Restauration de Meiji
La restauration de Meiji (明治維新, Meiji ishin ), aussi appelée révolution de Meiji ou renouvellement de Meiji, est la période de l'histoire du Japon correspondant au renversement du shogunat Tokugawa et au recouvrement des pouvoirs de l'empereur, pouvoirs retrouvés en 1868[1]. Elle couvre à la fois la fin de l'époque d'Edo (souvent appelée bakumatsu ou « fin du shogunat Tokugawa ») et le début de l'ère Meiji, durant la seconde moitié du XIXe siècle. C'est une suite d'événements qui ont conduit à d'énormes changements dans la politique du Japon et sa structure sociale. La restauration a été une conséquence directe de l'ouverture du Japon isolé jusqu'ici par une politique d'isolement volontaire appelé Sakoku, imposée à la suite de l'arrivée des navires noirs des États-Unis, commandés par le commodore Matthew Perry, qui avait démontré la faiblesse du shogunat. Elle a permis de transformer l'empire du Japon en grande puissance. Un important compte-rendu de ces événements, rédigé par un étranger, est A Diplomat in Japan d'Ernest Satow.
Contexte
L'ouverture forcée du Japon, entamée par la convention de Kanagawa en 1854 et consacrée par le Traité d'amitié et de commerce de 1858, ébranle l'autorité du shogunat Tokugawa. La signature de ce traité avec les États-Unis, malgré l'opposition de l'empereur Kōmei, rend les Tokugawa impopulaires et conduit au ralliement de jeunes samouraïs autour du slogan Sonnō jōi, que l'on peut traduire par « Révérez l’Empereur, expulsez les barbares ». Le shogunat comme les daimyos importent massivement des armes et des technologies d'Occident, et proposent des réformes pour s'opposer à la menace de l'étranger[2].
Ii Naosuke, de fait à la tête du shogunat en tant que tāīrō (grand ancien), tente d'étouffer ce mouvement par une sévère répression connue sous le nom de purge d'Ansei. Il est assassiné en 1860 devant le château d'Edo, par une bande de guerriers hostiles à l'influence étrangère au Japon. Cet assassinat, connu sous le nom d'incident de Sakuradamon, porte un coup sévère au prestige du shogunat[3].
Parmi les soutiens les plus actifs à l'empereur Kōmei se trouvent Saigo Takamori, guerrier du fief de Satsuma (sur l'île de Kyushu), et Kido Takayoshi, guerrier du fief de Chōshū (à l'ouest de l'île d'Honshu), à la suite du bombardement de Kagoshima (1863) et de Shimonoseki (1864). Ces provinces, les plus éloignées d'Edo, n'avaient jamais complètement accepté la souveraineté des Tokugawa.
Ce sont d'abord les samouraïs du domaine de Chōshū qui prennent le contrôle de la cour impériale à Kyoto. Mais en 1863, les partisans d'une direction assurée conjointement par la cour et le shogunat (kōbu gattai), issus principalement des domaines de Satsuma et Aizu, les expulsent. En août 1864, les forces de Chōshū tentent de mener un coup d'État à Kyoto, mais elles sont vaincues par les forces de Satsuma et Aizu[3].
Le shogunat monte des expéditions punitives contre Chōshū en 1864 puis en 1866, mais cette dernière est repoussée, ce qui affaiblit une nouvelle fois son autorité. En 1866, les deux daimyos de Satsuma et Chōshū sont réunis en secret par Sakamoto Ryōma dans l'alliance Satchō, afin de s'opposer au bakufu et de restaurer le pouvoir de l'empereur[4].
En 1866, alors qu'il n'a que vingt ans, le shogun Tokugawa Iemochi tombe malade et meurt, peut-être empoisonné. Tokugawa Yoshinobu lui succède. Le , l'empereur Kōmei meurt. Le 3 février, l'empereur Meiji (appelé Mutsuhito de son vivant, et alors âgé de quinze ans) monte sur le trône.
