Fire Force

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Simulation d'un fantassin de la Rhodesian Light Infantry de 1979, équipé comme à l'époque.

La Fire Force est un procédé de contre-insurrection conçu par le commandement rhodésien pendant la Guerre du Bush de Rhodésie du Sud (1964-1979) et mis en œuvre par la Rhodesian Air Force et la Rhodesian Army. Cette tactique a permis aux rhodésiens de tenir malgré un isolement sur la scène internationale, une infériorité numérique et peu de moyens. Le terme Fire Force (on trouve également fireforce dans la littérature), désigne aussi bien la tactique en elle-même que les unités étant affectées pour un temps à ce mode opératoire, qui sont alors désigné comme étant une fireforce.

Contexte[modifier | modifier le code]

Situation de la Rhodésie en 1975

La Rhodésie est situé au sud de l'Afrique et a une frontière avec l'Afrique du Sud, la Zambie, le Mozambique et le Botswana. Ce pays bénéficie d'un statut particulier au sein de l'empire britannique, puisqu'il a un statut de colonie autonome avec son propre gouvernement mais également ses propres forces armées intégrées au commandement du Commonwealth. En 1965, Ian Smith, afin d'éviter que la minorité blanche perde le pouvoir va déclarer unilatéralement son indépendance. À partir de ce moment, la Rhodésie est isolée sur la scène internationale, et les mouvements nationalistes africains se rebellent (ZANLA, ZIPRA). En 1953, le pays compte 157 000 européens pour 1 719 000 africains[1].

La Rhodésie est donc entourée de pays hostiles suite à l'indépendance du Mozambique en 1975. La Fire Force, développé à partir de l'idée de la Force de réaction rapide et en s'inspirant de l'utilisation des hélicoptères pendant la guerre d'Algérie va devenir le réponse incontournable[2].

Force en présence[modifier | modifier le code]

La tactique nécessite une compagnie d'infanterie ainsi que des moyens d'attaque au sol. Les unités les plus souvent utilisés seront la Rhodesian Light Infantry (RLI) et le Rhodesian African Rifle (RAR). L'effectif est normalement d'environ 130 hommes, mais du fait du manque d'hommes, celui descendra le plus souvent à 90 hommes[3]. Il existe dans le pays trois bases prêtes à envoyer des fireforces[4].

Au sein des compagnies, les hommes sont organisés en stick de quatre hommes. Le chef est équipé d’un poste de radio, de cartes, un fusil FN FAL, 100 cartouches (7,62 × 51 mm OTAN), plusieurs types de grenades. Le mitrailleur porte la mitrailleuse légère FN MAG et 8 bandes de 50 cartouches. Les deux autres sont des voltigeurs armés d’un fusil FN et de 100 cartouches, de grenades à main, grenades à fusil et trousse de premiers soins.

Hélicoptère Alouette III de la Royal Rhodesian Air Force

Une fireforce est équipée de quatre hélicoptères Alouette III, souvent un "K-Car" pour killing-car) et trois "G-Car" (pour General Duties). Le K-Car sert d'hélicoptère d'appui au sol et de poste de commandement, emportant outre le pilote, un mécanicien (pouvant tirer au canon de 20 mm), un médecin et le commandant de la formation. Les G-Car emportent eux un stick en plus du pilote et du mécanicien qui arme deux mitrailleuses Browning en .303 couplées.

Pour le transport des parachutistes, la Rhodesian Air Force dispose de C-47 Dakota et de Cessna Skymaster spécialement modifié pour l'attaque au sol, équipé de roquettes SNEB de 37 mm et de Frantan (napalm frabriqué localement)[5]. Dans les cas où les ennemis se révèleraient plus résistants que prévus, le commandant peut également faire appel à des Hawker Hunter ou des English Electric Canberra.

Enfin des véhicules de type Landrover ou Unimog modifiés pour résister aux mines équipent également les fireforce.

Il est également à noter que des volontaires étrangers ont servi pendant la guerre du Bush et ont participé à des opérations de Fireforce, ils viennent de Grande-Bretagne, d’Australie, des États-Unis ou bien de France (les français formeront la 7e compagnie indépendante).

