligne=http://www.kroraina.com/huns/mh/mh_4.html|consulté le=18 décembre 2012}}.</ref>. Attila est un diminutif du [[gotique]] {{langue|got-Goth|𐌰𐍄𐍄𐌰}} / ''atta'' signifiant {{citation|père}}<ref name="Escher57">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=57}}.</ref>. Pour les Goths, voisins, vassaux ou esclaves des Huns, Attila est donc le {{citation|Petit père}}. Ils reproduisent ainsi dans leur propre langue un son qui a une autre signification en hunnique. Celle-ci ne peut faire l'objet que d'hypothèses à partir de [[Langues turciques|racines turques]], comme ''at'', {{citation|cheval}}, et son dérivé ''atliğ'', {{citation|cavalier}}, ou ''at-'', {{citation|flèche}}, qui donne le dérivé ''atliğ'', {{citation|illustre}}<ref name="Escher59">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=59}}.</ref>.


==== Enfance mal connue dans un empire jeune ====
[[Marcellinus Comes]], chancelier de Justinien, est l'auteur d'une chronique allant de 379 à 534, source précieuse sur les relations des Huns avec l'[[Empire byzantin|Empire romain d'Orient]]<ref name="Escher30">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=30}}.</ref>.

=== Écrits du Moyen Âge ===
De nombreuses sources ecclésiastiques contiennent des informations éparses, parfois difficiles à authentifier et déformées par les [[Copiste|copistes]], du {{s-|VI|e}} au {{s-|XVII|e}}.

Les chroniqueurs hongrois du {{s-|XII|e}}, considérant les Huns comme des ancêtres glorieux, reprennent des éléments historiques et les ajoutent à leurs légendes<ref name="Escher32">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=32}}.</ref>.

=== Tradition orale hunnique ===
La littérature et la transmission du savoir des Huns étaient uniquement [[Tradition orale|orales]], à travers les épopées et les poèmes chantés transmis de génération en génération<ref name="Rouche354">{{harvsp|Rouche|2009|p=354}}.</ref>.

Cette [[histoire orale]] nous a été transmise indirectement par les littératures [[Littérature nordique|nordiques]] et [[Littérature de langue allemande|germaniques]], mises par écrit entre le {{s-|IX|e}} et le {{s-|XIII|e}}. Attila est le personnage central de plusieurs épopées germaniques, dont la plus connue est la ''[[Chanson des Nibelungen]]'', ou scandinaves ([[Eddas]] et [[saga]]s)<ref name="Escher32"/>{{,}}<ref name="Rouche354"/>.

=== Archéologie ===
L'[[archéologie]] fournit des détails sur le mode de vie, l'art et les techniques guerrières des Huns.

Il reste quelques traces de batailles ou de sièges, mais ni la tombe d'Attila, ni l'emplacement de sa capitale n'ont pu être localisés à ce jour<ref name="Escher33-37">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=33-37}}.</ref>.

== Le nom d'Attila ==
Le nom sous lequel le roi des Huns de 434 à 453 est connu aujourd'hui vient des Germains, qui l'ont transmis aux Romains, de langue latine (''Attila''<ref>Entrée « Attila » dans le [[Dictionnaire illustré latin-français|Gaffiot]].</ref>) ou de langue grecque.

En [[gotique]], « Attila » est dérivé au mot ''atta'' ({{langue|got-Goth|𐌰𐍄𐍄𐌰}}), qui signifie {{citation|père}}<ref name="Escher57">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=57}}.</ref> : pour les Goths, Attila est donc le {{citation|Petit père}}.

Dans sa propre langue, le [[hunnique]], son nom devait être proche phonétiquement, probablement avec un sens différent<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Otto J.|nom1=Maenchen-Helfen|lien auteur1=Otto John Maenchen-Helfen|titre=The World of the Huns|sous-titre=Studies in Their History and Culture|éditeur=[[University of California Press]]|année=1973|pages totales=602|passage=chapitre 9.4|isbn=978-0-520-01596-8|lire en ligne=http://www.kroraina.com/huns/mh/mh_4.html|consulté le=18 décembre 2012}}.</ref> qui n'est pas connu avec certitude.

Ce sens originel ne peut faire l'objet que d'hypothèses à partir de racines [[Langues turciques|turciques]] !
*''at'', {{citation|cheval}}, et son dérivé ''atliğ'', {{citation|cavalier}},
*''at-'', {{citation|flèche}}, qui donne le dérivé ''atliğ'', {{citation|illustre}}<ref name="Escher59">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=59}}.</ref>.

== Contexte : les Huns dans l'Europe de l'Antiquité tardive ==
[[Fichier:450 roman-hunnic-empire-fr.svg|vignette|redresse=1.5|Le monde méditerranéen en 450.]]
[[Fichier:450 roman-hunnic-empire-fr.svg|vignette|redresse=1.5|Le monde méditerranéen en 450.]]
La date de naissance d'Attila n'est pas connue. Le journaliste et romancier Éric Deschodt et l'écrivain Hermann Schreiber avancent la date de 395<ref>{{Ouvrage|prénom1=Éric|nom1=Deschodt|titre=Attila|éditeur=[[Folio (Gallimard)|Folio]]|année=2006|pages totales=286|passage=24|isbn=978-2-07-030903-0}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Hermann|nom1=Schreiber|titre=Die Hunnen|sous-titre=Attila probt den Weltuntergang|éditeur=Econ Verlag|année=1976|passage=314|isbn=978-3-89350-714-6|isbn10=3893507140}}.</ref>, mais l'historien [[Iaroslav Lebedynsky]] et l'archéologue Katalin Escher s'accordent pour qualifier cette hypothèse {{citation|de pure fantaisie}} et préfèrent l'estimer entre la dernière décennie du {{s-|IV|e}} et la première du {{s-|V|e}}<ref name="Escher40">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=40}}.</ref>.


Il est le fils de [[Moundzouk]]<ref name="XXXV">[[Jordanès]], XXXV.</ref>. Ce dernier est le frère des rois [[Octar]] et [[Ruga]], qui ont régné conjointement sur les Huns. La [[diarchie]] est récurrente chez ce peuple sans que les historiens sachent si c'était coutumier, institutionnel ou occasionnel<ref name="Escher80">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=80}}.</ref>. Sa famille est donc de lignage noble mais les historiens ne savent pas si elle constitue une [[dynastie]] royale. Même s'ils sont en voie de [[sédentarisation]] depuis leur arrivée en Europe, les Huns forment une société de {{citation|pasteurs guerriers}}<ref name="Rouche259">{{harvsp|Rouche|2009|p=259}}.</ref> se nourrissant essentiellement de viande et de lait, produits de leurs élevages de bétail et de chevaux. Attila reçoit donc une éducation de [[cavalerie|cavalier]] et d'[[archer]]<ref name="Bona30">{{harvsp|Bóna|2002|p=30}}.</ref>. Comme d'autres enfants de son peuple, sa tête est très tôt enserrée par des bandages de façon à obtenir une [[déformation volontaire du crâne]], pratique esthétique ou spirituelle<ref name="Bona26">{{harvsp|Bóna|2002|p=26}}.</ref>{{,}}<ref name="Escher62">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=62}}.</ref>. Il parle sa langue maternelle, le hunnique, apparenté à une [[Langues turciques|langue turque]], mais comme il fait partie de la classe dirigeante, il apprend aussi le [[gotique|langage des Goths]]<ref name="Bona26"/>.
=== Situation de l'Empire romain : Empire d'Orient et Empire d'Occident ===
Depuis le règne de [[Dioclétien]] (de 284 à 305), l'[[empire romain]] est [[Division de l'Empire romain|divisé en deux parties]], avec chacune un empereur titré [[Auguste (titre)|Auguste]] et en général un empereur adjoint titré [[César (titre)|César]], même si à l'occasion un seul empereur Auguste règne sur les deux parties (sous [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin]], de 324 à 337 ; sous [[Constance II]], de 353 à 355 ; sous [[Théodose Ier|Théodose le Grand]] de 393 à 395).


Il grandit dans un monde en mutation dans lequel les Huns, son peuple, sont des nomades installés depuis peu en Europe<ref name="Bona15">{{harvsp|Bóna|2002|p=15}}.</ref>. Après avoir traversé la [[Volga]] dans les années 370 et annexé le territoire des [[Alains]], ils s'attaquent aux [[royaumes goths]] jusqu'aux [[Carpates]] et aux rives du [[Danube]]. Ils sont très mobiles, leurs [[Archerie montée|archers à cheval]] ont acquis une réputation d'invincibilité et les peuples germaniques semblent impuissants face à ces nouvelles tactiques<ref name="Rouche133">{{harvsp|Rouche|2009|p=133-151}}.</ref>. De vastes mouvements de population perturbent le monde romain installé à l'ouest et au sud et dont les frontières sont délimitées par le [[Rhin]] et le Danube. En 376, les Goths passent le Danube, se soumettent aux taxes romaines dans un premier temps, puis se rebellent contre l'empereur [[Valens]] qu'ils tuent lors de la [[Bataille d'Andrinople (378)|bataille d'Andrinople]] en 378<ref name="Rouche100">{{harvsp|Rouche|2009|p=100}}.</ref>. Le 31 décembre 406, pour fuir les Huns, les [[Vandales]], des Alains, des [[Suèves]] et des [[Burgondes]] franchissent le Rhin gelé et pénètrent en Gaule romaine<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=233}}.</ref>. En 418, les [[Wisigoths]] obtiennent un territoire en [[Aquitaine seconde]] avec un statut théorique de {{citation|[[Peuple fédéré|fédérés]]}} romains mais restent, dans les faits, insoumis voire hostiles. En 429, les [[Vandales]] fondent un [[Royaume vandale|royaume indépendant]] en Afrique du Nord. Pour mieux faire face à ces invasions, l'Empire romain est géré depuis 395 par deux gouvernements administratifs et militaires distincts, l'un à [[Ravenne]] dirige l'Ouest, l'autre à [[Constantinople]] s'occupe de l'Est. Du vivant d'Attila, malgré quelques querelles de pouvoir, l'Empire romain reste uni et dirigé par la même famille, les [[Dynastie théodosienne|Théodosiens]]<ref name="Lebedynsky13">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=13}}.</ref>.
À partir de 395, année de la mort de Théodose, qui attribue l'Orient à son fils aîné [[Arcadius (empereur romain)|Arcadius]] et l'Occident à son fils [[Flavius Honorius|Honorius]], les deux parties de l'empire sont gouvernées séparément. L'Empire d'Orient a pour capitale [[Constantinople]], la [[deuxième Rome]]. Dans l'Empire d'Occident, l'empereur, la cour et les organes de gouvernement ne résident plus à [[Rome]], mais à [[Mediolanum|Milan]] (depuis la fin du {{s-|III}}), puis à [[Ravenne]] (à partir de 402).


Les Huns dominent un vaste territoire aux frontières floues déterminées par l'assujettissement d'une constellation de peuples plus ou moins autonomes. Certains sont assimilés, beaucoup conservent leurs rois, d'autres sont [[tribut]]aires ou reconnaissent la suzeraineté théorique du roi des Huns mais restent indépendants<ref name="Lebedynsky10">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=11}}.</ref>. Bien que les Huns soient indirectement la source des problèmes des Romains, les rapports entre les deux empires sont cordiaux : les seconds utilisent les premiers comme [[mercenaire]]s contre les [[Germains]] et même dans leurs guerres civiles. Ainsi, l'usurpateur romain [[Jean (usurpateur)|Jean]] en recrute des milliers en 425<ref group="Note">C'est [[Flavius Aetius|Ætius]], qui joue plus tard un rôle majeur, qui est chargé de cette opération.</ref>. Ils échangent des [[ambassade]]s et des otages (comme Ætius qui devient ami du jeune Attila aux alentours de 411-414). Cette alliance dure de 401 à 450 et permet aux Romains de remporter de nombreux succès militaires<ref name="Rouche111">{{harvsp|Rouche|2009|p=111}}.</ref>. Les Huns considèrent que les Romains leur versent des tributs tandis que ceux-ci préfèrent considérer qu'ils leur octroient des subsides contre des services rendus. Lorsque Attila devient adulte sous le règne de son oncle Ruga, les Huns sont devenus une grande puissance au point que l'ancien patriarche de Constantinople [[Nestorius]] en vient à déplorer la situation par ces termes : {{citation|Ils sont devenus les maîtres et les Romains les esclaves}}<ref name="Rouche128">{{harvsp|Rouche|2009|p=128}}.</ref>.
Jusqu'en 450, règnent deux descendants de [[dynastie théodosienne|Théodose]]<ref name="Lebedynsky13">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=13}}.</ref> : à Constantinople, [[Théodose II]], fils d'Arcadius (de 408 à 450) ; à Ravenne, [[Valentinien III]] (de 425 à 455), petit-fils de Théodose le Grand par sa mère. À Théodose II succède [[Marcien]], choisi par la sœur du défunt, [[Pulchérie]], régente de l'empire d'Orient.


==== Succession trouble ====
=== Conséquences de l'arrivée des Huns en Europe (à partir de 370) ===
En 434, [[Ruga]] meurt et ses neveux [[Bleda]] et Attila deviennent rois. La succession n'est peut-être pas évidente car des Huns s'enfuient à Constantinople, dont deux membres de la famille royale Mamas et Atakam, peut-être d'autres neveux ou même les fils de Ruga<ref name="Rouche128"/>. L'historien hongrois contemporain [[István Bóna]] estime probable que le père de Bleda et d'Attila, Moundzouk, a régné avant Ruga<ref name="Bona38">{{harvsp|Bóna|2002|p=38}}.</ref> mais aucune source ne l'atteste<ref name="Escher40"/>.
Les Huns sont des nomades arrivés en Europe<ref name="Bona15">{{harvsp|Bóna|2002|p=15}}.</ref> à la fin du {{s-|IV}}. Ils traversent la [[Volga]] dans les années 370 et conquièrent le territoire des [[Alains]], puis s'attaquent aux [[royaumes goths]] jusqu'aux [[Carpates]] et aux rives du [[Danube]]. Ils sont très mobiles, leurs [[Archerie montée|archers à cheval]] apparaissent comme invincibles et les peuples germaniques comme impuissants face à ces nouvelles tactiques<ref name="Rouche133">{{harvsp|Rouche|2009|p=133-151}}.</ref>.


De 435 à 440, le règne de Bleda est marqué par le triomphe des Huns face à l'[[Empire byzantin|Empire romain d'Orient]]. Ce triomphe est avant tout diplomatique. Le [[traité de Margus]], ville située non loin du ''[[limes]]'', prévoit un doublement du tribut annuel versé par Constantinople, soit 700 [[Unités de mesure de la Rome antique|livres d'or]]<ref group="Note">Environ {{nobr|227 kilogrammes}}.</ref>, la promesse de ne plus accueillir d'opposants en exil, de ne pas chercher à retourner les alliés des Huns contre eux et l'ouverture d'un marché frontalier<ref name="Escher115">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=115}}.</ref>. Durant cette période, les Huns étendent leur empire jusqu'aux [[Alpes]], au [[Rhin]] et à la [[Vistule]]<ref name="Bóna">{{Ouvrage|prénom1=István|nom1=Bóna|lien auteur1=István Bóna|titre=Les Huns|sous-titre=le grand empire barbare d'Europe ({{sp-|IV|-|V|s}})|éditeur=Errance|année=2002|pages totales=239|isbn=978-2-87772-223-0|présentation en ligne={{Google Livres|y7dmAAAAMAAJ|page=39|surligne=Vistule}}}}.</ref>.
Leur irruption provoque de grands mouvements de population des peuples germaniques vivant au nord du Danube et à l'est du Rhin, frontières de l'empire romain. En 376, des [[Goths]] (les [[Wisigoths]]) traversent le Danube, se soumettant d'abord aux autorités romaines, puis se rebellant contre l'empereur d'Orient [[Valens]] qu'ils battent lors de la [[Bataille d'Andrinople (378)|bataille d'Andrinople]] en 378<ref name="Rouche100">{{harvsp|Rouche|2009|p=100}}.</ref>, commençant un périple qui va les mener à [[Rome]] ([[Sac de Rome (410)|mise à sac]] en 410), puis dans le sud de la [[Gaule romaine|Gaule]], où ils fondent le [[Royaume wisigoth|royaume de Toulouse]] en 418, avec le statut de [[peuple fédéré]], tout en prenant le contrôle des provinces romaines au sud de la Loire.


Pourtant, dès 440, lors de l'invasion de l'[[Royaume d'Arménie|Arménie romaine]] par les [[Sassanides|Perses sassanides]], qui détourne momentanément l'attention de Constantinople des Huns, Bleda attaque l'Empire romain d'Orient. À ce moment, Attila, ayant entamé de son côté des pourparlers avec un représentant de Constantinople, n'aide son frère qu'en dernier recours au moment du {{Lien|langue=en|trad=Siege of Sirmium|fr=siège de Sirmium}}, en 441. Il ne le fait sans doute que pour éviter d'être lésé sur le partage du butin. La politique séparée d'Attila, lors de la guerre de 441-442, s'explique peut-être aussi par sa volonté de négocier avec les Romains la remise des princes héritiers hunniques réfugiés dans l'Empire à la mort de Ruga et qui auraient pu prétendre à la succession en cas de décès de son frère<ref name="Bona40">{{harvsp|Bóna|2002|p=40}}.</ref>.
Plusieurs invasions ont lieu en Occident à la fin de décembre 406, lorsque les [[Vandales]], les [[Suèves]] et les [[Burgondes]] franchissent le Rhin gelé et pénètrent à leur tour en Gaule<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=233}}.</ref>. Les [[Royaume suève|Suèves]] et les Vandales prennent le contrôle d'une partie de l'[[Hispanie]]. En 429, les [[Vandales]], passant en [[Afrique romaine|Afrique]], y fondent un [[Royaume vandale|royaume indépendant]] et s'emparent même de [[Carthage]] en 439. Les Burgondes restés d'abord près du Rhin, autour de [[Worms (Allemagne)|Worms]], descendent vers le sud dans les années 430 et créent un [[Royaume des Burgondes|royaume]] autour de [[Genève]] et de [[Lyon]]. Les [[Francs saliens|Francs]] s'installent comme fédérés dans le nord de la Gaule autour de la ville de [[Tournai]].


==== Attila, seul roi des Huns ====
Les Huns dominent un vaste territoire sans frontière au sens strict, fondé sur l'assujettissement d'une constellation de peuples plus ou moins autonomes. Certains sont assimilés, beaucoup conservent leurs rois, d'autres sont [[tribut]]aires ou reconnaissent la suzeraineté théorique du roi des Huns mais restent indépendants<ref name="Lebedynsky10">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=11}}.</ref>.
[[Fichier:Huns empire.png|vignette|upright=1.5|Aire dominée par les [[Huns]] vers 450.]]


Entre la fin 444 et le début 445, Attila attire Bleda dans un piège et l'assassine, sans que l'on sache de quelle façon, l'événement étant signalé par ses contemporains, mais non commenté<ref name="Bona42">{{harvsp|Bóna|2002|p=42}}.</ref>. Le roi des [[Skires]], [[Edecon]], et le roi des [[Gépides]], [[Ardaric]], participent avec leurs forces auxiliaires à la prise de pouvoir. Attila a aussi à la cour le soutien des partisans de la guerre comme les deux frères [[Onégèse]] et Scottas, des [[barbare]]s [[Hellénisme|hellénisés]] de la [[Pont (région)|région du Pont]] ou encore Elsa, le lieutenant de [[Ruga]], et Eskam, grand propriétaire dans les plaines méridionales. Parmi les ralliés, il y a aussi des Romains, comme le [[Pannonie]]n [[Constantiolus]] et l'affranchi de [[Mésie]] Primus Rusticus, qui se partagent le secrétariat d'Attila. Un certain Berichus, d'origine inconnue, Aïbars, l'oncle d'Attila, et Laudarik, certainement roi d'un peuple germanique allié, sont placés aux plus hauts rangs. Le reste des fidèles de Bleda périt en fuyant, comme un dignitaire qui enterre à Szikánes un trésor de {{unité|1440|pièces d’or}}<ref group="Note">Vingt livres romaines.</ref> provenant sans doute du traité de 443<ref name="Bona43">{{harvsp|Bóna|2002|p=43}}.</ref>.
=== Alliance entre Huns et Romains (première moitié du {{s-|V}}) ===
Les relations diplomatiques entre les Huns et l'Empire romain sont cordiales. Les Romains recrutent des [[mercenaire]]s hunniques pour lutter contre les [[Germains]], voire dans leurs guerres civiles dues aux tentatives d'usurpations. Ainsi, l'usurpateur romain [[Jean (usurpateur)|Jean]] (de 423 à 425) en recrute des milliers en 425<ref group="Note">C'est [[Flavius Aetius|Ætius]], qui joue plus tard un rôle majeur, qui est chargé de cette opération.</ref>.

Ils échangent des [[ambassade]]s et des otages. C'est ainsi que le Romain [[Flavius Aetius|Ætius]], otage vers 411-414, devient l'ami du jeune Attila. Cette situation d'alliance dure jusqu'aux années 440 et permet aux Romains de remporter {{lesquels|de nombreux succès militaires}}<ref name="Rouche111">{{harvsp|Rouche|2009|p=111}}.</ref>. Habituellement les Romains versent aux Huns des sommes qu'ils considèrent comme des subsides à des alliés, tandis que les Huns les considèrent comme une sorte de tribut.

Sous le règne de Ruga, oncle d'Attila, les Huns sont devenus une puissance : l'ancien patriarche de Constantinople [[Nestorius]] déplore la situation par ces termes : {{citation|Ils sont devenus les maîtres et les Romains les esclaves}}<ref name="Rouche128">{{harvsp|Rouche|2009|p=128}}.</ref>.

== Biographie ==

La date de naissance d'Attila n'est pas connue. Le journaliste et romancier [[Éric Deschodt]] et l'écrivain Hermann Schreiber avancent la date de 395<ref>{{Ouvrage|prénom1=Éric|nom1=Deschodt|titre=Attila|éditeur=[[Folio (Gallimard)|Folio]]|année=2006|pages totales=286|passage=24|isbn=978-2-07-030903-0}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=de|prénom1=Hermann|nom1=Schreiber|titre=Die Hunnen|sous-titre=Attila probt den Weltuntergang|éditeur=Econ Verlag|année=1976|passage=314|isbn=978-3-89350-714-6|isbn10=3893507140}}.</ref>, mais l'historien [[Iaroslav Lebedynsky]] et l'archéologue Katalin Escher s'accordent pour qualifier cette hypothèse {{citation|de pure fantaisie}} et préfèrent l'estimer entre la dernière décennie du {{s-|IV|e}} et la première du {{s-|V|e}}<ref name="Escher40">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=40}}.</ref>.

=== Origines familiales et jeunesse ===
Il est le fils de [[Moundzouk]]<ref name="XXXV">[[Jordanès]], XXXV.</ref>, frère des rois [[Octar]] et [[Ruga]], qui ont régné conjointement sur les Huns. La [[diarchie]] est récurrente chez ce peuple sans que les historiens sachent si c'était coutumier, institutionnel ou occasionnel<ref name="Escher80">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=80}}.</ref>.
Sa famille est donc de lignage noble, mais les historiens ne savent pas si elle constitue une [[dynastie]] royale.

Même s'ils sont en voie de [[sédentarisation]] depuis leur arrivée en Europe, les Huns restent une société de {{citation|pasteurs guerriers}}<ref name="Rouche259">{{harvsp|Rouche|2009|p=259}}.</ref>, se nourrissant essentiellement de viande et de lait, produits de l'élevage de bétail et de chevaux.

Attila reçoit une éducation de [[cavalerie|cavalier]] et d'[[archer]]<ref name="Bona30">{{harvsp|Bóna|2002|p=30}}.</ref>. Comme d'autres enfants de son peuple, il a la tête très tôt enserrée par des bandages de façon à obtenir une [[déformation volontaire du crâne]], pratique esthétique ou spirituelle<ref name="Bona26">{{harvsp|Bóna|2002|p=26}}.</ref>{{,}}<ref name="Escher62">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=62}}.</ref>.

Sa langue maternelle est le hunnique, apparenté aux [[langues turciques]] (dont le [[turc]]), mais comme il fait partie de la classe dirigeante, il apprend aussi le [[gotique]]<ref name="Bona26"/>, langue des [[Goths]].

=== Période du règne conjoint de Bleda et Attila (434-445) ===

==== Succession de Ruga (434) ====
En 434, après la mort de [[Ruga]], ses neveux [[Bleda]] et Attila deviennent rois. L'historien hongrois [[István Bóna]] (1930-2001) pense probable que le père de Bleda et d'Attila, Moundzouk, avait régné avant Ruga<ref name="Bona38">{{harvsp|Bóna|2002|p=38}}.</ref>, mais aucune source ne l'atteste<ref name="Escher40"/>.

La succession pose peut-être des problèmes, car plusieurs Huns s'enfuient à Constantinople, dont deux membres de la famille royale, Mamas et Atakam, ainsi peut-être que d'autres neveux voire les fils de Ruga<ref name="Rouche128"/>.

==== Traité avec l'empereur d'Orient Théodose II (435) ====
De 435 à 440, le règne de Bleda et Attila est marqué par des succès diplomatiques des Huns sur l'[[Empire byzantin|Empire romain d'Orient]].

