Yasuke

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Yasuke
Description de cette image, également commentée ci-après
Illustration d'un marchand portugais au Japon, avec son serviteur africain.

弥助 ou 彌介

Alias
Kuro-san
Kurosuke
Naissance 1530-1550
Mozambique
Pays de résidence Japon
Activité principale
porteur d'armes

Yasuke (弥助 ou 彌介?), aussi connu sous les noms de Kuro-san (kuro signifiant noir) ou Kuro-suke (くろ助?), est le nom japonais d'un servant et porteur d'arme d'origine africaine qui a vécu au XVIe siècle.

On sait très peu de choses à son sujet et les principales sources le concernant sont l'Histoire ecclésiastique des isles et royaumes du Japon écrite par François Solier[1], les écrits du missionnaire jésuite Luís Fróis[2] et le Shinchō kōki (信長公記?), les mémoires de Oda Nobunaga.

Biographie[modifier | modifier le code]

Yasuke, serait né, selon François Solier, au Mozambique[1]. Le , le père jésuite italien Alessandro Valignano, visiteur canonique des missions jésuites d'Extrême-Orient, le prend à son service. Le , les deux hommes quittent Goa, et après des escales à Malacca (Malaisie) et Macao (Chine) ils arrivent au Japon le , à Arima[3] (île de Kyushu). Yasuke n'est pas le premier Noir à arriver au Japon. En 1546, le capitaine portugais Jorge Alvares[4] avait déjà amené des Africains au Japon.

Le , Alessandro Valignano accompagné des pères Luis Frois et Organtino Gnecchi-Soldo ainsi que de son esclave quittent Kyushu pour Kyoto[5] où règne Oda Nobunaga. La curiosité publique est telle qu'une foule enfonce la porte de la résidence des jésuites pour voir Yasuke. Plusieurs personnes sont blessées. Apprenant cet incident, Oda Nobunaga veut vérifier la couleur de cet homme noir[6] en le déshabillant jusqu'à la ceinture[1]. Selon Otohiko Kaga, la carnation de Yasuke suscite un vif intérêt et un émerveillement. Il avait beau le laver, la peau restait noire[5]. C'est alors que Alessandro Valignano décide de l'offrir comme tribut[7] à Oda Nobunaga.

Oda Nobunaga raconte cette rencontre dans ses mémoires (信長公記, Shinchō kōki), « Le 23 du second mois, un serviteur noir vint des pays chrétiens. Il semblait avoir 26 ou 27 ans, son corps tout entier était noir comme celui d'un bœuf. Il était solide et avait de la présence. De plus, sa force était supérieure à celle de dix hommes réunis. »[8][source insuffisante].

Au service de Oda Nobunaga, le nom de Yasuke lui est donné[réf. nécessaire].

Oda Nobunaga, qui était appelé dans son enfance « Owari no utsuke mono»[9], « l'imbécile d'Owari », était connu dans sa région pour ne pas respecter les exigences propres à son rang. Adulte, il continuera d'entretenir des pratiques étonnantes. Amateur de poésie et de cérémonie du thé, il ouvre le pays aux chrétiens, sans pour autant se convertir. Il collectionne des objets venus d'Occident et il est le premier Japonais à apparaître vêtu de tenues européennes. C'est probablement cette extravagance qui l'amène à accueillir Yasuke. Selon un prototype du Shinchō kōki détenu dans les archives du clan Maeda, Oda Nobunaga lui confie un court katana de cérémonie et une habitation. Il fait de Yasuke son porteur d'arme[10][source insuffisante].

Le père Organtino Gnecchi-Soldo écrit que les Japonais acceptaient de payer pour voir des esclaves noirs[11]. Outre sa couleur de peau exotique pour un Japonais, il fascinait par sa grande taille. Matsudaira Ietada dans son journal le décrit comme mesurant six shaku et deux sun soit 1,88 m[12] alors que la taille moyenne d'un homme japonais de l'époque est d'1,57 m[13].

Le , Oda Nobunaga est défait à Kyoto par l'armée d'Akechi Mitsuhide. Yasuke part alors à la rencontre de l'héritier de son seigneur au château de Nijō. Oda Nobutada à son tour attaqué et défait, Yasuke est fait prisonnier par les vassaux de Akechi Mitsuhide et présenté devant ce dernier pour qu'il décide de son sort.

Selon l'historien Midori Fujita, Yasuke aurait été ramené à la mission jésuite de Nanbanji à Kyoto[14]. Nul ne sait ce qu'il est advenu de lui après cet évènement[3]. Il est aujourd’hui impossible de connaître la fin de Yasuke[3].

Étymologie[modifier | modifier le code]

Yasuke est un prénom masculin courant à l'époque au Japon. C'est aussi le nom d'un personnage du folklore japonais dont l'utilisation la plus connue est dans la pièce intitulée Yoshitsune Senbon-sakura du théâtre bunraku et kabuki[15],[16]. Yasuke est aussi le nom du père de Toyotomi Hideyoshi.