Mode opératoire[modifier | modifier le code]

Principe[modifier | modifier le code]

La Fireforce est une tactique d'enveloppement verticale avec des moyens aéroportés, héliportés et motorisés ayant pour objectif d'utiliser au mieux les faibles moyens des Forces armées rhodésiennes. Il s'agit d'allier les hélicoptères de l'Armée de l'Air Rhodésienne avec les unités d'infanterie afin de bénéficier d'une force de réaction rapide capable de se déplacer rapidement sur l'ensemble du territoire et d'intervenir au moindre signalement[5].

La Fireforce est donc une opération coup de poing visant à anéantir les bandes rebelles dés qu'elles sont repérées par les postes d'observations disséminés sur l'ensemble du territoire. Les unités doivent boucler la zone repérée, empêchant tout repli, puis neutraliser l'ennemi[6].

1. Le renseignement[modifier | modifier le code]

En tant que force de réaction rapide, la fireforce doit bénéficier de renseignement précis et à jour. Leur renseignement provient de plusieurs sources : vol de reconnaissance, renseignement obtenus auprès de rebelles capturés ou bien même dans des balises de suivie laissée à l'intérieur de radios dans des magasins ruraux que les services de renseignement (Special Branch) estimaient avoir de fortes probabilités d'être volé[7]. Mais le moyen le plus efficace pour obtenir les renseignements à certainement été la mise en place des selous scouts, capable d'opérer sous fausse bannière.

Des unités à cheval ont également été mis en place et parcouraient le savane afin de détecter d'éventuels rebelles[6].

2. La Fire Force[modifier | modifier le code]

Schéma Tactique de la Fireforce

La Fireforce peut schématiquement être découpé en 5 étapes.

  1. Dans un premier temps, les rebelles sont repérés par le renseignement. Immédiatement une zone est créée afin de procéder au bouclage. Le chef du point d'observation mène le K-Car au-dessus des insurgés.
  2. Le premier engin à arriver sur les lieux est le K-Kar, avec le commandant à son bord. Celui repère les lieux afin de pouvoir communiquer au G-Car les emplacements pour les stop group. Si les insurgés sont visibles, le mécanicien peut engager le feu avec son canon de 20 mm afin de fixer leurs positions.
  3. Le Cessna Skymaster, surnommé lynx arrive et ouvre le feu avec ses roquettes ou des bombes au napalm. De ce fait les forces rhodésiennes bénéficient immédiatement de la supériorité de feu.
  4. Trois alouettes III déposent chacun un stick de quatre hommes afin de verrouiller un secteur de fuite potentiel. Chaque stick dispose d'un servant de mitrailleuse FN MAG et est commandé par un corporal, un lance-corporal ou un soldat. Ces sticks sont appelés Stop Group.
  5. Une fois les Stop Group en place, cinq sticks sont parachutés (une vingtaine d'hommes) sur une zone, ils constitueront la sweep line et seront chargés de rabattre les insurgés vers les Stop Group. Ils devront opérer la jonction avec les sticks chargés d'empêcher la fuite. Cette étape correspond à la fin de la première vague : la vague aéroportée.
  6. Dans un dernier temps, le reste de la compagnie assigné à la Fireforce arrive par voie terrestre, étape appelée Landtail. Ils viennent apporter éventuellement du renfort mais surtout du ravitaillement pour les hélicoptères, récupérer les armes.

Il est à noter que du fait de l'embargo, chaque soldat doit récupérer son parachute, mais également que chaque arme est récupéré. C'est ainsi que les rhodésiens ont pu s'équiper en RPG-2 et RPG-7 récupéré aux rebelles.

Ce genre d'opération pouvaient avoir lieu plusieurs fois par jour, et les parachutistes sautaient à environ 150 m du sol le proche possible de l'ennemi ce qui permettait d'avoir une distance maximale entre les hommes de 50 m. Les 20 hommes sautaient en 10 à 12 secondes de l'avion et devaient être opérationnels immédiatement une fois au sol.

