Allergie à la viande

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Ixodes ricinus est en Europe la cause la plus fréquente de l'allergie à la viande.
Elle perce la peau de son hôte, injecte sa salive dans la chair, pour la lyser et s'en nourrir. Le système immunitaire humain repère des molécules de la salive de la tique et y réagit parfois violemment (= allergie à la salive de tique) ; La tique peut co-injecter un sucre banalement présent dans la chair des mammifères et présent dans son intestin. Notre immunité peut alors « par erreur » identifier ce sucre comme "dangereux". La viande devient alors un allergène pour la personne ainsi sensibilisée.

L'allergie à la viande liée à l'alpha-gal est un phénomène émergent récemment décrit, d'abord en Amérique du Nord (en 2009), puis en Australie et en Europe. Il s'agit plus précisément d'une allergie à une molécule : le galactose-alpha-1,3-galactose, un sucre présent dans la viande de tous les mammifères non-primates. Il existe également des allergies relativement rares à d'autres composants (sérumalbumine, gammaglobulines, myoglobine…) des viandes rouges [1] ou blanches[2] qui ne seront pas détaillées ici.

L'allergie à l'alpha-gal est toujours initiée par une piqure de tique et elle survient un peu plus souvent suite à la consommation d'abats que de viande rouge. Elle peut aussi survenir suite à l'injection de produits fabriqués à partir d'animaux (ex : gélatine ou certains médicaments). Dans tous les cas le patient n’est pas allergique aux viandes de volailles ni à la chair des poissons.

Histoire médicale

Cette allergie a été décrite depuis 2009 en Amérique du nord dans quelques régions où les tiques sont nombreuses[3], puis en Australie et Europe. C'est plus précisément une allergie liée à l’IgE anti-galactose-alpha-1,3-galactose-bêta-1,4-N-acétylglucosamine (alpha-gal) [4].

Le problème semble devoir être traité comme un nouvel enjeu de santé publique aux États-Unis puisqu'en un an le Dr Platts-Mills et ses collègues ont répertorié près de 4 000 cas d'allergie à l'alpha-gal dans le pays, par des tests non systématiques. Selon le Dr Thomas Platts-Mills, allergologue à l'Université de la Virginie ce chiffre « est certainement un modeste pourcentage du nombre réel de cas. Il y en a au moins le double. »[5]

Symptômes

L'allergie se manifeste par des anaphylaxies récidivantes et plus ou moins intenses (éventuellement mortelle si non prise en charge). Elle survient plus de deux heures après l’ingestion d'un repas contenant au moins un produit carné issu de mammifères (viande rouge, abats tels que rognons de porc notamment) et donc parfois en pleine nuit.

Un prurit puis un urticaire, généralement associé à des troubles hémodynamiques, respiratoires ou digestifs (maux de ventre, et éventuelles diarrhées profuses) surviennent alors[6].

Mécanisme

On sait depuis longtemps que la morsure de tique peut être sensibilisante (chez l’adulte et l’enfant), déclenchant une allergie à la salive de tique.

Selon un mécanisme de mieux en mieux compris, chez certaines personnes, une morsure de tique peut aussi induire une allergie alimentaire aux viandes rouges, à la gélatine et/ou aux abats de mammifères non-primates[7].

Alors que les allergies alimentaires typiques se déclenchent immédiatement ou dans les 2 heures suivant une prise alimentaire, dans le présent cas les symptômes sont retardés : l’« allergie à la viande » survient entre 2 et 12 heures après la prise d’un aliment carné provenant d'un mammifère (l'abat semblant proportionnellement plus à risque [8]) ce qui peut laisser penser que c’est au niveau de l’intestin que se joue la réaction.

L’a-gal est en cause : C'est un type d'oligosaccharide (une forme de sucre très stable, qui n'est détruit ni par la cuisson ni par les sucs digestifs) ; il est présent sur les glycolipides de viandes et joue ici le rôle d'épitope.
De l’a-gal a effectivement aussi été retrouvé dans le tractus digestif de plusieurs tiques dont Ixodes ricinus (tique la plus fréquente en Europe de l'ouest), ce qui peut expliquer le lien entre la piqûre de tique, d’une part, et la sensibilisation d’autre part. Cette molécule (a-gal) est aussi présente dans la chair de tous les mammifères, hormis chez les primates[9].
90 % de sujets ayant des IgE sériques anti-α-Gal ont aussi des antécédents de piqûres de tiques[4] ;
En France la tique en cause est généralement Ixodes ricinus alors qu’aux États-Unis c’est Amblyomma americanum et en Australie Ixodes holocyclus.

