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Solaris (film, 1972)

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Solaris
Description de l'image Solaris logo 1972.svg.
Titre original Солярис
Réalisation Andreï Tarkovski
Scénario Andreï Tarkovski
Friedrich Gorenstein
Acteurs principaux
Sociétés de production Mosfilm
Pays de production Drapeau de l'URSS Union soviétique
Genre science-fiction
Durée 198 min
Sortie 1972

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Solaris (en russe : Солярис) est le troisième long métrage d’Andreï Tarkovski, sorti en 1972, inspiré du roman du même nom de Stanisław Lem.

L’intrigue est centrée sur une station spatiale en orbite autour de la planète fictive Solaris, où une mission scientifique est bloquée depuis que l’équipage de trois scientifiques a sombré dans des crises émotionnelles. Le psychologue Kris Kelvin (Donatas Banionis) se rend à la station pour évaluer la situation, mais est confronté aux mêmes phénomènes mystérieux que les autres. Le film est une tentative de Tarkovski d’apporter une nouvelle profondeur émotionnelle aux films de science-fiction ; il considère alors la plupart des œuvres occidentales du genre comme superficielles en raison de leur focalisation sur l’invention technique.

Solaris remporte le grand prix du festival de Cannes 1972. Il est souvent cité comme l’un des plus grands films de science-fiction de l’histoire du cinéma. Certaines des idées exprimées par Tarkovski dans ce film sont développées dans son film Stalker (1979).

Résumé[modifier | modifier le code]

Vidéos externes
Film complet (première partie 1h15) sur la chaîne YouTube de Mosfilm.
Film complet (deuxième partie 1h24) sur la chaîne YouTube de Mosfilm.

Depuis sa découverte, la planète Solaris représente le plus grand mystère auquel l’humanité ait jamais été confrontée. La seule forme de vie qui s’y trouve est un océan de matière protoplasmique qui en recouvre toute la surface. Selon une théorie, cet océan serait une créature intelligente, un gigantesque cerveau à l’échelle de la planète. Malgré de nombreuses recherches, aucun contact avec cette créature n’aura jamais pu être établi. Après bien des années à explorer l’espace, les Terriens avaient enfin découvert une autre forme de vie intelligente mais aucune communication avec elle ne semble possible. La solaristique, science qui étudie l’océan de Solaris, traverse une grave crise. La gigantesque station d’observation, conçue à l’origine pour accueillir plus de 80 personnes, n’héberge alors plus qu’un contingent réduit de trois scientifiques, au point qu’une fermeture définitive est envisagée.

La situation semble être dans une impasse lorsque arrive un étrange message envoyé par le docteur Guibarian, l’un des derniers scientifiques à bord de la station Solaris. Les autorités dépêchent alors sur place le docteur Kris Kelvin, un psychologue, célèbre pour ses recherches sur l’océan de Solaris et ancien élève de Guibarian. Il devra découvrir ce qui se passe et également définir s’il est nécessaire de maintenir la station en activité. Kelvin est un homme très intelligent mais tourmenté, il se remet mal du suicide de sa femme Khari quelques années auparavant, dont il se sent responsable.

Arrivé à bord de la station, Kelvin découvre le suicide de Guibarian, et les deux autres scientifiques, Snaut et Sartorius, présentent les symptômes d’un délire paranoïaque inquiétant. Il constate également la présence de personnes étrangères, que les deux autres scientifiques semblent vouloir cacher. Le matin de la première nuit passée à bord, il se réveille et découvre sa femme Khari, bien vivante, devant lui. Se croyant sujet à la même folie que Snaut et Sartorius, il doit finalement se rendre à la conclusion que cette femme est bien réelle, tout comme les autres « visiteurs » qui hantent les membres de la station. Ce sont en fait des créations de l’océan de Solaris, qui ont commencé à apparaître peu de temps après une expérience menée par les trois scientifiques visant à obtenir une réaction de la part de l’océan. Kris Kelvin entame une nouvelle relation avec la copie de la femme qu’il a autrefois aimée et qui ignore sa vraie nature. Celle-ci accepte son amour mais les choses ne sont pas aussi simples malgré tout, car Kris Kelvin doit garder à l’esprit qu’il n'est pas sur Terre mais sur Solaris, une planète où les souvenirs deviennent réalité. Mieux vaut ne pas trop vivre dans le passé, sous peine d’en demeurer prisonnier.

Fiche technique[modifier | modifier le code]

Akasaka, un quartier de Tokyo, sert de décor à la ville du futur.