Yasuke était fréquemment surnommé Kuro san, kuro signifiant « noir » : Kuro san peut se traduire par « monsieur Noir ». Toutefois ce nom est postérieur car le suffixe -san n'était pas utilisé à cette époque.

Dans la fiction[modifier | modifier le code]

En 1968, Kurusu Yoshio 来栖良夫 (1916-2001) écrit Kuro-suke, un livre pour enfant qui relate l'histoire d'un jeune homme noir envoyé à Nobunaga comme cadeau d'un missionnaire et qui devient son serviteur. Kuro-suke est joyeux et travailleur. Nobunaga et les membres de la maison en viennent à l'aimer. Quand Akechi Mitsuhide attaque Nobunaga au temple Honnôji, Kuro-suke se bat courageusement. Nobunaga se suicide et Kuro-suke se sauve et est accueilli au temple de Namban. Quand il dort cette nuit-là, il rêve de ses parents en Afrique. L'idée d'un homme noir travaillant pour Nobunaga est assez unique, un peu étrange et humoristique. Les illustrations de Minoda Genjirô ont été saluées pour leur originalité et leur qualité lorsqu'il a reçu le prix de l'association japonaise des écrivains pour enfants en 1969[17],[18].

En 2005, Yasuke apparaît dans le manga et le dessin animé Hyouge Mono, créé par Yoshihiro Yamada (ja).

En 2015, dans Yasuke, Frédéric Marais raconte l'histoire d'un jeune esclave qui n'a pas de nom. S'échappant de son village au pied du Kilimandjaro, il embarque comme marin sur un navire, traverse les mers jusqu'au Japon où il accomplit un destin exceptionnel[19].

La même année, l'artiste sud-africain Nicola Roos réalise une série de statues représentant Yasuke en armure de samouraï[20].

En 2016, Otohiko Kaga relate dans son livre La croix et l'épée les débuts du christianisme au Japon durant la seconde moitié du XVIe siècle. Otohiko Kaga mentionne uniquement l'épisode où l'on vérifie bien la carnation de Yasuke par Oda Nobunaga[5].

Toujours en 2016, parution du manga L'Homme qui tua Nobunaga de Akechi Kenzaburō et de Tôdô Yutaka où figure Yasuke[21].

En 2017, Le Samouraï noir de João Paulo Oliveira e Costa narre notamment l'histoire de Carlos, un prince du Congo qui devient un samouraï dans le Japon féodal du XVIe siècle.

Toujours en 2017, sort le jeu Nioh, où apparaît Yasuke[réf. nécessaire].

En 2018, le journaliste franco-ivoirien Serge Bilé narre de façon romancée l'histoire d'un esclave africain au destin hors du commun. À la fin du XVIe siècle, celui-ci se retrouve au Japon où il accompagne son maître jésuite italien puis est laissé à la garde d'Oda Nobunaga. Ce dernier, impressionné par ses extraordinaires capacités physiques et intellectuelles ainsi que par ses facilités pour les langues, en fait son homme de confiance et le premier samouraï étranger du Japon.

L'exposition Yasuke, l'esclave samouraï a été organisée à Yaoundé au Cameroun en , par Anne-Sophie Omgba[22],[23],[3], et comptait 17 grandes planches dessinées de l'artiste camerounais Raimi Sewado représentant Yasuke[3],[24], avec la participation de Julien Peltier (auteur).

En 2019, le groupe de rap IAM fait référence à Yasuke dans une chanson éponyme, présente sur l'album Yasuke.

La même année, l'acteur Chadwick Boseman est pressenti pour incarner Yasuke dans un film homonyme[25].

En 2020, Smaïl Kanouté, un artiste plasticien, danseur et chorégraphe, présente sa nouvelle création vidéo inspirée de la vie de Yasuke[26].

En septembre, le chef cuisinier d'origine malienne Mory Sacko, ancien candidat de l’émission Top chef, reçoit à 28 ans sa première étoile au Michelin pour son restaurant MoSuke, ouvert à Paris. Le nom du restaurant est la contraction de « Mo » pour Mory, « Suke » en hommage à Yasuke[27].

Edition d'une bande dessinée intitulée Legend of Yasuke (son of the soil), où Yasuke est un guerrier Bini qui devient un samouraï[28].

En 2021 paraît la bande dessinée Kurusan, le samouraï noir de Thierry Gloris et de Emiliano Zarcone qui retrace la vie de Yasuke, un esclave qui est parvenu à entrer dans la cour de Oda Nobunaga[29].

