Utilisateur:Gagea/Brouillons/Evolution/Histoire de la pensée évolutionniste

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L’Histoire de la pensée évolutionniste raconte la succession des idées qui ont permis de comprendre le mécanisme de l'évolution des espèces.

Dans l'Antiquité[modifier | modifier le code]

Ce sont chez les philosophes grecs qu'on trouve les plus anciennes traces d'explication de la diversité biologique que la Terre porte. Le présocratique Anaximandre, élève de Thalès de Milet, concevait déjà l'homme comme étant précédemment un poisson ou un animal proche de celui-ci. Il avança ainsi l’idée selon laquelle les hommes avaient dû passer une partie de cette transition dans la bouche de gros poissons pour se protéger du climat jusqu’à ce qu’ils puissent regagner l’air libre et perdre leurs écailles[1]. La vie vient de l'eau pour Anaximandre. Démocrite la considère comme un assemblage heureux d'éléments qui a pu perdurer de façon viable. Platon inscrit la vie dans deux mondes. Un monde réel, idéal impalpable et un monde illusoire perçu par les sens. Il a une vision statique de la biocénose que l'on qualifiera de fixiste. Son disciple Aristote classe le vivant sur une échelle de complexité: la Scala naturæ l'échelle de la vie. Mais comme Platon, Aristote défend une vision fixiste du monde vivant. La culture judéo-chrétienne notamment dans les récits de l'Ancien Testament reprend les visions fixistes des philosophes grecs. Selon le récit de la Genèse, Dieu a crée tout le vivant de la Terre, y compris l'homme qui est à son image. C'est d'ailleurs pour découvrir cet ordre divin que Carl von Linné le père de la taxinomie a mis en place la classification binomiale.

Au Moyen-Âge, du côté musulman[modifier | modifier le code]

L'idée d'évolution se retrouve également dans le monde musulman au Moyen-âge, même si cela ne figure qu'exceptionnellement dans les ouvrages traitant de l'histoire de la théorie transformiste. Au Xe siècle, une section de l'épître des frères de la pureté des Ikhwan al-Safa décrit la création des mondes et l'évolution par strates de la vie avec des détails qui auraient impressionné Darwin [2]. L'épitre explique comment se déroule la manifestation par couches successives, ou stratifiées à partir du royaume minéral. Y est décrit comment, plus bas dans ce royaume, les entités minérales les plus développées vivent à l'intérieur jusqu'à ses plus hautes strates pour se mélanger là imperceptiblement, dans la strate supérieur du règne végétal. De même, l'épitre défend qu'il y ait des contacts du règne végétal, à son plus haut niveau avec le règne animal, dont le point culminant serait l'homme. Les plus évolués seraient les hommes placés dans les hautes sphères, debout entre les anges et les animaux, pour servir sur la terre comme lieutenant de Dieu.

Ainsi cette pensée naturaliste décrivant une évolution globale impliquant le minéral, le végétal et l’animal se retrouve entre autres chez le philosophe et historien iranien Ibn Miskawayh (930-1030) et surtout au Xe siècle dans l’encyclopédie philosophique et religieuse des Frères de la Pureté (Rissalat al Ikhwan Al Safa). L’idée principale de cette pensée médiévale est que les groupes d’êtres parcourent dans l’engendrement de leurs formes définitives une évolution qui va du simple au complexe, passant par les quatre éléments (feu, terre, air, eau), les quatre natures (chaud, froid, sec, humide) et leurs combinaisons poursuivent encore la différenciation en règnes minéral, végétal et animal et précisent indéfiniment la spéciation du vivant.

Selon Sigrid Hunke (1913-1999), Ali ibn Abbas al-Majusi (?-982 ou 994), a expliqué l'origine des espèces par la voie de la sélection naturelle dix siècles avant Darwin [3].

D'autres penseurs islamiques médiévaux ont une vision naturaliste marquée par l’évolution comme le zoologiste Al Jahiz (776-868) dans son Livre des Animaux dresse une anthologie animalière où est évoquée une évolution articulée selon trois mécanismes principaux (la lutte pour l’existence, la transformation d’espèces vivantes, l’influence de l’environnement naturel) marquant l’unité de la nature et les rapports entre divers groupes d’êtres vivants.