Distribution[modifier | modifier le code]

Production[modifier | modifier le code]

Scénario[modifier | modifier le code]

En 1968, le réalisateur Andreï Tarkovski avait plusieurs raisons d'adapter au cinéma le roman de science-fiction Solaris (1961) de Stanisław Lem. Tout d'abord, il admire l'œuvre de Lem. Ensuite, il avait besoin de travail et d'argent, car son film précédent, Andreï Roublev (1966), était resté inédit et son scénario Belyï, bely den avait été rejeté (en 1975, il est finalement adapté sous le titre Le Miroir). Un film sur un roman de Lem, écrivain polonais populaire et respecté par la critique soviétique, était un choix commercial et artistique logique[2]. Une autre source d'inspiration était le désir de Tarkovski d'apporter une profondeur émotionnelle au genre de la science-fiction, qu'il considérait comme superficiel en raison de l'attention qu'il portait à l'invention technologique ; dans une interview donnée en 1970, il a parlé du film de Stanley Kubrick, 2001, l'Odyssée de l'espace, réalisé en 1968, en pointant le « manque de force émotionnelle du film » qu'entraînent les trop nombreuses références au progrès technologique. Pour lui, « 2001 est erroné sur de nombreux aspects, même pour les spécialistes. Pour une véritable œuvre d'art, le faux doit être éliminé »[3].

La première mouture du scénario est prête en janvier-mars 1970[4].

Attribution des rôles[modifier | modifier le code]

Tarkovski a d'abord fait des essais avec Alla Demidova pour le rôle de Ariane (Khari en version originale), mais son interprétation est jugée trop agressive. Parmi les autres candidates, il y avait Anastasia Vertinskaïa, Margarita Terekhova, l'ex-femme de Tarkovski Irma Raush et l'actrice suédoise Bibi Andersson[5],[6],[7].

En fin de compte, le rôle est attribué à Natalia Bondartchouk. Tarkovski l'avait rencontrée quand ils étaient étudiants à l’Institut national de la cinématographie à Moscou, et c'était même elle qui lui avait présenté le roman Solaris de Stanisław Lem. Tarkovski l'auditionne en 1970, mais jugée trop jeune elle n'est pas retenue. Tarkovski la recommande ensuite à la réalisatrice Larissa Chepitko, qui l'enrôle pour son film Toi et moi (1971). Ce n’est qu’après avoir vu ce film six mois plus tard, que Tarkovski décide d'attribuer le rôle d’Ariane à Bondartchouk[8].

Tarkovski a choisi l'acteur lituanien Donatas Banionis pour le rôle de Kelvin, l'acteur estonien Jüri Järvet pour celui de Snaut, l'acteur russe Anatoli Solonitsyne pour celui de Sartorius, l'acteur ukrainien Nikolaï Grinko pour celui du père de Kelvin et Olga Barnet pour celui de la mère de Kelvin. Le réalisateur avait déjà travaillé avec Solonitsyne, qui avait interprété le rôle-titre Andreï Roublev, et avec Grinko, qui était apparu dans Andreï Roublev et L'Enfance d'Ivan (1962). Tarkovski pensait que Solonitsyne et Grinko auraient besoin d'une assistance supplémentaire[9]. Une fois le tournage presque terminé, Tarkovski a évalué les acteurs et les performances de la manière suivante : Bondartchouk, Järvet, Solonitsyne, Banionis, Dvorjetski et Grinko ; il écrit également dans son journal que « Natalia B. a éclipsé tout le monde. »[9].

Tournage[modifier | modifier le code]

L'épisode dans lequel Burton conduit une voiture dans les interminables tunnels, échangeurs et viaducs de la « ville du futur » a été filmé au Japon[10],[11]. Shuto, un réseau de routes express à péage dans le Grand Tokyo, a été construit pour les Jeux olympiques d'été de 1964 et, en raison de la densité du développement, une grande partie de ce réseau passait à la fois sous et au-dessus de la ville. Cela a attiré l'attention de Tarkovski, car les autoroutes à plusieurs niveaux étaient un détail traditionnel pour les artistes illustrant la littérature fantastique au XXe siècle.

Les scènes de la « maison près de l'étang », où vivait Kelvin, ont été tournées non loin du monastère Saint-Sabbas de Storoji à Zvenigorod. Ce lieu n'a pas été choisi par hasard : selon les contemporains du réalisateur, c'est à Zvenigorod que la mère de Tarkovski avait loué un chalet d'été pour ses enfants. Les décors du film ont été préparés pendant près d'un an, le plus mystérieux étant même le pont en tôle près de la maison du héros. L'équipe du film a vécu dans un monastère et le premier plan a été tourné dans un champ[12].

