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Féminisme en Belgique

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Qu’est-ce qu’est le féminisme ?

Le féminisme est un mouvement politique favorisant l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la société[1] et visant à mettre fin au sexisme[2]. Il englobe un large éventail d’arguments dénonçant les inégalités subies par les femmes et propose des moyens de transformer ces conditions en se battant pour leurs droits afin de réaliser la pleine égalité de genre en droit et en pratique.

Ce mouvement diversifié a évolué au fil des années et varie selon les pays. Initialement axé sur le droit de vote des femmes à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les combats des mouvements féministes se sont ensuite étendus aux aspects juridiques, économiques et culturels. Les féministes ont ainsi été impliquées dans diverses causes telles que l’élimination des discriminations dans le monde professionnel, la dépénalisation de l’avortement, la mise en place des structures de garde d’enfants et la dénonciation de toutes les formes de violence à l’encontre des femmes qu’elles soient privées ou publiques.[3]

Au fil du Siècle des Lumières au 18e siècle, les idées féministes ont commencé à émerger, mais le terme lui-même, « féminisme », n'a pris son sens actuel qu'à la fin du 19e siècle. Les premières revendications visaient essentiellement à réformer les institutions pour assurer l'égalité entre hommes et femmes devant la loi, notamment en obtenant le droit de vote, le droit au travail, le contrôle de leurs biens, et l'accès égal à l'éducation.[4]


Les débuts du féminisme en Belgique

Marie Popelin (1846-1923)

En 1765, la France annexa la Belgique, excluant largement les femmes de la vie publique. Les inégalités entre les genres et le code civil discriminatoire furent responsables de cette exclusion. Même après les événements révolutionnaires de 1830, les femmes ne jouirent pas d'égalité, sans droit de vote ni participation politique. Zoé Gatti de Gamond devint une pionnière féministe en Belgique, remettant en question la condition féminine.[5]

Après 1848, des femmes instruites, dont Zoé Gatti de Gamond, affirmèrent que l'éducation était essentielle à l'égalité politique et intellectuelle. Le mouvement féministe se focalisa sur l'éducation, créant des écoles professionnelles et secondaires pour les filles. Isabelle Gatti de Gamond et Léonie de Waha formèrent des élites féminines, donnant naissance à des militantes féministes majeures du siècle suivant.[6]

Convaincues que les lois seules ne suffisaient pas à améliorer la condition féminine, elles insistaient sur le changement des mentalités. Toutefois, en raison de convictions chrétiennes et de valeurs familiales traditionnelles, elles hésitaient à exiger une égalité absolue entre hommes et femmes.[7]

Isabelle Gatti, fille de Zoé de Gamond, perpétue l'œuvre de sa mère en fondant les premiers Cours d'éducation pour jeunes filles en 1864. Elle ouvre à Bruxelles le premier établissement d’enseignement officiel pour filles[8] et établit les premiers Cours d'éducation pour jeunes filles, ouvrant l'accès à un enseignement secondaire de qualité pour ses compatriotes féminines. Les écoles formeront des jeunes filles qui deviendront les premières militantes féministes du 19e siècle.[9]

L'accès des filles à l'éducation est perçu comme le moteur essentiel pour l'émancipation féminine et un changement des mentalités.[10]

Vers 1890, le protoféminisme pédagogique était prêt à se transformer en un mouvement féministe revendicatif.[11]

Le mouvement féministe en Belgique a évolué depuis ses débuts, marqué par des associations comme la « Ligue Belge du droit des femmes », fondée par Marie Popelin, première femme diplômée en droit en Belgique. Malgré cela, elle a été exclue du barreau en raison de son sexe, illustrant les défis pour les femmes dans le domaine juridique.[12]

La création de cette ligue en 1905 est considérée comme l'origine du féminisme belge.[13]

Pendant l'entre-deux-guerres, des associations telles que le Conseil national des femmes belges et la Fédération belge des femmes universitaires ont joué un rôle essentiel, aboutissant à des avancées notables pour l'égalité des sexes en Belgique.[14]


Le féminisme en Belgique après 1945

Après la guerre, on constate un déclin graduel au sein des organisations rationalistes traditionnelles. Néanmoins, le féminisme, l'aspiration à l'égalité des droits ainsi que la préservation du libre arbitre persistent en tant que sujets d'intérêt.[15]

Les groupes féministes sont considérablement réduits en nombre. Parmi les femmes qui ont été déportées, certaines ont perdu la vie en détention, tandis que d'autres sont rentrées très affaiblies. Plusieurs organisations féminines préexistantes à 1945 reprennent leurs activités après la guerre, tandis que de nouvelles associations voient le jour, influencées par les changements politiques et sociaux.[16]

Après cinq années de suspension, l'organisation féminine connue sous le nom de "Conseil national des femmes belges" reprend ses efforts pour obtenir l'égalité civile, politique, sociale et économique.[17]