Le [[traité de Margus]] (435), ville (actuelle [[Požarevac]] en Serbie) située à quelques kilomètres au sud du Danube, prévoit le doublement du tribut annuel versé par Constantinople, soit 700 [[Unités de mesure de la Rome antique|livres d'or]]<ref group="Note">Environ {{nobr|227 kilogrammes}}.</ref>, la promesse de ne plus accueillir d'opposants, de ne pas chercher à retourner les alliés des Huns contre eux et l'ouverture d'un marché frontalier<ref name="Escher115">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=115}}.</ref>. Durant cette période, les Huns étendent leur empire jusqu'aux [[Alpes]], au [[Rhin]] et à la [[Vistule]]<ref name="Bóna">{{Ouvrage|prénom1=István|nom1=Bóna|lien auteur1=István Bóna|titre=Les Huns|sous-titre=le grand empire barbare d'Europe ({{sp-|IV|-|V|s}})|éditeur=Errance|année=2002|pages totales=239|isbn=978-2-87772-223-0|présentation en ligne={{Google Livres|y7dmAAAAMAAJ|page=39|surligne=Vistule}}}}.</ref>.

==== Guerre de Bleda contre l'Empire d'Orient (440-442) ====
Pourtant, en 440, lorsque l'[[Royaume d'Arménie|Arménie]] est attaquée par les [[Sassanides|Perses sassanides]], Théodose II doit transférer des troupes vers l'est. Bleda lance alors une offensive en [[Préfecture du prétoire d'Illyricum|Illyricum]]. Attila, qui a de son côté entamé des pourparlers avec un représentant de l'empereur, ne vient en aide à son frère qu'en dernier recours, au moment du {{Lien|langue=en|trad=Siege of Sirmium|fr=siège de Sirmium}} (actuelle [[Sremska Mitrovica]]), en 441, sans doute pour éviter d'être lésé sur le partage du butin. La politique d'Attila durant la guerre de 441-442 s'explique peut-être par sa volonté de négocier avec les Romains la livraison des princes hunniques réfugiés dans l'Empire et qui pourraient accéder à la succession en cas de décès de son frère<ref name="Bona40">{{harvsp|Bóna|2002|p=40}}.</ref>.

==== Assassinat de Bleda et avènement d'Attila comme seul roi (début 445) ====
Vers la fin de 444 et le début de 445, Attila attire Bleda dans un piège et l'assassine, sans que l'on sache de quelle façon, l'événement étant signalé sans commentaire par les contemporains<ref name="Bona42">{{harvsp|Bóna|2002|p=42}}.</ref>.

Le roi des [[Skires]], [[Edecon]], et le roi des [[Gépides]], [[Ardaric]], participent avec leurs troupes auxiliaires à la prise de pouvoir. {{pas clair|Attila a aussi le soutien des partisans de la guerre}} comme les deux frères [[Onégèse]] et Scottas, [[barbare]]s [[Hellénisme|hellénisés]] de la [[Pont (région)|région du Pont]], Elsa, le lieutenant de [[Ruga]], et Eskam, grand propriétaire dans {{pas clair|les plaines méridionales}}.

Parmi les proches de Bleda, certains se rallient à Attila : notamment les Romains [[Constantiolus]] (de Pannonie) et l'affranchi Primus Rusticus (de Mésie), chargés du secrétariat d'Attila. {{refnec|Un certain Berichus, d'origine inconnue, Aïbars, l'oncle d'Attila, et Laudarik, certainement roi d'un peuple germanique allié, sont placés au plus haut rang}}.

Le reste des fidèles de Bleda périt en fuyant, comme un dignitaire qui enterre à Szikánes un trésor de {{unité|1440|pièces d’or}}<ref group="Note">Vingt livres romaines.</ref> provenant sans doute du traité de 443<ref name="Bona43">{{harvsp|Bóna|2002|p=43}}.</ref>.


Attila devient donc le seul roi des Huns.
Attila devient donc le seul roi des Huns.


=== Portrait d'un souverain ===
[[Fichier:Huns empire.png|vignette|upright=1.5|Aire dominée par les [[Huns]] vers 450.]]

=== Portrait d'Attila ===
Les sources anciennes ne parlent d'Attila que lorsqu'il devient roi, c'est donc seulement à partir de ce moment que l'on peut dresser son portrait<ref name="Escher40"/>.
Les sources anciennes ne parlent d'Attila que lorsqu'il devient roi, c'est donc seulement à partir de ce moment que l'on peut dresser son portrait<ref name="Escher40"/>.


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Certains chercheurs ont suggéré que cette description est typiquement est-asiatique, car elle a toutes les caractéristiques combinées qui correspondent au type physique des gens de l'Asie de l'Est, et les ancêtres d'Attila peuvent provenir de là<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Herwig|nom1=Wolfram|titre=The Roman Empire and Its Germanic Peoples|éditeur=University of California Press|année=1997|pages totales=361|passage=143|isbn=978-0-520-08511-4|présentation en ligne=https://books.google.com/books?id=tOnQDfRU-poC&pg=PA143|consulté le=2018-05-08}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Denis|nom1=Sinor|prénom2=Sinor|nom2=Dénes|titre=The Cambridge History of Early Inner Asia|éditeur=Cambridge University Press|date=mars 1990|pages totales=518|passage=177|isbn=978-0-521-24304-9|présentation en ligne=https://books.google.com/books?id=ST6TRNuWmHsC&pg=PA177|consulté le=2018-05-08}}.</ref>. D'autres historiens croyaient aussi que les mêmes descriptions étaient également évidentes chez certains [[Scythes]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Wolff|nom1=Larry|titre=Inventing Eastern Europe|sous-titre=the map of civilization on the mind of the Enlightenment|éditeur=Stanford University Press|lieu=Stanford (Calif.)|année=1994|pages totales=419|passage=299-230|isbn=978-0-8047-2314-5|isbn10=0804723141|isbn2=9780804723145|isbn3=0804727023|oclc=29219970|bnf=40043016}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Fields|nom1=Nic|titre=Attila the Hun|sous-titre=leadership, strategy, conflict|éditeur=|année=|passage=58-60|isbn=978-1-4728-0887-5|isbn2=1472808878|oclc=883869840}}.</ref>.
Certains chercheurs ont suggéré que cette description est typiquement est-asiatique, car elle a toutes les caractéristiques combinées qui correspondent au type physique des gens de l'Asie de l'Est, et les ancêtres d'Attila peuvent provenir de là<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Herwig|nom1=Wolfram|titre=The Roman Empire and Its Germanic Peoples|éditeur=University of California Press|année=1997|pages totales=361|passage=143|isbn=978-0-520-08511-4|présentation en ligne=https://books.google.com/books?id=tOnQDfRU-poC&pg=PA143|consulté le=2018-05-08}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Denis|nom1=Sinor|prénom2=Sinor|nom2=Dénes|titre=The Cambridge History of Early Inner Asia|éditeur=Cambridge University Press|date=mars 1990|pages totales=518|passage=177|isbn=978-0-521-24304-9|présentation en ligne=https://books.google.com/books?id=ST6TRNuWmHsC&pg=PA177|consulté le=2018-05-08}}.</ref>. D'autres historiens croyaient aussi que les mêmes descriptions étaient également évidentes chez certains [[Scythes]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Wolff|nom1=Larry|titre=Inventing Eastern Europe|sous-titre=the map of civilization on the mind of the Enlightenment|éditeur=Stanford University Press|lieu=Stanford (Calif.)|année=1994|pages totales=419|passage=299-230|isbn=978-0-8047-2314-5|isbn10=0804723141|isbn2=9780804723145|isbn3=0804727023|oclc=29219970|bnf=40043016}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Fields|nom1=Nic|titre=Attila the Hun|sous-titre=leadership, strategy, conflict|éditeur=|année=|passage=58-60|isbn=978-1-4728-0887-5|isbn2=1472808878|oclc=883869840}}.</ref>.


L'ambassadeur romain Priscus est surpris de son apparence simple, sans bijoux ni vêtements de luxe ; il mange dans de la vaisselle de bois alors que ses invités sont servis dans de la vaisselle d'or<ref name="PriscusVIII">Priscus, ''Histoire'', fragment VIII, [http://remacle.org/bloodwolf/historiens/priscus/ambassade.htm ''Relation de l'ambassade de Maximin''].</ref>. Cette simplicité est aux antipodes du cérémonial à la cour de Rome ou de Constantinople où l'empereur vit dans un luxe ostentatoire et fait l'objet d'une [[Proskynèse|vénération]]. Cette austérité dans l'apparence est calculée de façon à impressionner ses visiteurs par un effet de contraste<ref name="Escher62"/>.
==== Un mode de vie frugal ====
L'ambassadeur romain Priscus est surpris de son apparence simple, sans bijoux ni vêtements de luxe ; il mange dans de la vaisselle de bois alors que ses invités sont servis dans de la vaisselle d'or<ref name="PriscusVIII">Priscus, ''Histoire'', fragment VIII, [http://remacle.org/bloodwolf/historiens/priscus/ambassade.htm ''Relation de l'ambassade de Maximin''].</ref>.

À l'inverse des empereurs romains et à l'étonnement de leurs ambassadeurs, Attila vit au milieu de son peuple et en partage les mœurs<ref name="Escher90">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=90}}.</ref>.

Cette simplicité est aux antipodes du cérémonial à la cour de Ravenne ou de Constantinople où l'empereur vit dans un luxe ostentatoire et fait l'objet d'une [[Proskynèse|vénération]]. {{pas clair|Cette austérité dans l'apparence est calculée de façon à impressionner ses visiteurs par un effet de contraste}}<ref name="Escher62"/>.

==== Mariages et descendance ====
Attila a plusieurs épouses et il utilise les mariages pour nouer des alliances<ref name="Escher74">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=74}}.</ref>.
*La plus importante des épouses est [[Êrekan]], que Jordanès nomme Kreka, mère d'[[Ellac]], fils aîné et successeur désigné, et de deux autres fils<ref name="Rouche224"/>. Elle dispose d'une suite nombreuse, son statut particulier lui confère un rôle protocolaire et elle reçoit les ambassadeurs byzantins<ref name="XLIV">Jordanès, XLIX.</ref>.
*La plus connue est [[Ildico]], auprès de qui Attila meurt lors de sa nuit de noces<ref name="Escher74"/>. La transcription de ces deux noms étant incertaine, les historiens ne savent pas s'il s'agissait de femmes hunniques ou germaines.
*[[Honoria]], sœur de l'empereur [[Valentinien III]], lui aurait proposé de l'épouser, mais, lorsqu'Attila fait valoir cette proposition, il est éconduit par l'empereur d'Occident.

Les épouses sont {{pas clair|relativement libres}}, disposent d'une certaine {{refnec|indépendance matérielle}} et de leurs propres résidences<ref name="Rouche224"/>.

Attila aurait eu de nombreux autres fils en plus de ceux d'Erekan, mais seuls sont connus avec certitude : Ellac, [[Dengitzic (fils cadet d'Attila)|Dengitzic]] et [[Ernakh]], son préféré selon Priscus<ref name="PriscusVIII"/>.
*Selon Sidoine Appollinaire, [[Hormidac]], qui attaque l'Empire romain en 466-467, est un autre fils d'Attila<ref>[[Amédée Thierry]], ''Histoire d'Attila et de ses successeurs'', Paris, Didier Libraires-Éditeurs, 1865, {{p.|254}}.</ref>{{,}}<ref name="Rouche301">{{harvsp|Rouche|2009|p=301}}.</ref>.
*Attila est peut être le beau-père d'[[Ardaric]], roi des Gépides<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Christian|nom1=Settipani|titre=Les ancêtres de Charlemagne|éditeur=Occasional Publications UPR|date=2015-12-01|isbn=978-1-900934-15-2|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=IFQ8DwAAQBAJ&pg=PA69&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=3#v=onepage&q&f=false|consulté le=2024-01-10}}</ref>.

Une fois adulte, son fils aîné Ellac participe à la gestion de l'Empire aux côtés de son père, qui lui confie la charge de la partie orientale<ref name="Escher74"/>. Lorsque des banquets officiels sont organisés, ses fils y participent. Selon Priscus, Ellac doit {{citation|fixer ses yeux sur le sol par respect pour son père}}<ref name="PriscusVIII"/>.


=== Attila en tant que roi et chef d'un empire ===
==== Épouses et enfants ====
Attila dispose de nombreuses épouses et utilise les mariages pour nouer des alliances dynastiques et diplomatiques<ref name="Escher74">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=74}}.</ref>. La plus importante est [[Êrekan]], que Jordanès nomme Kreka, mère d'[[Ellac]], son fils aîné et successeur désigné, et de deux autres fils<ref name="Rouche224"/>. Elle dispose d'une suite nombreuse, son statut particulier lui confère un rôle protocolaire et elle reçoit les ambassadeurs byzantins<ref name="XLIV">Jordanès, XLIX.</ref>. La plus connue est [[Ildico]], la femme auprès de qui Attila meurt lors de sa nuit de noces<ref name="Escher74"/>. La transcription de ces deux noms étant incertaine, les historiens ne savent pas s'il s'agissait de femmes hunniques ou germaines. Les épouses sont relativement libres, disposent d'une indépendance matérielle et de leurs propres résidences<ref name="Rouche224"/>. [[Honoria]], sœur de l'empereur [[Valentinien III]], lui aurait proposé de l'épouser, mais, lorsqu'Attila fait valoir cette proposition, il est poliment éconduit. Attila aurait eu de nombreux autres fils mais seuls trois sont connus avec certitude : Ellac, [[Dengitzic (fils cadet d'Attila)|Dengitzic]] et [[Ernakh]], son préféré d'après Priscus<ref name="PriscusVIII"/>. [[Hormidac]], un chef hun qui attaqua l'Empire romain en 466/467, n'est connu que par [[Sidoine Apollinaire]] qui le présente comme un fils d'Attila<ref>[[Amédée Thierry]], ''Histoire d'Attila et de ses successeurs…'', Didier & Cie Libraires-Éditeurs, Paris, 1865, {{p.|254}}.</ref>{{,}}<ref name="Rouche301">{{harvsp|Rouche|2009|p=301}}.</ref>. Il est peut être le beau-père de son allié [[Ardaric]], roi des Gépides<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Christian|nom1=Settipani|titre=Les ancêtres de Charlemagne|éditeur=Occasional Publications UPR|date=2015-12-01|isbn=978-1-900934-15-2|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=IFQ8DwAAQBAJ&pg=PA69&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=3#v=onepage&q&f=false|consulté le=2024-01-10}}</ref>.
==== Résidences ====
Il semble que sous son règne commence une certaine [[sédentarisation]], en particulier avec la construction d'une capitale dont l'emplacement exact est inconnu, mais qui est situé entre les rivières [[Tisza]] et [[Timiș (rivière)|Timiș]]. Elle est constituée de maisons de bois dont certaines sont pourvues de [[Thermes romains|thermes]]. Également en bois, le vaste palais royal orné de portiques fastueux impressionne les ambassadeurs romains en 449.


Une fois adulte, le fils aîné Ellac participe à la gestion de l'Empire aux côtés de son père qui lui confie la charge de la partie orientale<ref name="Escher74"/>. Lorsque des banquets officiels sont organisés, ses fils y participent, Ellac devant {{citation|fixer ses yeux sur le sol par respect pour son père}}<ref name="PriscusVIII"/>.
Attila dispose de plusieurs autres résidences de taille plus modeste, relais de son pouvoir à travers son vaste territoire<ref name="Escher90"/>.


==== Organisation du pouvoir ====
==== Organisation du pouvoir ====
Sous le règne d'Attila, l'Empire hunnique ne connaît pas d'expansion territoriale importante et durable, la nouveauté réside dans la concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme après la mort de Bleda<ref name="Escher88">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=88}}.</ref>. On ignore son titre ainsi que la fonction exacte qu'il occupe à la tête de son peuple. Les Romains le désignent simplement par le mot ''rex'' ({{citation|le roi}}).
Sous le règne d'Attila, l'Empire hunnique ne connaît pas d'expansion territoriale importante et durable, la nouveauté réside surtout dans la concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme du fait du meurtre de Bleda et de la disparition de la diarchie<ref name="Escher88">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=88}}.</ref>. Les historiens ignorent le titre et la fonction exacte qu'il occupe au sein de son peuple, les Romains le désignent simplement comme {{citation|le roi}}.


À l'inverse des empereurs romains et donc à l'étonnement de leurs ambassadeurs, Attila vit au milieu de son peuple et en partage les mœurs<ref name="Escher90">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=90}}.</ref>. Les Huns sont des éleveurs nomades mais il semble que sous son règne commence une certaine [[sédentarisation]], en particulier avec la construction d'une capitale dont l'emplacement exact est inconnu mais qui est situé entre les rivières [[Tisza]] et [[Timiș (rivière)|Timiș]]. Elle est constituée de nombreuses maisons de bois dont certaines sont pourvues de [[Thermes romains|thermes à la romaine]]. Également en bois, le vaste palais royal orné de portiques fastueux impressionne les ambassadeurs romains en 449. Attila dispose de plusieurs autres résidences de taille plus modeste, relais de son pouvoir à travers son vaste territoire<ref name="Escher90"/>.
Pour régner sur une confédération de peuples (nomades ou sédentaires) très différents, il ne dispose pas d'une administration organisée. Sa puissance repose sur un système de fidélités variées<ref name="Bozoky64">{{harvsp|Bozoky|2012|p=64}}.</ref>.


Le premier cercle dirigeant appartient à {{pas clair|une souche princière hunnique}}, mais nombre de personnages importants sont d'une autre ethnie. Son bras droit [[Onégèse]] est un Hun, son secrétaire [[Flavius Oreste|Oreste]] est un Romain de [[Pannonie supérieure|Pannonie]]<ref>{{Chapitre|prénom1=Marjeta S.|nom1=Kos|titre chapitre=The Family of Romulus Augustulus|auteurs ouvrage=Peter Mauritsch (éd.)|titre ouvrage=Antike Lebenswelten : Konstanz– Wandel – Wirkungsmacht|sous-titre ouvrage=Festschrift f¨ur Ingomar Weiler zum 70. Geburtstag|lieu=Wiesbaden|éditeur=Harrassowitz Verlag|année=2008|isbn=978-3447057615|passage=439–449}}</ref>.
Pour régner sur une confédération de peuples nomades et sédentaires très différents, il ne dispose pas d'une administration organisée, sa puissance repose sur des élites dominant une structure souple de fidélités variées<ref name="Bozoky64">{{harvsp|Bozoky|2012|p=64}}.</ref>. Le premier cercle dirigeant appartient à une souche princière hunnique mais nombre de personnages importants sont d'une ethnie différente. Son bras droit [[Onégèse]] est un Hun, son secrétaire [[Flavius Oreste|Oreste]] est un Romain de [[Pannonie supérieure|Pannonie]]<ref>{{Chapitre|prénom1=Marjeta S.|nom1=Kos|titre chapitre=The Family of Romulus Augustulus|auteurs ouvrage=Peter Mauritsch (éd.)|titre ouvrage=Antike Lebenswelten : Konstanz– Wandel – Wirkungsmacht|sous-titre ouvrage=Festschrift f¨ur Ingomar Weiler zum 70. Geburtstag|lieu=Wiesbaden|éditeur=Harrassowitz Verlag|année=2008|isbn=978-3447057615|passage=439–449}}</ref>, les peuples soumis ou alliés aux Huns conservent souvent leurs propres rois comme [[Edecon]], roi des [[Skires]], [[Ardaric]], roi des [[Gépides]], Candac, roi des [[Alains]], et [[Valamir]], roi des [[Ostrogoths]]. Ces derniers sont engagés dans un rapport de pouvoir personnel avec Attila, ils lui doivent leurs places et l'ont soutenu lors de son putsch contre Bleda. Ils lui sont donc fidèles mais cette relation peut être fragilisée par la disparition du souverain<ref name="Bozoky64"/>.

Les peuples soumis ou alliés conservent souvent leur propre roi comme [[Edecon]], roi des [[Skires]], [[Ardaric]], roi des [[Gépides]], Candac, roi des [[Alains]] et [[Valamir]], roi des [[Ostrogoths]]. Ces derniers sont engagés dans une relation personnelle avec Attila, ils lui doivent leurs places et l'ont soutenu lors de son coup d'État contre Bleda. Ils lui sont donc fidèles, mais cette relation peut être fragilisée par la disparition du souverain<ref name="Bozoky64"/>.


Une des priorités d'Attila est d'empêcher que certains Huns soient tentés de passer du côté romain pour servir comme mercenaires. Lorsqu'il contraint Rome ou Constantinople au tribut ou lors des négociations de paix, il exige toujours que lui soient remis ceux qu'il considère comme des traîtres et des déserteurs. Cette politique porte ses fruits et le phénomène des transfuges reste anecdotique<ref name="Escher97">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=97}}.</ref>.
Une des priorités d'Attila est d'empêcher que certains Huns soient tentés de passer du côté romain pour servir comme mercenaires. Lorsqu'il contraint Rome ou Constantinople au tribut ou lors des négociations de paix, il exige toujours que lui soient remis ceux qu'il considère comme des traîtres et des déserteurs. Cette politique porte ses fruits et le phénomène des transfuges reste anecdotique<ref name="Escher97">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=97}}.</ref>.


==== Religion ====
==== Religion ====
La religion d'Attila est mal connue<ref name="Escher64">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=64}}.</ref>. Beaucoup de ses sujets germains sont des [[Christianisme|chrétiens]] [[Arianisme|ariens]], mais il semble que les Huns et Attila aient conservé leur religion traditionnelle [[polythéisme|polythéiste]] et [[animisme|animiste]], dans laquelle les [[Chamanisme|chamans]] ont une grande importance. Ces chamans pratiquent la divination par [[scapulomancie]], pratique typique des éleveurs nomades [[turco-mongol]]s. Les [[Divination|devins]] jouent un grand rôle dans la vie d'Attila, dans sa vie de famille en lui prédisant sur lequel de ses fils il peut compter et dans les batailles en influant sur ses décisions<ref name="Escher70">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=70}}.</ref>.
Les croyances ont une place importante dans le monde des Huns mais la religion d'Attila est mal connue<ref name="Escher64">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=64}}.</ref>. Beaucoup de ses sujets germains sont des [[Christianisme|chrétiens]] [[Arianisme|ariens]] mais il semble que les Huns et Attila pratiquent une religion traditionnelle [[polythéisme|polythéiste]] et [[animisme|animiste]] avec des [[Chamanisme|chamans]] d'une grande importance sociale. Ces chamans pratiquent la divination par [[scapulomancie]], pratique typique des éleveurs nomades [[turco-mongol]]s. Les [[Divination|devins]] ont joué un grand rôle dans la vie d'Attila, dans sa vie de famille en lui prédisant sur lequel de ses fils il pouvait compter et dans les batailles en influant sur ses décisions<ref name="Escher70">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=70}}.</ref>.


[[Fichier:Klosz Gyorgy hun.jpg|vignette|203x203px|Chaudron hunnique]]
[[Fichier:Klosz Gyorgy hun.jpg|vignette|203x203px|Chaudron hunnique]]


Concernant ses convictions et cultes, les historiens actuels divergent sur plusieurs points importants : [[Michel Rouche]] pense qu'Attila se voyait comme un dieu lui-même<ref name="Rouche293">{{harvsp|Rouche|2009|p=293}}.</ref>. Rouche déduit des grands chaudrons hunniques de bronze retrouvés par les archéologues qu'Attila pratiquait un {{citation|[[cannibalisme]] sacré}} en faisant des [[sacrifice humain|sacrifices humains]] et en buvant du sang humain<ref name="Rouche286">{{harvsp|Rouche|2009|p=286}}.</ref>. [[Edina Bozoky]] rejette totalement les affirmations de Rouche sur des pratiques pour lesquelles il n'existe selon elle aucun témoignage ni aucune trace matérielle et qui reposent sur des comparaisons anachroniques avec d'autres peuples<ref name="Bozoky67">{{harvsp|Bozoky|2012|p=67}}.</ref>. Quant à l'idée que le roi des Huns ait pu prétendre être un dieu, Katalin Escher et [[Iaroslav Lebedynsky]] pensent au contraire qu'il croyait à son [[Providence (religion)|destin providentiel]] et à son charisme surnaturel comme {{citation|tant d'autres chefs militaires}}<ref name="Escher73">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=73}}.</ref>.
Concernant ses convictions et cultes, les historiens actuels divergent sur plusieurs points importants :
*[[Michel Rouche]] pense qu'Attila se considérait comme un dieu<ref name="Rouche293">{{harvsp|Rouche|2009|p=293}}.</ref>. Rouche déduit des grands chaudrons hunniques de bronze retrouvés par les archéologues qu'Attila pratiquait un {{citation|[[cannibalisme]] sacré}} en faisant des [[sacrifice humain|sacrifices humains]] et en buvant du sang humain<ref name="Rouche286">{{harvsp|Rouche|2009|p=286}}.</ref>.
*[[Edina Bozoky]] rejette ces assertions concernant des pratiques dont il n'existe selon elle aucun témoignage ni aucune trace matérielle et qui reposent sur des comparaisons anachroniques avec d'autres peuples<ref name="Bozoky67">{{harvsp|Bozoky|2012|p=67}}.</ref>.
*Quant à l'idée que le roi des Huns ait pu prétendre être un dieu, Katalin Escher et [[Iaroslav Lebedynsky]] pensent au contraire qu'il croyait simplement à son [[Providence (religion)|destin providentiel]] et à son charisme surnaturel comme {{citation|tant d'autres chefs militaires}}<ref name="Escher73">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=73}}.</ref>.


