Modern girl

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Gravure sur bois de la « Modan Gāru » (Kobayakawa Kiyoshi, 1930).

Modern girl (モダンガール, modan gāru?, aussi abrégé en moga) renvoie à l'image d'un sex-symbol des années 1920 au Japon. Cette nouvelle femme, émancipée, moderne et à la pointe de la mode internationale, s'oppose au modèle féminin traditionnel (en kimono et sandalettes).

Étymologie

En 1853, un escadron américain de « navires noirs » conduit par le Commandant Matthew Perry contraint le Japon à ouvrir ses frontières à l’Occident. C'est la fin du Sakoku (鎖国, période d’isolement national entre 1641 et 1853).

À partir de 1853, le Japon s'ouvre aux diverses influences du monde extérieur. Le vocabulaire japonais s'enrichit alors grâce à des emprunts à l'anglais, les gairaigo (外来語?). Le terme moga (モガ?) est l’abréviation de modan gāru (モダンガール?), transcription japonaise de l'anglais modern girl.

L’écrivain Junichiro Tanizaki (1886-1965), dont l'œuvre évoque de manière imagée l'occidentalisation du Japon moderne, introduit ce terme dans son roman publié en 1924, Un amour insensé. Il y dépeint une jeune femme libérée, Naomi, qui évolue dans la vie frivole de Tokyo et rêve de devenir « terriblement moderne ». Cette héroïne, serveuse de quinze ans, aux allures de Mary Pickford, s'affirme de plus en plus indépendante, capricieuse, indolente. Elle s'arroge peu à peu tous les droits pour n'en laisser aucun à son mari. La critique la présente comme « un monstre de vulgarité », mais un « monstre fascinant »[1].

Histoire

« Moga » en tenue de matelot.

L’ère « moga » débute en 1923, peu après l’un des plus gros tremblements de terre enregistrés au Japon qui ravage la région du Kanto, située sur l'île principale du Japon, Honshū. Tokyo, ainsi que plusieurs préfectures avoisinantes, sont en grande partie détruites.

À cette époque, l'Occident est agité par divers courants modernistes et essaie de se remettre des ravages de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Pendant la guerre, on assiste alors à des changements de la condition féminine. Les femmes, qui ont remplacé les hommes partis au front, ont pris une place plus importante sur le marché du travail. Elle réclament également l'égalité des droits au travail et dans la vie civique (voir par exemple le mouvement des suffragettes).

Au Japon, en revanche, pendant la période Taisho (1912-1926), le pays est davantage occupé à faire sa promotion sur les marchés internationaux et la politique internationale. Les États-Unis sont enclins à aider le Japon, vu comme un allié important face au communisme russe et au nationalisme chinois. Les États-Unis deviennent un des partenaires les plus importants du Japon à l'Est. Par cette influence américaine, l’ère du jazz et le consumérisme font leur entrée au Japon. Ce nouveau mode de vie transparait également au travers le cinéma et les magazines. À cette époque, la femme tête d'affiche au cinéma est une « garçonne ».

La variante japonaise de la garçonne est alors la « Modan Gāru » ou « Moga ». Elle est souvent accompagnée de son « Modan Boy » ou « Mobo ». Elle se distingue non seulement par une tenue occidentale, jugée bien plus provocante que la tenue traditionnelle japonaise, mais aussi par des idées nouvelles, influencées par le monde occidental. La « Moga » était née.

Zone d’influence

La mode de la « moga » est surtout importante dans les grandes villes, auprès des femmes urbaines, ayant reçu une éducation scolaire, issues de milieux favorisés.

Attitude

La « moga » est une femme exubérante qui aime la vie. Son comportement ne concorde pas du tout avec l'image, les valeurs et les normes associées à la femme japonaise traditionnelle. Au lieu de se comporter comme une ménagère exemplaire, la « Modan Gāru » s'adonne à des activités dites masculines (comme le tennis, la conduite automobile) et multiplie les flirts. Elle fume, boit, et n'a pas la langue dans sa poche. Elle est à l'image de la féminité occidentale des années 1920.

Tenue vestimentaire

« Moga » avec leurs tenues occidentales.

Le kimono traditionnel est remplacé par des robes et des jupes moulantes, qui accentuent les formes du corps féminin. Cette tenue vestimentaire est considérée comme vulgaire. La longueur des robes et jupes s'arrête juste au-dessus ou en dessous des genoux. Elle peut être longue jusqu’à la cheville mais elle n’est alors que rarement moulante. Cette dernière longueur apporte beaucoup d'aisance lorsque les jeunes femmes vont danser.