Après la Seconde Guerre mondiale, on observe un renforcement de l'influence des associations féminines affiliées aux partis politiques dans le domaine des questions féminines, une tendance déjà perceptible avant le conflit. Cette évolution est telle qu'il devient nécessaire d'évaluer les réalisations des féministes non plus en fonction de leurs propres victoires, mais en fonction de leur capacité à faire adopter leurs revendications au sein de ces importantes associations.[18]

Alors qu'à partir de 1944, les revendications féministes s'intensifient, les femmes n'accèdent au droit de vote universel qu'à compter de 1948.[19]

Le 27 mars 1948, une loi est promulguée en Belgique accordant le droit de vote aux femmes pour les élections législatives, les Finlandaises avaient déjà obtenu ce droit en 1906, suivies par les Norvégiennes en 1913 et les Danoises en 1915.[20]

Le suffrage belge était donc enfin devenu universel.[21]

Suite à cette nouvelle loi en Belgique, le nombre d'électeurs a plus que doublé, dépassant les 5 600 000 personnes, représentant ainsi plus de 65% de la population. Les premières élections législatives impliquant les femmes ont eu lieu en 1949. Malgré les préoccupations des libéraux et des socialistes qui étaient opposés à cette idée, l'accès des femmes au droit de vote n'a pas entraîné de bouleversement dans la hiérarchie des partis politiques, ni une féminisation significative de la sphère politique et de son personnel.[22]


L'égalité formelle en matière de suffrage est désormais consacrée, cependant de nouvelles disparités surgissent au niveau de la représentation politique. Dans tous les partis politiques, les femmes rencontrent des difficultés pour obtenir des positions significatives au sein des listes électorales. La proportion d'élues demeure nettement limitée.

Une autre avancée importante dans les droits des femmes est enregistrée au cours de la même année 1948 avec l'adoption par l'Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration universelle des droits de l'homme le 10 décembre. Ce document proclame que tous les êtres humains naissent libres et égaux en droits, et interdit toute discrimination fondée sur le sexe.[23]

En ce qui concerne l'égalité économique, elle reste loin d'être réalisée. Les enjeux liés au travail féminin persistent et les militantes féministes dénoncent les discriminations indirectes qui touchent les femmes en matière de sécurité sociale, notamment en ce qui concerne le chômage, l'assurance-maladie-invalidité et les pensions de retraite. Des iniquités fiscales subsistent également, notamment par le biais de l'agrégation fiscale des conjoints.

Quelques succès sont notables : les femmes accèdent à la carrière diplomatique en 1945, à la magistrature en 1948 et au notariat en 1950, entre autres. De plus, l'incapacité juridique de la femme mariée prend fin en 1958[24], puisqu’elles ne pouvaient en principe pas travailler sans l’autorisation de leur mari.[25] Il s’agit de la suppression de la notion de puissance maritale.[26]

Le 6 juin 1951, la Belgique appose sa signature sur la Convention du Bureau international du Travail (BIT) concernant l'égalité salariale entre les hommes et les femmes pour un travail de valeur équivalente. Cependant, en dépit de cette signature, les progrès sont limités et cette convention ne trouve pas sa place dans la législation nationale, où persistent des disparités salariales qui demeurent partiellement non résolues à ce jour.[27]

En 1962, un événement marquant survient avec l'inauguration du tout premier centre francophone dédié à la planification familiale, nommé "La Famille heureuse", situé à Bruxelles. Cette initiative voit le jour grâce à l'enthousiasme et à l'implication de personnalités laïques issues de l'Université libre de Bruxelles.[28]

Suite à l'incident marquant connu sous le nom de l'"affaire Peers", qui impliqua l'arrestation en 1973 d'un médecin humaniste pour avoir pratiqué des avortements, le mouvement laïque s'est engagé avec une persévérance inébranlable à soutenir la dépénalisation des avortements consentis. Cette démarche découle de préoccupations relatives à la santé, à l'autonomie personnelle et au droit des femmes à exercer un contrôle sur leur propre corps. Cependant, il est important de noter qu'en 2021, cette lutte n'avait pas encore remporté une victoire complète[29] mais uniquement une sorte de libéralisation de la contraception. En 1990, une forme partielle de dépénalisation de l’avortement sera mise en place.[30]

Le rôle des femmes belges dans l'économie et la profession a gagné en importance au sein du mouvement syndical. En 1959, la FTBG (Fédération Générale des Travailleurs en Belgique) a pris des mesures pour inclure davantage les femmes dans les activités syndicales en créant une Commission femmes pour traiter de leurs questions et attaquer les stéréotypes auxquels elles étaient confrontées. Auparavant, aucune femme n'occupait de poste syndical permanent en Belgique. En 1957, suite à la ratification du Traité de Rome par la Belgique, Eliane Vogel-Polsky, une juriste, a promu l'égalité salariale en mettant en avant l'article 119. Son expérience lors de la grève des ouvrières de la FN à Herstal en 1966 a renforcé son engagement pour une égalité réelle dans la société. Elle a également initié des procès importants pour l'égalité salariale en Europe et a joué un rôle clé en enseignant le droit et en animant des formations pour les mouvements syndicaux et féministes.