En 2021, Netflix produit une mini-série centrée sur le personnage éponyme dans un Japon alternatif et fantastique où interviennent magie et robots[30],[31].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c François Solier, Histoire ecclésiastique des isles et royaumes du Japon (lire en ligne), p. 444. Le père Solier lui-même, n'a jamais visité le Japon.
  2. Michael Weiner (2009). Japan's Minorities: The Illusion of Homogeneity Taylor & Francis [S.l.] pp. 86 e 87. 9780415772631.
  3. a b c d et e Pierre Lepidi, « La légende retrouvée de Yasuke, le premier samouraï noir du Japon », sur www.lemonde.fr, (consulté le ).
  4. (en) Michael Weiner, Japan's Minorities : The Illusion of Homogeneity (2ème édition), Routledge, , 256 p. (ISBN 9780415772648, lire en ligne), p. 86.
  5. a b et c (en) Otohiko Kaga (trad. du japonais), La croix et l'épée : samouraï et chrétien, Paris, les Éditions du Cerf, 415 p. (ISBN 978-2-204-10921-5).
  6. (en) Gary P. Leupp, Interracial intimacy in Japan : western men and Japanese women, 1543-1900, London/New York, British Library, , 313 p. (ISBN 0-8264-6074-7, lire en ligne), p. 37
  7. (en) Themba Sono, Japan and Africa : The Evolution and Nature of Political, Economic and Human Bonds, 1543-1993, , 461 p. (ISBN 978-0-7969-1525-2).
  8. (ja) « 史籍集覧. 19 - 国立国会図書館デジタルコレクション », sur dl.ndl.go.jp (consulté le ).
  9. (en) Senko K. Maynard, Linguistic Emotivity: Centrality of place, the topic-comment dynamic, and an ideology of pathos in Japanese discourse, John Benjamins Publishing Company, , 495 p. (ISBN 978-1588112026, lire en ligne), chapitre 14
  10. (ja) 「織田信長という歴史 『信長記』の彼方へ, Tokyo, Bensei Shuppan, 311 p., p. 12
  11. (en) Hitotsubashi Journal of Social Studies, Volume 30,Numéro 2, Hitotsubashi University, .
  12. Romain Mielcarek, « Yasuke : le premier samouraï étranger était africain », sur www.rfi.fr, (consulté le ).
  13. (en) Naima Mohamud, « Yasuke: The mysterious African samurai », sur bbc.com, (consulté le ).
  14. (ja) Fujita, Midori, アフリカ「発見」日本におけるアフリカ像の変遷 [Discover Africa―History of African image in Japan (World History series)] (en japonais)., Iwanami Shoten,‎ (2005) (ISBN 978-4000268530), p. 8-9.
  15. (en) James R. Brandon et Samuel L. Leiter, Kabuki Plays on Stage. Volume 2 : Villainy and Vengeance, 1773-1799, University of Hawai'i Press, , 432 p. (ISBN 978-0-8248-2455-6, lire en ligne).
  16. (en) Fanny Hagin Mayer, Ancient Tales in Modern Japan : An Anthology of Japanese Folk Tales, Indiana, Indiana University Press, , 384 p. (ISBN 978-0-253-30710-1).
  17. (en) Laura J. Smith, Children's Book Awards International A Directory of Awards and Winners, from Inception Through 1990, Université du Michigan, McFarland & Company, , 649 p. (ISBN 9780899506869), p. 165.
  18. (en) Walter Scherf, Children's Prize Books An International Listing of 193 Children's Literature Prizes, Université du Michigan, Jess R. Moransee, , 620 p. (ISBN 9783598032509), p. 332.
  19. « Yasuke », sur Editions Les Fourmis Rouges (consulté le ).
  20. (en) Chelsey Cox, « Fact check : Famous 16th century Japanese samurai was an African expatriate », sur USA TODAY (consulté le ).
  21. « L'Homme qui tua Nobunaga - Manga série », sur manga-news.com (consulté le ).
  22. « Exposition : L’épopée de Yasuke, l’esclave devenu samouraï » (consulté le ).
  23. glancemag, « La légende retrouvée de Yasuke, le premier samouraï noir du Japon » (consulté le ).
  24. « Exposition : L’épopée de Yasuke, l’esclave devenu samouraï », sur Le Quotidien Le Jour (consulté le ).
  25. « Après Black Panther, Chadwick Boseman sera le premier samouraï noir pour le film Yasuke », sur ladepeche.fr (consulté le ).
  26. « Smaïl Kanoute : Yasuke Kurosan, le samouraï noir au Japon - Expos dans le Grand Paris », sur Télérama.fr (consulté le ).
  27. Marlène Panara, « Mory Sacko : La gastronomie africaine est très diverse », sur Le Point, (consulté le ).
  28. (en) Morakinyo Araoye, Legend of Yasuke, TAG Comics LLC, (ISBN 978-1-7343215-1-7, lire en ligne).
  29. « Kurusan, le samouraï noir T01 de Emiliano Zarcone, Thierry Gloris, Bruno Tatti - Album | Editions Delcourt », sur www.editions-delcourt.fr (consulté le ).
  30. Christophe Lebouvier, « Les dix animés qu'il fallait absolument voir en 2020 », sur Numerama, (consulté le ).
  31. « Netflix dévoile les premières images de Yasuke, sa série animée sur le premier samouraï noir », sur Ouest France, (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Serge Bilé, Yasuke. Le samouraï noir, Owen Publishing, , 176 p. (ISBN 978-2-9560000-7-5).
  • (en) Thomas Lockley, African Samurai: The true story of Yasuke, a legendary black warrior in feudal Japan, Hanover Square Press, , 380 p. (ISBN 978-1-335-14102-6).

Liens externes[modifier | modifier le code]