Voir la source de Jules Ferry

{{Semi-protection longue}}
{{Voir homonymes|Ferry}}
{{2autres|l'homme politique|la station de métro|Jules Ferry (métro de Rennes)|le bateau|Jules Ferry (croiseur cuirassé)}}
{{Infobox Personnalité politique
| nom = 
| charte = Chef de gouvernement
| image = Julesferry.jpg
| légende = Jules Ferry.
| fonction1 = [[Liste des présidents du Sénat français et des chambres assimilées|Président]] du [[Sénat (Troisième République)|Sénat français]]
| à partir du fonction1 = {{date|24|février|1893-}}
| jusqu'au fonction1 = {{date|17|mars|1893}}<br/><small>({{durée|24|février|1893|17|mars|1893}})</small>
| élection1 = {{date|24 février 1893}}
| prédécesseur 1 = [[Philippe Le Royer]]
| successeur 1 = [[Paul Challemel-Lacour]]
| fonction2 = [[Président du Conseil (France)|Président du Conseil des ministres]]
| à partir du fonction2 = {{date|21|février|1883}}
| jusqu'au fonction2 = {{date|30|mars|1885}}<br/><small>({{durée|21|février|1883|30|mars|1885}})</small>
| président de la république 2 = [[Jules Grévy]]
| gouvernement 2 = [[Gouvernement Jules Ferry (2)|Ferry II]]
| législature 2 = {{Législature de la Troisième République|III}}
| prédécesseur 2 = [[Armand Fallières]]
| successeur 2 = [[Henri Brisson]]
| à partir du fonction3 = {{date|23|septembre|1880}}
| jusqu'au fonction3 = {{date|10|novembre|1881}}<br/><small>({{durée|23|septembre|1880|10|novembre|1881}})</small>
| président de la république 3 = [[Jules Grévy]]
| gouvernement 3 = [[Gouvernement Jules Ferry (1)|Ferry I]]
| législature 3 = {{Législature de la Troisième République|II}}
| prédécesseur 3 = [[Charles de Freycinet]]
| successeur 3 = [[Léon Gambetta]]
| fonction4 = [[Liste des ministres français des Affaires étrangères|Ministre des Affaires étrangères]]
| à partir du fonction4 = {{date|20|novembre|1883}}
| jusqu'au fonction4 = {{date|30|mars|1885}}<br/><small>({{durée|20|novembre|1883|30|mars|1885}})</small>
| président de la république 4 = [[Jules Grévy]]
| gouvernement 4 = [[Gouvernement Jules Ferry (2)|Ferry II]]
| prédécesseur 4 = [[Paul Challemel-Lacour]]
| successeur 4 = [[Charles de Freycinet]]
| fonction5 = [[Ministre français de l'Éducation nationale/Troisième République|Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts]]
| à partir du fonction5 = [[21 février 1883]]
| jusqu'au fonction5 = {{date|20|novembre|1883}}<br/><small>({{durée|21|février|1883|20|novembre|1883}})</small>
| président 5 = [[Jules Grévy]]
| gouvernement 5 = [[Gouvernement Jules Ferry (2)|Ferry II]]
| prédécesseur 5 = [[Jules Duvaux]]
| successeur 5 = [[Armand Fallières]]
| à partir du fonction6 = [[30 janvier]]
| jusqu'au fonction6 = {{date|29|juillet|1882}}<br/><small>({{durée|30|janvier|1882|29|juillet|1882}})</small>
| président 6 = [[Jules Grévy]]
| gouvernement 6 = [[Gouvernement Charles de Freycinet (2)|Freycinet II]]
| prédécesseur 6 = [[Paul Bert]]
| successeur 6 = [[Jules Duvaux]]
| à partir du fonction7 = {{date|4|février|1879}}
| jusqu'au fonction7 = {{date|10|novembre|1881}}<br/><small>({{durée|4|février|1879|10|novembre|1881}})</small>
| président 7 = [[Jules Grévy]]
| gouvernement 7 = [[Gouvernement William Henry Waddington|Waddington]]<br />[[Gouvernement Charles de Freycinet (1)|Freycinet I]]<br />[[Gouvernement Jules Ferry (1)|Ferry I]]
| prédécesseur 7 = [[Agénor Bardoux]]
| successeur 7 = [[Paul Bert]]
| fonction8 = [[Liste des maires de Paris|Maire de Paris]]
| à partir du fonction8 = {{date|15|novembre|1870}}
| jusqu'au fonction8 = {{date|5|juin|1871}}<br/><small>({{durée|15|novembre|1870|5|juin|1871}})</small>
| prédécesseur 8 = [[Étienne Arago]]
| successeur 8 = [[Joseph Vautrain]] <small>([[Liste des présidents du conseil municipal de Paris|président du conseil municipal de Paris]])</small>
|fonction9 = [[Liste des députés des Vosges|Député des Vosges]]
| à partir du fonction9 = {{date|8|février|1871}}
| jusqu'au fonction9 = {{date|14|octobre|1889}}</small>
| fonction10 = [[Liste des députés de la Seine|Député de la Seine]]
| à partir du fonction10 = {{date|23|mai|1869}}
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| nom de naissance = Jules François Camille Ferry
| date de naissance = {{date de naissance|5|04|1832}}
| date de décès = {{date de décès|17|03|1893|05|04|1832}}
| lieu de naissance = [[Saint-Dié-des-Vosges|Saint-Dié]] ([[Monarchie de Juillet|France]])
| lieu de décès = [[Paris]] ([[Troisième République (France)|France]])
| nature du décès = [[Infarctus du myocarde]]
| sépulture = [[Cimetière rive droite de Saint-Dié-des-Vosges]]
| nationalité = [[France|Française]]
| parti = [[Républicains modérés]]
| père = 
| mère = 
| fratrie = [[Charles Ferry]]
| conjoint = 
| enfants = 
| entourage = [[Abel Ferry]] <small>(neveu)</small>
| université = [[Faculté de droit de Paris]]
| profession = [[Avocat (métier)|Avocat]]
| religion = 
| signature = 
| emblème = 
| liste = 
}}

'''Jules Ferry''', né le {{date de naissance|5|avril|1832}} à [[Saint-Dié-des-Vosges|Saint-Dié]] ([[Vosges (département)|Vosges]]) et mort le {{date de décès|17|mars|1893}} à [[Paris]], est un [[homme d'État]] [[France|français]].

En 1870, après la chute du [[Second Empire]], dont il était opposant, il est membre du [[Gouvernement de la Défense nationale|gouvernement provisoire]] et, pour quelques mois, [[Liste des maires de Paris|maire de Paris]]. C'est dans le cadre de cette dernière fonction qu'il contribue à réprimer les insurgés de la [[Commune de Paris]].

Plusieurs fois ministre [[Ministre de l'Éducation nationale (France)|de l'Instruction publique]] et [[Liste des ministres français des Arts|des Beaux-Arts]] entre 1879 et 1883, il est l'auteur des [[Lois Jules Ferry|lois]] restaurant l'instruction [[Instruction obligatoire|obligatoire]] et [[Gratuité scolaire|gratuite]]. Ainsi vu comme le promoteur de « l'école [[Instruction publique|publique]] [[Laïcité en France|laïque]], gratuite et obligatoire », il est considéré après sa mort comme l’un des pères fondateurs de l'[[identité républicaine]].

Il est [[Président du Conseil (France)|président du Conseil des ministres]] de 1880 à 1881 et de 1883 à 1885, sous la présidence de [[Jules Grévy]]. Montrant un fort engagement pour l'[[Second empire colonial français|expansion coloniale française]], en particulier dans la [[Indochine|péninsule indochinoise]], il doit quitter la tête du gouvernement en 1885 en raison de l'[[affaire du Tonkin]]. Il se présente ensuite à l’[[Élection présidentielle française de 1887|élection présidentielle de 1887]], lors de laquelle [[Sadi Carnot (homme d'État)|Sadi Carnot]] lui est préféré.

Mort à 60 ans des suites d’un [[infarctus du myocarde]] trois semaines après avoir été élu [[Liste des présidents du Sénat français et des chambres assimilées|président du Sénat]], il est inhumé à Saint-Dié-des-Vosges.