Éléments d’analyse[modifier | modifier le code]

Chasseurs dans la neige (1565), de Pieter Brueghel l'Ancien.

Dans la bibliothèque de la station spatiale est accrochée une série de tableaux[13] de Pieter Brueghel l'Ancien dont Chasseurs dans la neige sur lequel la caméra s’attarde à plusieurs reprises, tableau qui représente les mois de décembre et de janvier.

Les quatre autres tableaux sont : La Journée sombre (avant printemps), La Rentrée des troupeaux (automne), La Fenaison (début de l’été) et La Moisson (été).

Les plans sur les tableaux appartiennent aux ensembles « de plans-séquences savamment composés »[14] (étang à côté de la maison, algues dans la rivière, atmosphère de la planète Solaris), « où le temps se fige dans un espace pétrifié d'où surgit un événement fulgurant qui “retourne” le sens de la scène, découvrant sa beauté “cachée” : celle d'une révélation[14] ».

Dans la séquence finale, alors que la caméra recule depuis l’étang et la maison du père de Kris, elle finit par « inscrir[e] cet îlot au sein de la planète Solaris […] ; elle recule toujours et la planète se perd dans les nuages[14] », ce qui « semble indiquer que la construction d’un avenir harmonieux ne peut se faire qu’en revivant le passé et en lui apportant ce que notre conscience présente lui doit d’expériences, de désirs et de sentiments[14] ».

L’auteur du roman originel, Stanisław Lem, s’est dit mécontent de la façon dont il fut adapté[15].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Autres films d'après le roman[modifier | modifier le code]

Éditions en vidéo[modifier | modifier le code]

  • 1981 : RCA Vidéo (BNF 38226911) 1 cassette VHS ; durée : 150 minutes.
  • 2002 : The Criterion Collection 2 dvd ; durée : 169 minutes.
  • 2009 : MK2 éd. (Paris), TF1 vidéo (Boulogne-Billancourt) Dans coffret Tarkovski (BNF 42036790) ; durée du film : 100 minutes.
  • 2011 : Agnès B. DVD, Potemkine films, Paris (BNF 44298011) Durée du film : 106 minutes.
  • 2017 : Agnès B. DVD, Potemkine films, Paris (BNF 45475883) Durée du film : 160 minutes.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Voir Éditions en vidéo.
  2. (en) Andreï Tarkovski (trad. William Powell, Natasha Synessios), Collected Screenplays, Londres, Faber & Faber, (ISBN 9780571142668)
  3. « Solaris, la réponse antimoderniste de Tarkovski à Kubrick », sur festival-cannes.com
  4. (ru) « Главный экземпляр сценария "Соляриса" Тарковского продали на торгах за 5,5 млн рублей », sur tass.ru
  5. (ru) Andreï Tarkovski, Мартиролог. Дневники [« Journal 1970-1986 »], Tibergraph,‎ (ISBN 978-88-903301-0-0, lire en ligne), « Июнь-июль 1970 »
  6. (ru) « В Зоне Тарковского », sur directspeech.ru (version du sur Internet Archive)
  7. (ru) « Наталья Бондарчук - "звезда пленительного счастья" с планеты Солярис », sur ria.ru (version du sur Internet Archive)
  8. (en) Natalia Bondartchouk. Natalya Bondarchuk Interview (DVD). Criterion Collection.
  9. a et b Journal 1970-1986, trad. Anne Kichilov, Paris : Cahiers du cinéma, 1993 (ISBN 2-86642-373-9)
  10. (ru) Neya Markovna Zorkaïa et Anetta Mikhaïlovna Sandler, Мир и фильмы Андрея Тарковского: Размышления. Исследования. Воспоминания. Письма. [« L'univers et les films d'Andreï Tarkovski : réflexions. Études. Souvenirs. Lettres. »], Moscou, Iskousstvo,‎ , 397 p. (ISBN 5-210-00150-4)
  11. (ru) V. Dukhina, « «Солярис» в Японии » [« « Solaris » au Japon »], Советская культура, no 155,‎ , p. 3
  12. (ru) « Киноместа в Подмосковье, где снимались восемь легендарных фильмов », sur riamo.ru (version du sur Internet Archive)
  13. Ces tableaux font partie d’une série de six, illustrant les six saisons que l’on distinguait alors aux Pays-Bas — début du printemps, printemps, début de l’été, été, automne et enfin hiver —, mais dont il ne reste que les cinq tableaux que l’on voit dans le film.
  14. a b c et d Commentaire sur larousse.fr.
  15. « Lem o adaptacji Tarkowskiego », sur web.archive.org, (consulté le ).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]