En 2015, des allergologues notent « que des IgE anti-alpha-gal peuvent être retrouvées chez 9/13 patients ayant eu des chocs idiopatiques » (c'est-à-dire inexpliqué)[10]. De plus après quelques mois le taux d’anti-alpha-gal diminue significativement [9]. Le problème pourrait donc avoir été sous-estimé.

Prévalence et facteurs de risques

L'allergie alpha-gal n'étant pas, dans aucun pays, une maladie à déclaration obligatoire, le nombre réel d'individus touchés est inconnu[11]. La prévalence de cette allergie est donc encore très mal connue dans le monde où elle varie probablement beaucoup selon les pays et les régions (plus ou moins riches en tiques).

L’allergie alpha-gal a été décrite dans au moins 17 pays sur tous les continents, toujours dans des régions où les humains sont piqués par les tiques, en particulier aux États-Unis et en Australie[12]. Aux États-Unis, l’allergie survient le plus souvent dans les régions centrale et méridionale, ce qui correspond à la répartition de la tique célibataire [13]. Au sud des États-Unis, où la tique est la plus répandue, le taux de prévalence de cette allergie est 32% plus élevé qu'ailleurs[14]. En France en 2017 selon le Réseau d’allergo-vigilance (RAV) il s’agissait de 3,4 % des allergies anaphylactiques d'origine alimentaires (pour 466 observations déclarées et analysées). L'ingestion d'un abat plutôt que de viande rouge était en cause dans 64 % de ces 466 cas[15].

Dans 47 % de 19 cas étudiés par le réseau d'allergo-vigilance français et belge (2017), le patient se souvenait avoir subi une piqure de tique peu avant la survenue de l’allergie. Vivre dans un environnement riche en tiques, s'exposer aux morsures de tiques et consommer de la viande (abats notamment, comme le font souvent les chasseurs) sont des sources de risques[7].

Dans quelques cas le venin de guêpe ou une allergie croisée impliquant le venin de guêpe semble parfois avoir le même effet[16]. Les allergies à certains venins augmentent chez les personnes devenues allergiques à la viande[17].

Aucun traitement n'est connu, mais les symptômes de l'allergie semblent pouvoir s'atténuer avec le temps[18].

Une étude signale, avec le modèle murin (souris de laboratoire} que les femelles endues allergiques par exposition à des extraits de salive de tique présentaient des réponses IgE totales nettementplus élevées (179,1639,86 vs 56,98617,45 ng/ml) alors que les souris mâles présentaient des baisses plus de la température corporelle moyenne plus importantes[19].

Co-facteurs, ou facteurs aggravants

La reproductibilité et la sévérité variables des réactions suggèrent l’influence de cofacteurs (dans 68,8 % des cas) dont au moins deux ont été identifiés :

  1. l’ingestion d’une boisson alcoolisée, l’alcoolisme[20]. L’alcool pourrait augmenter la perméabilité intestinale ou être en cause via ses puissants effets immunomodulateurs[20] ;
  2. un effort physique important.

Autre allergie (parallèlement induites)

Certains patient piqués par des tiques deviennent aussi allergiques :

  • au lait de vache[21]
  • et/ou à certains produits à base de lait (fromage).
    La sensibilisation IgE aux laits de mammifère est fréquente dans ce syndrome, mais on ignore parfois si c’est vraiment le lait qui est en cause ou la présure (extraite de la panse du veau) utilisée pour la fabrication de nombreux fromages, qui contient des allergènes alpha-Gal et pourrait plus vraisemblablement être en cause[22]
  • à certains vaccins (ex contre le zona)[23].