Il est en revanche certain qu'il utilise cette religion à des fins de politique intérieure. Ainsi au cours de son règne, Attila affirme avoir reçu une épée sacrée du dieu de la guerre, légitimation suprême et présage fédérateur précieux pour un règne qui met son peuple en état de guerre permanent<ref name="Rouche281">{{harvsp|Rouche|2009|p=281}}.</ref>{{,}}<ref name="Escher70"/>.
Il est en revanche certain qu'il utilise aussi cette religion à des fins de politique intérieure. Ainsi au cours de son règne, Attila affirme avoir reçu une épée sacrée du dieu de la guerre, légitimation suprême et présage fédérateur précieux pour un règne qui met son peuple en état de guerre permanent<ref name="Rouche281">{{harvsp|Rouche|2009|p=281}}.</ref>{{,}}<ref name="Escher70"/>.


=== Guerre et diplomatie ===
=== Guerre et diplomatie ===
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Selon l'historien [[Otto John Maenchen-Helfen]], les Huns vivent en pasteurs guerriers de l'élevage de chevaux et de moutons puis quand ils deviennent {{citation|les maîtres de populations paysannes, comme les Germains et les [[Sarmates]], ils trouvent plus simple et agréable de les rançonner que de travailler eux-mêmes}}<ref>{{harvsp|Maenchen-Helfen|1973|p=177}}.</ref>. Ainsi, l'historien Michel Rouche les qualifie de {{citation|société de prédateurs}}<ref name="Rouche253">{{harvsp|Rouche|2009|p=253}}.</ref>. Pour maintenir leur niveau de vie mais aussi la fidélité de leurs alliés, les Huns de plus en plus puissants commencent à exiger des tributs de leurs riches voisins romains et perses. S'ils ne paient pas, ils lancent des [[Razzia (militaire)|razzias]] qui rapportent autant si ce n'est plus de butin. Galvanisés par leurs succès, les aristocrates hunniques deviennent de plus en plus avides. Pour légitimer son pouvoir et accroître sa richesse, Attila doit donc impérativement maintenir les États voisins sous pression. Ainsi il saisit tous les prétextes pour accroître ses intimidations, sommations et revendications<ref name="Escher104">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=104}}.</ref>.
Selon l'historien [[Otto John Maenchen-Helfen]], les Huns vivent en pasteurs guerriers de l'élevage de chevaux et de moutons puis quand ils deviennent {{citation|les maîtres de populations paysannes, comme les Germains et les [[Sarmates]], ils trouvent plus simple et agréable de les rançonner que de travailler eux-mêmes}}<ref>{{harvsp|Maenchen-Helfen|1973|p=177}}.</ref>. Ainsi, l'historien Michel Rouche les qualifie de {{citation|société de prédateurs}}<ref name="Rouche253">{{harvsp|Rouche|2009|p=253}}.</ref>. Pour maintenir leur niveau de vie mais aussi la fidélité de leurs alliés, les Huns de plus en plus puissants commencent à exiger des tributs de leurs riches voisins romains et perses. S'ils ne paient pas, ils lancent des [[Razzia (militaire)|razzias]] qui rapportent autant si ce n'est plus de butin. Galvanisés par leurs succès, les aristocrates hunniques deviennent de plus en plus avides. Pour légitimer son pouvoir et accroître sa richesse, Attila doit donc impérativement maintenir les États voisins sous pression. Ainsi il saisit tous les prétextes pour accroître ses intimidations, sommations et revendications<ref name="Escher104">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=104}}.</ref>.


==== Guerre contre l'empire d'Orient (447-450) ====
==== Offensive contre Constantinople ====
Le {{date|27|janvier|447}}, un tremblement de terre détruit une grande partie des [[Murailles de Constantinople|murailles]] de [[Constantinople]] dont cinquante-sept tours s'effondrent, et dévaste de nombreuses villes et villages de la province de [[Thrace (province romaine)|Thrace]]<ref name="Rouche164">{{harvsp|Rouche|2009|p=164}}.</ref>. La destruction des {{pas clair|silos}} entraîne une famine.
Le {{date|27|janvier|447}}, un tremblement de terre détruit une grande partie de la [[Murailles de Constantinople|muraille théodosienne]] de [[Constantinople]] dont cinquante-sept tours s'effondrent, et dévaste de nombreuses villes et villages de la [[Thrace (province romaine)|province de Thrace]]<ref name="Rouche164">{{harvsp|Rouche|2009|p=164}}.</ref>. La destruction des silos entraîne une famine importante. Attila profite de l'occasion pour mobiliser toutes ses troupes : il franchit le ''[[limes]]'' et pénètre en [[Dacie aurélienne]]. Les troupes romaines stationnées à [[Marcianopolis]] tentent de lui couper la route mais sont écrasées à la [[bataille de l'Utus]], leur général [[Arnegiscle]] est tué.
{{Article détaillé|Bataille de l'Utus}}


Attila mobilise alors ses troupes qui franchissent le ''[[limes]]'' en [[Dacie aurélienne|Dacie]]. Les troupes romaines stationnées à [[Marcianopolis]] (actuelle [[Devnya (Bulgarie)|Devnya]] en [[Bulgarie]]) sont écrasées à la [[bataille de l'Utus]], où leur général, [[Arnegiscle]], est tué. Les Huns pillent ensuite les provinces de [[Mésie]], de [[Macédoine (province romaine)|Macédoine]] et de Thrace<ref name="Bona13">{{harvsp|Bóna|2002|p=13}}.</ref>. [[Théodose II]] se concentre sur la défense de la capitale, mais Attila n'attaque pas Constantinople et se retire avec un immense butin<ref name="Rouche166">{{harvsp|Rouche|2009|p=166}}.</ref>.
Les Huns pillent ensuite les provinces de [[Mésie]], de [[Macédoine (province romaine)|Macédoine]] et de Thrace<ref name="Bona13">{{harvsp|Bóna|2002|p=13}}.</ref>. L'empereur d'Orient, [[Théodose II]], se concentre sur la défense de sa capitale mais Attila n'attaque pas Constantinople et se retire avec un immense butin<ref name="Rouche166">{{harvsp|Rouche|2009|p=166}}.</ref>.


Des négociations de paix commencent, Attila étant en position de force : en plus d'une augmentation du tribut, il réclame la cession d'une zone de cinq jours de marche au sud du Danube, déplacement de la frontière qui, outre sa valeur symbolique, donnerait un avantage tactique aux Huns<ref name="Rouche166"/>.
D'âpres négociations de paix commencent, Attila est en position de force et place haut ses exigences : en plus d'une augmentation du tribut, il réclame la cession d'une zone de cinq jours de marche située au sud du Danube. Déplacer ainsi la frontière, en plus de la valeur symbolique, donnerait un avantage tactique aux Huns<ref name="Rouche166"/>. Et dans des circonstances mal connues, [[Aetius (Flavius Aetius)|Aetius]], probablement sous la contrainte, lui accorde la [[Pannonie|Pannonie Savia]] tandis que le souverain Hun se voit même conférer le titre et le salaire de ''[[magister militum]]'' de l'empire d'Occident<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Bryan|nom1=Ward-Perkins|lien auteur1=Bryan Ward-Perkins|prénom2=Michael|nom2=Whitby|titre=The Cambridge ancient history|volume=14|titre volume=Late antiquity: empire and successors, A.D. 425 - 600|passage=15|éditeur=Cambridge University Press|date=2000|isbn=978-0-521-32591-2}}</ref>.


En 449, Théodose met au point un plan : il envoie une ambassade<ref group="Note">À laquelle participe [[Priscus (historien)|Priscus]], auteur du seul témoignage contemporain conservé sur Attila.</ref> officiellement pour finaliser le traité de paix mais avec l'objectif secret d'organiser l'assassinat d'Attila. Cinquante livres d'or sont versées à [[Edecon]] mais celui-ci dévoile le plan au roi qui met fin au complot pour la plus grande humiliation des Romains<ref name="Rouche173">{{harvsp|Rouche|2009|p=173}}.</ref>.
Dans des circonstances mal connues, [[Aetius (Flavius Aetius)|Aetius]] (qui est au service de l'empereur d'Occident, Valentinien III), lui cède la [[Pannonie supérieure]] et confère à Attila le titre et la rémunération de ''[[magister militum]]'' de l'empire d'Occident<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Bryan|nom1=Ward-Perkins|lien auteur1=Bryan Ward-Perkins|prénom2=Michael|nom2=Whitby|titre=The Cambridge ancient history|volume=14|titre volume=Late antiquity: empire and successors, A.D. 425 - 600|passage=15|éditeur=Cambridge University Press|date=2000|isbn=978-0-521-32591-2}}</ref>.


Malgré cet échec, Théodose a l'habileté de faire traîner les négociations tout en renforçant ses troupes pour rééquilibrer le rapport de force. En 450, le traité de paix prévoit un retour à la situation territoriale d'avant 447 et la restitution des prisonniers romains en échange du paiement d'un tribut dont le montant n'est pas connu<ref name="Thomson"/>. C'est un succès diplomatique relatif pour Théodose mais il irrite les militaires romains exaspérés par l'arrogance d'Attila dont les ambassadeurs leur parlent désormais comme à des sujets<ref name="Escher120">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=120}}.</ref>.
En 449, Théodose envoie à Attila une ambassade<ref group="Note">À laquelle participe [[Priscus (historien)|Priscus]], auteur du seul témoignage contemporain sur Attila qui ait été conservé.</ref>, officiellement pour finaliser le traité de paix, mais avec l'objectif réel d'organiser son assassinat. Cinquante livres d'or sont versées à [[Edecon]], mais celui-ci dévoile le plan au roi pour la plus grande humiliation des Romains<ref name="Rouche173">{{harvsp|Rouche|2009|p=173}}.</ref>. Malgré cet échec, {{refnec|Théodose a l'habileté de faire traîner les négociations tout en renforçant ses troupes pour rééquilibrer le rapport de force}}.


Mais le {{date|28|juillet|450}}, l'empereur [[Théodose II]] meurt dans un accident de cheval et le {{citation|[[Factions (Byzance)|parti des bleus]]}} ou parti des sénateurs et des aristocrates, triomphe avec l'avènement de [[Marcien]], au tempérament belliqueux et farouchement opposé à l'idée d'acheter la paix avec les Barbares. Le ministre de Théodose, [[Chrysaphios]], est exécuté. Instigateur de la tentative d'assassinat, cela ne peut que plaire à Attila. Malgré sa victoire initiale, Attila laisse Constantinople se relever car il est désormais occupé par l'empire d'Occident<ref name="Rouche174">{{harvsp|Rouche|2009|p=174}}.</ref>.
Le traité de paix conclu en 450 prévoit un retour à la situation territoriale antérieure à 447 et la restitution des prisonniers romains en échange du paiement d'un tribut dont le montant n'est pas connu<ref name="Thomson"/>. C'est un succès diplomatique relatif pour Théodose, mais les officiers romains sont exaspérés par l'arrogance d'Attila dont les ambassadeurs leur parlent désormais comme à des sujets<ref name="Escher120">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=120}}.</ref>.


==== ''{{langue|la|Casus belli}}'' en Occident ====
Un changement imprévu survient le {{date|28|juillet|450}}, avec la mort de [[Théodose II]] dans un accident de cheval. La succession échoit à un général, [[Marcien]], dont l'avènement est un succès pour le {{citation|[[Factions (Byzance)|parti des bleus]]}} des sénateurs et des aristocrates, qui est opposé à la politique d'achat de la paix en versant de l'argent aux Barbares. Le principal ministre de Théodose, [[Chrysaphios]], est exécuté. {{pas clair|Instigateur de la tentative d'assassinat d'Attila, cela ne peut que plaire à ce dernier|date=mai 2024}}.
[[Fichier:Galla Placidia (rechts) und ihre Kinder.jpg|vignette|gauche|Selon des auteurs du {{s-|XVIII|e}}, cette miniature dépeint le futur [[empereur romain]] [[Valentinien III]] et sa sœur [[Honoria]], avec leur mère en arrière. Des études plus récentes, au {{s-|XX|e}}, rejettent cette affirmation<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Joseph|nom1=Breck|titre=The Ficoroni Medallion and Some Other Gilded Glasses in the Metropolitan Museum of Art|périodique=The Art Bulletin|volume=9|numéro=4|date=1927|doi=10.2307/3046553|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/3046553|consulté le=2018-09-08|pages=353-356}}</ref>.|alt=]]
Le roi des Huns s'oppose de plus en plus à l'[[Empire romain d'Occident]]. En 448, Attila accepte de recevoir à sa cour le chef d'une [[Bagaudes|bagaude]] en fuite qui veut le pousser à la guerre en [[Gaule]]<ref name="Escher122">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=122}}.</ref>. En 449, il s'oppose à Rome dans une querelle de succession chez les [[Francs]]. Enfin en 450, [[Honoria]] fait directement appel à lui. Honoria, sœur de l'empereur Valentinien III, est {{citation|[[Augusta (titre honorifique)|Augusta]]}} et donc officiellement porteuse d'une partie du pouvoir impérial. Son frère cadet Valentinien III décide de l'en écarter et de la marier contre sa volonté à un vieux sénateur. Pour se venger, Honoria envoie son [[Chevalière|anneau sigillaire]] à Attila en lui demandant son aide et en lui promettant le mariage. C'est pour lui une occasion rêvée pour légitimer une intervention en Occident avec de grandes ambitions. Les historiens ne savent pas si c'est un coup de bluff ou une visée réelle mais il réclame, en plus de la main d'Honoria, que la Gaule lui soit remise en [[dot]]<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=181-184}}.</ref>{{,}}<ref name="Bona54">{{harvsp|Bóna|2002|p=54}}.</ref>. Valentinien refuse toute négociation, Marcien l'encourage à rester ferme et lui promet son aide<ref name="Escher53">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=53}}.</ref>. Attila lance alors des préparatifs militaires et cherche à s'allier aux [[Vandales]] et aux Wisigoths. Ces derniers refusent car ils craignent trop sa [[Impérialisme|politique expansionniste]]<ref name="Rouche185">{{harvsp|Rouche|2009|p=185}}.</ref>.


==== Échec de l'invasion de la Gaule ====
Attila n'intervient cependant pas plus dans les affaires de l'empire d'Orient, car, à partir de cette époque, il est occupé par celles de l'empire d'Occident<ref name="Rouche174">{{harvsp|Rouche|2009|p=174}}.</ref>.

==== Origines de la guerre avec l'Empire d'Occident ====
[[Fichier:Galla Placidia (rechts) und ihre Kinder.jpg|vignette|gauche|Selon des auteurs du {{s-|XVIII|e}}, cette miniature représenterait le futur [[Empereur romain|empereur]] [[Valentinien III]], sa sœur [[Honoria]], et leur mère [[Galla Placidia]] en arrière-plan. Des études plus récentes ({{s-|XX|e}}), rejettent cette identification<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Joseph|nom1=Breck|titre=The Ficoroni Medallion and Some Other Gilded Glasses in the Metropolitan Museum of Art|périodique=The Art Bulletin|volume=9|numéro=4|date=1927|doi=10.2307/3046553|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/3046553|consulté le=2018-09-08|pages=353-356}}</ref>. Miniature, {{s-|III}}, Musée de Santa Giulia, [[Brescia]].|alt=]]

À la fin des années 440, Attila s'oppose de plus en plus à l'[[Empire romain d'Occident]]. En 448, il accepte de recevoir à sa cour {{qui|le chef d'une [[Bagaudes|bagaude]] en fuite}} qui veut le pousser à la guerre en [[Gaule]]<ref name="Escher122">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=122}}.</ref>. En 449, {{refnec|il s'oppose à la cour de Ravenne dans une querelle de succession chez les [[Francs]]}}.

Surtout, en 450, il est appelé à l'aide par [[Honoria]], sœur de l'empereur Valentinien III. Honoria a le titre d'{{citation|[[Augusta (titre honorifique)|''Augusta'']]}} {{refnec|et est donc officiellement porteuse d'une partie du pouvoir impérial}}. Son frère a décidé de la marier contre sa volonté à un sénateur plus âgé. Pour se venger, Honoria envoie son [[Chevalière|anneau sigillaire]] à Attila en lui demandant son aide et en lui promettant le mariage.

Il accepte cette proposition de mariage, réclamant<ref>On ne sait pas s'il s'agit d'une demande sérieuse ou de la recherche d'un ''casus belli''.</ref> que la Gaule lui soit remise à titre de [[dot]]<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=181-184}}.</ref>{{,}}<ref name="Bona54">{{harvsp|Bóna|2002|p=54}}.</ref>. Valentinien refuse toute négociation, tant sur la dot que sur le mariage, encouragé par Marcien qui lui promet son aide<ref name="Escher53">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=53}}.</ref>.

Attila lance alors des préparatifs militaires et cherche à s'allier aux [[Royaume vandale|Vandales]] (installés en Afrique et en Sicile) et aux [[Royaume wisigoth|Wisigoths]] (en Gaule et en Hispanie). Ces derniers refusent car ils redoutent sa [[Impérialisme|politique expansionniste]]<ref name="Rouche185">{{harvsp|Rouche|2009|p=185}}.</ref>.

==== Offensive en Gaule (451) : de la prise de Metz à la levée du siège d'Orléans ====
[[Fichier:Attila in Gaul 451CE-fr.svg|droite|vignette|Itinéraires et pillages supposés des Huns en Gaule.]]
[[Fichier:Attila in Gaul 451CE-fr.svg|droite|vignette|Itinéraires et pillages supposés des Huns en Gaule.]]


Attila se lance au printemps 451 dans une campagne en [[Gaule]], à la tête d'une armée réunissant les Huns et leurs vassaux germaniques, [[Gépides]], [[Ostrogoths]], [[Skires]], [[Suèves]], [[Alamans]], [[Hérules]], [[Thuringes|Thuringiens]], [[Francs ripuaires]] (les [[Francs saliens]] étant en revanche alliés aux Romains en tant que [[peuple fédéré]]), [[Alains]] et [[Sarmates]]. Les effectifs sont impossibles à évaluer, mais il est certain qu'ils sont très élevés au regard des critères de l'époque et que l'armée se déplace lentement<ref name="Lebedynsky22-24">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=22-24}}.</ref>.
Attila se lance au printemps 451 dans une campagne contre la [[Gaule]] à la tête d'une armée réunissant les Huns et leurs vassaux germaniques, [[Gépides]], [[Ostrogoths]], [[Skires]], [[Suèves]], [[Alamans]], [[Hérules]], [[Thuringes|Thuringiens]], [[Francs ripuaires]] (les [[Francs saliens]] étant alliés aux Romains), [[Alains]] et [[Sarmates]]. Les effectifs sont impossibles à évaluer mais il est certain qu'ils sont très nombreux au regard des critères de l'époque et que l'armée se déplace lentement<ref name="Lebedynsky22-24">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=22-24}}.</ref>. La Gaule est alors secouée par des révoltes, Attila espère également que le ''[[fœdus]]'' unissant les Romains et les Wisigoths ne sera pas respecté et qu'il pourra affronter ses ennemis séparément ou convaincre l'un des deux de se rallier à lui<ref name="Lebedynsky22-24"/>. Attila se présente devant {{langue|la|[[Divodurum Mediomatricorum]]}}, l'actuelle [[Metz]], qui refuse de se rendre. Le {{date|7|avril|451}}, alors qu'il désespère de s'en emparer, la muraille sud de la ville s'effondre. Les Huns, exaspérés par un long siège, massacrent la population<ref>{{harvsp|Deschodt|2006|p=175}}.</ref>.


Une anecdote [[Hagiographie|hagiographique]] restée dans les mémoires chrétiennes concerne [[sainte Geneviève]] qui par ses prières aurait fait épargner Paris par Attila<ref name="Escher144">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=144}}.</ref>. Ce dernier marche directement sur [[Orléans]] mais celle-ci résiste et Attila doit l'assiéger plusieurs semaines<ref>{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=51}}.</ref>. Ce siège donne le temps aux Romains commandés par le [[Patrice (titre)|patrice]] [[Flavius Aetius|Ætius]] et aux Wisigoths du roi [[Théodoric Ier|Théodoric]] de rassembler les forces nécessaires à un affrontement<ref name="Escher148">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=148}}.</ref>. Attila lève le siège et affronte Ætius à la [[Bataille des champs Catalauniques (451)|bataille des champs Catalauniques]] aux environs de [[Troyes]]. L'affrontement fait de nombreux morts, dont Théodoric ; Attila échappe de peu à ses ennemis. La victoire est du côté des Romains mais les Wisigoths se repliant sur [[Toulouse]] pour régler la succession de Théodoric entre ses fils, Attila peut retirer ses troupes sans être poursuivi. Il passe alors par Troyes où, à la manière de sainte Geneviève à Paris, l'intercession de [[Loup de Troyes|saint Loup de Troyes]] (évêque de la cité) lui fait épargner la ville. Malgré quelques succès mineurs, cette campagne est un échec, Attila n'a pu trouver aucun allié sur place et, une fois unis, ses adversaires sont les plus forts<ref name="Escher154">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=154}}.</ref>. Ses pertes sont élevées et, dans sa retraite, il abandonne une partie du butin qu'il a amassé<ref>{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=73}}.</ref>. Pour maintenir son autorité à l'intérieur et son prestige à l'extérieur, Attila doit agir, c'est pourquoi il organise une autre campagne dès l'année suivante<ref name="Lebedynsky82">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=82}}.</ref>.
La Gaule est alors {{refnec|secouée par des révoltes}}. Attila espère également que l'[[Fœdus|accord de fédération]] unissant les Romains et les Wisigoths du [[Royaume wisigoth|royaume de Toulouse]] ne sera pas respecté et qu'il pourra affronter ses ennemis séparément ou convaincre l'un des deux de se rallier à lui<ref name="Lebedynsky22-24"/>.


==== Invasion de l'Italie ====
Attila entre en Gaule par le nord, franchissant le Rhin dans la région de Cologne, remonte ensuite la vallée de la Moselle et se présente devant [[Metz]] ({{langue|la|[[Divodurum Mediomatricorum]]}}), chef-lieu des [[Médiomatriques]], ville fortifiée qui refuse de se soumettre. Le {{date|7|avril|451}}, {{refnec|alors qu'il désespère de s'en emparer}}, la muraille sud de la ville s'effondre. Les Huns, exaspérés par un long siège, massacrent la population<ref>{{harvsp|Deschodt|2006|p=175}}.</ref>.
[[Fichier:Gurlitt Marcian column.jpg|vignette|upright=0.5|La [[colonne de Marcien]] érigée en 452 pour célébrer sa victoire sur les Huns.]]

Ils se dirigent alors vers [[Reims]], puis [[Lutèce]]. Une anecdote [[Hagiographie|hagiographique]] célèbre concerne l'intercession de [[sainte Geneviève]], qui par ses prières aurait fait épargner la ville des [[Parisii]] par Attila<ref name="Escher144">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=144}}.</ref>. Ce dernier marche ensuite vers [[Orléans]], où commence un siège de plusieurs semaines<ref>{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=51}}.</ref>.

Ce siège donne le temps aux Romains commandés par le [[Patrice (titre)|patrice]] [[Flavius Aetius|Ætius]], allié aux Wisigoths du roi [[Théodoric Ier|Théodoric]] de rassembler les forces nécessaires à un affrontement<ref name="Escher148">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=148}}.</ref>.

==== Retraite et défaite des champs Catalauniques (été 451) ====
Attila lève le siège d'Orléans et se replie vers le nord poursuivi par Ætius, qu'il doit affronter aux [[Bataille des champs Catalauniques (451)|champs Catalauniques]], lieu non identifié précisément, mais situé entre [[Troyes]] et [[Reims]] (future [[Champagne (province)|Champagne]]).

La victoire revient aux Romains et aux Wisigoths, mais la bataille a fait de nombreux morts, dont le roi Théodoric. Les Wisigoths se repliant vers leur royaume (au sud de la Loire) afin de régler le problème de la succession de Théodoric entre ses fils, Attila peut battre en retraite sans être poursuivi. Il passe par Troyes où, à la manière de sainte Geneviève à Paris, l'intercession de [[Loup de Troyes|saint Loup]], évêque de la cité, lui aurait fait épargner la ville.

La campagne en Gaule est globalement un échec après les succès du début. Attila n'a pu trouver aucun allié sur place et ses adversaires unis ont été les plus forts<ref name="Escher154">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=154}}.</ref>. Ses pertes sont élevées et, au cours de sa retraite, il doit abandonner une partie de son butin<ref>{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=73}}.</ref>.

Pour maintenir son autorité à l'intérieur et son prestige à l'extérieur, Attila ne peut pas en rester là. C'est pourquoi il organise dès l'année suivante une autre campagne<ref name="Lebedynsky82">{{harvsp|Lebedynsky|2011|p=82}}.</ref>, cette fois vers l'Italie où réside l'empereur d'Occident.

==== Offensive en Italie (452) ====
{{...}}
[[Fichier:0 Chambre de Raphaël - Rencontre de Léon le Grand et d'Attila.JPG|vignette|Rencontre d'Attila avec le pape [[Léon Ier (pape)|Léon le Grand]] par [[Raphaël (peintre)|Raphaël]] - [[Palais du Vatican]]|gauche]]
[[Fichier:0 Chambre de Raphaël - Rencontre de Léon le Grand et d'Attila.JPG|vignette|Rencontre d'Attila avec le pape [[Léon Ier (pape)|Léon le Grand]] par [[Raphaël (peintre)|Raphaël]] - [[Palais du Vatican]]|gauche]]
Au printemps 452, Attila passe les [[Alpes]] et prend [[Aquilée]] après un long siège puis avec moins de difficulté s'empare de [[Padoue]], [[Vérone]], [[Milan]] et [[Pavie]]<ref name="Lebedynsky82"/>. La situation semble désespérée pour Rome et Valentinien III décide de négocier. Le {{date|11|juin|452}} il envoie une délégation composée du pape [[Léon Ier (pape)|Léon {{Ier}}]], d'un ancien consul et d'un ancien préfet du [[prétoire]]<ref name="Lebedynsky82"/>. Attila accepte un traité car son armée est victime d'une [[épidémie]] et surtout son empire est attaqué à l'est par les troupes de [[Marcien]] décidé à porter secours à Rome<ref name="Escher158">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=158}}.</ref>. Attila se retire victorieux avec un butin immense. Bien que son armée soit un peu affaiblie, il menace les ambassadeurs de revenir l'année suivante si Honoria et sa dot ne lui sont pas remises. Cependant, comme en 451, Attila doit céder devant ses adversaires unis et les deux gouvernements romains solidaires<ref name="Escher158"/>.