== Situation personnelle ==
=== Origines ===
Jules François Camille Ferry est le fils de Charles-Édouard Ferry, avocat, et d’Adèle Jamelet<ref>Ferry est un nom-prénom traditionnel lorrain, commun dans la montagne vosgienne. Il provient de l'altération de Fréderic / Friederich, répandu à l'époque du duc de Lorraine Ferry.</ref>. Il est issu d'une famille [[Église catholique|catholique]] [[Massif des Vosges|vosgienne]] de fondeurs de cloches originaire d'[[Anould]] (Vosges) puis établie à [[Saint-Dié-des-Vosges|Saint-Dié]] en [[1718]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Vincent Wright|titre=Les préfets de Gambetta|lieu=Paris|éditeur=[[Presses de l'université Paris-Sorbonne]]|année=2007|pages totales=482|passage=[//books.google.fr/books?id=FS3-0Q0KzOYC&pg=PT178 p. 178]|isbn=978-2-84050-504-4|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=FS3-0Q0KzOYC&printsec=frontcover}}.</ref>. Les Ferry sont à la tête d’une tuilerie en 1794.

François-Joseph Ferry, grand-père de Jules, est maire ([[Sans étiquette|indépendant]]) de la ville (1797-1815 ; 1816). Son fils Charles-Édouard, libre-penseur, se marie à Adèle Jamelet, avec qui il a trois enfants : Jules (1832-1893), [[Charles Ferry|Charles]] (1834-1909) et Adèle (1826-1871)<ref>Notes biblio des Archives de France consultable sur [http://daf.archivesdefrance.culture.gouv.fr/sdx/ap/fiche.xsp?id=AD08800AP_000000036&q=sdx_q0&n=2&x=rchamp.xsp BORA Archives privées - Description - Archives de la famille Ferry].</ref>.

=== Formation ===
Élève au collège de Saint-Dié jusqu'en [[1846]], puis au lycée impérial de [[Strasbourg]] (actuellement [[Lycée Fustel-de-Coulanges (Strasbourg)|lycée Fustel-de-Coulanges]]), où sa famille s'est installée en 1846, Jules Ferry est ensuite étudiant à la faculté de droit de [[Paris]], ville dans laquelle réside sa famille à partir de 1850.

=== Carrière professionnelle ===
Jules Ferry devient un avocat réputé et se passionne pour la chose publique, se spécialisant rapidement dans la défense des républicains.

Il collabore régulièrement aux journaux ''[[La Presse (France)|La Presse]]'', ''[[Le Courrier de Paris]]'', ''[[Le Temps (quotidien français, 1861-1942)|Le Temps]]'', et est un pamphlétaire reconnu à l’époque{{référence souhaitée}}.

=== Vie privée et familiale ===
Le {{Date|8|juillet|1875}}, les [[franc-maçonnerie|francs-maçons]] donnent une grande solennité à sa réception par le [[Grand Orient de France]] au sein de la loge « [[La Clémente Amitié]] ». Il y est reçu en même temps que [[Émile Littré|Littré]] et que [[Grégoire Wyrouboff]], autres disciples d'[[Auguste Comte]]. Dans une lettre adressée à [[Charles Cousin-Montauban|Charles Cousin]]<ref>{{Lien web |langue=fr |auteur=4fantastiks (Geocaching) |titre=Jules Ferry Franc-Maçon in Grand-Est, France |url=https://www.geocaching.com/geocache/GC80FPN_jules-ferry-franc-macon}}</ref>, président de la loge, celui-ci déclare : {{citation|Ayant à faire une confession intellectuelle devant ceux qui veulent bien m'admettre parmi leurs frères, je déclare adhérer aux principes de philosophie morale que j'ai trouvés, il y a une quinzaine d'années dans les livres du fondateur de la philosophie positive.}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=L Legrand|titre=L'influence du positivisme dans l’œuvre scolaire de Jules Ferry|lieu=Paris|éditeur=|année=|passage=85|isbn=}}</ref> Une grande publicité est faite au discours que Littré prononce à cette occasion, et la presse en donne un large écho. Par la suite, Ferry appartient à la [[Loge Alsace-Lorraine|loge « Alsace-Lorraine »]].

La même année, Jules Ferry épouse la fille de l'industriel [[Camille Risler]], Eugénie Risler, de dix-huit ans sa cadette, issue d'une famille protestante et républicaine ayant fait fortune dans l'industrie à [[Thann]] en Alsace, et dont la dot est de {{monnaie|500000|FRF}}. Le mariage est célébré dans la mairie du [[8e arrondissement de Paris|{{8e|arrondissement}} de Paris]]. Cette union offre à Ferry un accès au réseau de la haute bourgeoisie locale et parisienne. [[Charles Risler]], frère de la mariée devient maire du [[7e arrondissement de Paris|{{7e|arrondissement}} de Paris]] sept années plus tard<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Xavier Darcos|titre=L'héritage laïque de Jules Ferry|périodique=Ponctuel|date=30 novembre 2005|issn=|lire en ligne=https://www.asmp.fr/fiches_academiciens/textacad/darcos/1905_JulesFerry.pdf|pages=}}.</ref>.

[[Fichier:1, rue Bayard à Paris.jpg|vignette|redresse|1, [[Rue Bayard (Paris)|rue Bayard]], domicile parisien de Jules Ferry.]]

Le couple fait construire un chalet suisse, résidence secondaire, sur les contreforts du [[Massif du Kemberg|massif forestier du Kemberg]] à [[Saint-Dié-des-Vosges]], mais réside le plus souvent à [[Paris]], dans l'hôtel particulier construit par le frère de Jules, [[Charles Ferry]] au 1 [[rue Bayard (Paris)|rue Bayard]]. Sans descendance directe, Jules Ferry reporte toute son affection sur son neveu [[Abel Ferry]], qu'il adopte, en faisant son unique héritier<ref>Extrait du testament de Jules Ferry établi en 1890 : {{citation|Je lègue à mon neveu, Abel Ferry, tous mes livres et toutes mes armes. Qu'il les garde en mémoire de l'oncle dont il est adoré et qui a mis en lui toutes ses espérances. Qu'il porte dignement et qu'il défende en toute circonstance le nom que son père et son oncle, après tant de générations d'honnêtes gens, ont honoré et mis dans l'Histoire. Qu'après nous, il aime sa tante Jules comme une mère et comme un père, c'est-à-dire comme un guide infaillible, qu'il serve son pays et qu'il l'aime plus que sa vie.}}{{refnec}}</ref>.

== Parcours politique ==
=== Débuts ===
[[Fichier:Jules Ferry by Georges Lafosse.jpg|vignette|gauche|redresse|Caricature de Jules Ferry par [[Georges Lafosse]] (parue dans ''Le Trombinoscope'' de [[Touchatout]] en 1872).]]

Opposant actif au [[Second Empire]], Jules Ferry connaît la notoriété en publiant en [[1868]] une série d'articles pamphlétaires humoristiques contre le [[Liste des préfets de la Seine|préfet de la Seine]] [[Georges Eugène Haussmann|Haussmann]], fustigeant la gestion opaque du financement de ses [[Transformations de Paris sous le Second Empire|travaux parisiens]] : ''Les Comptes fantastiques d’[[Georges Eugène Haussmann|Haussmann]]''<ref group="note">Titre parodiant sans doute l'ouvrage ''Contes fantastiques'' de [[Ernst Theodor Amadeus Hoffmann|Ernst Hoffmann]] ([[s:E.T.A Hoffmann - Contes fantastiques|1832]]), ou le drame dont s'en inspire [[Jules Barbier]] en 1851, et qui donne l'opéra fantastique ''[[Les Contes d'Hoffmann]]'' en 1881.</ref>{{,}}<ref>{{DicoParlement}}.</ref>

Il est élu [[député]] républicain de la {{6e}} [[Circonscriptions électorales françaises|circonscription]] de Paris en {{date|mai 1869}}.

