Native-speakerism

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Le native-speakerism est une forme de discrimination fondée sur la croyance que les locuteurs natifs, c'est-à-dire les personnes parlant une langue en tant que leur langue maternelle, sont meilleurs professionnellement dans l'usage de la langue en question que les personnes qui l'ont apprise à l'école ou dans leur vie d'adulte[1]. Dans la perspective du native-speakerism, les enseignants 'native-speaker' sont censés incarner les idéaux culturels occidentaux tant dans la langue anglaise que dans la méthodologie d'enseignement[2]. Cependant, l'idéologie du ‘native-speakerism’ est présente depuis bien plus longtemps que cela[3]. Le ‘native-speakerism’ s'appuie sur le discours dichotomique du nous et eux[4], des ‘locuteurs natifs’ et des ‘locuteurs non-natifs’ où les premiers sont perçus comme idéaux et les seconds comme inférieurs. Un exemple illustrant cette préférence pour la langue des locuteurs natifs par rapport à celle des non natifs est celui de la fossilisation de l'interlangue, un concept en linguistique et dans l'apprentissage des langues, est souvent utilisé pour dicter ce qui est ‘juste’ et ‘faux’ dans l'utilisation de la deuxième langue[5].

Histoire et contexte[modifier | modifier le code]

Dans le domaine de l’acquisition d'une deuxième langue, le ‘native-speakerism’ s'est rapidement développé après la fin de la Seconde Guerre mondiale et le début de la période scientifique de l'apprentissage des langues[6]. Cette période a vu la mise en place de normes en grammaire et en vocabulaire, qui est à la base du favoritisme accordé aux locuteurs natifs dans le domaine d'apprentissage et d'enseignement des langues secondes[7]. Pendant cette période après la Seconde Guerre mondiale, la notion chomskyenne du locuteur natif monolingue idéalisé a été développée[7]. Par conséquent, l'idéalisation des locuteurs natifs en tant que porteurs de la langue correcte a conduit à considérer l'enseignant idéal de langue comme étant également un ‘native speaker’.

Critiques[modifier | modifier le code]

L'idéal du locuteur natif en tant qu'enseignant de langue est une fallacie car les enseignants natifs ne sont pas linguistiquement et pédagogiquement supérieurs comparés aux enseignants non natifs[8]. L'idéologie de ‘native-speakerism’ est décrite comme “une vision du monde déformée”, et en qualifiant les enseignants de natifs ou non natifs, elle les positionne faussement comme inférieurs ou supérieurs dans leur profession[9]. Cela entraîne des discriminations à l'embauche et des divisions dans l'industrie de l'enseignement de l'anglais[9], qui favorisent les jeunes locuteurs natifs blancs venant de pays anglophones[10]. Le privilège accordé aux locuteurs natifs et aux méthodes pédagogiques occidentales a longtemps été critiqué par des académiques[3]. Ces pratiques provoquent de l'anxiété chez les enseignants non natifs et diminuent leur sentiment d'efficacité personnelle[3]. Pendant ce temps, un grand nombre de travaux dans des domaines tels que l'anglais comme lingua franca ont montré que l'utilisation de la langue en dehors de la salle de classe s'est éloignée de la dépendance aux normes des locuteurs natifs[3]. En ce qui concerne les enseignants natifs, ils font face à des généralisations excessives sur leurs capacités et leurs connaissances pédagogiques, et leur expérience peut être remise en question au profit de leur langue maternelle[9].

Réponses actuelles[modifier | modifier le code]

Le 'native-speakerism' influence toujours les pratiques de recrutement dans le domaine de l'enseignement de la langue anglaise à l'échelle internationale[11],[12]. Dans l'UE, il y a eu récemment des tentatives pour amener les recruteurs devant la justice[13]. En février 2024, un cas sans précédent, celui d'un enseignant d'anglais français discriminé à l'embauche, a été reconnu et pris en charge par le Défenseur des droits[14].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Dupouy, M., & Wilson, A. (2024). ACCENTS ET IDÉOLOGIES LINGUISTIQUES DANS L’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DU FLE/S ET DE L’ANGLAIS À L’UNIVERSITÉ EN FRANCE. Mélanges CRAPEL, 44.
  2. Holliday, A. (2005). The struggle to teach English as an international language. Oxford University Press.
  3. a b c et d Schreiber, B. R. (2019). “More Like You”: Disrupting Native Speakerism Through a Multimodal Online Intercultural Exchange. TESOL Quarterly, 53(4), 1115–1138. https://doi.org/10.1002/tesq.534
  4. Houghton, S., & Rivers, D. (2013). Native-Speakerism in Japan: Intergroup Dynamics in Foreign Language Education.
  5. Kiczkowiak, M. (2018). Native Speakerism in English Language Teaching: Voices From Poland [Phd, University of York]. https://etheses.whiterose.ac.uk/20985/
  6. Pennycook, A. (2017). The cultural politics of English as an international language. Routledge
  7. a et b Cook, V. (2012). Nativeness and language pedagogy. The Encyclopedia of Applied Linguistics.
  8. Phillipson, R. (1992). Linguistic imperialism. Oxford: Oxford University Press.
  9. a b et c Holliday, A. (2015). Native-speakerism: Taking the concept forward and achieving cultural belief. In (En) countering native-speakerism: Global perspectives (pp. 11-25). London: Palgrave Macmillan UK.
  10. Ruecker, T. and Ives, L. (2015). White Native English Speakers Needed: The Rhetorical Construction of Privilege in Online Teacher Recruitment Spaces. TESOL Q, 49: 733-756. https://doi.org/10.1002/tesq.195
  11. Maganaka, A. (2023). Native Speakerism and Employment Discrimination in English Language Teaching. Canadian Journal for New Scholars in Education/Revue canadienne des jeunes chercheures et chercheurs en éducation, 14(1), 119-130.
  12. Derivry-Plard, M. (2011). Enseignants «natifs/non natifs»: vers une professionnalité des enseignants de langue (s). Compétences d’enseignant à l’épreuve des profils d’apprenants, vers une ingénierie de formation, 35-46.
  13. Smith, G. N. (n.d.). Teacher sues over native-speakerism | E L Gazette. https://www.elgazette.com/teacher-sues-over-native-speakerism/
  14. DÉCISION 2024-022 DU 19 FÉVRIER 2024 RELATIVE AU REFUS D’EMBAUCHE D’UN PROFESSEUR D’ANGLAIS FONDÉE SUR SES ORIGINES Defenseur des Droits