=== Mort et successions ===
[[Fichier:Gurlitt Marcian column.jpg|vignette|upright=0.5|La [[colonne de Marcien]] érigée en 452 pour célébrer sa victoire sur les Huns.]]

Au printemps 452, Attila franchit les [[Alpes]] et prend [[Aquilée]] au bout d'un long siège, puis s'empare avec moins de difficulté de [[Padoue]], [[Vérone]], [[Milan]] et [[Pavie]]<ref name="Lebedynsky82"/>. La situation semble désespérée pour Valentinien III qui décide de négocier.

Le {{date|11|juin|452}}, une délégation composée du pape [[Léon Ier (pape)|Léon {{Ier}}]], {{qui|d'un ancien consul}} et d'un ancien [[préfet du prétoire]]<ref name="Lebedynsky82"/> est envoyée à Attila.

La situation de celui-ci est alors moins bonne, car son armée est victime d'une [[épidémie]] et surtout son empire est attaqué à l'est par les troupes de [[Marcien]] décidé à porter secours l'empire d'Occident<ref name="Escher158">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=158}}.</ref>.

Attila accepte de se retirer sans poursuivre son offensive, avec un butin immense. {{refnec|Il menace les ambassadeurs}} de revenir l'année suivante si Honoria et sa dot ne lui sont pas remises. Cependant, comme en 451, il a dû céder face à des adversaires solidaires<ref name="Escher158"/>.

== Fin de règne (453) ==
[[Fichier:Morte di Attila, Ferenc Paczka.jpg|vignette|Mort d'Attila par Ferenc Paczka.|gauche]]
[[Fichier:Morte di Attila, Ferenc Paczka.jpg|vignette|Mort d'Attila par Ferenc Paczka.|gauche]]
Début 453, Attila meurt de façon soudaine et inattendue dans son sommeil, étouffé par un [[Épistaxis|saignement de nez]] durant la [[nuit de noces]] avec la Germaine [[Ildico]], qui est retrouvée au matin, prostrée près du cadavre. Certaines chroniques byzantines rapportent qu'il aurait été assassiné, l'historien Michael Babcock trouve cette hypothèse crédible et avance que [[Marcien]] aurait pu organiser une machination comme [[Théodose II]] avant lui l'avait essayé<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Michael|nom1=Babcock|titre=The Night Attila Died|sous-titre=Solving the Murder of Attila the Hun|éditeur=Berkley Books|année=2005|pages totales=324|isbn=978-0-425-20272-2|isbn10=0-425-20272-0}}.</ref> ; cependant les historiens [[Michel Rouche]], [[Edina Bozoky]], Katalin Escher et [[Iaroslav Lebedynsky]] n'y croient guère et, pour ces derniers, {{citation|on ne peut ni balayer cette idée d'assassinat, compte tenu de l'ancienneté des soupçons, ni prouver quoi que ce soit}}<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=163}}.</ref>.


Il est enterré secrètement dans un triple cercueil d'or, d'argent et de fer<ref name="Rouche291">{{harvsp|Rouche|2009|p=291}}.</ref> et les esclaves qui creusent sa tombe sont égorgés afin qu'elle ne soit jamais découverte et profanée<ref name="Thomson">{{Lien web|auteur=Edward Arthur|url=http://www.universalis.fr/encyclopedie/attila/|titre= Attila (395-453) roi des Huns (434 env.-453)|année=2012|site=[[Encyclopædia Universalis]]|consulté le= 22 juillet 2012}}.</ref>. Son emplacement est encore inconnu au {{s-|XXI|e}}<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=36}}.</ref>.
=== Mort et funérailles ===
Au début de l'année 453, Attila meurt de façon soudaine et inattendue dans son sommeil, étouffé par un [[Épistaxis|saignement de nez]] durant sa [[nuit de noces]] avec la Germaine [[Ildico]], qui est retrouvée au matin, prostrée près du cadavre.

Certaines chroniques byzantines affirment qu'il aurait été assassiné. L'historien Michael Babcock estime cette hypothèse crédible, avançant que [[Marcien]] aurait pu organiser une machination comme [[Théodose II]] avant lui l'avait essayé<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Michael|nom1=Babcock|titre=The Night Attila Died|sous-titre=Solving the Murder of Attila the Hun|éditeur=Berkley Books|année=2005|pages totales=324|isbn=978-0-425-20272-2|isbn10=0-425-20272-0}}.</ref>, mais [[Michel Rouche]], [[Edina Bozoky]], Katalin Escher et [[Iaroslav Lebedynsky]] n'y croient guère. Selon Escher, {{citation|on ne peut ni balayer cette idée d'assassinat, compte tenu de l'ancienneté des soupçons, ni prouver quoi que ce soit}}<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=163}}.</ref>.

Il est enterré secrètement dans un triple cercueil d'or, d'argent et de fer<ref name="Rouche291">{{harvsp|Rouche|2009|p=291}}.</ref>. Les esclaves qui ont creusé sa tombe sont égorgés afin qu'elle ne soit jamais découverte<ref name="Thomson">{{Lien web|auteur=Edward Arthur|url=http://www.universalis.fr/encyclopedie/attila/|titre= Attila (395-453) roi des Huns (434 env.-453)|année=2012|site=[[Encyclopædia Universalis]]|consulté le= 22 juillet 2012}}.</ref>. Son emplacement est encore inconnu à l'heure actuelle<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=36}}.</ref>.

=== Succession ===
{{...}}
Sa succession dégénère très vite en un conflit entre ses fils, dont les principaux sont [[Ellac]], [[Dengitzic (fils cadet d'Attila)|Dengitzic]] et [[Ernakh]].

=== Dislocation de l'Empire hunnique (453-469) ===
Ancien allié d'Attila, le roi des Gépides [[Ardaric]] soulève les peuples fédérés qui vainquent les Huns à la [[bataille de la Nedao]] au cours de laquelle Ellac trouve la mort, entraînant la dislocation de l'Empire hunnique<ref name="Bozoky64"/>. Les tribus hunniques reprennent pour chefs des membres de leurs aristocraties, tandis que les peuples fédérés par Attila se dispersent.

Dengitzic tente une dernière incursion au sud du [[Danube]] en 469. La chronique byzantine ''[[Chronicon Paschale]]'' nous rapporte sa fin : {{citation|Dengitzic, fils d'Attila, fut tué en Thrace. Sa tête fut apportée à Constantinople, promenée en procession et plantée sur un pieu au Cirque de Bois. Toute la ville vint la voir}}. Avec cette mort disparaît toute possibilité de restaurer l'Empire hunnique<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=173}}.</ref>.

Si son empire ne lui a pas survécu plus de deux années, certains proches non hunniques d'Attila continuent à jouer un rôle important dans les événements qui marquent la désagrégation de l'Empire romain d'Occident : d'un côté, en 474, [[Flavius Oreste|Oreste]] place sur le trône impérial de Ravenne l'empereur [[Romulus Augustule]] ; d'un autre côté, le fils d'[[Edecon]], [[Odoacre]] dépose cet empereur en 476, mais, au lieu de placer un empereur fantoche sur le trône, il renvoie les insignes impériaux à Constantinople, décidant de gouverner l'Italie lui-même, événement considéré comme marquant la fin de l'empire d'Occident<ref name="Bozoky64"/>.

== L'image d'Attila du {{s-|V|e}} à nos jours ==
=== Points de vue négatifs ===
==== Une formule ancienne : « fléau de Dieu » ====
[[Fichier:Ulpiano Checa La invasión de los bárbaros.jpg|vignette|upright=1.5|[[Ulpiano Checa y Sanz]], ''L'Invasion des Barbares, ou Les Huns approchant de Rome'', 1887, [[Université de Valladolid]].]]

Attila est surtout connu dans l'historiographie et dans la tradition chrétienne occidentale comme le {{citation|fléau de Dieu}}, expression créée à l'origine par [[Augustin d'Hippone|saint Augustin]] à propos roi des Wisigoths [[Alaric Ier|Alaric]]{{référence nécessaire|date=6 avril 2024 }}, à la suite du [[Sac de Rome (410)|sac de Rome]] en 410, événement catastrophique même si Rome n'est plus à cette date le siège du gouvernement impérial. À noter toutefois que la traduction traditionnelle de ''flagellum Dei'' par {{citation|fléau de Dieu}} est approximative, car ''flagellum'' signifie plutôt<ref>Voir dictionnaire Gaffiot, page 671 : « ''flagellum''. 1) fouet 2) lanière de cuir 3) rameau de vigne (vrille) 4) bras des polypes 5) mèche de cheveux ».</ref> {{citation|fouet}}<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=176}}.</ref>

Au {{s-|VI|e}}, [[Grégoire de Tours]] écrit que les Huns sont un instrument divin<ref>''[[Histoire des Francs]]'', II, 5.</ref>. Au siècle suivant [[Isidore de Séville]] précise cette idée : {{citation|Les Huns sont le bâton de la fureur de Dieu. Chaque fois que la colère de Dieu s'abat sur les fidèles, c'est par eux qu'ils sont frappés}}<ref>''[[Historia de regibus Gothorum, Vandalorum et Suevorum]]'', 457.</ref>.

L'expression est utilisée au {{s-|VII|e}} à propos des Huns dans une hagiographie de [[Loup de Troyes|saint Loup]], dans laquelle Attila se présente comme étant le ''flagellum Dei''.

==== Légende noire d'Attila chez les auteurs chrétiens anciens et médiévaux ====
Les chroniqueurs et hagiographes chrétiens poursuivent cette tradition et en font un véritable {{citation|[[antihéros]]}}<ref name="Escher177">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=177}}.</ref>. Les hagiographies lui attribuent de nombreux crimes et martyres imaginaires comme ceux de [[Nicaise (évêque de Reims)|saint Nicaise]] à [[Reims]], saint Memorius à [[Saint-Mesmin (Aube)|Saint-Mesmin]] et de nombreux autres<ref name="Escher177"/>.

À partir de ces chroniques se développent de nouvelles légendes mettant en scène des évêques protégeant leurs cités d'Attila : [[Auctor de Metz|Auctor]] à [[Metz]], [[Alpin de Châlons|Alpin]] à [[Châlons-en-Champagne|Châlons]], [[Géminien de Modène|Géminien]] à [[Modène]], Jean à [[Ravenne]], {{etc.}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=96}}.</ref>.


Sa succession dégénère en conflit entre ses fils, dont les principaux sont [[Ellac]], [[Dengitzic (fils cadet d'Attila)|Dengitzic]] et [[Ernakh]]. Ancien allié d'Attila, le roi [[Ardaric]] et ses [[Gépides]] soulèvent les peuples fédérés et vainquent les Huns à la [[bataille de la Nedao]] au cours de laquelle Ellac trouve la mort, entraînant la dislocation de l'Empire hunnique<ref name="Bozoky64"/>. Les tribus hunniques se désunissent et reprennent pour chefs des membres de leurs aristocraties, tandis que les différents peuples fédérés par Attila se dispersent. Dengitzic tente une dernière incursion au sud du [[Danube]] en 469 et une chronique byzantine, la ''[[Chronicon Paschale]]'', nous rapporte sa fin : {{citation|Dengitzic, fils d'Attila, fut tué en Thrace. Sa tête fut apportée à Constantinople, promenée en procession et plantée sur un pieu au Cirque de Bois. Toute la ville vint la voir}}. Avec sa mort disparaît toute possibilité de restaurer l'Empire hunnique<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=173}}.</ref>.
La légende de [[Ursule de Cologne|sainte Ursule]] et des onze mille vierges mortes en martyre à [[Cologne]] est l'invention la plus impressionnante. Couchée par écrit au {{s-|X|e}}, elle reste populaire durant tout le Moyen Âge<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=102}}.</ref>.


Si son empire ne lui a pas survécu plus de deux années, les proches non hunniques d'Attila continuent à jouer un grand rôle dans la géopolitique du {{s-|V|e}} et dans les événements qui accompagnent la désagrégation de l'Empire romain d'Occident : [[Flavius Oreste|Oreste]] place sur le trône le dernier empereur romain [[Romulus Augustule]] et [[Edecon]] est le père d'[[Odoacre]] qui le dépose en 476, mettant ainsi fin à l'empire d'Occident<ref name="Bozoky64"/>.
Certains récits assimilent les [[Juifs]] aux Huns<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=105}}.</ref>.


==== Romans de la fin du Moyen Âge en Italie ====
== Image d'Attila du {{s-|V|e}} jusqu'à aujourd'hui ==
=== Traditions divergentes ===
En Italie, à partir du {{s-|XIV|e}}, Attila devient un personnage littéraire<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=114}}.</ref>. Des [[épopée]]s en vers ou en prose, parfois en français, racontent ses aventures chevaleresques et lui attribuent une naissance extraordinaire : il serait le fils d'une princesse et d'un [[lévriers|lévrier]]. Par sa nature semi-bestiale et ses mauvaises actions, il est encore représenté comme l'ennemi du christianisme.
==== Vision occidentale : « fléau de Dieu » ====
[[Fichier:Ulpiano Checa La invasión de los bárbaros.jpg|vignette|upright=1.5|Les Huns menés par Attila, déferlant sur l'Italie, vus par [[Ulpiano Checa y Sanz]] (1887).]]
Attila est surtout connu dans l'historiographie et dans la tradition chrétienne occidentale pour avoir été le {{citation|fléau de Dieu}}. Cette expression a été forgée par [[Augustin d'Hippone|saint Augustin]] pour désigner [[Alaric Ier|Alaric]] en 410, mais dès le {{s-|VI|e}} [[Grégoire de Tours]] pense déjà que les Huns sont un instrument divin<ref>''[[Histoire des Francs]]'', II, 5.</ref>. Au siècle suivant [[Isidore de Séville]] précise l'idée : {{citation|Les Huns sont le bâton de la fureur de Dieu. Chaque fois que la colère de Dieu s'abat sur les fidèles, c'est par eux qu'ils sont frappés}}<ref>''[[Historia de regibus Gothorum, Vandalorum et Suevorum]]'', 457.</ref>. L'expression n'apparaît qu'au {{s-|VII|e}} dans une hagiographie de [[Loup de Troyes|saint Loup]] où Attila se présente comme étant le {{citation|fléau de Dieu}} ; bien que {{citation|fléau}} soit resté dans les mémoires, {{citation|fouet}} traduit mieux le terme original de ''{{langue|la|flagellum}}''<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=176}}.</ref>. Les chroniqueurs et hagiographes chrétiens poursuivent cette tradition et en font un véritable {{citation|[[antihéros]]}}<ref name="Escher177">{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=177}}.</ref>. Les hagiographies lui prêtent de nombreux crimes et martyres imaginaires comme [[Nicaise (évêque de Reims)|saint Nicaise]] à [[Reims]], saint Memorius à [[Saint-Mesmin (Aube)|Saint-Mesmin]] et de nombreux autres<ref name="Escher177"/>. À partir de ces chroniques se développent de nouvelles légendes mettant en scène des évêques protégeant leurs cités d'Attila : Jean à [[Ravenne]], [[Géminien de Modène|Géminien]] à [[Modène]], [[Alpin de Châlons|Alpin]] à [[Châlons-en-Champagne|Châlons]], [[Auctor de Metz|Auctor]] à [[Metz]]{{etc.}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=96}}.</ref>. [[Ursule de Cologne|Sainte Ursule]] et les onze mille vierges mortes en martyre à [[Cologne]] constituent l'invention hagiographique la plus impressionnante, couchée par écrit au {{s-|X|e}}, elle reste populaire durant tout le Moyen Âge<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=102}}.</ref>. Certains récits vont même identifier les [[Juifs]] aux Huns<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=105}}.</ref>.


==== Personnage romanesque en Italie ====
L'un des plus populaires est intitulé ''Estoire d'Atile''<ref>[http://www.mshs.univ-poitiers.fr/crla/contenidos/ESCRITURAL/ESCRITURAL6/ESCRITURAL_6_SITIO/PAGES/Bozoki.html Notice] dans ''Escritural'', [[Université de Poitiers]], décembre 2012.</ref>, manuscrit paru à [[Venise]] au {{s-|XIII}}<ref>Manuscrit conservé à Zagreb, BN de Croatie.</ref>, recopié<ref>Manuscrit du {{s-|XIV}} conservé à Venise, Bibliothèque Saint-Marc.</ref> puis imprimé jusqu'au {{s-|XIX}} (la dernière édition {{pas clair|daterait}} de [[1862 en littérature|1862]]<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=138}}.</ref>.
En Italie, à partir du {{s-|XIV|e}}, Attila devient un héros littéraire<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=114}}.</ref>. Des [[épopée]]s en vers ou en prose narrent ses aventures chevaleresques et lui prêtent une naissance extraordinaire : il serait le fils d'une princesse et d'un [[lévriers|lévrier]]. Dans ces récits, par sa nature semi-bestiale et ses mauvaises actions, il est encore représenté comme l'ennemi du christianisme. L'un des plus populaires, l'''Estoire d'Atile'', est copié puis imprimé à [[Venise]] à travers les siècles ; la dernière édition daterait de [[1862 en littérature|1862]]<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=138}}.</ref>.


=== Points de vue positifs ===
==== Héros germanique et scandinave ====
==== Héros des écrits germaniques du Moyen Âge ====
[[Fichier:Atli.jpg|droite|vignette|redresse|Illustration d'« Atli » (Attila) dans l'''[[Edda poétique]]'' (édition de 1893).]]
[[Fichier:Atli.jpg|droite|vignette|redresse|Illustration d'« Atli » (Attila) dans l'''[[Edda poétique]]'' (édition de 1893).]]
Attila n'a pas laissé une image aussi négative dans les territoires non romains. La ''[[Chanson de Walther]]'', [[chanson de geste]] en [[hexamètre dactylique|hexamètres]] latins, attribuée au [[monachisme|moine]] [[Ekkehard Ier|Ekkehard {{Ier}}]] de [[Saint-Gall]], vers [[930]], dépeint Attila comme un roi puissant et généreux<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=147}}.</ref>. La ''[[Chanson des Nibelungen]]'', ''{{Langue|de|texte=Nibelungenlied}}'' en [[allemand]], une [[épopée]] [[Moyen Âge|médiévale]] allemande composée au {{s-|XIII|e}}, le présente, sous le nom d'Etzel, sous un jour positif malgré son [[paganisme]]<ref name="Bozoky169">{{harvsp|Bozoky|2012|p=169}}.</ref>.


Dans les [[saga]]s [[Islande|islandaises]] écrites au {{s-|XII|e}}, Attila et les Huns sont mis en scène dans des guerres épiques les opposant aux Burgondes, aux Goths ou aux Danois comme dans la ''[[Brevis historia regum Dacie]]'' de [[Saxo Grammaticus]]<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=174-176}}.</ref>. Dans l{{'}}''[[Edda poétique]]'', un recueil de chants scandinaves, les racines des plus anciens remontant au {{s-|V|e}}, le personnage du roi '''Atli''' est {{citation|issu de l'Attila historique}}<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=178}}.</ref>. Les poèmes de l'''Edda'' qui le mettent en scène sont ''[[Atlamál]]'' (''Les Dits groenlandais d'Atli''), ''[[Guðrúnarkviða II]]'' (''Le Second chant de Gudrún''), ''[[Sigurðarkviða hin skamma]]'' (''Le Chant bref de Sigurd''), ''[[Guðrúnarhvöt]]'' (''L'exhortation de Gudrún''), ''[[Atlakviða]]'' (''Le Chant d'Atli''). Ces chants sont repris en prose au {{s-|XIII|e}} par [[Snorri Sturluson]], le plus grand écrivain scandinave médiéval<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=179}}.</ref>.
La ''[[Chanson de Walther]]'', [[chanson de geste]] en [[hexamètre dactylique|hexamètres]] latins, attribuée au [[monachisme|moine]] [[Ekkehard Ier|Ekkehard {{Ier}}]] de [[Saint-Gall]], vers [[930]], dépeint Attila comme un roi puissant et généreux<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=147}}.</ref>.


Dans ces légendes, Attila est le frère de [[Brynhildr]] ou [[Sigrdrífa]], la première épouse de [[Siegfried (mythologie)|Sigurd]]. Après la mort de celui-ci, il épouse [[Kriemhild|Gudrún]] (Kriemhild dans le domaine germanique). Par la ruse, il attire chez lui ses beaux-frères [[Gunnar]] et [[Högni]] dont il tente en vain d'obtenir le secret de l'emplacement de l'[[or du Rhin]], puis les fait mettre à mort. Gudrún se venge en faisant périr Attila, selon une version, dans l'incendie de son palais ; selon une autre, par le poison, après lui avoir fait manger le cœur de leurs fils{{sfn|Boyer|1997}}.
La ''[[Chanson des Nibelungen]]'' (''{{Langue|de|texte=Nibelungenlied}}''), [[épopée]] [[Moyen Âge|médiévale]] allemande composée au {{s-|XIII|e}}, le présente sous le nom d{{'}}'''''Etzel''''' sous un jour positif malgré son [[paganisme]]<ref name="Bozoky169">{{harvsp|Bozoky|2012|p=169}}.</ref>.

Dans la ''[[Brevis historia regum Dacie]]'' de [[Saxo Grammaticus]] ({{s-|XII|e}}), Attila et les Huns sont mis en scène dans des guerres épiques les opposant aux Burgondes, aux Goths ou aux Danois<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=174-176}}.</ref>

==== Héros des écrits scandinaves du Moyen Âge ====
Dans l{{'}}''[[Edda poétique]]'', recueil de chants scandinaves dont les plus anciens remontent au {{s-|V|e}}, le personnage du roi '''''Atli''''' est {{citation|issu de l'Attila historique}}<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=178}}.</ref>. Les poèmes de l'''Edda'' qui le mettent en scène sont ''[[Atlamál]]'' (''Les Dits groenlandais d'Atli''), ''[[Guðrúnarkviða II]]'' (''Le Second Chant de Gudrún''), ''[[Sigurðarkviða hin skamma]]'' (''Le Chant bref de Sigurd''), ''[[Guðrúnarhvöt]]'' (''L'Exhortation de Gudrún''), ''[[Atlakviða]]'' (''Le Chant d'Atli'').

Ces chants sont repris en prose au {{s-|XIII|e}} par [[Snorri Sturluson]], le plus grand écrivain scandinave du Moyen Âge<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=179}}.</ref>.

Dans ces légendes, Attila est le frère de [[Brynhildr]] (Brunhilde) ou [[Sigrdrífa]], la première épouse de [[Siegfried (mythologie)|Sigurd]] (Siegfried). Après la mort de celui-ci, il épouse [[Kriemhild|Gudrún]] (Kriemhild dans le domaine germanique). Par la ruse, il attire chez lui ses beaux-frères [[Gunnar]] et [[Högni]] dont il tente en vain d'obtenir le secret de l'emplacement de l'[[or du Rhin]], puis il les fait mettre à mort. Gudrún se venge en faisant périr Attila (selon une version, dans l'incendie de son palais ; selon une autre, par le poison, après lui avoir fait manger le cœur de leurs fils){{sfn|Boyer|1997}}.


Le personnage de Gudrún, sœur du roi des Burgondes, serait issu de l'Ildico historique : la mort tragique d'Attila, les soupçons d'assassinat et d'implication de sa jeune épouse auraient donné naissance à une tradition littéraire dans laquelle le motif de la vengeance féminine tient une place majeure<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=185}}.</ref>.
Le personnage de Gudrún, sœur du roi des Burgondes, serait issu de l'Ildico historique : la mort tragique d'Attila, les soupçons d'assassinat et d'implication de sa jeune épouse auraient donné naissance à une tradition littéraire dans laquelle le motif de la vengeance féminine tient une place majeure<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=185}}.</ref>.


Dans l'ensemble de ces mythes, Attila est représenté de façon assez {{citation|sympathique}} : il est tolérant, loyal, généreux et chevaleresque. Ses démêlés tragiques sont dus à sa naïveté et à ses difficultés à comprendre les autres peuples<ref name="Bozoky169"/>.
Dans l'ensemble de ces mythes, Attila est représenté de façon assez {{citation|sympathique}}, il est tolérant, loyal, généreux et chevaleresque. Ses démêlés tragiques sont dus à sa naïveté et à ses difficultés à comprendre les autres peuples<ref name="Bozoky169"/>.