Ennemi déclaré de l'Empire, républicain convaincu, Jules Ferry prend place au [[Palais Bourbon|palais]] dans le groupe des opposants, avec [[Charles Floquet]], [[Émile Durier]], [[Ferdinand Hérold (homme politique)|Ferdinand Hérold]], [[Anne-Charles Hérisson]], [[Jean-Jules Clamageran]], [[Amaury Dréo]], [[Clément Laurier]], [[Léon Gambetta]]. Il est impliqué dans le fameux procès des Treize en [[1864]] ; avec [[Louis-Antoine Garnier-Pagès|Garnier-Pagès]] et [[Hippolyte Carnot]], treize républicains<ref group="note">[[Louis-Antoine Garnier-Pagès|Garnier-Pagès]], [[Hippolyte Carnot]], [[Ferdinand Hérold (homme politique)|Ferdinand Hérold]] , [[Amaury Dréo]], [[Charles Floquet]], Jules Ferry, [[Anne-Charles Hérisson]], [[Claude Anthime Corbon]], [[Paul Jozon]], [[Jean-Jules Clamageran]], [[Julien Melsheim]], [[Jacques-Thomas Bory]] et [[Émile Durier]] ont été accusés du délit d'avoir fait partie d'une association non autorisée de plus de vingt personnes et implicitement d'avoir collaboré au manuel électoral qui venait d'être publié.

Les défenseurs sont : [[Jules Favre]], [[Pierre Marie de Saint-Georges|Marie]], [[Jules Grévy]], [[Ernest Picard]], [[Henry Didier]], [[Pierre-Antoine Berryer]], [[Jules Dufaure]], [[Jules Senard]], [[Ernest Desmarest]], [[Emmanuel Arago]], [[Michel Hébert (magistrat)|Michel Hébert]], [[Théodore Bac]].</ref>, qui s’étaient réunis chez [[Louis-Antoine Garnier-Pagès|Garnier-Pagès]] peu avant des élections à [[Paris]], sont arrêtés pour réunion non autorisée et condamnés à {{monnaie|500|FRF}} d’amende<ref>{{Gallica |id=bpt6k6583268t |t=Louis-Emile Durier, monographie imprimée, Impr. de Chamerot et Renouard (Paris), 1892}}.</ref>.

Le {{date|4|septembre|1870}}, il devient membre du [[gouvernement de la Défense nationale]]. Nommé [[Liste des maires de Paris|maire de Paris]] le {{Date|15|novembre|1870}}<ref name="Paris"/>{{,}}<ref>Après la [[Commune de Paris]], la fonction de [[Liste des maires de Paris|Maire de Paris]] est supprimée et remplacée par celle de [[liste des présidents du conseil municipal de Paris|président du conseil municipal de Paris]], la réalité du pouvoir appartenant au [[préfecture de police (Paris)|préfet de police]], représentant de l'État. La fonction n'a été rétablie, avec ses prérogatives, qu'en [[1977]].</ref>, il a la charge d'assurer le ravitaillement de la [[Siège de Paris (1870-1871)|capitale assiégée]] par l'[[armée prussienne]]. Selon [[Karl Marx]], il tire fortune de cette fonction<ref name="Marx 44">[[Karl Marx]], ''La Guerre civile en France 1871 (la commune de Paris)'', 1871, p. 44.</ref>. Les restrictions alimentaires qu'il impose lui valent les surnoms de « Ferry-Famine » et « Ferry l'affameur ». Une commission mixte de l'enseignement est instaurée<ref>{{lien web|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k214792r/f416|titre=La Revue politique et littéraire : revue des cours littéraires…|auteur=|date=|site=Gallica|consulté le=2 avril 2016}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|lire en ligne= https://www.cairn.info/revue-du-nord-2012-1-page-57.htm|titre= La liberté de l'enseignement supérieur en débat au début de la Troisième République (1870-1881)|auteur= Jean-Marc Guislin|périodique= [[Revue du Nord]]|volume= 2012/1|date=2012 |numéro = 394|pages= 57-70}}.</ref>. Celle-ci<ref>Mesdames Simon, Goudchaux, Carnot, de Friedberg, Millard, Coignet, Manuel, Delon, Béquet, Bachellery, Léonie Fleury, Lachaud et de Mesdemoiselles Chenu, Nancy Fleury, [[Julie-Victoire Daubié|Daubié]], Marchef-Girard, Toussaint, Gaudon et de messieurs Brisson, Clemenceau, Taxile Delord, Despois, Dujardin-Beaumetz, Durier, François Favre, Hébert, Hérisson, Hérold, Lavertujon, le Blond, le Roy, [[Henri Martin (historien)|Henri Martin]], Morel, Mottu, Pouchet, [[Eugène Pelletan|Pelletan]], Carnot, Laughier, Rousselle, [[Charles Sauvestre|Sauvestre]], Masse, Defodon, de Fonvielle, Hendlé, Chaudey, [[Claude Anthime Corbon|Corbon]], P. Lafitte, Ménard, Claretie, Minot, Bezançon, [[Octave Gréard|Gréard]], Motheré.</ref> est composée de femmes et d'hommes compétents en matière d'instruction. Dans les rapports de cette commission, figure déjà l'affirmation de gratuité et d'obligation présente dans les [[Lois Jules Ferry|lois scolaires]] promulguées sous son ministère.

Le premier jour de l'insurrection de la [[Commune de Paris]], le {{date-|18 mars 1871}}, adversaire résolu des [[Mur des Fédérés|fédérés]], auxquels il ne peut résister, il fuit la ville. Cependant, il conserve officiellement la fonction de maire jusqu'au {{date|5|juin|1871}}<ref name="Paris">{{lien web|url=http://www.paris.fr/portail/accueil/Portal.lut?page_id=96&document_type_id=5&document_id=7999&portlet_id=10575| titre=Historique des maires de Paris| site=Paris.fr| consulté le=5 juin 2015}}.</ref>. Il encourage [[Adolphe Thiers]] à employer la manière forte et à récupérer les canons des [[Garde nationale de Paris|gardes nationaux]], dans la nuit du {{date|17 mars-}} au {{date|18|mars|1871}}, initiative qui déclenche une journée insurrectionnelle et le départ de Thiers de Paris à [[Versailles]]<ref>{{Article |auteur1=Robert Baker |titre=18 mars 1871. Pourquoi Paris se soulève |périodique=[[L'Histoire]] |numéro=90 (Les collections) |date=janvier-mars 2021 |pages=12 |issn=|lire en ligne=https://www.lhistoire.fr/18-mars-1871-pourquoi-paris-se-soul%C3%A8ve |consulté le=9 février 2021 |id= }}.</ref>.

Aux élections du {{date|8|février|1871}}, il est élu député des Vosges à l'[[Assemblée nationale (1871)|Assemblée nationale]] avec le soutien de son frère Charles Ferry<ref name=DicoLor>{{Ouvrage|prénom1=Jean|nom1=El Gammal|prénom2=François|nom2=Roth|prénom3=Jean-Claude|nom3=Delbreil|titre=Dictionnaire des Parlementaires lorrains de la Troisième République|passage=356-358|éditeur=Serpenoise|date=2006|isbn=2-87692-620-2|isbn2=978-2-87692-620-2|oclc=85885906}}</ref> : il conserve son mandat de député jusqu'en 1889. Il est chargé de négocier la frontière sur la ligne de crête vosgienne, se montrant intransigeant sur ses principes<ref>{{référence souhaitée|Des négociateurs français chargés de fixer la frontière entre [[Sundgau]] et le [[territoire de Belfort]] furent moins sérieux. Grisés par l’alcool, ils laissèrent échapper quelques villages par ci par là.}}</ref>. C’est une expérience douloureuse, car les négociateurs dissèquent son arrondissement natal et l’[[Alsace]], où avait vécu une partie de sa famille, rejoint désormais le [[Reich allemand|''Reich'' allemand]], tout comme la Moselle.

Dans la région de Saint-Dié, il fait aussi face à un avocat républicain, [[Albert Ferry]], sans lien de parenté, qui cherche lui-aussi à s'implanter dans le département ; il devient d'ailleurs maire de Saint-Dié en 1880, un mandat que Jules Ferry n'a jamais brigué<ref name=DicoLor/>. Chef de file de la majorité départementale des Vosges, candidat républicain en face de [[Louis Buffet|Louis Joseph Buffet]], Jules Ferry est élu le {{date-|8 octobre 1871}} conseiller général dans le canton du [[Le Thillot|Thillot]]. Le jeune vice-président du [[Conseil départemental des Vosges|conseil général]] suscite l'ire des autorités administratives. [[Adolphe Thiers]] décide, afin de le protéger, de l'éloigner des Vosges, encore occupées par les troupes prussiennes, en l'envoyant à [[Athènes]] résoudre, avec rang d'[[ambassade de France en Grèce|ambassadeur]], le différend entre les [[Gouvernement de la Grèce|gouvernements grec]], français et [[italie]]n au sujet des [[Mines du Laurion aux XIXe et XXe siècles|mines du Laurion]]<ref name=DictParl>{{Ouvrage | langue=fr | prénom1=Adolphe | nom1=Robert | prénom2=Gaston | nom2=Cougny | titre=Dictionnaire des parlementaires français | volume=5 | lieu=Paris | éditeur=Bourloton | année=1889 | passage=635-639 tome 2 | oclc=221760850}}.</ref> (1872–1873).