De même Nasir ad-Din at-Tusi (1201-1274) suggère la sélection des meilleurs et l'adaptation des espèces pour l'évolution plusieurs siècles avant Charles Darwin, il utilise pour expliquer les transfomrations des espèces, le mot takâmul, qui signifie en arabe "perfectionnement". Selon Tusi, ce sont les transformations de l'environnement qui poussent les espèces à évoluer ; ainsi ce sont, selon lui, les espèces dont les individus sont les plus diversifiés en formes qui s'adaptent le mieux aux changements, Tusi écrira ainsi : "...l'équilibre (originel) a été endommagé, et les contrastes essentiels ont commencé à apparaître à l'intérieur de ce monde très tôt. Par conséquent, quelques substances ont commencé à se développer plus rapidement et à s'améliorer plus que les autres." et encore : "Les organismes qui peuvent gagner les nouveaux dispositifs plus rapidement sont plus variables. En conséquence, elles gagnent des avantages par rapport à d'autre créatures." [4]. Farid Alakbarov étudie en détail ce domaine dans son livre intitulé : Nasiraddin Tusinin takamul gorushlari [5].

Dans son Muqaddima, le savant Ibn Khaldun (1332-1406) suggère également la transformation progressive et organisée du minéral vers le végétal, l'animal, le singe et finalement l'Homme [6]. Cependant si ces écrits n'ont pas fait condamner leurs auteurs par les autorités islamiques respectueuses du progrès et du savoir [7], ils n'ont pas bénéficié d'une grande popularité non plus.

Les théories au XVIIIe siècle[modifier | modifier le code]

Au XVIIIe siècle, les idées fixistes sont partagées par un grand nombre de scientifiques dont fait partie Carl von Linné, le père de la taxinomie, qui met en place la nomenclature binomiale des espèces, toujours en vigueur, afin de mieux comprendre cet ordre divin[8]. Contrairement à la scala naturæ, sa classification repose sur une hiérarchie de catégories de plus en plus précises regroupant les espèces semblables, mais Linné n'établit aucun lien de parenté entre celles-ci et effectue plutôt un lien avec leur plan de création[9]. En s'inspirant des travaux d'anatomie de Nicolaes Tulp et surtout d'Edward Tyson, Linné constate que le chimpanzé présente plus de caractères communs avec l'homme qu'avec les autres singes et amène ainsi l'homme et le chimpanzé a cohabiter pour la première fois dans l'ordre des Primates en 1758[10].

L'étude des fossiles a également permis d'alimenter l'idée d'évolution[9][11]. Georges Cuvier, fondateur de la paléontologie, remarque que plus une strate est profonde, plus les fossiles en son sein se démarquent des espèces actuelles et que certaines espèces apparaissent tandis que d'autres disparaissent. Fixiste et farouche opposant au transformisme de Lamarck, Cuvier devient le principal partisan du catastrophisme, théorie selon laquelle il y aurait eu plusieurs créations entrecoupées de catastrophes planétaires et qui permet de concilier la présence de fossiles d'espèces éteintes avec les récits bibliques[12]. À l'époque, cette thèse s'oppose aux idées défendues par la thèse du gradualisme, établie en 1795 par James Hutton, puis par son complément l'uniformitarisme de Charles Lyell, qui postulent au contraire que les processus géologiques qui se sont exercés dans le passé lointain sont lents et graduels et s'exercent encore actuellement de la même façon et à la même vitesse[13]. Selon ce principe, les changements géologiques se sont déroulés sur une bien plus longue période que les 6000 ans accordées à la Terre par les théologiens. Le principe du gradualisme sur l'évolution géologique sera ensuite repris par les évolutionnistes, dont Darwin, pour expliquer l'évolution biologique.

Si l'idée d'évolution est apparue au milieu du XVIIIe siècle avec Maupertuis et Buffon, la première théorie scientifique rendant compte d'un phénomène d'évolution des espèces dans le temps est attribué à Jean-Baptiste Lamarck[14]. La publication, en 1809, dans Philosophie zoologique, de sa théorie transformiste entraine d'ailleurs de virulents débats devant l'Académie des sciences car elle entre en totale contradiction avec les idées en vigueur à l'époque et notamment le fixisme. Malgré de nombreuses critiques de la part des milieux religieux et scientifique, les idées transformistes reçoivent une adhésion croissante à partir de 1825 et ont permis de rendre le débat naturaliste plus réceptif aux théories évolutionnistes[15]. Pour Lamarck, les espèces peuvent se transformer selon deux principes : celui de l'usage et du non-usage, qui veut qu'un organe se développe ou s'atrophie selon son degré d'utilisation, et celui de l'hérédité des caractères acquis, qui veut que les modifications acquises au cours de la vie d'un organisme soit transmise à ses descendants. Prenant notamment pour exemple le cou de la girafe qui se serait progressivement allongé au fil des générations pour atteindre les feuilles en haut des arbres, Lamarck déclare donc que les organismes peuvent se transformer et que ces modifications sont héréditaires. Si sa théorie est aujourd'hui considérée comme erronée, Larmarck est le premier a avoir réellement compris que seuls des changements évolutifs graduels pouvaient expliquer les archives fossiles et l'adaptation des organismes à leur environnement, bien qu'il maintenait qu'elles avaient été créées séparément[16].