=== Rôle d'Attila en Hongrie ===
==== Roi mythique hongrois ====
[[Fichier:MorThanFeastofAttila.jpg|gauche|vignette|upright=1.5|''Fête d'Attila'', huile sur toile, par le peintre hongrois Mór Than (1870).]]
[[Fichier:MorThanFeastofAttila.jpg|gauche|vignette|upright=1.5|''Fête d'Attila'', huile sur toile, par le peintre hongrois Mór Than (1870).]]
Lorsqu'au {{s-|X|e}} les [[Magyars|Hongrois]], nomades venus de l'Est, s'installent dans les [[Carpates]] et commencent à mener des razzias en Europe, les chrétiens les identifient immédiatement aux Huns<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=187}}.</ref>. Quand ils se convertissent et commencent à écrire leur propre histoire, ils adoptent cette idée, revendiquent la filiation avec Attila et le transforment en héros positif. Il devient ainsi l'ancêtre de la dynastie [[Árpád]] dans la ''[[Gesta Hungarorum]]'' rédigée vers 1210<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=188}}.</ref>.


Dans ces mythes fondateurs, Attila est glorifié, ses vertus morales et guerrières exaltées<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=203}}.</ref>. À la [[Renaissance]], la ''[[Chronica Hungarorum]]'' utilise encore la figure du roi des Huns pour accroître le prestige et la légitimité de la [[Liste des souverains de Hongrie|monarchie hongroise]] alors à son apogée, [[Matthias Ier de Hongrie|Matthias {{Ier}} de Hongrie]] est célébré comme un {{citation|second Attila}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=215}}.</ref>. L'origine hunnique des Hongrois et la figure d'Attila est encore un thème récurrent de la littérature hongroise du {{sp-|XVI|au|XIX|}}. En [[1857]], le compositeur et pianiste virtuose [[Franz Liszt]] compose un [[poème symphonique]] sur la [[Bataille des champs Catalauniques (451)|bataille des champs Catalauniques]]. Le développement du nationalisme hongrois garde Attila comme une référence majeure de l'[[identité nationale]], la disparition de son brillant empire est mise en parallèle avec le destin des Hongrois sous domination [[Autriche-Hongrie|autrichienne]] et [[Empire ottoman|ottomane]]. Au {{s-|XIX|e}}, l'historienne Edina Bozoky recense une vingtaine de drames, neufs poèmes et trois romans hongrois utilisant Attila, notamment deux œuvres de grands auteurs que sont l'écrivain [[Mór Jókai]] et le poète [[János Arany]]<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=229}}.</ref>. Plus de quinze œuvres à ce sujet sont encore écrites au {{s-|XX|e}}. Le prénom Attila reste populaire tout au long du siècle<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=193}}.</ref> comme en témoignent [[Attila József]], [[Attila Csihar]], [[Attila Zsivóczky]] ou [[Attila Horváth]].
Au {{s-|X|e}}, le monde post-carolingien subit les attaques des [[Magyars|Hongrois]], nomades eux aussi venus de l'Est. Les chrétiens les identifient immédiatement aux Huns<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=187}}.</ref>. Ils se sédentarisent dans la plaine de Pannonie, à l'est du Saint-Empire romain germanique (créé en 962) et fondent le royaume de Hongrie en 1001.

==== Attila et les Huns, ancêtres mythiques des Hongrois ====
Quand ils se convertissent et commencent à écrire leur propre histoire, les Hongrois adoptent cette idée, revendiquant une filiation avec les Huns et Attila, dont ils font un héros positif.

Il est considéré comme l'ancêtre de la dynastie des [[Árpád]] dans la ''[[Gesta Hungarorum]]'' écrite vers 1210<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=188}}.</ref>, où Attila est glorifié et ses vertus morales et guerrières exaltées<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=203}}.</ref>.

À la [[Renaissance]], la ''[[Chronica Hungarorum]]'' utilise encore la figure du roi des Huns pour accroître le prestige et la légitimité de la [[Liste des souverains de Hongrie|monarchie hongroise]] alors à son apogée. [[Matthias Ier de Hongrie|Matthias {{Ier}}]] ([[Matthias Corvin]]) est célébré comme un {{citation|second Attila}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=215}}.</ref>.

==== Attila et le nationalisme hongrois du {{s-|XIX}} ====
L'origine hunnique des Hongrois et la figure d'Attila reste un thème récurrent de la littérature hongroise du {{sp-|XVI|au|XIX|}}. En [[1857]], [[Franz Liszt]] compose un [[poème symphonique]] sur la [[Bataille des champs Catalauniques (451)|bataille des champs Catalauniques]]. Le nationalisme hongrois conserve Attila comme une référence majeure de l'[[identité nationale]], le destin de son empire est mis en parallèle avec le destin du royaume de Hongrie, soumis à partir du {{s-|XVI}} aux [[Monarchie de Habsbourg|Habsbourg d'Autriche]] et aux [[Empire ottoman|Ottomans]]. L'historienne Edina Bozoky recense pour le {{s-|XIX|e}} une vingtaine de pièces de théâtre, neufs poèmes et trois romans hongrois utilisant le personnage d'Attila, notamment deux œuvres des écrivains importants que sont le romancier [[Mór Jókai]] et le poète [[János Arany]]<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=229}}.</ref>.

Plus de quinze œuvres dans cette veine sont écrites au {{s-|XX|e}} et le prénom « Attila » reste populaire tout au long du siècle<ref>{{harvsp|Escher|Lebedynsky|2007|p=193}}.</ref> comme en témoignent [[Attila József]], [[Attila Csihar]], [[Attila Zsivóczky]] ou [[Attila Horváth]].


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Le mythe d'Attila est aussi très utilisé dans la politique hongroise, particulièrement par l'[[Extrême droite par pays#Hongrie|extrême droite]] dans les [[années 1930]]. Certains développent un [[néopaganisme]] prétendant retourner aux sources hunniques et construisent une tour à la mémoire d'Attila, d'[[Árpád (grand-prince)|Árpád]] et de [[Koppány]]<ref name="Bozoky234">{{harvsp|Bozoky|2012|p=234}}.</ref>. Ces groupes connaissent une résurgence avec la [[Troisième République hongroise]] : une {{citation|Sainte Église des Huns}} est fondée en [[1997]] et une {{citation|Alliance hunnique}} en [[2002]]. En [[2010]], une statue équestre d'Attila est inaugurée à [[Budapest]] par le ministre de la Défense [[Csaba Hende]]. À cette occasion, des arbres sont plantés aux frontières historiques de la Hongrie, officiellement pour qu'ils prennent racine auprès d'Attila<ref name="Bozoky234"/>.
==== {{s-|XX}} ====
La Hongrie redevient indépendante en 1918, mais amputée d'une partie de ses possessions traditionnelles non-magyare (Slovaquie, Croatie, etc.).

Le mythe d'Attila est utilisé par l'[[Extrême droite par pays#Hongrie|extrême droite]] hongroise dans les [[années 1930]]. Certains développent un [[néopaganisme]] prétendant retourner aux sources hunniques et construisent une tour à la mémoire d'Attila, d'[[Árpád (grand-prince)|Árpád]] et de [[Koppány]]<ref name="Bozoky234">{{harvsp|Bozoky|2012|p=234}}.</ref>.

Ces groupes connaissent une résurgence avec l'avènement en 1989 de la [[troisième République hongroise]] : une {{citation|Sainte Église des Huns}} est fondée en [[1997]] et une {{citation|Alliance hunnique}} en [[2002]].

En [[2010]], une statue équestre d'Attila est inaugurée à [[Budapest]] par le ministre de la Défense [[Csaba Hende]]. À cette occasion, des arbres sont plantés aux frontières historiques de la Hongrie, officiellement pour qu'ils prennent racine auprès d'Attila<ref name="Bozoky234"/>.


=== Symbole politique négatif en Europe occidentale à partir du {{s-|XIX}} ===
==== Symbole politique ====
[[Fichier:The Hun and the Home.jpg|vignette|Affiche de [[propagande]] britannique en 1917.]]
[[Fichier:The Hun and the Home.jpg|vignette|Affiche de [[propagande]] britannique en 1917.]]
Bien qu'au siècle précédent [[Voltaire]] et [[Montesquieu]] aient dépeint un Attila contrasté et pourvu de grandes qualités<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=377}}.</ref>, au {{s-|XIX|e}} Attila devient une métaphore du tyran et les Huns des ennemis barbares et brutaux. [[Benjamin Constant]] en 1815 et [[Victor Hugo]] en 1824 comparent [[Napoléon Ier|Napoléon]] à Attila<ref name="Bozoky">{{harvsp|Bozoky|2012|p=254}}.</ref>. Les Français et dans une moindre mesure les Anglais et les Américains comparent les Allemands aux Huns, Victor Hugo compare cette fois [[Guillaume Ier d'Allemagne|Guillaume {{Ier}}]] à Attila en 1871. Lors de la [[Première Guerre mondiale]], [[Guillaume II d'Allemagne|Guillaume II]] est encore comparé à Attila, la [[Première bataille de la Marne|bataille de la Marne]] devenant une répétition des champs Catalauniques. En 1914, [[Rudyard Kipling]] lance un appel à la guerre contre les Huns. Les affiches canadiennes et américaines comparent la destruction de la [[Belgique]] par l'Allemagne aux ravages d'Attila, la propagande proclame {{citation|''{{Langue|en|texte=Beat the Hun}}''}}, que l'on peut traduire par {{citation|Écrasons le Hun}}<ref name="Bozoky"/>.


Les anecdotes historiques et morales d'Attila sont propagées par l'école : {{citation|amené par sa monture favorite, Balamer, guidée par le vent jusqu'à l'épée de [[Tengrisme|Tengri]], Attila s'exclame : {{citation|Là où passe mon cheval, l'herbe ne repousse pas.}}}} Cette phrase a longtemps été un lieu commun de l'enseignement primaire en France<ref>{{Ouvrage |prénom1=Augustin |nom1=Guillemain |prénom2=François |nom2=Le Ster |titre=Histoire de France, du cours moyen au certificat d'études |éditeur=Les Éditions de l'École |lieu=Paris |année=1953 |passage=72 |isbn= |numéro chapitre=1475}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |prénom1=Paul |nom1=Bernard |prénom2=Franz |nom2=Redon |titre=Nouvelle histoire de la France et de la civilisation française |sous-titre=Cours moyen, Première année, Programme 1945 |éditeur=[[Nathan (maison d'édition)|Nathan]] |lieu=Paris |année=1950 |passage=18 |isbn=}}.</ref>.
==== {{s-|XIX}} ====
Bien qu'au siècle précédent [[Voltaire]] et [[Montesquieu]] aient dépeint un Attila contrasté et pourvu de grandes qualités<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=377}}.</ref>, au {{s-|XIX|e}} il devient une métaphore du tyran et les Huns des ennemis barbares et brutaux.


Paradoxalement, les Allemands reprennent parfois à leur compte la métaphore, lors de la [[révolte des Boxers]], Guillaume II galvanise ses troupes en les incitant à suivre le modèle d'Attila, il déclare : {{citation|Pas de pitié ! [[Pas de quartier|Pas de prisonniers]] ! Il y a mille ans les Huns du roi Attila se sont fait un nom qui retentit formidablement aujourd'hui encore dans les mémoires et les contes ; que le nom des Allemands acquière en Chine la même réputation, pour que plus jamais un Chinois n'ose regarder un Allemand de travers}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=255}}.</ref>. À la façon des Hongrois, au {{s-|XX|e}}, les nationalistes et les [[touranisme|touranistes]] turcs récupèrent également la figure d'Attila, libérateur des nations opprimées par les rois étrangers et la religion, précurseur de la [[Turquie]] moderne et laïque<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=253}}.</ref>.
[[Benjamin Constant]] en 1815 et [[Victor Hugo]] en 1824 comparent [[Napoléon Ier|Napoléon]] à Attila<ref name="Bozoky">{{harvsp|Bozoky|2012|p=254}}.</ref>.


Plus récemment, en 2011, le général serbe [[Ratko Mladić]] est surnommé Attila aussi bien dans son propre pays qu'à l'étranger<ref>{{article|prénom1=Isabelle|nom1=Lasserre|titre=Ratko Mladic, l'Attila serbe|périodique=[[Le Figaro]]|jour=26|mois=mai|année=2011|url texte=http://www.lefigaro.fr/international/2011/05/26/01003-20110526ARTFIG00560-ratko-mladic-l-attila-serbe.php|consulté le=26 décembre 2012}}.</ref>. Des [[pamphlet|pamphlétaires]] utilisent encore la figure négative d'Attila, comme Sandy Franks et Sara Nunnally qui le comparent avec [[Wall Street]]<ref>{{Lien web |auteur=Joelle Koenig|url=http://blogs.mediapart.fr/blog/joelle-koenig/140811/les-attila-de-la-finance|titre=Les Attila de la Finance|jour=14|mois=août|année=2011|site=blogs.mediapart.fr|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>.
Les Français et dans une moindre mesure les Anglais et les Américains comparent les Allemands aux Huns, Victor Hugo compare cette fois [[Guillaume Ier d'Allemagne|Guillaume {{Ier}}]] à Attila en 1871.


=== Dans les arts ===
Des anecdotes historiques et morales sur Attila sont propagées dans le cadre scolaire : {{citation|amené par sa monture favorite, Balamer, guidée par le vent jusqu'à l'épée de [[Tengrisme|Tengri]], Attila s'exclame : {{citation|Là où passe mon cheval, l'herbe ne repousse pas.}}}} Cette phrase a longtemps été un lieu commun de l'enseignement primaire en France<ref>{{Ouvrage |prénom1=Augustin |nom1=Guillemain |prénom2=François |nom2=Le Ster |titre=Histoire de France, du cours moyen au certificat d'études |éditeur=Les Éditions de l'École |lieu=Paris |année=1953 |passage=72 |isbn= |numéro chapitre=1475}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |prénom1=Paul |nom1=Bernard |prénom2=Franz |nom2=Redon |titre=Nouvelle histoire de la France et de la civilisation française |sous-titre=Cours moyen, Première année, Programme 1945 |éditeur=[[Nathan (maison d'édition)|Nathan]] |lieu=Paris |année=1950 |passage=18 |isbn=}}.</ref>.

Paradoxalement, les Allemands utilisent la métaphore hunnique, en valorisant en quelque sorte la cruauté supposée des Huns, lors de la [[révolte des Boxers]]. Guillaume II incite les soldats allemands à suivre le modèle d'Attila : {{citation|Pas de pitié ! [[Pas de quartier|Pas de prisonniers]] ! Il y a mille ans les Huns du roi Attila se sont fait un nom qui retentit formidablement aujourd'hui encore dans les mémoires et les contes ; que le nom des Allemands acquière en Chine la même réputation, pour que plus jamais un Chinois n'ose regarder un Allemand de travers}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=255}}.</ref>.

==== Première Guerre mondiale ====
Lors de la [[Première Guerre mondiale]], [[Guillaume II d'Allemagne|Guillaume II]] est encore comparé à Attila, la [[Première bataille de la Marne|bataille de la Marne]] devenant une répétition de celle des champs Catalauniques. En 1914, [[Rudyard Kipling]] lance un appel à la « guerre contre les Huns ».

Les affiches canadiennes et américaines comparent la destruction de la [[Belgique]] par l'Allemagne aux ravages d'Attila, la propagande proclame {{citation|''{{Langue|en|texte=Beat the Hun}}''}}, que l'on peut traduire par {{citation|Écrasons le Hun}}<ref name="Bozoky"/>.

==== Guerres de Yougoslavie ====
Plus récemment, en 2011, le général serbe [[Ratko Mladić]] est surnommé « Attila » aussi bien dans son pays qu'à l'étranger<ref>{{article|prénom1=Isabelle|nom1=Lasserre|titre=Ratko Mladic, l'Attila serbe|périodique=[[Le Figaro]]|jour=26|mois=mai|année=2011|url texte=http://www.lefigaro.fr/international/2011/05/26/01003-20110526ARTFIG00560-ratko-mladic-l-attila-serbe.php|consulté le=26 décembre 2012}}.</ref>. Des [[pamphlet|pamphlétaires]] utilisent encore la figure négative d'Attila, comme Sandy Franks et Sara Nunnally qui le comparent avec [[Wall Street]]<ref>{{Lien web |auteur=Joelle Koenig|url=http://blogs.mediapart.fr/blog/joelle-koenig/140811/les-attila-de-la-finance|titre=Les Attila de la Finance|jour=14|mois=août|année=2011|site=blogs.mediapart.fr|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>.

=== Symbole politique positif au {{s-|XX}} en Turquie ===
À la façon des Hongrois, au {{s-|XX|e}}, les nationalistes et les [[touranisme|touranistes]] turcs récupèrent la figure d'Attila, libérateur des nations opprimées par les rois étrangers et la religion, précurseur de la [[Turquie]] moderne et laïque<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=253}}.</ref>.

== Attila dans les arts, la littérature et les sciences ==
À une moindre échelle qu'en Hongrie, le roi des Huns est resté populaire dans le reste de l'Europe, sa figure ayant sans cesse intéressé les artistes. Pour l'historienne Edina Bozoky, la richesse et la variété des œuvres sur Attila sont exceptionnelles dans l'histoire littéraire : {{citation|chaque pays, chaque époque se fabrique un Attila à son image}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=261}}.</ref>.
À une moindre échelle qu'en Hongrie, le roi des Huns est resté populaire dans le reste de l'Europe, sa figure ayant sans cesse intéressé les artistes. Pour l'historienne Edina Bozoky, la richesse et la variété des œuvres sur Attila sont exceptionnelles dans l'histoire littéraire : {{citation|chaque pays, chaque époque se fabrique un Attila à son image}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=261}}.</ref>.


=== Sculpture, vitraux, peintures et gravures ===
==== Sculpture, vitraux, peintures et gravures ====
[[Fichier:CaravaggioUrsula.jpg|vignette|''[[Le Martyre de sainte Ursule]]'', huile sur toile du [[Le Caravage|Caravage]] (1610), musée du [[palais Zevallos]], [[Naples]].]]
[[Fichier:CaravaggioUrsula.jpg|vignette|''[[Le Martyre de sainte Ursule]]'', huile sur toile du [[Le Caravage|Caravage]] (1610).]]
L'art chrétien a beaucoup représenté Attila, [[enluminure]]s des ouvrages hagiographiques comme celles de ''[[La Légende dorée]]'' de [[Jacques de Voragine]], statues, [[retable]]s et vitraux des églises. Attila y est souvent un personnage secondaire visant à valoriser les saints, comme Alpin, Loup, Geneviève, Ursule et les vierges de Cologne. L'une des peintures les plus renommées est ''[[Le Martyre de sainte Ursule]]'' réalisée par [[Le Caravage]] en 1610, Attila y est représenté avec un air sombre et un arc à la main tandis qu'une flèche transperce la poitrine de la martyre<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=373}}.</ref>. Les peintres, sculpteurs et graveurs hongrois de la [[Renaissance]] et de l'âge [[baroque]] en réalisent des portraits en majesté dans l'[[art officiel]]<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=210-213}}.</ref>.

L'art chrétien a beaucoup représenté Attila, dans les [[enluminure]]s d'ouvrages hagiographiques comme ''[[La Légende dorée]]'' de [[Jacques de Voragine]], ou dans les églises (statues, [[retable]]s et vitraux). Attila est souvent un personnage secondaire destiné à valoriser les saints, comme Alpin, Loup, Geneviève, Ursule et les vierges de Cologne.

'''Vitraux'''<ref>[http://ndoduc.free.fr/vitraux/htm9601/pe_Attila.php]</ref>
*[[Cathédrale Saint-Étienne de Meaux]], ''Sainte Geneviève dissuade Attila d'attaquer Paris'', 1869
*Église Saint-Alpin à [[Châlons-en-Champagne|Châlons]], ''Saint-Alpin devant Attila''
*[[Église Saint-Loup de Chappes|Église Saint-Loup]] à [[Chappes (Aube)]], ''Attila devant Troyes''
*Église Saint-Maurice de [[Bécon-les-Bruyères|Bécon]] à [[Courbevoie]], ''Saint Léon arrêtant Attila''
*Église Notre-Dame aux [[Les Loges (Seine-Maritime)|Loges]] (Seine-Maritime), ''Saint Léon arrêtant Attila''

'''Peintures''' :

L'une des peintures les plus renommées est ''[[Le Martyre de sainte Ursule]]'' du [[Le Caravage|Caravage]] (1610). Attila y est représenté avec un air sombre, un arc à la main tandis qu'une flèche transperce la poitrine de la martyre<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=373}}.</ref>.


==== Théâtre ====
Les peintres, sculpteurs et graveurs hongrois de la [[Renaissance]] et de l'âge [[baroque]] en réalisent des portraits en majesté dans l'[[art officiel]]<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=210-213}}.</ref>.
''[[Attila (Corneille)|Attila]]'' est une des dernières [[tragédie]]s de [[Pierre Corneille|Corneille]], en 1667. Drame amoureux dans lequel Attila doit choisir entre Honorie l'impératrice et Ildione la sœur du roi de France, Corneille considère que c'est sa meilleure pièce de théâtre mais elle ne remportera pas un grand succès<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=240}}.</ref>. Pour [[Nicolas Boileau]] en revanche, Attila signe le déclin du génie de Corneille, résumé par son exclamation désolée : {{Citation|J'ai vu Agésilas, hélas ! Mais après l'Attila, holà !}} En montrant un Attila rongé par ses ambitions de conquêtes glorieuses et aux prises avec des amours tumultueuses, Corneille parle de la France du jeune et ambitieux [[Louis XIV de France|Louis XIV]] des années 1660<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=376}}.</ref>.


=== Musique ===
==== Musique et opéra ====
Attila est très utilisé dans l'opéra. Dès [[1672 en musique classique|1672]], [[Pietro Andrea Ziani]] compose un ''Attila'' sur un livret de [[Matteo Noris]]. En [[1807 en musique classique|1807]] à [[Hambourg]], en [[1818 en musique classique|1818]] à [[Palerme]], en [[1827 en musique classique|1827]] à [[Parme]] et en [[1845 en musique classique|1845]] à [[Venise]] des opéras intitulés ''Attila'' sont représentés avec des succès divers. Le plus connu reste celui de [[Giuseppe Verdi]] en [[1846 en musique classique|1846]]. [[Zacharias Werner]], écrivain autrichien, écrit ''{{langue|de|Attila, König der Hunnen}}'' (''Attila, roi des Huns'') sur les dernières années de sa vie et la fait publier en 1807. Il met en scène la campagne d'Italie et le pillage d'Aquilée, Attila y est dépeint comme une métaphore de Napoléon. Celui-ci ordonne d'ailleurs de détruire toutes les copies de l'ouvrage en 1810<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=242}}.</ref>. Cette œuvre est à l'origine de l'opéra de Verdi, ''[[Attila (opéra)|Attila]]'', sur un livret de [[Temistocle Solera]] en [[1846 en musique classique|1846]].
Attila est très utilisé dans l'opéra. Dès [[1672 en musique classique|1672]], [[Pietro Andrea Ziani]] compose un ''Attila'' sur un livret de [[Matteo Noris]]. En [[1807 en musique classique|1807]] à [[Hambourg]], en [[1818 en musique classique|1818]] à [[Palerme]], en [[1827 en musique classique|1827]] à [[Parme]] et en [[1845 en musique classique|1845]] à [[Venise]] des opéras intitulés ''Attila'' sont représentés avec des succès divers. Le plus connu reste celui de [[Giuseppe Verdi]] en [[1846 en musique classique|1846]]. [[Zacharias Werner]], écrivain autrichien, écrit ''{{langue|de|Attila, König der Hunnen}}'' (''Attila, roi des Huns'') sur les dernières années de sa vie et la fait publier en 1807. Il met en scène la campagne d'Italie et le pillage d'Aquilée, Attila y est dépeint comme une métaphore de Napoléon. Celui-ci ordonne d'ailleurs de détruire toutes les copies de l'ouvrage en 1810<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=242}}.</ref>. Cette œuvre est à l'origine de l'opéra de Verdi, ''[[Attila (opéra)|Attila]]'', sur un livret de [[Temistocle Solera]] en [[1846 en musique classique|1846]].


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Le groupe ''Attila Jazz Quintet'' a été créé par Pierre Levy, musicien, écrivain et producteur de radio. Il s'est produit pendant huit ans, et a continué sous le nom ''Pierre Levy Quintet'' pendant dix années à jouer un jazz inspiré par le jazz des années 50/60, surtout par Charles Mingus, Horace silver et Thelonious Monk.
Le groupe ''Attila Jazz Quintet'' a été créé par Pierre Levy, musicien, écrivain et producteur de radio. Il s'est produit pendant huit ans, et a continué sous le nom ''Pierre Levy Quintet'' pendant dix années à jouer un jazz inspiré par le jazz des années 50/60, surtout par Charles Mingus, Horace silver et Thelonious Monk.


=== Théâtre ===
==== Littérature ====
La [[littérature russe]] et soviétique de la première moitié du {{s-|XX|e}}, dans l'élan du {{citation|scythisme}}, qui célèbre les racines asiatiques de la Russie, s'empare de la figure d'Attila. [[Valéri Brioussov]] lui consacre un poème en [[1921 en littérature|1921]] où Attila personnifie la crainte de la destruction et l'espoir du renouveau. [[Ievgueni Zamiatine]] écrit le [[roman historique]] ''[[Le Fléau de Dieu (Zamiatine)|Le Fléau de Dieu]]'' sur la jeunesse d'Attila. De nombreux autres écrivains de pays différents lui ont aussi consacré un roman historique comme l'Allemand [[Felix Dahn]] dans ses ''Romans historiques de la Grande Migration'' publiés entre [[1882 en littérature|1882]] et [[1901 en littérature|1901]], le Canadien Thomas Costain en [[1959 en littérature|1959]], ou encore l'auteur américain de thrillers historiques [[William Dietrich]] avec ''Le Fléau de Dieu'' en [[2005 en littérature|2005]]. Si Attila est représenté en Barbare, il sert aussi à critiquer un monde romain décadent, mou et dépravé<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=247}}.</ref>.
==== Corneille, ''Attila, roi des Huns'' (1667) ====
''[[Attila (Corneille)|Attila]]'' est une des dernières [[tragédie]]s de [[Pierre Corneille]] (1606-1684), suivie de seulement quatre autres, parues de 1670 à 1674 (dont ''[[Tite et Bérénice]]'').


