Shōjo

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Modèle:Unicode japonais

Portrait crayonné et colorisé d'une jeune fille
Une représentation d'une jeune fille dans le shōjo manga : les traits sont simplifiés, à l'exception des yeux, qui sont amplifiés.

Shōjo (少女?) est un mot japonais signifiant jeune fille ou petite fille. En Occident, le mot est fréquemment utilisé pour désigner les shōjo manga, un type de manga possédant ses propres caractéristiques et canons. Le shōjo manga (少女漫画?, parfois écrit shoujo manga ou syoujo manga en wāpuro rōmaji) est une bande dessinée (manga) dont la cible éditoriale est avant tout constituée de jeunes adolescentes. Le genre est à opposer au shōnen manga (少年漫画?, manga pour jeune garçon).

Son équivalent coréen est le sunjeong manhwa.

Histoire

1900-1945 : Les prémices du shōjo manga

Dessin en couleur représentant une jeune fille en yukata, tenant un oiseau dans sa main.
Couverture du premier numéro du magazine Shōjo Sekai.

Au milieu de l'ère Meiji, le système éducatif devient non mixte. De cette séparation naît le concept de shōjo et par extension la distinction par cible démographique[1]. Ainsi, les premiers magazines dédiés exclusivement aux shōjo apparaissent en 1903 avec la création de Shōjo kai (少女界?), puis Shōjo Sekai (少女世界?) en 1906 et Shōjo no tomo (少女の友?) en 1908. En 1923, l'éditeur Kōdansha créé une gamme de magazine dédiée uniquement à la jeunesse, dont Shōjo club[2]. Cependant, les mangas restent sous-représentés dans ces magazines avec tout au plus quelques pages leurs étant dédiés, laissant la place majoritairement aux romans, illustrations et poèmes[3],[4].

Ces histoires illustrées ont malgré tout une place importante dans la mise en place de la culture shōjo, et par extension du shōjo manga. En effet, elles posent les bases des thèmes récurrents aux shōjo manga à venir, en proposant aux jeunes japonaises des histoires « d'amour et d'amitié », explorant avant tout les « humeurs et les émotions de ses personnages ». En tête des autrices emblématiques de cette époque, on retrouve notamment Nobuko Yoshiya, et son récit Hana monogatari dépeignant une « beauté et un univers idéalisés, aux accents fleuries et oniriques », éléments encore présents dans le shōjo manga moderne[5]. En plus de son apport pour la culture shōjo, cette romancière est également emblématique de son sous-genre, le esu[6]. Par ailleurs, les racines graphiques du shōjo manga puisent leurs origines dans les illustrations de ces magazines, avec notamment le travail du peintre lyrique Jun'ichi Nakahara, façonnant ses personnages féminins avec « de grands yeux, des corps fins et des vêtements à la mode »[7].

Les shōjo mangas en sont quant à eux à leurs balbutiements. Ils se déclinent principalement sous forme de courtes histoires comiques de quelques pages, prenant place dans les lieux du quotidien — le voisinage, l'école etc.[8]. Parmi ceux-ci, les œuvres du mangaka Katsuji Matsumoto ont un impact majeur sur l'identité graphique du shōjo manga, et « font le pont entre l'esthétique de la peinture lyrique et celle du manga »[9]. Nazo no kurōbā (1934) — Le mystérieux trèfle — propose sur 16 pages une aventure sophistiquée, mettant en scène une jeune fille aux allures de « Robin des bois »[10],[8]. Avec des effets graphiques novateurs empruntés au cinéma — compositions en plongées, plans inclinés —, cette œuvre avant-gardiste est considérée comme un précurseur du shōjo manga Princesse Saphir (1953-1956) de Osamu Tezuka. Mais l'œuvre qui lui donne sa notoriété est Kurukuru Kurumi-chan (1938-1940), aux graphismes proches de la culture kawaii qui se développera plusieurs dizaines d'années plus tard[10].

Avec le commencement de la seconde guerre sino-japonaise en 1937, la censure et le rationnement du papier étouffent les magazines, qui sont forcés à fusionner pour survivre. Il ne reste alors plus que quelques magazines, réduits à quelques pages en noir et blanc, où les illustrations se font rares. Il faut attendre la fin de la guerre, en 1945 pour retrouver une situation éditoriale normale, et pourtant, les magazines pour filles doivent faire face à une mutation importante : l'essor du shōjo manga[7].