En dessous, elles portent des bas couleur chair. Le corset rigide et dur, fort apprécié dans l’ère victorienne, est remplacé par un corset flexible, lequel aplatit la poitrine et crée ainsi l’illusion d’une silhouette garçonne.

Cette nouvelle ligne respire le confort et la liberté, ce que les femmes actives adorent.

Le chapeau en forme de cloche est l’accessoire typique de cette époque que l’on porte avec un long manteau de fourrure.

À la plage, les « mogas » osent porter le vêtement le plus choquant des années 1920 : le maillot de bain. Ce vêtement qui recouvre à peine le corps féminin est, dès sa première apparition sur les plages, un choc pour de nombreux Japonais.

Maquillage et coiffure

Une « Modan Gāru » est reconnaissable à sa chevelure courte. La coupe au carré avec sa raie sur le côté et ses boucles en forme de vagues, est la coiffure la plus à la mode.

Pour les occasions plus festives, on garnit la chevelure avec un bandeau autour de la tête garni de plumes ou de pierres précieuses. Le visage est recouvert d’un fond de teint très clair qui contraste avec les lèvres très rouges. Les sourcils sont finement épilés et puis redessinés en ligne descendante vers les tempes. Un tout nouveau produit agrandit le regard et allongeait les cils, le mascara.

Les « mogas » les plus audacieuses utilisent un crayon khôl pour intensifier le regard et le rendre plus mystérieux.

Féminisme

Les « moga » sont souvent associées au féminisme. Mais il est en réalité incorrect de prétendre qu’elles sont membres de mouvements féministes. Au contraire, les mouvements féministes venus de l’Amérique et les « moga », plus libertines, ne s’entendent pas bien.

Les courants féministes militent en faveur du droit de vote des femmes ainsi que pour obtenir les mêmes droits juridiques que les hommes. Elles considérent les « Modan Gāru » comme des femmes frivoles, sans dignité, aimant être vues comme des objets sexuels.

Pourtant les « moga » sont sur le plan féministe assez révolutionnaires, surtout parce qu’elles ne se comportent pas comme des épouses obéissantes ou des mères, chose traditionnellement mise en valeur dans la société japonaise, mais comme des femmes fortes et indépendantes.

L'écrivaine Chiyo Uno exerce une influence significative sur la mode, le cinéma et la littérature japonaises de cette époque. Elle mène une vie de bohème et a de nombreuses liaisons avec des écrivains, des poètes et des peintres de l'époque. Son mode de vie est très représentatif de la jeune fille moderne, avide de liberté et de plaisirs.

Réaction de la société

La « Modan Gāru » suscite beaucoup de controverses dans l'opinion publique japonaise.

Avec sa garde-robe occidentale et provocatrice, ainsi que par son caractère rebelle, elle ne peut pas compter sur beaucoup de sympathie de la part des traditionalistes, dominants dans les classes populaires, qui la perçoivent comme une riche capricieuse et élitiste.

La majorité d’entre eux, femmes incluses, pense que les influences occidentales détruisent la culture traditionnelle japonaise et que la femme devait être soumise et obéissante vis-à-vis de son époux et de son entourage, et se consacrer avant tout à la maternité. La « Modan Gāru » libertine ne pouvait être considérée comme « femme japonaise » par une partie du peuple.

Mais dans les classes moyennes ayant reçu une éducation de type européen, la Moga est considérée comme rafraîchissante et incarne la modernité et l’égalité avec l’Occident. Finalement, c’est un nouveau type de femme qui apparait, capable de jouer au tennis mais également de s'occuper de la cérémonie du thé. Cette femme devient alors l’image de la femme japonaise idéale.

Fin de la période « moga »

Si le féminisme persiste dans les consciences de certaines femmes japonaises, la mode et la culture « moga » disparaissent dans les années 1930 pour des raisons économiques liées à la Grande Dépression, et politiques après l’incident du 26 février 1936 (tentative de coup d'État fomentée par les ultra-nationalistes). Le gouvernement japonais impose alors à la société le modèle traditionnel de la femme au foyer, discrète et soumise.

Notes et références

  1. Alberto Moravia, préface trad. de l'italien par René de Ceccatty, Un amour insensé, trad. Marc Mécréant, Gallimard, 1988, p. III.

Bibliographie