Il s'agit d'un drame amoureux, mais aussi politique, que Corneille situe en 453. lequel Attila doit faire un choix entre [[Honoria|Honorie]], sœur de l'[[Empire romain d'Occident|empereur d'Occident]] [[Valentinien III]], et Ildione, sœur du [[Royaumes francs|roi des Francs]] [[Mérovée]]<ref>Corneille présente Mérovée comme « roi de France », ce qui est anachronique en 453, Mérovée étant de surcroît considéré comme mal attesté historiquement.</ref>, respectivement aimées de deux des lieutenants d'Attila, le [[Gépides|Gépide]] [[Ardaric]] et l'[[Ostrogoths|Ostrogoth]] [[Valamir]]. Il décide finalement d'épouser Ildione, mais meurt d'une hémorragie juste avant la cérémonie.


Attila figure parmi les cinq personnages principaux du roman surréaliste de Pierre Levy ''RAGA EN CHAT BEMOL'' paru chez Kirographaires en 2012. Une partie du roman se situe à Budapest où se trouve le palais du Roi-Président Hunno-Hongrois, ainsi présenté dans le roman.
En montrant un Attila rongé par ses ambitions de conquêtes glorieuses et aux prises avec des amours tumultueuses, Corneille évoque le jeune [[Louis XIV]]<ref>{{harvsp|Rouche|2009|p=376}}.</ref> (1638-1715).


==== Cinéma et télévision ====
Bien que Corneille considère ''Attila'' comme sa meilleure pièce de théâtre, elle ne remporte pas un grand succès<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=240}}.</ref>. Pour [[Nicolas Boileau|Boileau]], elle confirme le déclin du génie de Corneille, comme il l'indique : {{Citation|J'ai vu Agésilas, hélas ! Mais après l'Attila, holà !}}<ref>Boileau, ''Épigrammes'', 1667.</ref> (''[[Agésilas (Corneille)|Agésilas]]'' est la pièce précédente de Corneille, parue en 1666).
Le premier film mettant en scène Attila est un [[Attila (film, 1918)|film muet italien en 1918]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=https://www.imdb.com/title/tt0192985/|titre=Attila (1918)|site=imdb.com|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>. En [[1924 au cinéma|1924]], dans le film allemand ''[[Les Nibelungen (film)|Les Nibelungen]]'' de [[Fritz Lang]], [[Rudolf Klein-Rogge]] joue le roi Attila. Les films américains ''[[Le Signe du païen]]'' de [[Douglas Sirk]] et italien ''[[Attila, fléau de Dieu]]'' de [[Pietro Francisci]] sortis tous deux en [[1954 au cinéma|1954]] conservent cette image. À l'inverse, le téléfilm ''[[Attila le Hun (téléfilm, 2001)|Attila le Hun]]'' de [[Dick Lowry]] en [[2001 au cinéma|2001]], dépeint un Attila, incarné par [[Gerard Butler]], beaucoup plus positif et séduisant<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=258}}.</ref>. Débutée en [[2005 à la télévision|2005]], la série télévisée ''[[Kaamelott]]'' d'[[Alexandre Astier]] met également en scène Attila dans quelques épisodes (interprété par [[Lan Truong]]), en en faisant cette fois une interprétation humoristique. Attila apparaît également en [[2008 à la télévision|2008]], dans un épisode de la série de la BBC, ''{{Lien|langue=en|trad=Heroes and Villains (TV series)|fr=Heroes and Villains (série télévisée)|texte=Heroes and Villains}}'', il est interprété par [[Rory McCann]]. Il apparaît également dans le film ''[[La Nuit au musée]]'' sorti en 2006 où il est interprété par [[Patrick Gallagher]].


=== Littérature non dramatique ===
==== Bande dessinée ====
Attila est le personnage central du huitième épisode de la saga des Timour dessinée par Sirius dans le journal ''Spirou'', ''Le Fléau de Dieu'' (1958), repris en album en 1960 sous le titre ''Timour contre Attila''. Le chef hun n'y est pas présenté comme une brute ou un barbare : au fil de l'histoire, une estime réciproque naît entre les deux hommes. La bande dessinée historique de [[Jean-Yves Mitton]] et [[Franck Bonnet]] ''Attila mon amour'' sort en six volumes de [[1999 en bande dessinée|1999]] à [[2003 en bande dessinée|2003]]. Sur un ton humoristique, [[Manu Larcenet]] et [[Daniel Casanave]] transforment le conquérant en dépressif dans ''Une aventure rocambolesque d'Attila le Hun - le Fléau de Dieu'' publié en [[2006 en bande dessinée|2006]]<ref>{{Lien web|auteur=Serge Perraud|url=http://www.sfmag.net/spip.php?article4303|titre=Une aventure rocambolesque de... Attila le Hun : Le Fléau Dieu|date=|site=[[Science-Fiction magazine]]|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>. ''[[Le Fléau des dieux]]'' de [[Valérie Mangin]] et [[Aleksa Gajić]] transpose le combat entre Attila et Ætius en ''[[space opera]]''<ref>{{Lien web|auteur=Grégory Covin|url=http://www.sfmag.net/spip.php?article4583|titre=Le Fléau des Dieux - Tome 6 : Exit|site=[[Science-Fiction magazine]]|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>. En 2019, les éditions [[Glénat]] et les [[Éditions du Cerf]] publient ''Léon le grand, défier Attila'' (scénario de [[France Richemond]], dessin de [[Stefano Carloni]], couleurs de Luca Merli) dans lequel on découvre comment le pape [[Léon le Grand]] aurait dissuadé Attila et sa horde de piller [[Rome]] en 452. [[Dab's]] a également créé ''Le Club des Huns'', une bande dessinée humoristique centrée autour d'Attila qui, pour retrouver sa gloire passée, décide d'envahir la Gaule avec ses guerriers<ref>[https://www.bdtheque.com/series/18248/le-club-des-huns « Le Club des Huns » sur bdtheque.com]</ref>.
==== En Russie : le courant du scythisme (1917-1939) ====
Dans la [[littérature russe]] de la [[Révolution russe|révolution de 1917]] aux années 1930, le courant du [[Les Scythes (almanach)|scythisme]], qui célèbre les racines asiatiques de la Russie, s'empare de la figure d'Attila :
*[[Valéri Brioussov]] (1873-1924) lui consacre {{refnec|un poème}} (1921) dans lequel Attila personnifie la crainte de la destruction et l'espoir du renouveau ;
*[[Ievgueni Zamiatine]] (1884-1937), ''[[Le Fléau de Dieu (Zamiatine)|Le Fléau de Dieu]]'' (publié en 1939), sur la jeunesse d'Attila.


==== Autres pays ====
==== Jeux vidéo ====
[[Roman historique|romans historiques]] :
*[[Felix Dahn]] (1834-1912), ''Attila. Historischer Roman aus der Völkerwanderung'' (« Attila. Roman historique de la grande migration »), 1888, partie de l'ensemble de treize tomes '' Kleine Romane aus der Völkerwanderung'' (« Petits romans de la grande migration »), publiés de [[1882 en littérature|1882]] à [[1901 en littérature|1901]]
*Thomas Costain (Canada), ''The Darkness and the Dawn'' ([[1959 en littérature|1959]]),
*[[William Dietrich]], ''Le Fléau de Dieu'' ([[2005 en littérature|2005]]).
{{pas clair|Si Attila est représenté en barbare, il sert aussi à critiquer un monde romain décadent, mou et dépravé}}<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=247}}.</ref>.

Attila figure aussi parmi les cinq personnages principaux du roman surréaliste de Pierre Levy ''Raga en chat bémol'' (Lyon, Kirographaires, 2012)<ref>[https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb435419458 Notice BNF]. Pierre Levy est né en 1961.</ref>. Une partie du roman est située à [[Budapest]] où se trouve le palais du « Roi-Président Hunno-Hongrois ».

=== Cinéma et télévision ===
Le premier film mettant en scène Attila date de 1918.

'''Films''' :
*''[[Attila (film, 1918)|Attila]]'' (''Attila (flagello di Dio)''), de [[Febo Mari]] (1918)<ref>{{Lien web|langue=en|url=https://www.imdb.com/title/tt0192985/|titre=Attila (1918)|site=imdb.com|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>
*''[[Les Nibelungen (film)|Les Nibelungen]]'' (''Die Nibelungen'') de [[Fritz Lang]] (1924), avec [[Rudolf Klein-Rogge]] dans le rôle d'Attila.
*''[[Le Signe du païen]]'' (''Sign of the Pagan'') de [[Douglas Sirk]] (1954), avec [[Jack Palance]].
*''[[Attila, fléau de Dieu]]'' (''Attila, il flagello di Dio'') de [[Pietro Francisci]] ([[1954 au cinéma|1954]]), avec [[Anthony Quinn]].

'''Films fantaisistes''' :
*''Attila flagello di Dio'' (« Attila fléau de Dieu ») de [[Castellano et Pipolo]] (1982), avec [[Diego Abatantuono]] dans le rôle d'Ardaric, chef d'un groupe de Huns isolés dans la région de Milan, qui se fait passer pour Attila à la suite d'une prédiction et vient attaquer Rome (il s'enfuit finalement en montgolfière).
*''[[La Nuit au musée]]'' (''Night at the Museum'') de [[Shawn Levy]] (2006), avec [[Patrick Gallagher]]. Un gardien de musée ([[Ben Stiller]]) est confronté aux activités nocturnes de ses pensionnaires, notamment une statue de cire d'Attila.
*''[[Attila (film, 2013)|Attila]]'' (''Attila'') d'[[Emmanuel Itier]] (2013), dans lequel des soldats américains rappellent à la vie la momie d'Attila, toujours dangereux.

'''Téléfilms et séries''' :
*''[[Attila le Hun (téléfilm, 2001)|Attila le Hun]]'' de [[Dick Lowry]] ([[2001 au cinéma|2001]]), avec [[Gerard Butler]], dont le personnage est plutôt positif et séduisant<ref>{{harvsp|Bozoky|2012|p=258}}.</ref>.
*''[[Kaamelott]]'' d'[[Alexandre Astier]], série télévisée (à partir de 2005), avec [[Lan Truong]]. L'interprétation du personnage est ici humoristique.
*''{{Lien|langue=en|trad=Heroes and Villains (TV series)|fr=Heroes and Villains (série télévisée)|texte=Heroes and Villains}}'', série de la BBC (2008), avec [[Rory McCann]]

=== Bande dessinée ===
*[[Sirius (auteur)|Sirius]], ''Le Fléau de Dieu'', huitième épisode de la saga ''[[Les Timour]]'', paru en 1958 dans le magazine ''[[Spirou]]'' et publié en album en 1960 sous le titre ''Timour contre Attila''.
**Le roi des Huns n'y est pas présenté comme une brute ou un barbare : au fil de l'histoire, une estime réciproque naît entre les deux hommes.
*[[Jean-Yves Mitton]] et [[Franck Bonnet]], ''Attila mon amour'', série en six volumes publiés de [[1999 en bande dessinée|1999]] à [[2003 en bande dessinée|2003]].
*[[Manu Larcenet]] et [[Daniel Casanave]], ''Une aventure rocambolesque d'Attila le Hun Le Fléau de Dieu'', publiée en [[2006 en bande dessinée|2006]]<ref>{{Lien web|auteur=Serge Perraud|url=http://www.sfmag.net/spip.php?article4303|titre=Une aventure rocambolesque de... Attila le Hun : Le Fléau Dieu|date=|site=[[Science-Fiction magazine]]|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>.
**Attila apparait ici comme un personnage dépressif.
*[[Valérie Mangin]] et [[Aleksa Gajić]], ''[[Le Fléau des dieux]]'',
**Le combat entre Attila et [[Flavius Aetius|Ætius]] est transposé en ''[[space opera]]''<ref>{{Lien web|auteur=Grégory Covin|url=http://www.sfmag.net/spip.php?article4583|titre=Le Fléau des Dieux - Tome 6 : Exit|site=[[Science-Fiction magazine]]|consulté le=14 décembre 2012}}.</ref>.
*[[France Richemond]] et [[Stefano Carloni]], ''Léon le grand Défier Attila'' (Glénat et Cerf, collection « Un pape dans l'histoire », 2019)
**On y découvre comment le pape [[Léon le Grand]] aurait dissuadé Attila et son armée de piller [[Rome]] en 452.
*[[Dab's]], ''Le Club des Huns'', série, avec ''Des Huns pitoyables'' (2019) et ''Un pour tous, tous pour Huns'' (2021)
**Bande dessinée humoristique autour d'Attila qui, pour retrouver sa gloire passée, décide d'envahir la Gaule avec ses guerriers<ref>[https://www.bdtheque.com/series/18248/le-club-des-huns « Le Club des Huns » sur bdtheque.com]</ref>.

=== Jeux vidéo ===
* Dans ''[[Age of Empires II: The Conquerors]]'', une [[campagne (jeu vidéo)|campagne]] retrace toutes les grandes conquêtes d'Attila, de son accession au trône jusqu'à la chute de l'Empire romain d'Occident.
* Dans ''[[Age of Empires II: The Conquerors]]'', une [[campagne (jeu vidéo)|campagne]] retrace toutes les grandes conquêtes d'Attila, de son accession au trône jusqu'à la chute de l'Empire romain d'Occident.
* Dans ''[[Total War: Attila]]'', le chef des Huns est le protagoniste du jeu.
* Dans ''[[Total War: Attila]]'', le chef des Huns est le protagoniste du jeu.
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* Dans ''Fate/Grand Order'', Altera est une représentation de Attila le Hun.
* Dans ''Fate/Grand Order'', Altera est une représentation de Attila le Hun.


=== Astronomie ===
==== Hommage ====
* [[(1489) Attila]], [[astéroïde]], découvert en [[1939]] par le Hongrois [[György Kulin]].
* [[(1489) Attila]], astéroïde.


=== Mathématiques ===
=== Dans les mathématiques ===
[[Fichier:Atilla matrice.gif|vignette|Matrice Attila ou matrice des uns.]]
[[Fichier:Atilla matrice.gif|vignette|Matrice Attila ou matrice des uns.]]
On désigne parfois par « matrice Attila » la matrice de ''M<sub>n</sub>''(''K'') dont tous les coefficients sont des « 1 », du fait de son appellation de « matrice des uns » (prononcé « matrice des huns » et non pas « matrice dez uns »). Cette notation récente n'est pas universelle et conduit parfois à des erreurs avec des étudiants qui n'ont pas compris l'allusion sous-jacente{{Référence nécessaire}}.
On désigne parfois par « matrice Attila » la matrice de ''M<sub>n</sub>''(''K'') dont tous les coefficients sont des « 1 », du fait de son appellation « la matrice des uns ». Cette notation récente n'est pas universelle et conduit parfois à des erreurs avec des étudiants qui n'ont pas compris l'allusion sous-jacente{{Référence nécessaire}}.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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* {{JorHis}}, {{s-|VI|e}}.
* {{JorHis}}, {{s-|VI|e}}.


==== Ouvrages historiques ====
==== Ouvrages contemporains ====
* [[Franz Altheim]], ''Attila et les Huns'' , Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1952, 232 p.
* [[Jean-Pierre Tusseau]], ''L'affaire Attila'' (coll. « Roman Jeunesse »), Éditions du Jasmin, 2011, {{ISBN|978-2-35284-078-7}}
* [[Franz Altheim]], ''Attila et les Huns'' (coll. « Bibliothèque historique »), Payot, 1952, 232 p.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Maurice|nom1=Bouvier-Ajam|lien auteur1=Maurice Bouvier-Ajam|titre=Attila, le fléau de Dieu|éditeur=[[Éditions Tallandier]]|collection=Figures de proue|lieu=Paris|année=1982|isbn=978-2-235-01298-0|isbn10=2-235-01298-1}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Maurice|nom1=Bouvier-Ajam|lien auteur1=Maurice Bouvier-Ajam|titre=Attila, le fléau de Dieu|éditeur=[[Éditions Tallandier]]|collection=Figures de proue|lieu=Paris|année=1982|isbn=978-2-235-01298-0|isbn10=2-235-01298-1}}.
* {{ouvrage| auteur=[[Régis Boyer]]| titre=Héros et dieux du Nord| sous-titre=Guide iconographique| éditeur=Flammarion| collection=Tout l’Art| année=1997| pages=192| isbn=2-08-012274-6| titre chapitre=Atli| passage=21-22}}.
* {{ouvrage| auteur=[[Régis Boyer]]| titre=Héros et Dieux du Nord| sous-titre=Guide iconographique| éditeur=Flammarion| collection=Tout l’Art| année=1997| pages=192| isbn=2-08-012274-6| titre chapitre=Atli| passage=21-22}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Edina|nom1=Bozoky|lien auteur1=Edina Bozoky|titre=Attila et les Huns|sous-titre=Vérités et légendes|éditeur=[[Perrin]]|lieu=Paris|année=2012|pages totales=310|isbn=978-2-262-03363-7|bnf=43411678}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Edina|nom1=Bozoky|lien auteur1=Edina Bozoky|titre=Attila et les Huns|sous-titre=Vérités et légendes|éditeur=[[Éditions Perrin]]|lieu=Paris|année=2012|pages totales=310|isbn=978-2-262-03363-7|bnf=43411678}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Philippe|nom1=Guilhaume|lien auteur1=Philippe Guilhaume|titre=Attila, le fléau de Dieu|éditeur=[[Éditions France-Empire]]|collection=Les grands conquérants|lieu=Paris|année=1994|isbn=978-2-7048-0744-4|isbn10=2-7048-0744-2}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Philippe|nom1=Guilhaume|lien auteur1=Philippe Guilhaume|titre=Attila, le fléau de Dieu|éditeur=[[Éditions France-Empire]]|collection=Les grands conquérants|lieu=Paris|année=1994|isbn=978-2-7048-0744-4|isbn10=2-7048-0744-2}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=hu|prénom1=István|nom1=Bóna|lien auteur1=István Bóna|titre=Les Huns Le grand empire barbare d’Europe, {{sp-|IV|-|V|s}}|éditeur=[[Errance]]|lieu=Paris|année=2002|pages totales=239|isbn=978-2-87772-223-0|isbn10=2-87772-223-6|présentation en ligne=https://www.academia.edu/4556938/Review_of_I._B%C3%B3na_Les_Huns_Le_grand_empire_barbare_dEurope_IVe-Ve_si%C3%A8cles_._Editions_Errance_Paris_2002._Ancient_West_and_East_6_2007_364-365}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|langue originale=hu|prénom1=István|nom1=Bóna|lien auteur1=István Bóna|traducteur=Katalin Escher ; texte français mis au point par [[Iaroslav Lebedynsky]]|titre=Les Huns|sous-titre=le grand empire barbare d’Europe, {{sp-|IV|-|V|s}}|titre original={{langue|hu|texte=A hunok és nagykirályaik}}|éditeur=[[Éditions Errance]]|lieu=Paris|année=2002|pages totales=239|isbn=978-2-87772-223-0|isbn10=2-87772-223-6|présentation en ligne=https://www.academia.edu/4556938/Review_of_I._B%C3%B3na_Les_Huns_Le_grand_empire_barbare_dEurope_IVe-Ve_si%C3%A8cles_._Editions_Errance_Paris_2002._Ancient_West_and_East_6_2007_364-365}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Éric|nom1=Deschodt|titre=Attila|éditeur=[[Gallimard]]|collection=Folio Biographies|lieu=Paris|année=2006|pages totales=258|isbn=978-2-07-030903-0|isbn10=2-07-030903-7}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Éric|nom1=Deschodt|titre=Attila|éditeur=[[éditions Gallimard]]|collection=Folio Biographies|lieu=Paris|année=2006|pages totales=258|isbn=978-2-07-030903-0|isbn10=2-07-030903-7}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Katalin|nom1=Escher|prénom2=Iaroslav|nom2=Lebedynsky|lien auteur2=Iaroslav Lebedynsky|titre=Le Dossier Attila|éditeur=[[Errance]]|lieu=Paris|année=2007|pages totales=250|isbn=978-2-87772-364-0}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Katalin|nom1=Escher|prénom2=Iaroslav|nom2=Lebedynsky|lien auteur2=Iaroslav Lebedynsky|titre=Le dossier Attila|éditeur=[[Éditions Errance]]|lieu=Paris|année=2007|pages totales=250|isbn=978-2-87772-364-0}}.
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Otto|nom1=Maenchen-Helfen|lien auteur1=Otto John Maenchen-Helfen|titre=The World of the Huns|sous-titre=Studies in Their History and Culture|éditeur=University of California Press|lieu=Berkeley / Los Angeles / Londres|année=1973|pages totales={{XXIX}}-602|isbn=978-0-520-01596-8|isbn10=0-520-01596-7|oclc=801712|présentation en ligne=http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/propylaeumdok/2387/1/Jettmar_REZ_Maenchen-Helfen_The_World_1976.pdf|lire en ligne=https://archive.org/details/bub_gb_CrUdgzSICxcC}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Michel|nom1=Rouche|lien auteur1=Michel Rouche|titre=Attila|sous-titre=La violence nomade|éditeur=[[éditions Fayard|Fayard]]|lieu=Paris|année=2009|pages totales=510|isbn=978-2-213-60777-1}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Michel|nom1=Rouche|lien auteur1=Michel Rouche|titre=Attila|sous-titre=La violence nomade|éditeur=[[éditions Fayard|Fayard]]|lieu=Paris|année=2009|pages totales=510|isbn=978-2-213-60777-1}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Iaroslav|nom1=Lebedynsky|lien auteur1=Iaroslav Lebedynsky|titre=La Campagne d'Attila en Gaule|sous-titre=451 apr. J.-C.|éditeur=Lemme|lieu=Clermont Ferrand|année=2011|pages totales=100|isbn=978-2-917575-21-5}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Iaroslav|nom1=Lebedynsky|lien auteur1=Iaroslav Lebedynsky|titre=La campagne d'Attila en Gaule|sous-titre=451 apr. J.-C.|éditeur=Lemme éditeur|lieu=Clermont Ferrand|année=2011|pages totales=100|isbn=978-2-917575-21-5}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Flavius|nom1=Ætius|nom2=Michelle Loi|lien auteur2=Michelle Loi|responsabilité2=texte établi et annoté par|titre=Attila mon ami : mémoires d'Ætius|sous-titre=roman historique|éditeur=Berg international|collection=Anamorphoses|lieu=Paris|année=1997|pages totales=265|isbn=978-2-911289-09-5}}.
* [[Arnaud Blin]], ''Les Conquérants de la steppe, d'Attila au Khanat de Crimée, {{sp-|V|-|XVIII}}'', Paris, Passés Composés, 2021.
* [[Arnaud Blin]], ''Les conquérants de la steppe, d'Attila au Khanat de Crimée, {{sp-|V|-|XVIII}}'', Paris, Passés Composés, 2021.

'''En anglais''' :
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=Otto|nom1=Maenchen-Helfen|lien auteur1=Otto John Maenchen-Helfen|titre=The World of the Huns|sous-titre=Studies in Their History and Culture|éditeur=University of California Press|lieu=Berkeley / Los Angeles / Londres|année=1973|pages totales={{XXIX}}-602|isbn=978-0-520-01596-8|isbn10=0-520-01596-7|oclc=801712|présentation en ligne=http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/propylaeumdok/2387/1/Jettmar_REZ_Maenchen-Helfen_The_World_1976.pdf|lire en ligne=https://archive.org/details/bub_gb_CrUdgzSICxcC}}.


==== Expositions et colloques ====
==== Expositions et colloques ====
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-Yves|nom1=Marin|directeur1=oui|titre=Attila : les influences danubiennes dans l'Ouest de l'Europe au {{s-|V|e}}|sous-titre=Exposition du 23 juin au {{1er}} octobre 1990|éditeur=Publications du Musée de Normandie|lieu=Caen|année=1990|isbn=|bnf=35099180v}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-Yves|nom1=Marin|directeur1=oui|titre=Attila : les influences danubiennes dans l'Ouest de l'Europe au {{s-|V|e}}|sous-titre=Église Saint-Georges du Château, 23 juin-{{1er}} octobre 1990|éditeur=Publications du Musée de Normandie|lieu=Caen|année=1990|isbn=|bnf=35099180v}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Danielle|nom1=Buschinger|directeur1=oui|titre=Attila dans la réalité historique, la littérature et les beaux-arts|sous-titre=Actes du colloque de Saint-Riquier (décembre 2002)|éditeur=Presses du Centre d’études médiévales, Université de Picardie|lieu=Amiens|année=2003|isbn=978-2-901121-97-8|isbn10=2-901121-97-7}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Danielle|nom1=Buschinger|directeur1=oui|titre=Attila dans la réalité historique, la littérature et les beaux-arts|sous-titre=Actes du colloque de Saint-Riquier (décembre 2002)|éditeur=Presses du Centre d’Études médiévales, Université de Picardie|lieu=Amiens|année=2003|isbn=978-2-901121-97-8|isbn10=2-901121-97-7}}.