À son retour en France, Jules Ferry devient l'un des chefs de l'opposition républicaine, jusqu'à l'élection de [[Jules Grévy]] à la présidence. Il est réélu député en 1876 puis en 1877 dans l'[[Arrondissement de Saint-Dié-des-Vosges|arrondissement de Saint-Dié]] ; en 1881, il fait redécouper l'arrondissement pour satisfaire son rival Albert Ferry : ceux-ci obtiennent chacun une victoire aux législatives et Jules Ferry siège au sein de la [[Gauche républicaine (1871-1885)|Gauche républicaine]], en opposition à Gambetta<ref name=DicoLor/>.

=== Ministre de l'Instruction publique et président du Conseil ===
[[Fichier:La Petite Lune - 42.jpg|vignette|redresse|[[André Gill]] : caricature de Jules Ferry croquant un prêtre (''La Petite Lune'', 1878).]]

Ministre de l'Instruction publique du {{date-|4|février|1879}} au {{date-|23|septembre|1880}} dans le [[Gouvernement William Henry Waddington|cabinet Waddington]], Jules Ferry attache son nom aux [[lois Jules Ferry|lois scolaires]]. Ses premières mesures sont :
* la création d'une [[École normale supérieure de jeunes filles|École normale supérieure féminine]] à [[Sèvres]] et d'une [[Concours d'agrégation en France|agrégation]] féminine, le {{date-|9|août|1879}} ;
* la nomination de [[Ferdinand Buisson]] comme directeur de l'enseignement primaire en 1879 ;
* la collation des grades universitaires retirée à l'[[Enseignement privé en France|enseignement privé]] ({{date-|12|mars|1880}}) ;
* l'[[Expulsion des congrégations (1880)|expulsion des congrégations religieuses non autorisées]] ({{date-|29|mars|1880}}).

Président du Conseil du {{date-|23|septembre|1880}} au {{date-|10|novembre|1881}}, il poursuit la mise en place des lois sur l'enseignement, avec :
* l'extension aux jeunes filles de l'enseignement secondaire d'État ({{date-|21|décembre|1880}}) ;
* l'[[lois Jules Ferry|instruction primaire]] (6 à 13 ans) gratuite, laïque et obligatoire ({{date-|16|juin|1881}}).

De nouveau ministre de l'Instruction du {{date-|31 janvier}} au {{date-|29|juillet|1882}} ([[Gouvernement Charles de Freycinet (2)|ministère Freycinet]]), il continue son œuvre scolaire, notamment avec la [[lois Jules Ferry|loi]] relative à l'obligation et à la [[laïcité en France|laïcité]] de l'enseignement ({{date-|28|mars|1882}}) ; ce texte, suite logique de celle portant sur l'obligation scolaire, est une [[instruction obligatoire|obligation d'instruction]] et non de scolarisation.

Il est de nouveau président du Conseil du {{date-|21|février|1883}} au {{date-|30|mars|1885}}, en même temps que ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts jusqu'au {{date-|20|novembre|1883}}, date à laquelle il est remplacé par [[Armand Fallières]]. Il rédige une lettre circulaire aux instituteurs, le {{date-|17|novembre|1883}}, trois jours avant de confier le ministère de l'Instruction à Fallières. Cette [[s:Jules Ferry - Lettre aux instituteurs, 1883|lettre]] contient des recommandations très importantes en matière d'éducation morale, nécessaire pour « communiquer la sagesse du genre humain, […] une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité ». Il présente cet enseignement de la morale comme l'objet central de la mission de l'instituteur, "ce qui fait la dignité de la profession", mais incite les enseignants à respecter scrupuleusement l'autorité des parents, en particulier en matière religieuse, qui relève de la sphère privée.

Ferry, anticlérical mais pas antireligieux, s'opposant ainsi aux positions d'[[Émile Combes]], ne souhaite pas dans un premier temps imposer un monopole en matière d'éducation ; il laisse subsister l'enseignement confessionnel, mais sa [[Laïcisation en France au XIXe siècle|volonté de laïcisation]] fait qu'il est exécré par la presse cléricale qui l'appelle « Ferry sans [[Dieu]] »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Demeter Gerard Roger Serbanesco|titre=Histoire de la franc-maçonnerie universelle|sous-titre=son rituel, son symbolisme|éditeur=Éditions intercontinentale|année=1969|passage=489}}.</ref>.

Alors que l'orthographe devient une discipline scolaire dans les écoles au cours du {{s-|XIX}}, Jules Ferry et Ferdinand Buisson, qui rénovent ensemble le système éducatif à partir de 1880, tentent de lutter contre cette vague orthographique pour lui substituer un enseignement du français plus riche et vaste. En effet, après de la guerre de 1870, le niveau culturel des Français (en géographie, en histoire ou leurs connaissances des grands écrivains français) comparé à celui des Prussiens, est montré du doigt. Avec Jules Ferry, entre officiellement à l'école l'enseignement « de la langue française », qui fait la part belle à l'étude des grands auteurs français, l'explication de texte et la récitation de poésie, exercice jusqu'alors inconnu (arrêté du {{date-|27 juillet 1882}}). Avant, seuls les enseignements de l'orthographe et de la grammaire étaient prévus. Or le temps scolaire est limité et ce nouvel enseignement se fait au détriment de l'orthographe et de la grammaire. Jules Ferry et Ferdinand Buisson seront accusés de faire baisser le niveau d'orthographe des Français<ref>André Chervel, ''L'orthographe en crise à l'école'', Retz, 2008, pages 49 et suivantes.</ref>.

Pour ce qui concerne l'éducation des jeunes filles, Jules Ferry pense qu'elle doit être spécifique afin d'être accordée à leur rôle social particulier. Il refuse pour cette raison la [[Mixité (éducation)|mixité scolaire]]<ref name="Lelièvre2002">[[Claude Lelièvre]], [https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_2002_num_72_1_2102 Jules Ferry : des repères brouillés], ''Communications'', Année 2002, 72, pp. 141-158</ref>. Tout en ne voyant aucune raison de douter de l'égalité d'aptitude intellectuelle entre les sexes, il n'en tire pas pour conclusion que les femmes doivent recevoir un enseignement identique à celui des hommes. Sa vision a notamment pour conséquence des cours en travail manuel très différents entre les filles (couture, cuisine) et les garçons (travail du bois). Le secondaire féminin créé par [[Camille Sée]] avec l'appui de Jules Ferry se distingue lui aussi nettement du secondaire masculin et privilégie un enseignement de lettres et de langues modernes<ref name="Lelièvre2002"/>.

Limite de la politique scolaire inspirée par Jules Ferry : en 1870, le militant républicain déclarait à propos de l'opposition entre les classes qui ont reçu l'instruction et celles qui ne l'ont pas reçue : "je vous défie de faire jamais de ces deux classes une nation égalitaire, une nation animée de cet esprit d’ensemble et de cette confraternité́ d’idées qui font la force des vraies démocraties, si, entre ces deux classes, il n’y a pas eu le premier rapprochement, la première fusion qui résulte du mélange des riches et des pauvres sur les bancs de quelque école » <ref>« De l’égalité d’éducation », conférence prononcée à Paris, à la Salle Molière, le 10 avril 1870.</ref> Mais le responsable politique des années 1880 ne remettra pas en cause l'existence des deux ordres d'enseignement dont il hérite, l'un réservé aux couches sociales privilégiées, scolarisées de la {{11e}} au baccalauréat au "petit lycée" puis au lycée, payants et accordant une fonction de distinction importante à l'enseignement du latin, l'autre, concernant environ 95 % d'une classe d'âge, scolarisant gratuitement les couches populaires à l'École primaire, de 7 à 13 ans, voire un peu plus pour la minorité poursuivant en école primaire supérieure en vue d'obtenir le brevet élémentaire. Scolarisation distincte selon le milieu social qui, malgré quelques évolutions, perdurera pour l'essentiel jusqu'à la seconde moitié du {{s-|XX}}.