1945-1970 : Après-guerre et essor du shōjo manga

Photographie d'une femme portant un costume d'homme et une cape
Actrice jouant le rôle de Princesse Saphir au sein du théâtre Takarazuka

Avec la fin de la guerre, le peuple japonais peut enfin mettre derrière lui les années de privations et de malheur. Il se rue sur les divertissements, offrant son âge d'or au cinéma, à la radio et aux variétés. Le livre populaire connaît quant à lui une renaissance, grâce à de petits éditeurs implantés dans la région du Kansai. En effet, par l'utilisation d'un papier de mauvaise qualité à bas prix[3], ceux-ci proposent des livres, les akahon (赤本, livre rouge?), particulièrement bons marchés et disponibles partout — librairies, confiseries, trains, fêtes populaires, etc. Parallèlement, les librairies de location connaissent un essor important, proposant des livres spécialement dédiés à la location, les kashihon, pour la somme modique de 5 yens, l'équivalent de la moitié d'un ticket de métro à l'époque[11].

De par leurs formats conséquents (100 pages et plus), Tezuka voit dans ces nouveaux supports l'occasion de transformer la narration du manga. Ainsi, et avec l'influence de l'occident, Walt Disney Pictures en lice, il lance un nouveau style de manga, le « story manga ». Il renouvelle le genre avec des histoires épiques aux graphismes dynamiques, grâce aux emprunts aux conventions cinématographiques[3]. Ce nouveau genre offre un nouveau souffle au manga, et s'intègre dans le renouveau des magazines pour enfants[3]. Cependant, bien qu'innovant, ce nouveau genre peine à trouver sa place au sein shōjo manga. En effet, les histoires de ces mangas ne trouvent pas leur public parmi les jeunes japonaises, la faute a des auteurs majoritairement masculins qui n'arrivent pas à saisir leurs attentes, enchaînant les tragédies mettant en scène des héroïnes torturées et passives[3],[12]. Mais parmi elles, une œuvre shōjo déroge à la règle ; Princesse Saphir, premier shōjo de Tezuka créé en 1953, rencontre un fort succès. En effet, Tezuka, fort de son expérience en manga shōnen, décide d'en appliquer le canevas narratif — découpage du récit, influence du cinéma, etc offrant aux lectrices une héroïne forte, active face à l'adversité, et une trame narrative riche et dynamique[12]. Si Tezuka n'a pas inventé le shōjo manga — ils puisent leurs origines dès 1900, Princesse Saphir et son héroïne travestie reste un point d'étape important dans l'histoire du shōjo manga, en offrant au genre un nouveau style narratif[12]. Par ailleurs, il pose les bases du style graphique pour les shōjo manga à venir[13].

Parallèlement, grâce aux akahon, le manga gagne en visibilité et en influence. Ainsi, la proportion de mangas dans les magazines augmente. Par exemple, s'ils ne représentaient que 20% du magazine Shōjo Club à la moitié des années 1950, ils en occupent déjà plus de la moitié à la fin de celles-ci. Avec une telle augmentation de la part des mangas, ces magazines shōjo deviennent rapidement des magazines shōjo manga[14]. Par ailleurs, ils suivent la lignée de leurs équivalents, les shōnen manga magazines, qui fort de leurs popularités, passent d'un rythme mensuel à un rythme hebdomadaire. C'est notamment le cas des magazines Shōjo Friend en 1962 et Weekly Margaret en 1963[14].

Après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle constitution est instaurée, avec une égalité des droits et le droit de vote aux femmes. Durant cette période, Machiko Hasegawa est la première femme mangaka d'importance à avoir créé une bande dessinée, domaine généralement réservé aux hommes. Son manga, Sazae-san, écrit sous forme de yonkoma et publié dans le magazine Asahi Shinbun entre 1949 et 1974, connait un grand succès. Pendant 45 tomes, il raconte la vie quotidienne d'une famille japonaise classique de façon humoristique.Une des premières innovations du genre revient à Shōtarō Ishinomori, qui a conçu les bases du manga magical girl (mahō manga) en 1964 avec Sarutobi Ecchan, genre qui sera par la suite approfondie par Mitsuteru Yokoyama et son manga Sally la petite sorcière publié en 1966.

Dans les années 1960, le demande des principaux éditeurs s'accroît, et pousse le genre à une publication hebdomadaire plutôt que mensuelle.

Années 1970 : L'âge d'or du shōjo manga

De plus en plus de femmes deviennent alors mangaka dans la fin de cette décennie, et notamment le groupe de l'an 24 (花の24年組, hana no nijū yon nen gumi?), toutes nées en 1949 : Riyoko Ikeda écrit La Rose de Versailles (aussi connu sous le nom Lady Oscar), en se basant sur le genre du roman historique, alors que Moto Hagio et Keiko Takemiya vont, quant à elles, créer un nouveau genre particulier, le shōnen-ai ou yaoi, relatant des histoires entre jeunes adolescents masculins homosexuels se déroulant généralement dans un contexte exotique. Les thèmes abordés s'étendent alors durant, avec des récits d'amour osés pour l'époque entre un homme noir et des femmes blanches, des récits musicaux abordant la drogue et le sexe avec des personnages principaux masculins, de la science-fiction, du sport ou encore de l'horreur. Ainsi, entre les années 1970 et 2000, les auteurs essaient de briser les clichés autour du shōjo et tentent de réduire la barrière avec le shōnen, avec des éléments de narration plus matures. Comme le public lisant du shōjo a grandi, certains auteurs se sont mis a écrire des histoires pour ce public, donnant alors naissance au genre josei.