==== Romans historiques ====
* {{Ouvrage|langue=fr|nom1=Michelle Loi|lien auteur1=Michelle Loi|titre=Attila mon ami|sous-titre=Mémoires d'Ætius|éditeur=Berg international|collection=Anamorphoses|lieu=Paris|année=1997|pages totales=265|isbn=978-2-911289-09-5}}.
* [[Jean-Pierre Tusseau]], ''L'Affaire Attila'', Éditions du Jasmin, coll. « Roman Jeunesse », 2011, {{ISBN|978-2-35284-078-7}}


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===

Version du 19 mai 2024 à 01:42

Attila
Illustration.
Attila suivi de ses hordes barbares foule aux pieds l'Italie et les Arts (détail), vue d'artiste romantique, Eugène Delacroix, 1847.
Titre
Roi des Huns
453
(18 ou 19 ans)
Avec Bleda (jusqu'en 445)
Prédécesseur Ruga
Successeur Ellac
Biographie
Titre complet Roi des Huns
Date de naissance vers 395
Lieu de naissance Plaines danubiennes
Date de décès
Lieu de décès Vallée de la Tisza
(actuelle Hongrie)
Nationalité Hunnique
Père Moundzouk
Conjoints Êrekan
Ildico
Enfants Ellac
Dengitzic
Ernakh
Hormidac (?)
Religion Chamanisme
Liste des rois huns

Attila, né aux alentours de 395[Note 1] dans les plaines du Danube et mort en dans la région de la Tisza dans l'Est de la Hongrie actuelle, fréquemment appelé Attila le Hun, est le souverain des Huns de 434 jusqu'à sa mort en mars 453. Il est aussi l'empereur d'un empire composé de Huns, d'Ostrogoths et d'Alains entre autres, sur le territoire de l'Europe centrale et orientale.

Pendant son règne, il est l'un des ennemis les plus redoutés des empires romains occidental et oriental. Après une tentative infructueuse pour conquérir la Perse, il se tourne vers l'Europe, traverse le Danube par deux fois, pille les Balkans, détruit la ville de Naissus (Niš) et massacre sa population en 441. Mais il ne peut prendre Constantinople, dont il obtient cependant rançon. Il tente ensuite de conquérir la Gaule romaine, franchit le Rhin en 451 et marche jusqu'à Aurelianum (Orléans), pillant au passage Metz et Reims ainsi que la région de Verdun, avant d'être vaincu à la bataille des champs Catalauniques, près de Châlons-en-Champagne.

Il franchit ensuite les Alpes, entre en Italie, dévastant une partie de la plaine du Pô, dont la ville d'Aquilée, mais doit rebrousser chemin, certainement à la suite du déclenchement d'une épidémie qui ravage ses troupes. Il projette cependant de nouvelles campagnes contre les Romains quand il meurt en mars 453. Après sa mort, son proche conseiller Ardaric des Gépides mène une révolte germanique contre la domination des Huns, et l'Empire hunnique s'effondre rapidement.

La culture hunnique et la personnalité d'Attila ont fasciné ses contemporains. L'historiographie chrétienne a une vision négative du personnage, mais d'autres traditions, scandinaves et germaniques, l'ont érigé en figure positive. Ces mythes divergents se retrouvent dans les nombreuses représentations artistiques d'Attila, de l'Antiquité à nos jours. Les Hongrois le célèbrent comme un héros fondateur.

Biographie

Sources écrites et archéologie

L'historiographie d'Attila se heurte à une difficulté majeure : elle ne dispose que de sources écrites en grec et en latin par les ennemis des Huns. Ses contemporains laissent de nombreux témoignages à son sujet, mais il n'en reste que des fragments[1].

Priscus est un diplomate et historien de langue grecque. Plus qu'un témoin, c'est un acteur de l'époque d'Attila. Il est membre de l'ambassade de l'empereur romain Théodose II à la cour du souverain hunnique en 449. Il est l'auteur de huit livres d'une Histoire couvrant une période allant de 434 à 452 et dont il ne reste aujourd'hui que des fragments[2]. En outre, Jordanès et Procope de Césarée, historiens du VIe siècle, le citent dans leurs œuvres. Bien que Priscus soit évidemment partial de par ses fonctions, son témoignage est une source primaire majeure et il est le seul à avoir donné une description physique d'Attila.

Jordanès est un historien goth ou alain de langue latine du VIe siècle. Il laisse un ouvrage, Histoire des Goths, qui constitue l'autre grande source concernant l'Empire hunnique et ses voisins. Sa vision reflète celle de son peuple et de la postérité d'Attila un siècle après sa mort. Marcellinus Comes, chancelier de Justinien à la même époque, est une source précieuse concernant les relations des Huns avec l'Empire romain d'Orient[3].

De nombreuses sources ecclésiastiques contiennent des informations utiles bien qu'éparses, parfois difficiles à authentifier et déformées par le temps et les moines copistes du VIe siècle au XVIIe siècle. Les chroniqueurs hongrois du XIIe siècle, considérant les Huns comme des ancêtres glorieux, reprennent des éléments historiques et les ajoutent à leurs légendes[4].

La littérature et la transmission du savoir des Huns étaient uniquement orales, à travers les épopées et les poèmes chantés qui se transmettaient de génération en génération[5]. Très indirectement, cette histoire orale nous est transmise par les littératures nordiques et germaniques des peuples voisins couchées par écrit entre le IXe siècle et le XIIIe siècle. Attila est le personnage central de nombreuses épopées médiévales comme la Chanson des Nibelungen, qui est l'une des plus connues, ou encore d'Eddas et de sagas[4],[5].

L'archéologie fournit des détails sur le mode de vie, l'art et les techniques guerrières des Huns. Il reste quelques traces de batailles ou de sièges mais aujourd'hui encore la tombe d'Attila et l'emplacement de sa capitale n'ont toujours pas été localisés[6].

Origines ethniques et familiales

Origines d'un nom

Le nom sous lequel Attila est connu aujourd'hui vient des Germains, qui l'ont transmis aux Romains qui l'ont à leur tour transcrit en grec et en latin. Dans sa propre langue, le hunnique, son nom devait être proche phonétiquement mais probablement avec un sens différent[7]. Attila est un diminutif du gotique 𐌰𐍄𐍄𐌰 / atta signifiant « père »[8]. Pour les Goths, voisins, vassaux ou esclaves des Huns, Attila est donc le « Petit père ». Ils reproduisent ainsi dans leur propre langue un son qui a une autre signification en hunnique. Celle-ci ne peut faire l'objet que d'hypothèses à partir de racines turques, comme at, « cheval », et son dérivé atliğ, « cavalier », ou at-, « flèche », qui donne le dérivé atliğ, « illustre »[9].

Enfance mal connue dans un empire jeune

Le monde méditerranéen en 450.

La date de naissance d'Attila n'est pas connue. Le journaliste et romancier Éric Deschodt et l'écrivain Hermann Schreiber avancent la date de 395[10],[11], mais l'historien Iaroslav Lebedynsky et l'archéologue Katalin Escher s'accordent pour qualifier cette hypothèse « de pure fantaisie » et préfèrent l'estimer entre la dernière décennie du IVe siècle et la première du Ve siècle[12].

Il est le fils de Moundzouk[13]. Ce dernier est le frère des rois Octar et Ruga, qui ont régné conjointement sur les Huns. La diarchie est récurrente chez ce peuple sans que les historiens sachent si c'était coutumier, institutionnel ou occasionnel[14]. Sa famille est donc de lignage noble mais les historiens ne savent pas si elle constitue une dynastie royale. Même s'ils sont en voie de sédentarisation depuis leur arrivée en Europe, les Huns forment une société de « pasteurs guerriers »[15] se nourrissant essentiellement de viande et de lait, produits de leurs élevages de bétail et de chevaux. Attila reçoit donc une éducation de cavalier et d'archer[16]. Comme d'autres enfants de son peuple, sa tête est très tôt enserrée par des bandages de façon à obtenir une déformation volontaire du crâne, pratique esthétique ou spirituelle[17],[18]. Il parle sa langue maternelle, le hunnique, apparenté à une langue turque, mais comme il fait partie de la classe dirigeante, il apprend aussi le langage des Goths[17].

Il grandit dans un monde en mutation dans lequel les Huns, son peuple, sont des nomades installés depuis peu en Europe[19]. Après avoir traversé la Volga dans les années 370 et annexé le territoire des Alains, ils s'attaquent aux royaumes goths jusqu'aux Carpates et aux rives du Danube. Ils sont très mobiles, leurs archers à cheval ont acquis une réputation d'invincibilité et les peuples germaniques semblent impuissants face à ces nouvelles tactiques[20]. De vastes mouvements de population perturbent le monde romain installé à l'ouest et au sud et dont les frontières sont délimitées par le Rhin et le Danube. En 376, les Goths passent le Danube, se soumettent aux taxes romaines dans un premier temps, puis se rebellent contre l'empereur Valens qu'ils tuent lors de la bataille d'Andrinople en 378[21]. Le 31 décembre 406, pour fuir les Huns, les Vandales, des Alains, des Suèves et des Burgondes franchissent le Rhin gelé et pénètrent en Gaule romaine[22]. En 418, les Wisigoths obtiennent un territoire en Aquitaine seconde avec un statut théorique de « fédérés » romains mais restent, dans les faits, insoumis voire hostiles. En 429, les Vandales fondent un royaume indépendant en Afrique du Nord. Pour mieux faire face à ces invasions, l'Empire romain est géré depuis 395 par deux gouvernements administratifs et militaires distincts, l'un à Ravenne dirige l'Ouest, l'autre à Constantinople s'occupe de l'Est. Du vivant d'Attila, malgré quelques querelles de pouvoir, l'Empire romain reste uni et dirigé par la même famille, les Théodosiens[23].

Les Huns dominent un vaste territoire aux frontières floues déterminées par l'assujettissement d'une constellation de peuples plus ou moins autonomes. Certains sont assimilés, beaucoup conservent leurs rois, d'autres sont tributaires ou reconnaissent la suzeraineté théorique du roi des Huns mais restent indépendants[24]. Bien que les Huns soient indirectement la source des problèmes des Romains, les rapports entre les deux empires sont cordiaux : les seconds utilisent les premiers comme mercenaires contre les Germains et même dans leurs guerres civiles. Ainsi, l'usurpateur romain Jean en recrute des milliers en 425[Note 2]. Ils échangent des ambassades et des otages (comme Ætius qui devient ami du jeune Attila aux alentours de 411-414). Cette alliance dure de 401 à 450 et permet aux Romains de remporter de nombreux succès militaires[25]. Les Huns considèrent que les Romains leur versent des tributs tandis que ceux-ci préfèrent considérer qu'ils leur octroient des subsides contre des services rendus. Lorsque Attila devient adulte sous le règne de son oncle Ruga, les Huns sont devenus une grande puissance au point que l'ancien patriarche de Constantinople Nestorius en vient à déplorer la situation par ces termes : « Ils sont devenus les maîtres et les Romains les esclaves »[26].

Succession trouble

En 434, Ruga meurt et ses neveux Bleda et Attila deviennent rois. La succession n'est peut-être pas évidente car des Huns s'enfuient à Constantinople, dont deux membres de la famille royale Mamas et Atakam, peut-être d'autres neveux ou même les fils de Ruga[26]. L'historien hongrois contemporain István Bóna estime probable que le père de Bleda et d'Attila, Moundzouk, a régné avant Ruga[27] mais aucune source ne l'atteste[12].

De 435 à 440, le règne de Bleda est marqué par le triomphe des Huns face à l'Empire romain d'Orient. Ce triomphe est avant tout diplomatique. Le traité de Margus, ville située non loin du limes, prévoit un doublement du tribut annuel versé par Constantinople, soit 700 livres d'or[Note 3], la promesse de ne plus accueillir d'opposants en exil, de ne pas chercher à retourner les alliés des Huns contre eux et l'ouverture d'un marché frontalier[28]. Durant cette période, les Huns étendent leur empire jusqu'aux Alpes, au Rhin et à la Vistule[29].

Pourtant, dès 440, lors de l'invasion de l'Arménie romaine par les Perses sassanides, qui détourne momentanément l'attention de Constantinople des Huns, Bleda attaque l'Empire romain d'Orient. À ce moment, Attila, ayant entamé de son côté des pourparlers avec un représentant de Constantinople, n'aide son frère qu'en dernier recours au moment du siège de Sirmium (en), en 441. Il ne le fait sans doute que pour éviter d'être lésé sur le partage du butin. La politique séparée d'Attila, lors de la guerre de 441-442, s'explique peut-être aussi par sa volonté de négocier avec les Romains la remise des princes héritiers hunniques réfugiés dans l'Empire à la mort de Ruga et qui auraient pu prétendre à la succession en cas de décès de son frère[30].

Attila, seul roi des Huns

Aire dominée par les Huns vers 450.

Entre la fin 444 et le début 445, Attila attire Bleda dans un piège et l'assassine, sans que l'on sache de quelle façon, l'événement étant signalé par ses contemporains, mais non commenté[31]. Le roi des Skires, Edecon, et le roi des Gépides, Ardaric, participent avec leurs forces auxiliaires à la prise de pouvoir. Attila a aussi à la cour le soutien des partisans de la guerre comme les deux frères Onégèse et Scottas, des barbares hellénisés de la région du Pont ou encore Elsa, le lieutenant de Ruga, et Eskam, grand propriétaire dans les plaines méridionales. Parmi les ralliés, il y a aussi des Romains, comme le Pannonien Constantiolus et l'affranchi de Mésie Primus Rusticus, qui se partagent le secrétariat d'Attila. Un certain Berichus, d'origine inconnue, Aïbars, l'oncle d'Attila, et Laudarik, certainement roi d'un peuple germanique allié, sont placés aux plus hauts rangs. Le reste des fidèles de Bleda périt en fuyant, comme un dignitaire qui enterre à Szikánes un trésor de 1 440 pièces d’or[Note 4] provenant sans doute du traité de 443[32].

Attila devient donc le seul roi des Huns.

Portrait d'un souverain

Les sources anciennes ne parlent d'Attila que lorsqu'il devient roi, c'est donc seulement à partir de ce moment que l'on peut dresser son portrait[12].

Apparence physique

« Sa taille était courte, sa poitrine large, sa tête très grosse. De petits yeux, la barbe clairsemée, les cheveux grisonnants, le nez aplati, le teint mat, il reproduisait ainsi les caractéristiques de son origine. »

— Jordanès, Histoire des Goths, XXXV.

Cette description permet de se faire une image assez précise d'Attila, aucune image de son visage n'ayant été retrouvée. Les représentations, peintures, gravures et monnaies datant du Moyen Âge et de la Renaissance sont fantaisistes[33].

Certains chercheurs ont suggéré que cette description est typiquement est-asiatique, car elle a toutes les caractéristiques combinées qui correspondent au type physique des gens de l'Asie de l'Est, et les ancêtres d'Attila peuvent provenir de là[34],[35]. D'autres historiens croyaient aussi que les mêmes descriptions étaient également évidentes chez certains Scythes[36],[37].

L'ambassadeur romain Priscus est surpris de son apparence simple, sans bijoux ni vêtements de luxe ; il mange dans de la vaisselle de bois alors que ses invités sont servis dans de la vaisselle d'or[38]. Cette simplicité est aux antipodes du cérémonial à la cour de Rome ou de Constantinople où l'empereur vit dans un luxe ostentatoire et fait l'objet d'une vénération. Cette austérité dans l'apparence est calculée de façon à impressionner ses visiteurs par un effet de contraste[18].

Épouses et enfants

Attila dispose de nombreuses épouses et utilise les mariages pour nouer des alliances dynastiques et diplomatiques[39]. La plus importante est Êrekan, que Jordanès nomme Kreka, mère d'Ellac, son fils aîné et successeur désigné, et de deux autres fils[33]. Elle dispose d'une suite nombreuse, son statut particulier lui confère un rôle protocolaire et elle reçoit les ambassadeurs byzantins[40]. La plus connue est Ildico, la femme auprès de qui Attila meurt lors de sa nuit de noces[39]. La transcription de ces deux noms étant incertaine, les historiens ne savent pas s'il s'agissait de femmes hunniques ou germaines. Les épouses sont relativement libres, disposent d'une indépendance matérielle et de leurs propres résidences[33]. Honoria, sœur de l'empereur Valentinien III, lui aurait proposé de l'épouser, mais, lorsqu'Attila fait valoir cette proposition, il est poliment éconduit. Attila aurait eu de nombreux autres fils mais seuls trois sont connus avec certitude : Ellac, Dengitzic et Ernakh, son préféré d'après Priscus[38]. Hormidac, un chef hun qui attaqua l'Empire romain en 466/467, n'est connu que par Sidoine Apollinaire qui le présente comme un fils d'Attila[41],[42]. Il est peut être le beau-père de son allié Ardaric, roi des Gépides[43].

Une fois adulte, le fils aîné Ellac participe à la gestion de l'Empire aux côtés de son père qui lui confie la charge de la partie orientale[39]. Lorsque des banquets officiels sont organisés, ses fils y participent, Ellac devant « fixer ses yeux sur le sol par respect pour son père »[38].

Organisation du pouvoir

Sous le règne d'Attila, l'Empire hunnique ne connaît pas d'expansion territoriale importante et durable, la nouveauté réside surtout dans la concentration des pouvoirs dans les mains d'un seul homme du fait du meurtre de Bleda et de la disparition de la diarchie[44]. Les historiens ignorent le titre et la fonction exacte qu'il occupe au sein de son peuple, les Romains le désignent simplement comme « le roi ».

À l'inverse des empereurs romains et donc à l'étonnement de leurs ambassadeurs, Attila vit au milieu de son peuple et en partage les mœurs[45]. Les Huns sont des éleveurs nomades mais il semble que sous son règne commence une certaine sédentarisation, en particulier avec la construction d'une capitale dont l'emplacement exact est inconnu mais qui est situé entre les rivières Tisza et Timiș. Elle est constituée de nombreuses maisons de bois dont certaines sont pourvues de thermes à la romaine. Également en bois, le vaste palais royal orné de portiques fastueux impressionne les ambassadeurs romains en 449. Attila dispose de plusieurs autres résidences de taille plus modeste, relais de son pouvoir à travers son vaste territoire[45].

Pour régner sur une confédération de peuples nomades et sédentaires très différents, il ne dispose pas d'une administration organisée, sa puissance repose sur des élites dominant une structure souple de fidélités variées[46]. Le premier cercle dirigeant appartient à une souche princière hunnique mais nombre de personnages importants sont d'une ethnie différente. Son bras droit Onégèse est un Hun, son secrétaire Oreste est un Romain de Pannonie[47], les peuples soumis ou alliés aux Huns conservent souvent leurs propres rois comme Edecon, roi des Skires, Ardaric, roi des Gépides, Candac, roi des Alains, et Valamir, roi des Ostrogoths. Ces derniers sont engagés dans un rapport de pouvoir personnel avec Attila, ils lui doivent leurs places et l'ont soutenu lors de son putsch contre Bleda. Ils lui sont donc fidèles mais cette relation peut être fragilisée par la disparition du souverain[46].

Une des priorités d'Attila est d'empêcher que certains Huns soient tentés de passer du côté romain pour servir comme mercenaires. Lorsqu'il contraint Rome ou Constantinople au tribut ou lors des négociations de paix, il exige toujours que lui soient remis ceux qu'il considère comme des traîtres et des déserteurs. Cette politique porte ses fruits et le phénomène des transfuges reste anecdotique[48].

Religion

Les croyances ont une place importante dans le monde des Huns mais la religion d'Attila est mal connue[49]. Beaucoup de ses sujets germains sont des chrétiens ariens mais il semble que les Huns et Attila pratiquent une religion traditionnelle polythéiste et animiste avec des chamans d'une grande importance sociale. Ces chamans pratiquent la divination par scapulomancie, pratique typique des éleveurs nomades turco-mongols. Les devins ont joué un grand rôle dans la vie d'Attila, dans sa vie de famille en lui prédisant sur lequel de ses fils il pouvait compter et dans les batailles en influant sur ses décisions[50].

Chaudron hunnique

Concernant ses convictions et cultes, les historiens actuels divergent sur plusieurs points importants : Michel Rouche pense qu'Attila se voyait comme un dieu lui-même[51]. Rouche déduit des grands chaudrons hunniques de bronze retrouvés par les archéologues qu'Attila pratiquait un « cannibalisme sacré » en faisant des sacrifices humains et en buvant du sang humain[52]. Edina Bozoky rejette totalement les affirmations de Rouche sur des pratiques pour lesquelles il n'existe selon elle aucun témoignage ni aucune trace matérielle et qui reposent sur des comparaisons anachroniques avec d'autres peuples[53]. Quant à l'idée que le roi des Huns ait pu prétendre être un dieu, Katalin Escher et Iaroslav Lebedynsky pensent au contraire qu'il croyait à son destin providentiel et à son charisme surnaturel comme « tant d'autres chefs militaires »[54].

Il est en revanche certain qu'il utilise aussi cette religion à des fins de politique intérieure. Ainsi au cours de son règne, Attila affirme avoir reçu une épée sacrée du dieu de la guerre, légitimation suprême et présage fédérateur précieux pour un règne qui met son peuple en état de guerre permanent[55],[50].

Guerre et diplomatie

L'action d'Attila est essentiellement connue par ses relations avec les autres peuples et avec l'Empire romain en particulier.

Stratégie du tribut

Selon l'historien Otto John Maenchen-Helfen, les Huns vivent en pasteurs guerriers de l'élevage de chevaux et de moutons puis quand ils deviennent « les maîtres de populations paysannes, comme les Germains et les Sarmates, ils trouvent plus simple et agréable de les rançonner que de travailler eux-mêmes »[56]. Ainsi, l'historien Michel Rouche les qualifie de « société de prédateurs »[57]. Pour maintenir leur niveau de vie mais aussi la fidélité de leurs alliés, les Huns de plus en plus puissants commencent à exiger des tributs de leurs riches voisins romains et perses. S'ils ne paient pas, ils lancent des razzias qui rapportent autant si ce n'est plus de butin. Galvanisés par leurs succès, les aristocrates hunniques deviennent de plus en plus avides. Pour légitimer son pouvoir et accroître sa richesse, Attila doit donc impérativement maintenir les États voisins sous pression. Ainsi il saisit tous les prétextes pour accroître ses intimidations, sommations et revendications[58].

Offensive contre Constantinople

Le , un tremblement de terre détruit une grande partie de la muraille théodosienne de Constantinople dont cinquante-sept tours s'effondrent, et dévaste de nombreuses villes et villages de la province de Thrace[59]. La destruction des silos entraîne une famine importante. Attila profite de l'occasion pour mobiliser toutes ses troupes : il franchit le limes et pénètre en Dacie aurélienne. Les troupes romaines stationnées à Marcianopolis tentent de lui couper la route mais sont écrasées à la bataille de l'Utus, leur général Arnegiscle est tué.

Les Huns pillent ensuite les provinces de Mésie, de Macédoine et de Thrace[60]. L'empereur d'Orient, Théodose II, se concentre sur la défense de sa capitale mais Attila n'attaque pas Constantinople et se retire avec un immense butin[61].

D'âpres négociations de paix commencent, Attila est en position de force et place haut ses exigences : en plus d'une augmentation du tribut, il réclame la cession d'une zone de cinq jours de marche située au sud du Danube. Déplacer ainsi la frontière, en plus de la valeur symbolique, donnerait un avantage tactique aux Huns[61]. Et dans des circonstances mal connues, Aetius, probablement sous la contrainte, lui accorde la Pannonie Savia tandis que le souverain Hun se voit même conférer le titre et le salaire de magister militum de l'empire d'Occident[62].

En 449, Théodose met au point un plan : il envoie une ambassade[Note 5] officiellement pour finaliser le traité de paix mais avec l'objectif secret d'organiser l'assassinat d'Attila. Cinquante livres d'or sont versées à Edecon mais celui-ci dévoile le plan au roi qui met fin au complot pour la plus grande humiliation des Romains[63].

Malgré cet échec, Théodose a l'habileté de faire traîner les négociations tout en renforçant ses troupes pour rééquilibrer le rapport de force. En 450, le traité de paix prévoit un retour à la situation territoriale d'avant 447 et la restitution des prisonniers romains en échange du paiement d'un tribut dont le montant n'est pas connu[64]. C'est un succès diplomatique relatif pour Théodose mais il irrite les militaires romains exaspérés par l'arrogance d'Attila dont les ambassadeurs leur parlent désormais comme à des sujets[65].

Mais le , l'empereur Théodose II meurt dans un accident de cheval et le « parti des bleus » ou parti des sénateurs et des aristocrates, triomphe avec l'avènement de Marcien, au tempérament belliqueux et farouchement opposé à l'idée d'acheter la paix avec les Barbares. Le ministre de Théodose, Chrysaphios, est exécuté. Instigateur de la tentative d'assassinat, cela ne peut que plaire à Attila. Malgré sa victoire initiale, Attila laisse Constantinople se relever car il est désormais occupé par l'empire d'Occident[66].

Casus belli en Occident

Selon des auteurs du XVIIIe siècle, cette miniature dépeint le futur empereur romain Valentinien III et sa sœur Honoria, avec leur mère en arrière. Des études plus récentes, au XXe siècle, rejettent cette affirmation[67].

