Purgatoire dans la culture

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Le purgatoire, thème propre au christianisme, a inspiré les artistes, les écrivains et les traditions populaires.

Le « voyage dans l'au-delà »[modifier | modifier le code]

Le purgatoire représenté dans l'église de Pontevedra en Espagne.

De nombreux artistes se sont appuyés sur les récits des saints et les enseignements de l'Église pour figurer le Purgatoire.

D'après Jacques Le Goff, un genre littéraire relatif au purgatoire se développa, celui du « voyage dans l'au-delà » ou la visio : Bède dans Historia Ecclesiastica Gentis Anglorum thème développé par Dante. La visio de Charles le Gros, transmise par Hariulf dans Chroniques de Saint Riquier est une utilisation politique du concept de Purgatoire[1].

« Lieu » du purgatoire dans le folklore[modifier | modifier le code]

Le purgatoire n'est pas un article du Credo catholique, mais celui de la résurrection des morts en est un. Il entrait donc une certaine part de folklore populaire et de traditions, se mêlant à la croyance dans le purgatoire, à côté des écrits des saints, que Dante a repris. On situait le purgatoire dans un lieu proche de l'enfer (Augustin d'Hippone, Quatrième dialogue de saint Grégoire), un lieu souterrain. Ou bien on pensait avec Jacques de Voragine que le pécheur expiait ses fautes sur le lieu où il avait péché. Le défunt pouvait ainsi parfois revenir avertir ses proches. On pensait donc, et aujourd'hui encore, que les morts pouvaient faire leur purgatoire sur les lieux où ils avaient péché. Au Moyen Âge, on localise ce lieu de manière imaginaire en deux endroits, la Sicile (Etna) et l'Irlande (monde celtique, purgatoire de saint Patrick d'Henri de Saltrey). Jacques Le Goff montre que les moines cisterciens mettent en place toute une géographie de l'au-delà (Pseudo-Bernard, Helinand de Froidmont, Césaire de Heisterbach)[2].

Etna[modifier | modifier le code]

Jostuald dans la Vie de saint Odilon et d'autres auteurs depuis le IXe siècle, placent l'entrée du Purgatoire dans le Stromboli et une variante de cette légende relative au roi Dagobert le situe dans l'Etna. Jacques de Voragine et Pierre Damien rapportent que saint Odilon, abbé de Cluny, apprenant que l'on entendait souvent sortir de l'Etna les hurlements des démons et les voix plaintives d'âmes défuntes qui demandaient à être arrachées de leurs mains par des aumônes et des prières, décida que, dans les monastères de son ordre, la fête de la Toussaint serait suivie de la commémoration des âmes défuntes, le Jour des morts [3]. Vincent de Beauvais ferait état des confidences d'un ermite qui situerait le Purgatoire au mont Etna, c'est aussi le cas dans les Gesta Dagoberti [4], les Gestes du Roi Dagobert. Cette légende alors célèbre aurait été gravée sur une tombe de la basilique de Saint-Denis de manière symbolique et on la retrouve sur une tombe de l'église de Rennes-le-Château par l'inscription DAEGO et ET(I)NA.

«  Un saint homme, nommé Jean, demeurant sur les côtes d'Italie, vit son âme enchaînée dans une barque, et des diables qui la rouaient de coups en la conduisant vers la Sicile pour la précipiter dans les gouffres du mont Etna. Ce saint homme rapporte que saint Denis avait tout à coup paru dans un globe lumineux, précédé des éclairs et de la foudre ; qu'ayant mis en fuite ces malins esprits et arraché cette pauvre âme des griffes du plus acharné, il l'avait portée au ciel en triomphe.  »

— Gesta Dagoberti, Rex Francorum, Ch. 47

Ce purgatoire de l'Etna se trouve aussi dans Gervais de Tilbury (Otia Imperalia) ou Étienne de Bourbon[2]. Julien de Vézelay y voyait pour sa part l'antichambre de l'enfer[5].

Pouzzoles[modifier | modifier le code]

Lough Derg : purgatoire de saint Patrick[modifier | modifier le code]

En Irlande existe ce qu'on appelle le Purgatoire de Saint Patrick. Le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii est un traité (Purgatoire de Saint Patrick) écrit par un cistercien du monastère de Sawtry en Angleterre au XIIe siècle. Le Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii fut adapté par Marie de France[6].

La Navigatio de saint Brendan pourrait faire allusion au Purgatoire dans le thème de l'île aux Oiseaux, avant l'arrivée sur la Terre de Promissions des Bienheureux et le passage de l'île de l'Enfer, mais il n'est pas nommé sous ce nom.