{{ancre|chute}}

=== Partisan de l'expansion coloniale ===
{{Article connexe|Affaire du Tonkin}}
[[Fichier:JulesFerryBonnat.jpg|vignette|redresse|Portrait par [[Léon Bonnat]] (1888).]]
Jules Ferry se montre un partisan actif de l'expansion coloniale française<ref>[http://www.france.fr/connaitre/histoire/personnages-historiques/article/jules-ferry-1832-1893 « Jules Ferry (1832 – 1893) »], ''France.fr''.</ref>. Il est surnommé « [[Affaire du Tonkin|Tonkinois]] » par ses adversaires politiques et une partie de l'opinion publique hostile à l'expansion coloniale.

On retrouve notamment l'empreinte de Ferry en [[Tunisie]], dont il obtient le protectorat le {{date|12|mai|1881}} par le [[traité du Bardo]], et à [[Madagascar]]. Il lance l’explorateur [[Pierre Savorgnan de Brazza]] à la conquête du [[Congo français|Congo]] (1879), dossier qui lui est fatal lors de sa seconde présidence du Conseil. Il s'était d'ailleurs réservé le portefeuille des Affaires étrangères.

Les conservateurs sont opposés à la colonisation, qu'ils accusent de détourner hors du territoire les investissements, tandis que les progressistes y sont favorables pour des questions idéologiques. La [[Gauche républicaine (1871-1885)|gauche républicaine]] de [[Georges Clemenceau]] y est opposée également, parce que les aventures colonialistes détournent l'attention des provinces perdues d'[[Alsace-Lorraine]]. Les positions s'inversent diamétralement en trois ou quatre générations.

Ayant obtenu d'un vote de la Chambre les crédits nécessaires à la conquête du [[Tonkin]], il provoque une extension du conflit à la [[Chine]].

Ferry prononce un discours dont [[Charles-André Julien]] a pu dire qu'il était {{citation|le premier manifeste impérialiste qui ait été porté à la Tribune}}<ref>{{lien web|url=http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/ferry1885.asp|titre=La Troisième République (1870-1940)|auteur=Assemblée Nationale|date=|site=assemblee-nationale.fr|consulté le=2 avril 2016}}.</ref>.

Dans son discours du {{date|28 juillet 1885}}, Ferry illustre les présupposés du discours colonisateur d'un pan des républicains sous la {{IIIe}} République<ref>[http://expositions.bnf.fr/socgeo/pedago/t21.htm Site expositions BnF, article "Races supérieures, races inférieures ?"]</ref> :
{{Citation bloc|Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder (…) : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. (…) Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (…) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. (…) Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation.}}

Inversement, dans une réponse au discours prononcé par Jules Ferry le {{date|30 juillet 1885}}, [[Georges Clemenceau]] s'indigne que l'on puisse s'appuyer sur un « droit des nations dites supérieures ». Il rappelle dans quelle étendue « au nom de la justice et de la civilisation » des violences et des crimes ont été commis. Il considère que la conquête que Ferry préconise, loin d'être un droit ou un devoir, est un abus de la force justifié au profit du seul « civilisateur »<ref>{{Lien web |auteur= |titre=Quand Jules Ferry et Clemenceau s’opposaient sur la question coloniale |date=juillet 2003 |url=https://histoirecoloniale.net/Jules-Ferry-et-Clemenceau.html |site=histoirecoloniale.net |consulté le=26 avril 2022 }}.</ref>. Clemenceau, isolé à cet égard au sein de la gauche républicaine, estime que ces théories servent de prétexte à justifier une politique propice au pillage qui va donc rapidement se montrer contraire aux [[droits de l'homme]]{{refnec}}. [[Alexandre Millerand]] critique également ces {{citation|expéditions lointaines}}, qu'il estime trop coûteuses en moyens humains et budgétaires pour la France<ref>{{Article |langue=fr |auteur1=Alexandre Millerand |titre=En avant ! |périodique=La Justice |numéro=2545 |date=2 janvier 1887 |pages=1 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k771790n.item# |consulté le=7 mai 2019}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |langue=fr |auteur1=Alexandre Millerand |titre=Au Maroc |périodique=La Justice |numéro=2823 |date=7 octobre 1887 |pages=1 |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k772068r.item |consulté le=7 mai 2019}}.</ref>.

[[Fichier:Statue de Jules Ferry à Saint-Dié-des-Vosges (cropped).jpg|vignette|gauche|redresse|Le monument de [[Saint-Dié-des-Vosges]] (1896), dû au sculpteur [[Antonin Mercié]], représente, devant le piédestal supportant la statue en pied de l'homme d'État, une [[Marianne]] symbolisant la République, un enfant [[annam]]ite rappelant l'œuvre coloniale de Ferry, ainsi qu'un écolier qui évoque les lois scolaires des années 1880.]]

Peu d'hommes politiques de l'époque, quel que soit leur bord, remettent en question l'idée de supériorité européenne (l'[[Amérique]] n'en étant vue que comme une excroissance). La droite, {{référence souhaitée|illustrée par [[Adolphe Thiers|Thiers]]|Thiers est mort depuis 1877}}, réclame que l'on réserve l'argent épargné par les Français à des travaux de développement de la France. La gauche se préoccupe davantage de questions humaines comme la [[médecine]], la [[vaccination]], l'[[hygiène]], l'[[éducation]], la lutte contre les [[féodalité]]s en place et les [[superstition]]s, mais critique elle aussi Ferry sur les points économiques{{référence nécessaire}}.

Les grands intellectuels de l'époque étaient favorables à la colonisation, qui permettait selon eux de faire avancer les peuples dits « en retard ». [[Victor Hugo]] défend la politique de Ferry au nom des droits de l'Homme ; cela n'a rien d'un paradoxe si l'on suppose que le [[Blanc (humain)|Blanc]] est « plus en avance » : il a alors un devoir de civiliser, d'apporter l'évolution aux peuples moins développés, comme jadis les [[Romains]] aux [[Gaulois (peuples)|Gaulois]], exemple cher à Ferry{{référence nécessaire}}.

D'après l'historien [[Claude Nicolet]], l'attitude de Jules Ferry envers la colonisation répond à la conception comtienne du devoir des forts envers les faibles ; ce devoir consisterait à civiliser des « races », qui, une fois éduquées, ne seraient plus inférieures à celles qui les ont précédées dans le progrès. Il affirme : {{citation|Quant à moi, je crois qu'il y a là une loi de la civilisation et quand je vois autour des tapis verts de la diplomatie le cercle des envoyés européens des représentants des vieilles et grandes puissances, s'accroître de quelques visages cuivrés ou noirs, je ne ris pas, je salue le progrès de l'humanité et de la civilisation.}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Nicolet, Claude,|nom1=1930-2010.|titre=L'idée républicaine en France|sous-titre=1789-1924 : essai d'histoire critique|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard]]|année=1995|pages totales=528|passage=238|isbn=2-07-074032-3|isbn2=9782070740321|oclc=464200358}}</ref>

Néanmoins, le caractère économique (véritable source du débat), occupe l'extrême majorité des propos de Ferry, le {{date-|28 juillet 1885}} : {{Citation |La concurrence, la loi de l'offre et de la demande, la liberté des échanges, l'influence des spéculations, tout cela rayonne dans un cercle qui s'étend jusqu'aux extrémités du monde. C'est là un problème extrêmement grave. Il est si grave (…) que les gens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l'époque où ce grand marché de l'[[Amérique du Sud]] nous sera disputé et peut-être enlevé par les produits de l'[[Amérique du Nord]]. Il faut chercher des débouchés…}}

Finalement, l'expansion coloniale pour Ferry se justifie par les intérêts de la [[géopolitique]] française qui veut qu'en tant que puissance, elle ait des points d'appui partout dans le monde : {{Citation|Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d'expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l'Empire, à [[Hô Chi Minh-Ville|Saïgon]], en [[Cochinchine]], celle qui nous a conduits en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d'expansion coloniale s'est inspirée d'une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu'une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d'abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. (…) Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, (…) c'est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c'est descendre du premier rang au troisième et au quatrième…}}