La révolution darwinienne[modifier | modifier le code]

En 1859, Charles Darwin, naturaliste anglais, publie De l'origine des espèces. Il y reprend les idées de Lamarck tout en les critiquant et en les modifiant. Darwin ajoute surtout une foule de preuves en faveur de l'idée d'évolution (par transformation graduelle) et propose pour la première fois le mécanisme de la sélection naturelle ; mais il n'y remet pas en cause l'idée de l'hérédité des caractères acquis, citant même dans L'Origine des espèces les "effets cumulatifs du dressage" sur une lignée de chiens pointers.

Darwin propose d'ailleurs un modèle pour la transmission des caractères acquis sous le nom « d’hypothèse de la pangenèse » dans Les variations des animaux et des plantes sous l’effet de la domestication (1868). Son modèle ressemble à celui qu’avait proposé Maupertuis dans sa Vénus physique (1745) et son Système de la Nature, hormis l’utilisation de la récente théorie cellulaire ; sans reconnaître pour autant l’origine de ses idées. Darwin introduit aussi l'idée d'une sélection sexuelle qui permet notamment d'expliquer les cas étonnant de dimorphisme sexuel comme les couleurs chatoyantes des mâles dans certaines espèces. Enfin, Darwin insiste sur le fait que l'espèce humaine est elle aussi le produit de l'évolution par sélection naturelle et sexuelle dans son ouvrage La Descendance de l'homme et la sélection sexuelle.

La théorie synthétique de l'évolution[modifier | modifier le code]

À la fin du XIXe siècle, le moine autrichien Gregor Mendel découvre les lois de la génétique avec ses expériences sur les pois. En proposant un mécanisme pour l'hérédité, c'est-à-dire la transmission (au moins partielle) des caractères d'un individu à ses descendants. Toutefois, ses travaux ne seront pas diffusés et les découvertes de Mendel seront oubliées jusqu'à ce que des biologistes (Hugo de Vries, Carl Correns et Erich von Tschermak) au début du XXe siècle, les redécouvrent. Les lois de l'hérédité mendélienne apportent alors un soutien crucial aux idées de Darwin.

En 1910, le biologiste de Vries découvre les mutations génétiques. Ces modifications aléatoires du code génétique permettent d'expliquer la variabilité naturelle des caractères individuels, terrain sur lequel se fait la sélection darwinienne. Tout au long du XXe siècle, la génétique émergente viendra étayer les idées de Darwin. Dans les années 1930, des biologistes comme Thomas Hunt Morgan font beaucoup progresser la génétique, notamment grâce à l'étude des chromosomes de la mouche drosophile.

Ces mêmes années, le statisticien et généticien Ronald Fisher apporte d'importants développement mathématiques à la théorie de l'évolution en lien avec les mécanismes de sélection naturelle mais surtout sexuelle fournissant par exemple une explication au fait que les membres des deux sexes, mâles et femelles, sont aussi nombreux dans la plupart des espèces. Les résultats de Fisher donneront naissance à ce qu'on appellera la génétique des populations.

Dans les années 1940, quelques pionniers (Theodosius Dobzhansky, Ernst Mayr, George Gaylord Simpson et Julian Huxley) fondent la théorie synthétique de l'évolution (TSE). Comme son nom l'indique, celle-ci est destinée à synthétiser et à englober dans une vision d'ensemble les données accumulées séparément par la génétique, la biologie et la paléontologie. Simultanément, un embryologiste autrichien, Richard Goldschmidt, propose sa théorie du monstre prometteur.

Au cours des années 1960, William Hamilton poursuivra les travaux de Fisher. Il contribuera par exemple à la théorie de la reine rouge expliquant l'avantage de la reproduction sexuée en ce qu'elle permet de résister de façon plus efficace aux parasites.

En 1975, le biologiste Amotz Zahavi formulera le principe du handicap qui permet d'expliquer certaines formes impressionnantes de dimorphisme sexuel. Ce principe explique le fait que dans certaines espèces les mâles (en général) présentent des caractères exubérants car ce faisant ils montrent qu'ils sont capable de survivre malgré le handicap qu'inflige une telle exubérance (ils sont par exemple plus visibles des prédateurs). Les femelles ont donc intérêt à choisir pour leur progéniture un père qui a le handicap le plus fort et qui est donc le plus capable de dépasser ce handicap.

Au cours des années 1980, la théorie darwinienne se verra développée sous l'angle mathématique et statistique par des biologistes comme John Maynard Smith. Ce dernier s'inspirant de la théorie des jeux développée par le mathématicien John Nash, introduira le concept de stratégie évolutionnairement stable qui désigne le fait que lorsque plusieurs populations sont en compétition, celles qui dominent les autres vont se répandre tandis que celles qui sont dominées vont disparaitre.