La restauration
En 1867, des daimyos favorables à l'empereur proposent à Tokugawa Yoshinobu de démissionner et de se soumettre à l'autorité de l'empereur. Le shogunat Tokugawa s'achève le , lorsque le quinzième shogun, Tokugawa Yoshinobu, décide de « mettre ses prérogatives à la disposition de l'empereur » ; il démissionne de son poste dix jours plus tard[4]. Cet événement marque la « restauration » (Taisei Hokan) du régime impérial, mais Yoshinobu conserve encore un pouvoir considérable.
Les forces hostiles au shogunat sèment le trouble à Edo, par l'intermédiaire de groupes de rōnin, puis arrivent à Kyoto où elles font pression sur la cour impériale pour que le shogunat soit réellement démantelé. À la suite d'une conférence des daimyos, celle-ci publie une proclamation officielle dans les derniers jours de 1867, mais l'appareil d'État des Tokugawa reste encore largement intact. Les forces de Satsuma et Chōshū ainsi que leurs alliés s'emparent alors du palais impérial, et annoncent leur propre restauration le , ce qui marque le début de l'ère Meiji[4].
Tokugawa Yoshinobu accepte d'abord la restauration, puis la défie le 17 janvier. Le 27 janvier, la guerre de Boshin débute avec la bataille de Toba-Fushimi, au sud de Kyoto, où l'armée dirigée par les forces de Chōshū et Satsuma remporte la victoire contre l'armée de l'ex-shogun et devient l'armée impériale. Tokugawa se replie à Osaka, puis à Edo[4].
Edo est encerclée en mai, puis se rend, et les dernières troupes d'Edo loyales aux Tokugawa sont vaincues lors de la bataille d'Ueno, le 4 juillet. Une partie des forces du shogunat se réfugie à Hokkaido, où ils instaurent l'éphémère République d'Ezo. Elles sont battues en mai 1869 lors de la bataille de Hakodate. La défaite des armées de l'ex-shogun, dirigées par Enomoto Takeaki et Hijikata Toshizō, marque la fin du shogunat Tokugawa et de toute résistance à l'empereur[5].
En 1869, l'empereur s'installe à Edo, qui est alors renommée Tōkyō, c'est-à-dire « capitale de l'Est »[5].
Conséquences
La Restauration de Meiji a accéléré l'industrialisation du Japon avec le slogan « pays riche, armée forte » (富国強兵, Fukoku kyōhei ), ce qui a conduit à son émergence en tant que puissance militaire en 1905.
L'oligarchie Meiji, qui constitue le gouvernement sous l'autorité de l'empereur, introduit des mesures visant à consolider son pouvoir face aux vestiges du gouvernement de l'époque d'Edo : le shogunat, les daimyo et les samouraïs.
Pendant un temps cependant, le bouddhisme fut prohibé[1].
Centralisation du pouvoir
En 1868, toutes les terres des Tokugawa (représentant le quart des terres cultivables du Japon) sont saisies et placées sous contrôle impérial, les plaçant ainsi sous l'autorité du nouveau gouvernement Meiji. En 1869, les daimyo des fiefs de Tosa, Hizen, Satsuma et Choshu, qui avaient été les opposants les plus déterminés au shogunat, acceptent de « remettre leur domaines à l'empereur ». D'autres daimyo l'acceptent également, ce qui conduit, sans doute concrètement pour la première fois, à un gouvernement central exerçant le pouvoir sur l'ensemble du territoire (天下, tenka ).
Enfin, en 1871, les daimyos, passés et présents, sont appelés à comparaître devant l'empereur, où il est déclaré que tous les domaines doivent être rendus à l'empereur. Les quelque 300 domaines (han) sont alors transformés en préfectures, chacune sous le contrôle d'un gouverneur nommé par l'État. En 1888, plusieurs préfectures sont regroupées en plusieurs étapes, afin de réduire leur nombre à 75. On promet aux daimyos 1/10 du revenu de leurs anciens fiefs en tant que revenus privés. Plus tard, leurs dettes et les paiements des allocations des samouraïs sont pris en charge par l'État.