L'annonce de l'[[Retraite de Lang Son|évacuation]] de [[Lạng Sơn]], qui lui vaut le surnom de « Ferry-Tonkin », déclenche une violente opposition parlementaire et des [[Histoire des bourses de valeurs#Le krach de l'Union générale et l'affaire du Tonkin|spéculations boursières du printemps 1885]], lors de l'[[affaire du Tonkin]]. Une dépêche [[Havas]] confond en effet la modeste [[retraite de Lang Son]] de l'armée française avec un abandon général du delta du [[fleuve Rouge]]. La fausse nouvelle, donnée « de bonne foi »<ref>Michael Palmer, ''Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne'', Éditions Aubier-Montaigne, 1983, page 214.</ref> par le général [[Louis Brière de l'Isle]], fait chuter la [[Bourse de Paris]] et le gouvernement, « au moment même où arrive une deuxième dépêche minimisant l'importance des combats »<ref>Michael Palmer, ''Des petits journaux aux grandes agences. Naissance du journalisme moderne''{{référence incomplète}}.</ref>. Le {{date|26 août 1883}}, les milieux financiers s'étaient inquiétés, redoutant de lourdes dépenses de guerre, puis découvrant le {{date|9 septembre 1883}} que le traité de paix franco-vietnamien n’était pas reconnu par la [[Chine]]<ref>{{lien web|url=http://f.arsonval.free.fr/index.php?rep_c=divers&fic_c=bourse|titre=Familles Darsonval et d_Arsonval arbres généalogique|auteur=|date=|site=f.arsonval.free.fr|consulté le=2 avril 2016}}.</ref>.

Cette affaire provoque {{pas clair|sa chute}} le {{date|30|mars|1885}}{{référence souhaitée}}.

=== Succession d'échecs ===
[[Fichier:Congrès de 1887.jpg|vignette|gauche|[[Élection présidentielle française de 1887|Élection présidentielle de 1887]] : vote de l’[[Assemblée nationale (Troisième République)|Assemblée nationale]] au [[château de Versailles]], avec Jules Ferry au premier plan (gravure d’Albert Bellenger).]]

Jules Ferry est réélu député en {{date-|octobre 1885}}. Il continue alors d'être un homme fort du groupe opportuniste. Il s'oppose presque immédiatement à [[Georges Boulanger]] qu'il démasque comme un arriviste, dangereux pour son camp politique puis à partir de la mi-1886, contre la République. Il s'emploie alors à le démettre début 1887 avec le soutien de Freycinet, Grévy et de la droite. Il y parvient en mai 1887 et face à l'impossibilité de mettre en place un nouveau gouvernement de concentration avec les radicaux sans Boulanger, il choisit de favoriser l'alliance avec la droite de [[Armand de Mackau]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bertrand|nom1=Joly|titre=Aux origines du populisme|sous-titre=histoire du boulangisme|éditeur=CNRS Éditions|lieu=Paris|année=2022|isbn=978-2-271-13972-6|id=Origine populisme}}, p. 208-215</ref>. Fin 1887, il finit par voir que cette alliance ne mène nulle part et ne permet pas au gouvernement de gouverner<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bertrand|nom1=Joly|titre=Aux origines du populisme|sous-titre=histoire du boulangisme|éditeur=CNRS Éditions|lieu=Paris|année=2022|isbn=978-2-271-13972-6|id=Origine populisme}}, p. 228</ref>.

[[Fichier:Sadi Carnot (14782530655).jpg|vignette|redresse|Candidat à l’Élysée en 1887, Jules Ferry fait face à l’hostilité des radicaux menés par [[Georges Clemenceau|Clemenceau]], qui favorise la victoire de [[Sadi Carnot (homme d'État)|Sadi Carnot]] (photo).]]

Lâché par les radicaux, il échoue lors de l'[[Élection présidentielle française de 1887|élection présidentielle du {{date-|3 décembre 1887}}]] face à [[Sadi Carnot (homme d'État)|Sadi Carnot]]. Ce jour-là, le Conseil municipal de Paris avait installé, « en plein hôtel de ville, un bureau révolutionnaire décidé à proclamer la Commune si M. Jules Ferry avait été élu président de la République »<ref>''Annales politiques & littéraires''. 22-01-1888.</ref>.

Une semaine plus tard, Jules Ferry est blessé à la Chambre par deux coups de revolver tirés par un fou du nom d'[[Alphonse Aubertin|Aubertin]]. Une balle a atteint le flanc droit, l'autre a causé une blessure apparemment bénigne à la poitrine, au niveau du cœur<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre=La République française|date=1887-12-11|lire en ligne=https://www.retronews.fr/journal/la-republique-francaise/11-decembre-1887/655/1858269/1|consulté le=2023-10-31}}</ref>.

Aux [[Élections législatives françaises de 1889|élections législatives]] du {{date-|22|septembre|1889}}, il est battu par [[Ernest Picot]], conservateur et boulangiste, parce que les ouvriers du tissage lui en veulent d'être proche des industriels et écoutent les rumeurs disant qu'il serait proche de Bismarck, beaucoup de ces ouvriers étant d'anciens Alsaciens ayant opté pour la France. Le scrutin est annulé par le [[Conseil d'État (France)|Conseil d'État]] pour corruption, sur recommandation de Georges Clemenceau. Jules Ferry ne se représente pas, sur conseil du camp républicain, soutenant la candidature de [[Jean Tricoche]]<ref name=DicoLor/>.

=== Élection et présidence du Sénat ===
Par ailleurs président du [[Conseil départemental des Vosges|conseil général des Vosges]] et de l'[[Association nationale républicaine (France)|Association nationale républicaine]], il est élu au [[Sénat (Troisième République)|Sénat]] en 1891 et en devient président le {{date-|24|février|1893}}. Sa mort soudaine, 21 jours plus tard, fait de lui le président du Sénat français au mandat le plus court<ref>https://www.senat.fr/evenement/archives/ferry.html</ref>.

[[Fichier:Jules Ferry - The Evolution of France under the Third Republic.jpg|vignette|redresse|gauche|Portrait photographique de Jules Ferry (date inconnue).]]

À partir de {{date-|mars 1891}}, il préside la commission sénatoriale d'études des questions algériennes ; à ce titre, il est l'auteur d'un rapport publié en 1892 sous le titre « Le gouvernement de l'Algérie »<ref name="Ageron">[[Charles-Robert Ageron]], [https://www.persee.fr/doc/rhmc_0048-8003_1963_num_10_2_2848 Jules Ferry et la question algérienne en 1892 (d'après quelques inédits)], ''Revue d’histoire moderne & contemporaine'', 1963, 10-2, pp. 127-146.</ref>. Une délégation qu'il conduit effectue un voyage d’enquête durant 53 jours. Il y découvre les réalités algériennes et les envers de la colonisation<ref name="Ageron"/>. Dans son rapport, il condamne notamment la politique d'assimilation administrative et législative menée jusque-là. Il dénonce l'expropriation du sol natal des indigènes, leur exploitation par les communes européennes et suggère de renforcer la représentation politique des musulmans. Dans ces grandes lignes, les propositions contenues dans le rapport reprennent certains éléments de la politique algérienne voulue par [[Napoléon III]] et sont opposées aux positions tenues par Jules Ferry lui-même dans les années 1870<ref name="Ageron"/>. Ces positions lui valent la perte de l'appui des [[Républicains modérés|républicains opportunistes]] d'Algérie, qui dénoncent son « excessive bienveillance pour les indigènes »<ref name="Ageron"/>. Le Sénat ratifie le rapport le {{date-|30 mai 1893}}, mais presque rien des réformes préconisées en faveur des indigènes ne passe dans les faits<ref name="Ageron"/>.

=== Mort et funérailles nationales ===
Jules Ferry échappe par deux fois, en 1883 et 1887, à des attentats perpétrés contre lui, le second par un déséquilibré<ref>Ce déséquilibré ayant prémédité son attentat contre Jules Ferry est un cas étudié par Sérieux et Capgras, comme [[délire de revendication]], aux pages 249 et suivantes de leur livre consacré  au [[Délire d'interprétation de Sérieux et Capgras|délire d'interprétation]] publié en 1909.</ref> partisan de Clemenceau, qui lui laisse une balle dans la poitrine. Cela le handicape jusqu'à sa mort d'une [[Infarctus du myocarde|crise cardiaque]] au 1 [[Rue Bayard (Paris)|rue Bayard]], le {{Date|17|mars|1893}}<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Jules Ferry|url=http://patronagelaique.fr/index.php/ressources/la-laicite/auteurs/item/692-jules-ferry|site=patronagelaique.fr|consulté le=2019-04-19}}</ref>.