Les genres abordés

Le shōjo romantique

Les histoires romantiques sont un thème très fréquemment abordées dans le shōjo. Elles se situent généralement dans un cadre scolaire.

Quelques exemples :

Le shōjo magical girl

Le thème principal de ce sous‑genre est, aussi bizarre que cela puisse paraître, le passage vers l'âge adulte. En effet, le canevas principal est généralement défini ainsi :

  • la Terre est menacée par les êtres du Mal (des extraterrestres, des monstres, des démons, etc.) qui symbolisent les problèmes ou les soucis auxquels est confronté n'importe quel humain ;
  • une fillette sans grande distinction est exposée à ces soucis (qui sont généralement des soucis d'enfants ou de jeunes adolescentes) ;
  • elle se voit confier un sceptre (ou tout autre objet de pouvoir) représentant le cadeau du Seijin shiki ;
  • elle peut dès lors utiliser ses pouvoirs qui nécessitent généralement une transformation en une version adulte et plus féminine d'elle‑même ;
  • ce passage à l'âge adulte nourrit l'illusion des plus jeunes quant à la toute-puissance des adultes pour lutter contre les soucis.

Quelques exemples :

Le shōjo Boy's Love, yaoi ou shōnen-ai

Le yaoi (やおい?) est un genre de mangas dans lequel l'intrigue est centrée autour d'une relation homosexuelle entre personnages masculins, et comportant éventuellement des scènes sexuelles. Il s'agit généralement de relations idéalisées avec des personnages masculins.

Le yaoi est à distinguer :

  • du shonen-ai, dans lequel la romance homosexuelle n'atteint pas le stade du sexe. Les relations sont essentiellement platoniques ou au stade du tendre baiser ;
  • du bara, genre homosexuel plus réaliste, qui est dessiné essentiellement par des hommes et à destination d'un public homosexuel masculin ;
  • du shota, où les protagonistes (ou au moins l'un d'entre eux) sont des enfants préadolescents (ces mangas sont moins exportés du fait des problèmes de légalité qu'ils posent dans de nombreux pays).

Le shōjo sportif

Avec des joueuses féminines dans des sports comme le tennis dans Jeu, set et match !, le volley-ball dans Jeanne et Serge et Les Attaquantes, ou dans Ginban Kaleidoscope avec le patinage artistique.

Mangaka

Quelques mangaka publiant des shōjo manga :

Bibliographie

Ouvrages généraux

Ouvrages spécialisés

  • (en) Masami Toku, International Perspectives on Shojo and Shojo Manga: The Influence of Girl Culture : Routledge Research in Cultural and Media Studies, Routledge, , 268 p. (ISBN 9781317610762, lire en ligne).
  • (en) Mizuki Takahashi, « Opening the Closed World of Shojo Manga », dans Japanese Visual Culture, Ed. Mark MacWilliams. ME Sharpe, .
  • (en) Verena Maser, Beautiful and Innocent : Female Same-Sex Intimacy in the Japanese Yuri Genre, coll. « Dissertation aus dem Fachbereich II: Sprach-, Literatur-und Medienwissenschaften der Universität Trier (überarbeitete Fassung) », , 176 p. (lire en ligne [PDF]). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Jacqueline Danziger-Russell, Girls and Their Comics : Finding a Female Voice in Comic Book Narrative, Scarecrow Press, , 256 p. (ISBN 9780810883765, lire en ligne)

Articles

  • « Le petit monde de la japanim' vol.2 », Animeland Hors-Série, no 10,‎ .
  • (en) Fusami Ogi, « Bejond Shoujo, Blending Gender », International Journal of Comic Art, vol. 3, no 2,‎ , p. 151-160.
  • (en) Deborah Shamoon, « Revolutionary Romance: The Rose of Versailles and the Transformation of Shojo Manga », Mechademia, vol. 2,‎ .
  • Xavier Hébert, « L'esthétique shōjo, de l'illustration au manga : De l'origine des « grands yeux » aux mises en pages éclatées », Manga 10 000 Images, Versailles, Éditions H, no 3 « La manga au féminin : Articles, chroniques, entretiens et mangas »,‎ (ISBN 978-2-9531781-4-2).

Annexes

Article connexe

Notes et références