Suppression des divisions de la société
Notes et références
- A Dictionary of Buddhism par Damien Keown publié par Oxford University Press, (ISBN 9780192800626), pages 176 et 177
- http://alumni.ox.compsoc.net/~gemini/simons/historyweb/meiji-resto.html
- Atsushi Kawai, « La Restauration de Meiji : la fin du shogunat et la construction de l’État japonais moderne », Exploration de l’histoire japonaise, sur Nippon.com, (consulté le ), p. 1.
- Atsushi Kawai, « La Restauration de Meiji : la fin du shogunat et la construction de l’État japonais moderne », Exploration de l’histoire japonaise, sur Nippon.com, (consulté le ), p. 2.
- Atsushi Kawai, « La Restauration de Meiji : la fin du shogunat et la construction de l’État japonais moderne », Exploration de l’histoire japonaise, sur Nippon.com, (consulté le ), p. 3.
Voir aussi
Liens externes
- (en) Tokugawa Period's Influence on Meiji Restoration
- (en) Essay on The Meiji Restoration Era, 1868-1889 sur le site About Japan, A Teacher's Resource
Bibliographie
- (en) Paul Akamatsu, Meiji 1868: Revolution and Counter-Revolution in Japan, New York, Harper & Row, , p. 1247
- (en) W.G. Beasley, The Meiji Restoration, Stanford, Stanford University Press,
- (en) W.G. Beasley, The Rise of Modern Japan: Political, Economic and Social Change Since 1850, New York, St. Martin's Press,
- (en) Albert M. Craig, Chōshū in the Meiji Restoration, Cambridge, Harvard University Press,
- (en) Marius B. Jansen et Gilbert Rozman, eds., Japan in Transition: From Tokugawa to Meiji, Princeton, Princeton University Press,
- (en) Marius B. Jansen, The Making of Modern Japan, Cambridge, Harvard University Press,
- (en) Rhoads Murphey, East Asia: A New History, New York, Addison Wesley Longman,
- (en) Ernest Satow, A Diplomat in Japan, New York, Tokyo, , 1re éd. (ISBN 978-4-925080-28-6)
- (en) Rachel F. Wall, Japan's Century: An Interpretation of Japanese History since the Eighteen-fifties, London, The Historical Association,
- (en) Breen, John, The Imperial Oath of April 1868: ritual, power and politics in Restoration Japan, Monumenta Nipponica, 1996.
- (en) Harry D. Harootunian, Toward Restoration, Berkeley: University of California Press, 1970.
- (en) Najita Tetsuo, The Intellectual Foundations of Modern Japanese Politics, Chicago & London: University of Chicago Press.
- (en) H. Van Straelen, Yoshida Shōin, Forerunner of the Meiji Restoration: A Biographical Study, Leiden: E. J. Brill, 1952.
- (en) David M. Earl, Emperor and Nation in Japan, Seattle: University of Washington Press, 1972.
- (en) Marius B Jansen, Sakamoto Ryōma and the Meiji Restoration, New York: Columbia University Press, 1994.
- (en) W. G. Beasley, The Meiji Restoration, Stanford, California: Stanford University Press, 1972.
- (en) Totman, Conrad, « From Reformism to Transformism, bakufu Policy 1853 – 1868 », in T. Najita & V. J. Koshmann, Conflict in Modern Japanese History, New Jersay: Princeton University Press, 1988, pp. 62 – 80.
- (en) Jansen, Marius B., « The Meiji Restoration », in Jansen, Marius B. The Cambridge History of Japan, Volume 5: The nineteenth century, New York: Cambridge UP, 1989, pp. 308–366.