[[Fichier:Sépulture Jules et Abel Ferry (5).jpg|vignette|Caveau de la famille Ferry, avec à gauche un buste de Jules Ferry et un gisant de son neveu [[Abel Ferry|Abel]], au [[Cimetière rive droite de Saint-Dié-des-Vosges|cimetière rive droite]] de [[Saint-Dié-des-Vosges]].]]

Il est décidé de lui faire des [[Obsèques nationales|funérailles nationales]] (loi du {{date-|20 mars 1893}} débloquant un crédit de {{monnaie|20000|FRF}}), mais la famille refuse en raison de son hostilité à l'égard du gouvernement, estimant que Clemenceau, en particulier, a cherché par tous les moyens à discréditer Ferry ; on lui attribue ce cruel portrait de celui dont il renversa le gouvernement en {{date-|mars 1885}} : {{citation|Pas un malhonnête homme, mais du point de vue de l'intelligence, en dessous du médiocre. Ces gens-là habituellement ont au moins la parole, ils n'expriment peut-être que du vent, mais ils l'expriment […]. Et si on en a fait un président du Conseil, c'est précisément parce qu'il n'était bon à rien}}{{refnec}}.

Des obsèques nationales ont cependant lieu le {{date-|22 mars 1893-}} dans la cour d'honneur du [[palais du Luxembourg]] puis un immense cortège conduit la dépouille de Ferry jusqu'à la [[gare de Paris-Est|gare de l'Est]] d'où un train spécial l’emmène vers les Vosges. Ferry y est inhumé le lendemain dans le caveau familial à Saint-Dié<ref>{{lien web|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k75670043/f2.vertical|titre=Le {{s-|XIX}} : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil|auteur=[[Gustave Chadeuil]]|date=|site=Gallica|consulté le=2 avril 2016}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bertrand Beyern|titre=Guide des tombes d'hommes célèbres|éditeur=[[Le Cherche midi]]|année=2011|pages totales=385|passage=272|isbn=978-2-7491-2169-7|lire en ligne={{Google Livres|id=rAs9iEbPqisC|page=272}}}}.</ref>, selon son testament {{citation|en face de cette [[ligne bleue des Vosges]] d'où monte jusqu'à mon cœur fidèle la plainte touchante des vaincus}}.

== Jugements sur son action ==
{{section à sourcer|date=décembre 2022}}

Élevé dans une famille aisée et catholique, le jeune homme représente la troisième génération d’une famille d’artisans du métier du feu enrichie après la [[Révolution française|Révolution]] et engagée dès [[1789]] pour la République.

Le jeune journaliste, polémiste et provocateur, a séduit les opposants au [[Second Empire|régime napoléonien]] par son sens de la dérision et de l’humour. Il faut surtout un grand courage physique ou une terrible insouciance bonhomme pour fronder un régime politique, d’essence dictatoriale, même sur la défensive après [[1860]]. Et la facilité d’expression de Ferry déconcerte même les anciens conservateurs royalistes. Ses idées politiques, modérées, sont celles d’un républicain de centre gauche. Le vieux [[Adolphe Thiers|Thiers]] entrevoit chez ce jeune journaliste formé au droit une grande carrière un peu à son image.

[[Fichier:Monument jules ferry tuileries paris.jpg|vignette|redresse|Monument à Jules Ferry dans le [[jardin des Tuileries]], Paris. On reconnaît sous sa figure un écolier avec sa maîtresse, ainsi qu'une représentation de Marianne. Œuvre de [[Gustave Michel]] (1910).]]

L’homme public sort aigri du siège de Paris et de la révolte de la [[Commune de Paris]]. En 1871, [[Karl Marx]] émet sur lui un jugement sévère : {{Citation|[…] Avocat sans le sou avant le 4 septembre, réussit comme maire de Paris pendant le siège, à tirer par escroquerie une fortune de la famine. Le jour où il aurait à rendre compte de sa mauvaise administration serait aussi celui de sa condamnation}}<ref name="Marx 44" />. L’élu victorieux du Thillot affiche un mépris violent face aux provinciaux siégeant au [[Conseil départemental des Vosges|conseil général des Vosges]]. Plus tard, assagi après sa crise mystique et amoureuse de l’année 1875, il garde constamment à l’esprit la nécessité d’éduquer les classes laborieuses afin d’empêcher les révolutions fracassantes et fixer surtout les populations rurales à la [[wikt:glèbe|glèbe]], prenant autant modèle sur la précédente politique rurale de [[Napoléon III]] que sur les paysans pacifiques et croyants de sa montagne natale. L’homme politique craint les effets dévastateurs de l’exode rural.

À Paris, le responsable politique désormais assagi, plus sûr de sa froide détermination, sait modérer ses colères, impressionne par son écoute calme et s’impose petit à petit parmi les chefs républicains. Les débuts difficiles aux postes de responsabilités politiques et les blessures si vivement ressenties pendant les premiers pas ont laissé des traces indéniables dans les lois ferrystes, comme dans ses conceptions de politiques extérieures pragmatiques où il donne un grand crédit à l’avis des militaires, basés à [[La Réunion]] ou à [[Hô Chi Minh-Ville|Saïgon]]. Il tente un rapprochement avec [[Otto von Bismarck|Bismarck]]. Les contacts amorcés ne peuvent aboutir, les élites politiques françaises refusent de traiter avec l’[[Empire allemand]]. Il est probable que Jules Ferry admire la façon magistrale dont les Prussiens avaient réussi à sortir du joug autrichien, en premier lieu par l’ouverture, l’entreprise économique et le savoir technique et scientifique.

La contestation la plus violente que Ferry dut subir provient des partisans du général [[Georges Boulanger|Boulanger]] qui menacent le simple acquis démocratique et la paix chèrement acquise. Jules Ferry, alors au pouvoir, résiste à cette tempête. L’homme est resté un républicain libéral, modéré et conservant une gamme de pensées idéalistes, à l’aune des hommes politiques français.

[[Fichier:Tucquegnieux village l'école Jules Ferry.jpg|vignette|gauche|redresse|De nombreuses écoles portent le nom de Jules Ferry, comme ici à [[Tucquegnieux]] ([[Meurthe-et-Moselle]]).]]

[[Émile Erckmann]], écrivain, le décrit au début de la [[années 1870|décennie 1870]] avec ces deux mots : {{citation|le petit gros}}. Il souligne ainsi avec cette description physique banale l’aptitude de l’homme politique à passer des salons des Goguel, possesseurs du [[Château de l'Ermitage (Gif-sur-Yvette)|château de l’Ermitage]], aux moindres petits estaminets pour les besoins de sa campagne à Saint-Dié. L’ensemble des républicains a une réputation de corruption qui n’est nullement infondée<ref>C’est le cas de maints régimes politiques qui redécouvrent en tâtonnant des pratiques démocratiques après une phase autoritaire.</ref>. Erckmann semble peu apprécier l’homme public, au style sec du début des années 1870. L’écrivain [[George Sand]] a également laissé un portrait au vitriol du politicien.

Cet homme qui a mené dans l’ensemble une vie privilégiée et parisienne sait parfois être généreux, et le ministre parisien n’a pas oublié ses modestes compatriotes de Saint-Dié ; il a ainsi donné un grand nombre d’ouvrages reliés à la [[Société philomatique vosgienne]]. Après sa mort, conformément à son testament, son corps a rejoint le [[Cimetière rive droite de Saint-Dié-des-Vosges|cimetière de la Côte Calot]], à Saint-Dié.