Bretagne[modifier | modifier le code]

En face de l'île de Sein, en Bretagne, se trouve dans le folklore populaire la baie des Trépassés, en breton Boe ann Anaon francisé en Trépassés, ce qui signifierait « baie des Âmes du Purgatoire », « baie des Âmes en peine », celles des marins morts en mer, selon une légende bretonne, rapportée par Procope et Claudien[7]. Villemarqué étend le domaine des âmes défuntes à l'Étang de Laoual (île de Sein) :

  • Procope : « Les pêcheurs et les autres habitants des côtes de la Gaule qui sont en face de la Grande-Bretagne, dit le premier de ces auteurs, sont chargés d'y passer les âmes, et, pour cela, exempts de tributs. Au milieu de la nuit, ils entendent frapper à leur porte ; ils se lèvent : ils trouvent sur le rivage des barques étrangères où ils ne voient personne, et qui pourtant sont si chargées, qu'elles semblent sur le point de sombrer, et s'élèvent d'un pouce à peine au-dessus des eaux. Une heure leur suffit pour le trajet, quoique avec leurs propres bateaux ils puissent difficilement le faire dans l'espace d'une nuit »
  • Claudien : « ... Il est un lieu, il est à l'extrémité de la Gaule, un lieu battu par les flots de l'Océan..., où l'on entend les plaintes des ombres volant avec un léger bruit. Le peuple de ces côtés voit des fantômes pâles de morts, qui passent[8].. »

Le « chant des Trépassés », Kanaouenn an anaon, est une gwerz contenue dans le Barzaz Breiz adaptée d'un cantique du purgatoire traduit d'un dialecte de la Cornouailles au XIXe siècle par Anatole Le Braz[9].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Jacques Le Goff, «La naissance du Purgatoire (XIIe – XIIIe siècle)», in Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, année 1975, volume 6, numéro 1, pp. 7-10.
  2. a et b La Naissance du Purgatoire (XIIe – XIIIe siècle), Jacques Le Goff, Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, année 1975, volume 6, numéro 6, p. 7-10
  3. « Un des motifs qu'on a eu dans l'Église d'établir la mémoire des Morts annuellement, qui a été sur le rapport, qu'un Religieux de Cluny fit à son retour de la Palestine à saint Odiíon, qu'un saint Ermite, qui habitoit au pied de la montagne d'Etna, luy fit des plaintes, que les Démons faisoient sans cesse contre les Religieux de Cluny, de ce que par le commerce de leur suffrages ils leur ravissaient, et aux flammes impitoyables, qui sortent de cette Montagne, des Âmes, qui y faisaient leur Purgatoire. Ce qui obligea ce devot Abbé, d'ordonner dans tous les Monastères, un jour dans l'année, auquel ils redoubleraient pour cet effet leurs suffrages… Après luy les souverains Pontifes de le rendre général à toutes les Églises des fidèles… parce que leurs plaintes, qui nous persuadent l'efficace de notre commerce, ont servi de motifs à l'Église, à ce saint Abbé de marquer un jour dans l'année pour le soulagement de toutes celles qui gémissent en Purgatoire, on peut conclure sans contredit, que les démons confessent ce trafic de nos suffrages » Le commerce des vivants, fait en faveur des âmes du Purgatoire, Bonaventure Breugne, page 37, XVIIe siècle
  4. Gesta Dagoberti Geste++du+Roi+Dagobert&hl=fr&ei=10mwTLSWNsuTjAf2gY11&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDYQ6AEwAg#v=onepage&q&f=false Histoire literaire [sic] de la… - Google Livres
  5. Voir Mythologies de l'Etna: études, Presses Universitaires Blaise Pascal (2004), pp. 73 et sqq.
  6. Notice INIST : Purgatory and the Earthly Paradise in the " Tractatus de Purgatorio Sancti Patricii EASTING R. Cîteaux commentarii cistercienses, (ISSN 0009-7497), 1986, vol. 37, no1-2, p. 23-48 « L'A. propose une division du monde de l'au-delà en quatre parties… un lieu de repos pour les âmes délivrées du Purgatoire » et [lire en ligne] Mémoire en temps advenir : hommage à Théo Venckeleer Tractatus de purgatorio sancti Patricii Peter Dewilde.
  7. Bulletin de la Société archéologique du Finistère, volumes 102 à 103. Société archéologique du Finistère, 1974
  8. Cité dans Barzaz-Breiz : chants populaires de la Bretagne, volume 1 - Théodore Hersart de La Villemarqué : « ... les âmes avaient trois cercles à parcourir après la mort : le premier était le cercle des peines, ou l'enfer; le second, celui de la purification; le troisième, celui du bonheur parfait. C'est ce qu'établissent les documents que nous ont laissés les vieux bardes bretons du pays de Galles » sur Google livres
  9. Le Chant des Trépassés et An Anaon La Bretagne poétique: traditions, mœurs, coutumes, chansons, légendes, ballades, etc O. Pradère. Librairie générale, 1872 - et Le cheval d'orgueil: mémoires d'un Breton du pays bigouden Pierre-Jakez Hélias Plon, 1995 - 606 pages