Entre 1960 et 1970, durant la seconde et la troisième vague du féminisme, des transformations sociales ont permis une plus grande liberté, marquant ainsi la reconnaissance de l'égalité entre les sexes comme un droit humain. Cependant, ce n'est qu'en 2002 que l'égalité a été inscrite dans la Constitution belge.[31]


Liste des références

  1. « Qu’est-ce que le féminisme ? - Par ici la démocratie », sur www.paricilademocratie.com (consulté le )
  2. « Le féminisme et les mouvements de femmes - Questions de genre - www.coe.int », sur Questions de genre (consulté le )
  3. « féminisme | Définition | Perspective Monde », sur perspective.usherbrooke.ca (consulté le )
  4. « Qu’est-ce que le féminisme ? - Par ici la démocratie », sur www.paricilademocratie.com (consulté le )
  5. Carhif-Admin, « Aperçu - Femmes et politique, 19e-20e siècle », sur AVG-Carhif, (consulté le )
  6. Carhif-Admin, « Aperçu - Femmes et politique, 19e-20e siècle », sur AVG-Carhif, (consulté le )
  7. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970 » Accès libre [PDF], 2012-2013 (consulté le )
  8. « L’évolution des droits des femmes | Sciences humaines » (consulté le )
  9. Catherine Jacques, « Le féminisme en Belgique de la fin du 19e siècle aux années 1970 » [PDF], 2013-1023 (consulté le )
  10. « Féminisme et laïcité en Belgique : quelle histoire ! », sur Centre d'Action Laïque (consulté le )
  11. Carhif-Admin, « Aperçu - Femmes et politique, 19e-20e siècle », sur AVG-Carhif, (consulté le )
  12. « Aperçu du féminisme belge (XIX-XXe s.) », sur BePax (consulté le )
  13. Eliane Gubin, « Du politique au politique. Parcours du féminisme belge (1830-1914) », Revue belge de Philologie et d'Histoire, vol. 77, no 2,‎ , p. 370–382 (DOI 10.3406/rbph.1999.4363, lire en ligne, consulté le )
  14. « Aperçu du féminisme belge (XIX-XXe s.) », sur BePax (consulté le )
  15. « Féminisme et laïcité en Belgique : quelle histoire ! », sur Centre d'Action Laïque (consulté le )
  16. Catherine Jacques, « LE FÉMINISME EN BELGIQUE DE LA FIN DU 19E SIÈCLE AUX ANNÉES 1970 », Cairn Info,‎ 2012-2012, p. 43 (lire en ligne [PDF])
  17. https://www.cffb.be/wp-content/uploads/2020/02/brochure-du-115-ans-de-f%C3%A9minisme.pdf
  18. Catherine Jacques, « LE FÉMINISME EN BELGIQUE DE LA FIN DU 19E SIÈCLE AUX ANNÉES 1970 » Accès libre, 2012-2012 (consulté le )
  19. « Aperçu du féminisme belge (XIX-XXe s.) », sur BePax (consulté le )
  20. « L’évolution des droits des femmes | Sciences humaines » (consulté le )
  21. « Féminisme et laïcité en Belgique : quelle histoire ! », sur Centre d'Action Laïque (consulté le )
  22. « L’évolution des droits des femmes | Sciences humaines » (consulté le )
  23. Laura Ottoy, La femme du peuple du XVIIIe au XXIe siècle, Bruxelles, , 45 p. (ISBN https://www.dernier-qg-napoleon.be/uploads/2021/11/catalogue-dexposition-exposition-itinerante.pdf[à vérifier : ISBN invalide]), p. 19
  24. « Aperçu du féminisme belge (XIX-XXe s.) », sur BePax (consulté le )
  25. IHOES, « Coup d’œil sur l'émancipation des femmes en Belgique au cours des Trente Glorieuses1 » [PDF], (consulté le )
  26. « Aperçu du féminisme belge (XIX-XXe s.) », sur BePax (consulté le )
  27. Sylvie Lausberg, 115 ans du Conseil des Femmes, Bruxelles, , 94 p., p. 42
  28. « Féminisme et laïcité en Belgique : quelle histoire ! », sur Centre d'Action Laïque (consulté le )
  29. « Féminisme et laïcité en Belgique : quelle histoire ! », sur Centre d'Action Laïque (consulté le )
  30. « [EXPOSITION] Libérer les femmes : le féminisme dans les années 70 - rtbf.be », sur RTBF (consulté le )
  31. Sylvie Lausberg, 115 ans du Conseil des Femmes, Bruxelles, , p. 49