Sa loi de 1882 (école laïque et instruction obligatoire), à cause de l'obligation d'utiliser la seule [[Français|langue française]], a sérieusement réduit l'usage des [[Langues régionales ou minoritaires en France|langues locales]], en particulier le [[breton]] ou l'[[occitan]]. L'enseignement français étant obligatoire, quiconque parlait une langue « régionale » à l'école se voyait puni<ref group="note">La punition n'était cependant pas ici corporelle, malgré l'usage et l'efficacité de ces méthodes à l'époque. Le puni devait porter toute la journée autour du cou une cloche de bois ou un sabot miniature tenu par une cordelette, qui s'inscrivaient dans la même échelle de sanctions que le [[bonnet d'âne]] ou, pour les élèves studieux, la ''croix d'honneur'' décernée chaque vendredi au meilleur élève de la classe, et qu'il pouvait arborer jusqu'au vendredi suivant{{référence souhaitée}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |url=https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2016/11/le-bonnet-dane.html |titre=Le bonnet d'âne |auteur=Patrick Pluchot |éditeur=Musée de l'école à Monceau-les-Mines |date=24 novembre 2016 |consulté le=26 septembre 2022}}.</ref>. Les pratiquants ont ainsi développé une certaine honte à parler leur langue maternelle et les militants des langues locales rendent, pour cette raison, souvent coupable l'école de Ferry de [[linguicide]]. L'objectif était cependant que tous les Français puissent comprendre les lois et règlements affichés, et aussi manœuvrer ensemble en cas de guerre.

== Honneurs ==
{{section vide ou incomplète}}
Promoteur de l'école publique, gratuite, laïque, Jules Ferry est l'homme le plus célébré au fronton des {{Unité|67000|établissements}} scolaires français (recensement en 2015) : pas moins de 642 écoles, collèges et lycées lui ont donné son nom, devant [[Jacques Prévert]] (472), [[Jean Moulin]] (434), [[Jean Jaurès]] (429), [[Jeanne d'Arc]] (423), [[Antoine de Saint-Exupéry]] (418), [[Victor Hugo]] (365), [[Louis Pasteur]] (361), [[Marie Curie]] (360), [[Pierre Curie]] (357), [[Jean de La Fontaine]] (335)<ref>{{Lien web|url=https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/18/de-jules-ferry-a-pierre-perret-l-etonnant-palmares-des-noms-d-ecoles-de-colleges-et-de-lycees-en-france_4613091_4355770.html#partie1|titre=De Jules Ferry à Pierre Perret, l'étonnant palmarès des noms d'écoles, de collèges et de lycées en France|date=18 mai 2015|site=[[le Monde]], [[Les Décodeurs]]|consulté le=octobre 2017}}.</ref>.

=== Timbre-poste ===
Le {{date-|28 septembre 1981}}, l’[[Postes, télégraphes et téléphones (France)|administration des PTT]] émet un [[timbre postal]] à son effigie dans le cadre du centenaire de l’école publique. La dessinatrice du timbre est [[Huguette Sainson]].

== Notes et références ==
=== Notes ===
<references group="note"/>

=== Références ===
{{Références nombreuses|colonnes=2}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets
| wikiquote = Jules Ferry
| wikisource = Jules Ferry
| commons = Category:Jules Ferry
}}

=== Bibliographie ===
{{div col||30em}}
* ''Jules Ferry, sa vie, son œuvre, sa famille'', Les Guides du musée de Saint-Dié, Imprimerie municipale, 1981, 52 pages.
* [[Paul Baquiast]] et Bertrand Sabot, ''Jules Ferry'', Paris, [[Éditions Ellipses]], collection Biographies et Mythes historiques, 2024
*[[Pierre Barral (historien)|Pierre Barral]], ''Jules Ferry, une volonté pour la République'', Nancy, Éditions Serpentoises, 1985.
* [[François Brigneau]], ''Jules l'imposteur'', Grez-en-Bouère, Éditions Dominique Marin Morin, 1983.
* {{Ouvrage|prénom1=Jean|nom1=El Gammal|prénom2=François|nom2=Roth|prénom3=Jean-Claude|nom3=Delbreil|titre=Dictionnaire des Parlementaires lorrains de la Troisième République|page=356-358|éditeur=Serpenoise|lieu=Metz|date=2006|isbn=2-87692-620-2|isbn2=978-2-87692-620-2|oclc=85885906}}
* Éric Fromant, ''Jules Ferry, cet inconnu'', éditions L'Harmattan, 2018, 328 p. {{ISBN|978-2343159768}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=François|nom1=Furet|lien auteur1=François Furet|directeur1=oui|titre=Jules Ferry fondateur de la République|éditeur=Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales|collection=Civilisations et sociétés|numéro dans collection=72|lieu=Paris|année=1985|pages totales=256|isbn=2-7132-0839-4|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1988_num_66_4_5704_t1_0879_0000_2}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jean-Michel|nom1=Gaillard|lien auteur1=Jean-Michel Gaillard|titre=Jules Ferry|éditeur=Fayard|lieu=Paris|année=1989|pages totales=730|isbn=2-213-02276-3|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/r1848_0765-0191_1990_num_6_1_2499_t1_0162_0000_2}}, {{lire en ligne|lien=https://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1989_num_42_1_1684|texte=présentation en ligne}}.
* [[Michel Gaudart de Soulages]] et Hubert Lamant, ''Dictionnaire des Francs-Maçons européens'', 2005 {{ISBN|2-915461-13-9}}.
* Jérôme Grévy, ''La République des opportunistes'', Paris, Perrin, 1998.
* [[Claude Lelièvre]], ''Jules Ferry : la République éducatrice'', Hachette éducation, 1999.
* [[Xavier Darcos]], ''L'Ecole de Jules Ferry, 1880-1905'', Hachette éducation, 2005.
* [[Gilles Manceron]], ''1885 : le tournant colonial de la République'', Paris, La Découverte, 2007, 166 p.
* [[René Rémond]], ''Le {{s-|XIX}}'', Seuil, 1974.
* [[Albert Ronsin]] (dir.), ''Les Vosgiens célèbres. Dictionnaire biographique illustré'', Vagney (88120), Éditions Gérard Louis, 1990, 394 p. {{ISBN|2-907016-09-1}}.
* [[Benoît Yvert]] (dir.), ''Premiers ministres et présidents du Conseil. Histoire et dictionnaire raisonné des chefs du gouvernement en France (1815-2007)'', Paris, Perrin, 2007, 912 p.
* [[Mona Ozouf]], ''Jules Ferry. La liberté et la tradition'', Gallimard, 2014, 128 p.
* ''Lettre aux instituteurs'', Paris, Mazeto Square, coll. « Ab initio », 2015, 20 p. {{ISBN|978-2-919229-19-2}}.
* Vianney Huguenot, ''Jules Ferry, un amoureux de la République'', éditions Vent d'Est, 2014.
* [http://www.ecrivosges.com/vosgiens/bio.php?id=4273&id_bio=3349&operateur=one&recherche=FERRY&fit=0&whichsearch=Afficher ''Biographie vosgienne : Dictionnaire des Vosgiens célèbres''], la première mention certaine relative aux ancêtres de Jules Ferry
{{div col end}}

=== Articles connexes ===
* [[Abel Ferry]]
* [[Charles Ferry]]
* [[Léon Gambetta]]
* [[Troisième République (France)]]
* [[Hussard noir]]
* {{page h|Lycée Jules-Ferry}}
* [[Square Jules-Ferry]] (Paris)

=== Liens externes ===
{{Liens}}
* [http://dcalin.fr/textoff/loi_1881.html Texte intégral original de la loi du 16 juin 1881 (gratuité de l'enseignement primaire)]
* [http://dcalin.fr/textoff/loi_1882_vo.html Texte intégral original de la loi du 28 mars 1882 (obligation de l'enseignement primaire)]
*[https://www.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/pog/consultationPogN3.action?nopId=c614y157wkx--2wt5ehjr94kg&pogId=FRAN_POG_06&search= Les papiers personnels de Jules Ferry] sont conservés aux [[Archives nationales (France)|Archives nationales]] sous la cote 418AP

{{Palette|Présidents du Sénat de la République française|Ministres français des Affaires étrangères|Ministres français de l’Éducation|Présidents du conseil des ministres de la Troisième République française|Gouvernement Ferry II|Gouvernement Freycinet II|Gouvernement Ferry I|Gouvernement Freycinet I|Gouvernement Waddington|Maires de Paris}}
{{Portail|politique française|France au XIXe siècle|Second Empire|Paris|droit français|éducation|monde colonial|Vosges}}

{{DEFAULTSORT:Ferry, Jules}}
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