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De la colère

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Le De Ira ou Sur la colère est un dialogue en latin du philosophe Sénèque. Il y propose une définition et une explication de la colère, avant de proposer des conseils thérapeutiques pour l’extirper de l’âme du lecteur.


Destinataire et date d'écriture

Le dialogue est adressé au frère aîné de Sénèque, Lucius Annaeus Novatus[1]. Ce dernier a changé son nom en Lucius Julius Gallio Annaeus, peut-être à cause d’une adoption testamentaire[2] ; c’est sous ce nom qu’il est aussi le destinataire du De Vita Beata, un dialogue postérieur de Sénèque.

Contrairement à ce qui se passe dans d’autres dialogues, le De Tranquillitate animi (De la Tranquillité de l’âme) en particulier, Sénèque ne nous donne aucune information sur le tempérament ou la situation de son destinataire et il est difficile de savoir ce qui a pu le motiver à adresser cette œuvre à Novatus en particulier[3].

Comme pour beaucoup des œuvres de Sénèque, la date d’écriture est difficile à établir. Nous pouvons établir une date avant laquelle le texte n’a pas pu être écrit (terminus post quem) : la mort de Caligula en Janvier 41. En effet, Sénèque le mentionne dans le De Ira d’une manière qui suggère qu’il était mort au moment de l’écriture. Le terminus ante quem (la date d’écriture la plus tardive envisageable) est 52 ap. J. C., puisque nous savons qu’à cette époque le destinataire du dialogue ne portait plus le nom sous lequel Sénèque s’adresse à lui dans le De Ira[1].

Forme dialoguée et plan de l'oeuvre

L’Ambrosianus, un manuscrit du Xème siècle qui est notre plus ancien témoin du De Ira, le décrit comme un dialogue (dialogus, un terme emprunté au grec par la critique littéraire latine et qui désigne un genre littéraire dans lequel s’inscrivent les dialogues philosophiques comme ceux de Platon ou de Cicéron). Certains témoignages plus proches de Sénèque dans le temps, comme celui de Quintilien (Institutions Oratoires 10, 1, 129) suggèrent que c’était ainsi qu’il étaient identifié par les contemporains de l’oeuvre et l’auteur lui-même. Le terme, dans le cadre du De Ira, ne renvoie pas à la création littéraire de personnages distincts et caractérisés, mais à la manière dont la voix auctoriale s’adresse au destinataire de l’oeuvre et à des interlocuteurs fictifs auquel il donne la parole[3].

Le dialogue est composé de trois livres. Le plan du De Ira a toujours perturbé ses commentateurs, au point que certains ont suggéré que le troisième livre avait été écrit indépendamment des deux premiers.

Livre 1

Livre 2

Livre 3


Genre littéraire et sources

Le genre du traité sur la colère était répandu dans l’Antiquité : ont été partiellement conservés ceux de l’épicurien Philodème de Gadara[4] et du médio-platonicien Plutarque. Sénèque quant à lui puise son inspiration principale dans les thèses de l’école stoïcienne, et en particulier chez Chrysippe et Posidonius, deux auteurs stoïciens qui avaient chacun écrit un Péri Pathôn (traité sur les passions). J. Fillion-Lahille a suggéré que le premier livre du De Ira était inspiré de Chrysippe, tandis que le second incorporait les innovations de Posidonius (qui accordait une plus grande place que Chrysippe aux tendances irrationnelles de l’âme)[5].

Cependant, des recherches plus récentes ont remis en cause cette hypothèse, en établissant que l’idée selon laquelle Posidonius aurait été en désaccord avec Chrysippe sur certains points importants de la théorie des émotions était due à une déformation opérée par Galien (notre principal témoin des idées de Posidonius et Chrysippe, leurs œuvres ayant été perdues)[6].  

On peut ainsi considérer que, quelques soient les sources auxquelles ait eu accès Sénèque, son traitement de la colère est cohérent avec celui de Chrysippe[7].

Sénèque citait également Aristote et Théophraste, qu’il connaissait peut-être de manière indirecte[8]. En ce qui concerne les exercices pratiques recommandés par l’auteur, l’influence du philosophe romain Sextius est probable[8] ; son habitude de l’examen de conscience est mentionnée en De Ira 3, 36, 1, et celle de se regarder dans le miroir pendant une crise de colère en 2, 36, 1 sqq.

Postérité

Le De Ira n’a pas laissé de traces dans les générations suivant celle de Sénèque ; même Epictète et Marc-Aurèle, qui appartenaient à la même école philosophique que Sénèque, ne présentent pas d’idées qui puissent être rapportée avec certitude au dialogue De Ira. En revanche, les auteurs chrétiens écrivant en latin ont fait un usage plus assidu du texte : ainsi le traité a fourni une base théorique pour les réflexions sur la colère parmi les chrétiens, comme Lactance, De la colère de Dieu, et Arnobe, Contre les Nations. Lactance cite abondamment le dialogue de Sénèque, au point qu’un passage, que la tradition manuscrite n’a pas conservé, nous a été transmis seulement par cet auteur (il s’agit des définitions de la colère, De Ira 1, 2, 3). Martin de Braga a également composé, au VIème siècle, un traité sur la colère qui est principalement un résumé du dialogue sénéquien.

  1. a et b C.W. Marshall, « The Works of Seneca the Younger and Their Dates », dans Brill's Companion to Seneca, BRILL, (ISBN 9789004154612, DOI 10.1163/9789004217089_003, lire en ligne), p. 35
  2. Griffin, Miriam T. (Miriam Tamara), Seneca : a philosopher in politics, Clarendon Press, (ISBN 0198143656, 9780198143659 et 0198147740, OCLC 2050522, lire en ligne), p. 48 n. 2
  3. a et b Matthew Roller, « The Dialogue in Seneca’s Dialogues (and Other Moral Essays)* », dans The Cambridge Companion to Seneca, Cambridge University Press, (ISBN 9781139542746, DOI 10.1017/cco9781139542746.006, lire en ligne), p. 54–67
  4. Philodemus, approximately 110 B.C.-approximately 40 B.C., L'ira : edizione, traduzione e commento, Bibliopolis, (ISBN 8870881857 et 9788870881851, OCLC 38323927, lire en ligne)
  5. Fillion-Lahille, Janine., Le De ira de Sénèque et la philosophie stoïcienne des passions, Klincksieck, (ISBN 286563082X et 9782865630820, OCLC 11799498, lire en ligne)
  6. Tieleman, Teun., Chrysippus' On affections : reconstruction and interpretations, Brill, (ISBN 9004129987 et 9789004129986, OCLC 51505522, lire en ligne)
  7. Volk, K. et Williams, G., Seeing Seneca Whole: Perspectives on Philosophy, Poetry and Politics, Leiden, Brill, (lire en ligne), « Anger, Present Injustice, and Future Revenge in Seneca’s De Ira »
  8. a et b Maria Monteleone, « De ira », dans Brill's Companion to Seneca, BRILL, (ISBN 9789004154612, DOI 10.1163/9789004217089_010, lire en ligne), p. 131-132