Maynard Smith collaborera aussi avec le biochimiste Eörs Szathmáry dans un travail de synthèse sur les transitions majeurs dans l'histoire de la vie intitulé comme l'apparition du code génétique, des eucaryotes, des êtres multicellulaires, ou encore l'apparition des sociétés humaines.

Enfin, en privilégiant l'approche simultanée des organismes, certains auteurs comme Leigh Van Valen, William Rice ou encore en France le biologiste Thierry Lodé[17] insistent sur les processus de coévolution et réfutent certains points de la théorie néodarwinienne. Dans sa théorie de la reine rouge, Van Valen postule que l'évolution résulte des interactions entre organismes et se poursuit perpétuellement, tandis que les théories du conflit de Rice et Lodé proposent que l'évolution résulte principalement des interactions antagonistes, et notamment du conflit sexuel. Modèle:Lien AdQ

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Plutarque mentionne également cette théorie d’Anaximandre où les humains naissaient à l’intérieur des poissons, se nourrissant tels des requins, et que lorsqu’ils étaient en mesure de se défendre, ils étaient rejetés sur le rivage pour vivre sur la terre ferme.
  2. [1] Source material for this article includes: A History of Islamic Philosophy by Majid Fakhry, 1970; Arabic Thought and Its Place in History by DeLacy O'Leary, 1922; and by the same author, How Greek Science Passed to the Arabs, 1948. (From Sunrise magazine, April & May, 1973. Copyright © 1973 by Theosophical University Press)
  3. [[2]]Le Soleil d'Allah brille sur l'Occident, Espace Libre, éd. Albin Michel, 1997, p.158.
  4. Akhlag Nasiri, ou Nasirean Ethics traduit vers l'anglais par G.M. Wickens et édité par George Allen & Unwin en 1964.
  5. [[3]] : [Dr. Farid Alakbarov first became interested in Tusi's views on evolution in 1986, when he began his research of Arabic texts at Baku's Institute of Manuscripts. In 2000, he wrote a booklet entitled (Azeri) (The Evolutionary Views by Nasiraddin Tusi), known as "Evolutsionniye vzglyadi Nasiraddina Tusi" in Russian. He also presented a paper on the subject at Azerbaijan International University's Conference Devoted to the 800th Jubilee of Nasiraddin Tusi. Dr. Alakbarov writes a regular feature column in AI related to medieval medicine. His previous articles are available at AZER.com in English; or at AZERI.org, in the Azeri Latin script.
  6. (fr) Ibn Khaldoun, Les Prolégomènes, éd. Institut de France, Paris, 1863, p. 229
  7. Plusieurs savants soutiennent une interprétation moderne du Coran à ce sujet dont : Sayyid Qutb (1906-1966) dans Fî Dhilâl'il Qur'ân, Elmalılı Muhammed Hamdi Yazır (1877-1942) dans son exégèse du Coran intitulé Hak dîni Kur'ân dili et le Dr. Maurice Bucaille (1920-?)... Qui sont accusés par les occidentaux de concordisme.
  8. [PDF] Thierry Hoquet, Les fondements de la botanique, Linné et la classification des plantes, Revue Le Banquet, n°23, 2006.
  9. a et b Neil Campbell & al., Biologie, éd. De Boeck, 2007, p. 476.
  10. Pascal Picq, Lucy et l'obscurantisme, éd. Odile Jacob, 2007.
  11. Laurent Dubois, [PDF] Histoire de la paléontologie, Darwin et Théorie de l'Evolution, Géopolis.fr, (page consultée le 4 juillet 2008).
  12. Serge Lapierre, Éléments de théorie de l'évolution, Collège de Bois de Boulogne - Département de philosophie, (page consultée le 5 juillet 2008).
  13. Une brève histoire de la géologie, Université de Liège, mise à jour le 1 novembre 2007 (page consultée le 7 juillet 2008).
  14. Jean-Baptiste Lamarck - Philosophie zoologique, Agence Régionale de l'Environnement de Haute-Normandie, (page consultée le 5 juillet 2008).
  15. Hélène Blais, « Lamarck, genèse et enjeux du transformisme, 1770-1830 », La Revue pour l’histoire du CNRS [lire en ligne], n°7 - Novembre 2002, mis en ligne le 6 mars 2006. Consulté le 7 juillet 2008.
  16. Évolution, Collège universitaire de Saint-Boniface (page consultée le 4 juillet 2008).
  17. Thierry Lodé "La guerre des sexes chez les animaux, une histoire naturelle de la sexualité" 2006, Eds Odile Jacob, Paris (ISBN 2-7381-1901-8)