3. Effets et conséquences[modifier | modifier le code]

La Fireforce est donc un procédé extrêmement efficace, ayant permis à la Rhodésie de défendre un territoire immense de près de 400 000 km2 avec 50 000 hommes dans ses forces de sécurité. À titre de comparaison, la superficie du Vietnam et de 330 000 km2 et les américains y avaient déployés près d'un demi million d'hommes.

Ce conflit met également en avant l'importance de la collaboration entre les unités aériennes et terrestres tel que l'avait pressenti certains colonels français pendant la guerre d'Algérie.

Cependant, cette tactique nécessite d'importantes ressources pour de faibles résultats (quelques dizaines de rebelles neutralisés par sortie), de plus la guérilla a vu ses effectifs croître tout au long du conflit et la population a également pris parti pour elle, montrant bien que la victoire militaire ne suffisait pas pour obtenir une victoire stratégique.

Exemples[modifier | modifier le code]

Plusieurs opération emblématiques ont pu démontrer l'efficacité de cette tactique. Ce fut par exemple le cas de l'opération Hurricane[6], qui s'est déroulé dans le Nord-Est du pays à la frontière du Mozambique en 1973 dans laquelle 179 insurgés perdent la vie pour 44 pertes dans les forces armées et 12 civils blancs[8].

Une des opérations les plus efficaces et l'Opération Dingo (en) du 23 au contre le camp de Chimoio et de Tembue au Mozambique. À Chimoio c'est 184 militaires rhodésiens qui attaque un camp du ZANLA de 2 500 rebelles. L'opération était d'envergure et minutieusement préparée. Au total elle ne fera que 2 morts (dont un dans un accident d'hélicoptère) et 6 blessés chez les rhodésiens contre 1 200 à 3 000 rebelles tués.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Guitard O., Les Rhodésies et le Nyassaland (Rhodésie, Zambie et Malawie), Paris, Presses Universitaires de France,
  2. Charles NEVEU (Membre du Comité Afrique des Jeunes de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale), « La « Guerre du Bush » en Rhodésie du Sud (1965-1979) : L’échec d’une contre-insurrection oubliée », Les jeunes de l'institut des Hautes Etudes de Défense Nationale,‎ , p. 5 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  3. Cocks K., Rhodesian Fireforce 1966-80, Solihull, Helion,
  4. Peter A. Internet Archive, Winning wars amongst the people : case studies in asymmetric conflict, [Lincoln, Nebraska] : Potomac Books, an imprint of the University of Nebraska Press, (ISBN 978-1-61234-700-4, lire en ligne)
  5. a et b Capitaine Paul Wicht et Société neuchâteloise des officiers (SNO), « La Fireforce ou comment défendre beaucoup avec peu ! », Revue Militaire Suisse, no 2,‎ , p. 54-57 (lire en ligne Accès libre [PDF])
  6. a b et c Lieutenant-Colonel Frederic Daguts et Collège des Forces canadiennes, « La Rhodésie : Dernier avatar de la guerre irrégulière », PCEMI, no 44,‎ (lire en ligne Accès libre [PDF])
  7. Osprey Warrior 177 Rhodesian Light Infantryman 1961 1980 (lire en ligne)
  8. (en) J.K.Cilliers, Counter-insurgency in Rhodesia, Sydney, Australia, Groom Helm, , 258 p. (ISBN 0-7099-3412-2, lire en ligne), p. 14

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • David Caute : Under the skin : the death of white Rhodesia
  • Chris Cocks : Fire Force: One Man's War in the Rhodesian Light Infantry, South Africa, St. Albans, Covos, Verulam, 2000 (ISBN 0-620-21573-9)
  • Dick Gledhill : One Commando: Rhodesian Light Infantry. South Africa, Covos Books, réédition novembre 2001 (ISBN 1919874356)/ (ISBN 978-1919874357).
  • Moorcraft et McLaughin : Chimurenga, the War in Rhodesia.
  • Ron Reid-Daly et Peter Stiff : Selous Scouts, Top Secret War.
  • J.R.T. Wood : The war diaries of André Dennison

Filmographie[modifier | modifier le code]

Le Putsh des mercenaires (A game for vultures), 1980, film suisse de James Fargo (avec Richard Harris et Ray Milland) met en scène une frappe de Fireforce.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]