Le roi des Huns s'oppose de plus en plus à l'Empire romain d'Occident. En 448, Attila accepte de recevoir à sa cour le chef d'une bagaude en fuite qui veut le pousser à la guerre en Gaule[68]. En 449, il s'oppose à Rome dans une querelle de succession chez les Francs. Enfin en 450, Honoria fait directement appel à lui. Honoria, sœur de l'empereur Valentinien III, est « Augusta » et donc officiellement porteuse d'une partie du pouvoir impérial. Son frère cadet Valentinien III décide de l'en écarter et de la marier contre sa volonté à un vieux sénateur. Pour se venger, Honoria envoie son anneau sigillaire à Attila en lui demandant son aide et en lui promettant le mariage. C'est pour lui une occasion rêvée pour légitimer une intervention en Occident avec de grandes ambitions. Les historiens ne savent pas si c'est un coup de bluff ou une visée réelle mais il réclame, en plus de la main d'Honoria, que la Gaule lui soit remise en dot[69],[70]. Valentinien refuse toute négociation, Marcien l'encourage à rester ferme et lui promet son aide[71]. Attila lance alors des préparatifs militaires et cherche à s'allier aux Vandales et aux Wisigoths. Ces derniers refusent car ils craignent trop sa politique expansionniste[72].

Échec de l'invasion de la Gaule

Itinéraires et pillages supposés des Huns en Gaule.

Attila se lance au printemps 451 dans une campagne contre la Gaule à la tête d'une armée réunissant les Huns et leurs vassaux germaniques, Gépides, Ostrogoths, Skires, Suèves, Alamans, Hérules, Thuringiens, Francs ripuaires (les Francs saliens étant alliés aux Romains), Alains et Sarmates. Les effectifs sont impossibles à évaluer mais il est certain qu'ils sont très nombreux au regard des critères de l'époque et que l'armée se déplace lentement[73]. La Gaule est alors secouée par des révoltes, Attila espère également que le fœdus unissant les Romains et les Wisigoths ne sera pas respecté et qu'il pourra affronter ses ennemis séparément ou convaincre l'un des deux de se rallier à lui[73]. Attila se présente devant Divodurum Mediomatricorum, l'actuelle Metz, qui refuse de se rendre. Le , alors qu'il désespère de s'en emparer, la muraille sud de la ville s'effondre. Les Huns, exaspérés par un long siège, massacrent la population[74].

Une anecdote hagiographique restée dans les mémoires chrétiennes concerne sainte Geneviève qui par ses prières aurait fait épargner Paris par Attila[75]. Ce dernier marche directement sur Orléans mais celle-ci résiste et Attila doit l'assiéger plusieurs semaines[76]. Ce siège donne le temps aux Romains commandés par le patrice Ætius et aux Wisigoths du roi Théodoric de rassembler les forces nécessaires à un affrontement[77]. Attila lève le siège et affronte Ætius à la bataille des champs Catalauniques aux environs de Troyes. L'affrontement fait de nombreux morts, dont Théodoric ; Attila échappe de peu à ses ennemis. La victoire est du côté des Romains mais les Wisigoths se repliant sur Toulouse pour régler la succession de Théodoric entre ses fils, Attila peut retirer ses troupes sans être poursuivi. Il passe alors par Troyes où, à la manière de sainte Geneviève à Paris, l'intercession de saint Loup de Troyes (évêque de la cité) lui fait épargner la ville. Malgré quelques succès mineurs, cette campagne est un échec, Attila n'a pu trouver aucun allié sur place et, une fois unis, ses adversaires sont les plus forts[78]. Ses pertes sont élevées et, dans sa retraite, il abandonne une partie du butin qu'il a amassé[79]. Pour maintenir son autorité à l'intérieur et son prestige à l'extérieur, Attila doit agir, c'est pourquoi il organise une autre campagne dès l'année suivante[80].

Invasion de l'Italie

La colonne de Marcien érigée en 452 pour célébrer sa victoire sur les Huns.
Rencontre d'Attila avec le pape Léon le Grand par Raphaël - Palais du Vatican

Au printemps 452, Attila passe les Alpes et prend Aquilée après un long siège puis avec moins de difficulté s'empare de Padoue, Vérone, Milan et Pavie[80]. La situation semble désespérée pour Rome et Valentinien III décide de négocier. Le il envoie une délégation composée du pape Léon Ier, d'un ancien consul et d'un ancien préfet du prétoire[80]. Attila accepte un traité car son armée est victime d'une épidémie et surtout son empire est attaqué à l'est par les troupes de Marcien décidé à porter secours à Rome[81]. Attila se retire victorieux avec un butin immense. Bien que son armée soit un peu affaiblie, il menace les ambassadeurs de revenir l'année suivante si Honoria et sa dot ne lui sont pas remises. Cependant, comme en 451, Attila doit céder devant ses adversaires unis et les deux gouvernements romains solidaires[81].

Mort et successions

Mort d'Attila par Ferenc Paczka.

Début 453, Attila meurt de façon soudaine et inattendue dans son sommeil, étouffé par un saignement de nez durant la nuit de noces avec la Germaine Ildico, qui est retrouvée au matin, prostrée près du cadavre. Certaines chroniques byzantines rapportent qu'il aurait été assassiné, l'historien Michael Babcock trouve cette hypothèse crédible et avance que Marcien aurait pu organiser une machination comme Théodose II avant lui l'avait essayé[82] ; cependant les historiens Michel Rouche, Edina Bozoky, Katalin Escher et Iaroslav Lebedynsky n'y croient guère et, pour ces derniers, « on ne peut ni balayer cette idée d'assassinat, compte tenu de l'ancienneté des soupçons, ni prouver quoi que ce soit »[83].

Il est enterré secrètement dans un triple cercueil d'or, d'argent et de fer[84] et les esclaves qui creusent sa tombe sont égorgés afin qu'elle ne soit jamais découverte et profanée[64]. Son emplacement est encore inconnu au XXIe siècle[85].

Sa succession dégénère en conflit entre ses fils, dont les principaux sont Ellac, Dengitzic et Ernakh. Ancien allié d'Attila, le roi Ardaric et ses Gépides soulèvent les peuples fédérés et vainquent les Huns à la bataille de la Nedao au cours de laquelle Ellac trouve la mort, entraînant la dislocation de l'Empire hunnique[46]. Les tribus hunniques se désunissent et reprennent pour chefs des membres de leurs aristocraties, tandis que les différents peuples fédérés par Attila se dispersent. Dengitzic tente une dernière incursion au sud du Danube en 469 et une chronique byzantine, la Chronicon Paschale, nous rapporte sa fin : « Dengitzic, fils d'Attila, fut tué en Thrace. Sa tête fut apportée à Constantinople, promenée en procession et plantée sur un pieu au Cirque de Bois. Toute la ville vint la voir ». Avec sa mort disparaît toute possibilité de restaurer l'Empire hunnique[86].

Si son empire ne lui a pas survécu plus de deux années, les proches non hunniques d'Attila continuent à jouer un grand rôle dans la géopolitique du Ve siècle et dans les événements qui accompagnent la désagrégation de l'Empire romain d'Occident : Oreste place sur le trône le dernier empereur romain Romulus Augustule et Edecon est le père d'Odoacre qui le dépose en 476, mettant ainsi fin à l'empire d'Occident[46].

Image d'Attila du Ve siècle jusqu'à aujourd'hui

Traditions divergentes

Vision occidentale : « fléau de Dieu »

Les Huns menés par Attila, déferlant sur l'Italie, vus par Ulpiano Checa y Sanz (1887).

Attila est surtout connu dans l'historiographie et dans la tradition chrétienne occidentale pour avoir été le « fléau de Dieu ». Cette expression a été forgée par saint Augustin pour désigner Alaric en 410, mais dès le VIe siècle Grégoire de Tours pense déjà que les Huns sont un instrument divin[87]. Au siècle suivant Isidore de Séville précise l'idée : « Les Huns sont le bâton de la fureur de Dieu. Chaque fois que la colère de Dieu s'abat sur les fidèles, c'est par eux qu'ils sont frappés »[88]. L'expression n'apparaît qu'au VIIe siècle dans une hagiographie de saint Loup où Attila se présente comme étant le « fléau de Dieu » ; bien que « fléau » soit resté dans les mémoires, « fouet » traduit mieux le terme original de flagellum[89]. Les chroniqueurs et hagiographes chrétiens poursuivent cette tradition et en font un véritable « antihéros »[90]. Les hagiographies lui prêtent de nombreux crimes et martyres imaginaires comme saint Nicaise à Reims, saint Memorius à Saint-Mesmin et de nombreux autres[90]. À partir de ces chroniques se développent de nouvelles légendes mettant en scène des évêques protégeant leurs cités d'Attila : Jean à Ravenne, Géminien à Modène, Alpin à Châlons, Auctor à Metzetc.[91]. Sainte Ursule et les onze mille vierges mortes en martyre à Cologne constituent l'invention hagiographique la plus impressionnante, couchée par écrit au Xe siècle, elle reste populaire durant tout le Moyen Âge[92]. Certains récits vont même identifier les Juifs aux Huns[93].

Personnage romanesque en Italie

En Italie, à partir du XIVe siècle, Attila devient un héros littéraire[94]. Des épopées en vers ou en prose narrent ses aventures chevaleresques et lui prêtent une naissance extraordinaire : il serait le fils d'une princesse et d'un lévrier. Dans ces récits, par sa nature semi-bestiale et ses mauvaises actions, il est encore représenté comme l'ennemi du christianisme. L'un des plus populaires, l'Estoire d'Atile, est copié puis imprimé à Venise à travers les siècles ; la dernière édition daterait de 1862[95].

Héros germanique et scandinave

Illustration d'« Atli » (Attila) dans l'Edda poétique (édition de 1893).

Attila n'a pas laissé une image aussi négative dans les territoires non romains. La Chanson de Walther, chanson de geste en hexamètres latins, attribuée au moine Ekkehard Ier de Saint-Gall, vers 930, dépeint Attila comme un roi puissant et généreux[96]. La Chanson des Nibelungen, Nibelungenlied en allemand, une épopée médiévale allemande composée au XIIIe siècle, le présente, sous le nom d'Etzel, sous un jour positif malgré son paganisme[97].

Dans les sagas islandaises écrites au XIIe siècle, Attila et les Huns sont mis en scène dans des guerres épiques les opposant aux Burgondes, aux Goths ou aux Danois comme dans la Brevis historia regum Dacie de Saxo Grammaticus[98]. Dans l'Edda poétique, un recueil de chants scandinaves, les racines des plus anciens remontant au Ve siècle, le personnage du roi Atli est « issu de l'Attila historique »[99]. Les poèmes de l'Edda qui le mettent en scène sont Atlamál (Les Dits groenlandais d'Atli), Guðrúnarkviða II (Le Second chant de Gudrún), Sigurðarkviða hin skamma (Le Chant bref de Sigurd), Guðrúnarhvöt (L'exhortation de Gudrún), Atlakviða (Le Chant d'Atli). Ces chants sont repris en prose au XIIIe siècle par Snorri Sturluson, le plus grand écrivain scandinave médiéval[100].

Dans ces légendes, Attila est le frère de Brynhildr ou Sigrdrífa, la première épouse de Sigurd. Après la mort de celui-ci, il épouse Gudrún (Kriemhild dans le domaine germanique). Par la ruse, il attire chez lui ses beaux-frères Gunnar et Högni dont il tente en vain d'obtenir le secret de l'emplacement de l'or du Rhin, puis les fait mettre à mort. Gudrún se venge en faisant périr Attila, selon une version, dans l'incendie de son palais ; selon une autre, par le poison, après lui avoir fait manger le cœur de leurs fils[101].

Le personnage de Gudrún, sœur du roi des Burgondes, serait issu de l'Ildico historique : la mort tragique d'Attila, les soupçons d'assassinat et d'implication de sa jeune épouse auraient donné naissance à une tradition littéraire dans laquelle le motif de la vengeance féminine tient une place majeure[102].

Dans l'ensemble de ces mythes, Attila est représenté de façon assez « sympathique », il est tolérant, loyal, généreux et chevaleresque. Ses démêlés tragiques sont dus à sa naïveté et à ses difficultés à comprendre les autres peuples[97].

Roi mythique hongrois

Fête d'Attila, huile sur toile, par le peintre hongrois Mór Than (1870).

Lorsqu'au Xe siècle les Hongrois, nomades venus de l'Est, s'installent dans les Carpates et commencent à mener des razzias en Europe, les chrétiens les identifient immédiatement aux Huns[103]. Quand ils se convertissent et commencent à écrire leur propre histoire, ils adoptent cette idée, revendiquent la filiation avec Attila et le transforment en héros positif. Il devient ainsi l'ancêtre de la dynastie Árpád dans la Gesta Hungarorum rédigée vers 1210[104].

Dans ces mythes fondateurs, Attila est glorifié, ses vertus morales et guerrières exaltées[105]. À la Renaissance, la Chronica Hungarorum utilise encore la figure du roi des Huns pour accroître le prestige et la légitimité de la monarchie hongroise alors à son apogée, Matthias Ier de Hongrie est célébré comme un « second Attila »[106]. L'origine hunnique des Hongrois et la figure d'Attila est encore un thème récurrent de la littérature hongroise du XVIe au XIXe siècle. En 1857, le compositeur et pianiste virtuose Franz Liszt compose un poème symphonique sur la bataille des champs Catalauniques. Le développement du nationalisme hongrois garde Attila comme une référence majeure de l'identité nationale, la disparition de son brillant empire est mise en parallèle avec le destin des Hongrois sous domination autrichienne et ottomane. Au XIXe siècle, l'historienne Edina Bozoky recense une vingtaine de drames, neufs poèmes et trois romans hongrois utilisant Attila, notamment deux œuvres de grands auteurs que sont l'écrivain Mór Jókai et le poète János Arany[107]. Plus de quinze œuvres à ce sujet sont encore écrites au XXe siècle. Le prénom Attila reste populaire tout au long du siècle[108] comme en témoignent Attila József, Attila Csihar, Attila Zsivóczky ou Attila Horváth.

« Huns ! Je lève haut l'épée de Dieu, qu'elle propage jusqu'à la fin du monde, l'empire, le nom, la gloire de notre peuple ! »
Discours d'Attila dans le poème épique et nationaliste de János Arany, 1863.

Le mythe d'Attila est aussi très utilisé dans la politique hongroise, particulièrement par l'extrême droite dans les années 1930. Certains développent un néopaganisme prétendant retourner aux sources hunniques et construisent une tour à la mémoire d'Attila, d'Árpád et de Koppány[109]. Ces groupes connaissent une résurgence avec la Troisième République hongroise : une « Sainte Église des Huns » est fondée en 1997 et une « Alliance hunnique » en 2002. En 2010, une statue équestre d'Attila est inaugurée à Budapest par le ministre de la Défense Csaba Hende. À cette occasion, des arbres sont plantés aux frontières historiques de la Hongrie, officiellement pour qu'ils prennent racine auprès d'Attila[109].

Symbole politique

Affiche de propagande britannique en 1917.

Bien qu'au siècle précédent Voltaire et Montesquieu aient dépeint un Attila contrasté et pourvu de grandes qualités[110], au XIXe siècle Attila devient une métaphore du tyran et les Huns des ennemis barbares et brutaux. Benjamin Constant en 1815 et Victor Hugo en 1824 comparent Napoléon à Attila[111]. Les Français et dans une moindre mesure les Anglais et les Américains comparent les Allemands aux Huns, Victor Hugo compare cette fois Guillaume Ier à Attila en 1871. Lors de la Première Guerre mondiale, Guillaume II est encore comparé à Attila, la bataille de la Marne devenant une répétition des champs Catalauniques. En 1914, Rudyard Kipling lance un appel à la guerre contre les Huns. Les affiches canadiennes et américaines comparent la destruction de la Belgique par l'Allemagne aux ravages d'Attila, la propagande proclame « Beat the Hun », que l'on peut traduire par « Écrasons le Hun »[111].

Les anecdotes historiques et morales d'Attila sont propagées par l'école : « amené par sa monture favorite, Balamer, guidée par le vent jusqu'à l'épée de Tengri, Attila s'exclame : « Là où passe mon cheval, l'herbe ne repousse pas. » » Cette phrase a longtemps été un lieu commun de l'enseignement primaire en France[112],[113].

Paradoxalement, les Allemands reprennent parfois à leur compte la métaphore, lors de la révolte des Boxers, Guillaume II galvanise ses troupes en les incitant à suivre le modèle d'Attila, il déclare : « Pas de pitié ! Pas de prisonniers ! Il y a mille ans les Huns du roi Attila se sont fait un nom qui retentit formidablement aujourd'hui encore dans les mémoires et les contes ; que le nom des Allemands acquière en Chine la même réputation, pour que plus jamais un Chinois n'ose regarder un Allemand de travers »[114]. À la façon des Hongrois, au XXe siècle, les nationalistes et les touranistes turcs récupèrent également la figure d'Attila, libérateur des nations opprimées par les rois étrangers et la religion, précurseur de la Turquie moderne et laïque[115].

Plus récemment, en 2011, le général serbe Ratko Mladić est surnommé Attila aussi bien dans son propre pays qu'à l'étranger[116]. Des pamphlétaires utilisent encore la figure négative d'Attila, comme Sandy Franks et Sara Nunnally qui le comparent avec Wall Street[117].

Dans les arts

À une moindre échelle qu'en Hongrie, le roi des Huns est resté populaire dans le reste de l'Europe, sa figure ayant sans cesse intéressé les artistes. Pour l'historienne Edina Bozoky, la richesse et la variété des œuvres sur Attila sont exceptionnelles dans l'histoire littéraire : « chaque pays, chaque époque se fabrique un Attila à son image »[118].

Sculpture, vitraux, peintures et gravures

Le Martyre de sainte Ursule, huile sur toile du Caravage (1610).

L'art chrétien a beaucoup représenté Attila, enluminures des ouvrages hagiographiques comme celles de La Légende dorée de Jacques de Voragine, statues, retables et vitraux des églises. Attila y est souvent un personnage secondaire visant à valoriser les saints, comme Alpin, Loup, Geneviève, Ursule et les vierges de Cologne. L'une des peintures les plus renommées est Le Martyre de sainte Ursule réalisée par Le Caravage en 1610, Attila y est représenté avec un air sombre et un arc à la main tandis qu'une flèche transperce la poitrine de la martyre[119]. Les peintres, sculpteurs et graveurs hongrois de la Renaissance et de l'âge baroque en réalisent des portraits en majesté dans l'art officiel[120].

Théâtre

Attila est une des dernières tragédies de Corneille, en 1667. Drame amoureux dans lequel Attila doit choisir entre Honorie l'impératrice et Ildione la sœur du roi de France, Corneille considère que c'est sa meilleure pièce de théâtre mais elle ne remportera pas un grand succès[121]. Pour Nicolas Boileau en revanche, Attila signe le déclin du génie de Corneille, résumé par son exclamation désolée : « J'ai vu Agésilas, hélas ! Mais après l'Attila, holà ! » En montrant un Attila rongé par ses ambitions de conquêtes glorieuses et aux prises avec des amours tumultueuses, Corneille parle de la France du jeune et ambitieux Louis XIV des années 1660[122].

Musique et opéra

Attila est très utilisé dans l'opéra. Dès 1672, Pietro Andrea Ziani compose un Attila sur un livret de Matteo Noris. En 1807 à Hambourg, en 1818 à Palerme, en 1827 à Parme et en 1845 à Venise des opéras intitulés Attila sont représentés avec des succès divers. Le plus connu reste celui de Giuseppe Verdi en 1846. Zacharias Werner, écrivain autrichien, écrit Attila, König der Hunnen (Attila, roi des Huns) sur les dernières années de sa vie et la fait publier en 1807. Il met en scène la campagne d'Italie et le pillage d'Aquilée, Attila y est dépeint comme une métaphore de Napoléon. Celui-ci ordonne d'ailleurs de détruire toutes les copies de l'ouvrage en 1810[123]. Cette œuvre est à l'origine de l'opéra de Verdi, Attila, sur un livret de Temistocle Solera en 1846.

Aux XXe et XXIe siècles, Henri Salvador écrit et chante un humoristique Attila est là en 1967, en 2009 Danton Eeprom donne ce nom un à titre de musique électronique dans son premier album Yes is More[124]. Le poète et député hongrois Sándor Lezsák écrit un opéra-rock Attila, az Isten kardja mis en scène et joué par Levente Szörényi en 1993[125].

En 2002, Olivier Boreau compose une pièce pour orchestre d'harmonie sous le titre éponyme Attila.

Attila est également le nom utilisé par un groupe de deathcore américain originaire d'Atlanta et formé par Chris Fronzak en 2005.

Plus récemment, le nom Attila est parfois employé dans des morceaux de rap. Booba, en plus de l'évoquer dans plusieurs de ses morceaux, a nommé une de ses chansons d'après lui.

Le groupe Attila Jazz Quintet a été créé par Pierre Levy, musicien, écrivain et producteur de radio. Il s'est produit pendant huit ans, et a continué sous le nom Pierre Levy Quintet pendant dix années à jouer un jazz inspiré par le jazz des années 50/60, surtout par Charles Mingus, Horace silver et Thelonious Monk.

Littérature

La littérature russe et soviétique de la première moitié du XXe siècle, dans l'élan du « scythisme », qui célèbre les racines asiatiques de la Russie, s'empare de la figure d'Attila. Valéri Brioussov lui consacre un poème en 1921 où Attila personnifie la crainte de la destruction et l'espoir du renouveau. Ievgueni Zamiatine écrit le roman historique Le Fléau de Dieu sur la jeunesse d'Attila. De nombreux autres écrivains de pays différents lui ont aussi consacré un roman historique comme l'Allemand Felix Dahn dans ses Romans historiques de la Grande Migration publiés entre 1882 et 1901, le Canadien Thomas Costain en 1959, ou encore l'auteur américain de thrillers historiques William Dietrich avec Le Fléau de Dieu en 2005. Si Attila est représenté en Barbare, il sert aussi à critiquer un monde romain décadent, mou et dépravé[126].


Attila figure parmi les cinq personnages principaux du roman surréaliste de Pierre Levy RAGA EN CHAT BEMOL paru chez Kirographaires en 2012. Une partie du roman se situe à Budapest où se trouve le palais du Roi-Président Hunno-Hongrois, ainsi présenté dans le roman.

Cinéma et télévision

Le premier film mettant en scène Attila est un film muet italien en 1918[127]. En 1924, dans le film allemand Les Nibelungen de Fritz Lang, Rudolf Klein-Rogge joue le roi Attila. Les films américains Le Signe du païen de Douglas Sirk et italien Attila, fléau de Dieu de Pietro Francisci sortis tous deux en 1954 conservent cette image. À l'inverse, le téléfilm Attila le Hun de Dick Lowry en 2001, dépeint un Attila, incarné par Gerard Butler, beaucoup plus positif et séduisant[128]. Débutée en 2005, la série télévisée Kaamelott d'Alexandre Astier met également en scène Attila dans quelques épisodes (interprété par Lan Truong), en en faisant cette fois une interprétation humoristique. Attila apparaît également en 2008, dans un épisode de la série de la BBC, Heroes and Villains (en), il est interprété par Rory McCann. Il apparaît également dans le film La Nuit au musée sorti en 2006 où il est interprété par Patrick Gallagher.

Bande dessinée

Attila est le personnage central du huitième épisode de la saga des Timour dessinée par Sirius dans le journal Spirou, Le Fléau de Dieu (1958), repris en album en 1960 sous le titre Timour contre Attila. Le chef hun n'y est pas présenté comme une brute ou un barbare : au fil de l'histoire, une estime réciproque naît entre les deux hommes. La bande dessinée historique de Jean-Yves Mitton et Franck Bonnet Attila mon amour sort en six volumes de 1999 à 2003. Sur un ton humoristique, Manu Larcenet et Daniel Casanave transforment le conquérant en dépressif dans Une aventure rocambolesque d'Attila le Hun - le Fléau de Dieu publié en 2006[129]. Le Fléau des dieux de Valérie Mangin et Aleksa Gajić transpose le combat entre Attila et Ætius en space opera[130]. En 2019, les éditions Glénat et les Éditions du Cerf publient Léon le grand, défier Attila (scénario de France Richemond, dessin de Stefano Carloni, couleurs de Luca Merli) dans lequel on découvre comment le pape Léon le Grand aurait dissuadé Attila et sa horde de piller Rome en 452. Dab's a également créé Le Club des Huns, une bande dessinée humoristique centrée autour d'Attila qui, pour retrouver sa gloire passée, décide d'envahir la Gaule avec ses guerriers[131].

Jeux vidéo

Hommage

Dans les mathématiques

Matrice Attila ou matrice des uns.

On désigne parfois par « matrice Attila » la matrice de Mn(K) dont tous les coefficients sont des « 1 », du fait de son appellation « la matrice des uns ». Cette notation récente n'est pas universelle et conduit parfois à des erreurs avec des étudiants qui n'ont pas compris l'allusion sous-jacente[réf. nécessaire].

Notes et références

Notes

  1. La date de naissance d'Attila n'est pas connue ; diverses hypothèses sont discutées dans la section Enfance mal connue dans un empire jeune.
  2. C'est Ætius, qui joue plus tard un rôle majeur, qui est chargé de cette opération.
  3. Environ 227 kilogrammes.
  4. Vingt livres romaines.
  5. À laquelle participe Priscus, auteur du seul témoignage contemporain conservé sur Attila.

Références

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Voir aussi

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Bibliographie

Sources anciennes

Ouvrages contemporains

Expositions et colloques

  • Jean-Yves Marin (dir.), Attila : les influences danubiennes dans l'Ouest de l'Europe au Ve siècle : Église Saint-Georges du Château, 23 juin-1er octobre 1990, Caen, Publications du Musée de Normandie, (BNF 35099180).
  • Danielle Buschinger (dir.), Attila dans la réalité historique, la littérature et les beaux-arts : Actes du colloque de Saint-Riquier (décembre 2002), Amiens, Presses du Centre d’Études médiévales, Université de Picardie, (ISBN 978-2-901121-97-8).

Articles connexes

Liens externes