Traitement

Les victimes de cette allergie doivent éviter toute viandes et produit carné provenant de mammifères non-primates (abats et charcuteries compris) et toujours disposer d’un kit d’urgence (Adrénaline auto-injectable) [9] ; En cas d’opération chirurgicale, ils doivent prévenir l’anesthésiste ou le médecin afin de ne pas recevoir de médicaments contenant de l’AG comme le cétuximab ni de gélatine injectable[7],[24].

Notes et références

  1. http://www.cicbaa.com/pages_fr/section_pro/aliminter/allergies_viandes_mammiferes.pdf
  2. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16933414
  3. Chabane H (2010). « Quoi de neuf en Immuno-Allergie en 2009 ». Feuillets de biologie, 51(294), 11-13.
  4. a et b Beaudouin E, Thomas H, Nguyen-Grosjean V.M, Picaud J, Moumane L, Richard C, ... & Barbaud A (2015) Allergie à galactose-α1, 3 galactose (α-Gal) : une observation singulière et revue bibliographique. Revue Française d'Allergologie, 55(7), 492-497
  5. radio-Canada (2017) Tique étoilée et allergie à la viande ; une tique qui rend allergique à la viande
  6. Deschamps, A. F., Tetart, F., Martinet, J., & Joly, P. (2016, December). Urticaire aiguë récidivante et douleurs abdominales : penser au diagnostic d’allergie à l'alpha-gal. In Annales de Dermatologie et de Vénéréologie (Vol. 143, No. 12, p. S221). Elsevier Masson|[ http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1877032017301410 résumé]
  7. a b et c Veyrac G, Pipet A, Joyau C, Ruellan A L & Jolliet P (2017) Allergie à la viande rouge et choc anaphylactique à la gélatine injectable: quel rapport entre un anticancéreux, des tiques et un steak ? Revue Française d'Allergologie, 57(3), 252|résumé
  8. Thomas, H., Beaudouin, E., Nguyen, V. M., Picaud, J., Renaudin, J. M., Jacquenet, S., & Barbaud A (2017). Étude des cas d’anaphylaxies aux viandes de mammifères déclarés au réseau d’allergo-vigilance. Revue Française d'Allergologie, 57(8), 533-538.|[ https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1877032017303858 résumé]
  9. a b et c Mairesse M, Debaugnies F, Doyen V, Ledent C, Michel O, Corazza F & Francis, F (2014). Risque allergique des insectes en alimentation humaine. Revue Française d'Allergologie, 54(3), 288 | résumé
  10. Richard C, Maurice D, Salloignon P, De Lagesnestre R, Epstein M, Bord F & Jacquenet S (2015) Description d’une série de patients français suspectés d’avoir des IgE anti-alpha-gal. Revue Française d'Allergologie, 55(3), 221.|résumé
  11. Frazier A (March 20, 2014). "Tick bite makes Lusby woman allergic to meat". The Washington Post. pp. METRO, T20. Archivé à partir de l'original le 2 juillet 2018.
  12. Kwak M, Somerville C, van Nunen S (2018). "A novel Australian tick Ixodes (Endopalpiger) australiensis inducing mammalian meat allergy after tick bite". Asia Pacific Allergy ; juillet. 8 (3): e31.
  13. "Meat Allergy : Alpha-Gal Reaction From Lone-Star Ticks More Common In Central, Southern U.S. Regions". Consulté le 09 janvier 2013
  14. Chan AL (2012). "Where Meat Allergy From Ticks Is Most Common". Healthy Living ; publié le 09 novembre
  15. Thomas, H., Beaudouin, E., Nguyen, V. M., Picaud, J., Renaudin, J. M., Jacquenet, S., ... & Barbaud, A. (2016). Anaphylaxie alimentaire à alpha-Gal: analyse des données du Réseau d’allergo-vigilance (RAV). Revue Française d'Allergologie, 56(3), 273. | résumé
  16. Chatain C, Pralong P, Jacquier J.P & Leccia M.T (2015) Allergie retardée aux viandes de mammifères chez deux patients allergiques sévères aux venins de guêpe. Revue Française d'Allergologie, 55(3), 216|résumé
  17. Choudhary, S., Jerath, M. R., & Commins, S. P. (2018). Venom allergy is increased in alpha-gal allergy: shared environmental or immunologic factors?. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 141(2), AB199.
  18. "Hundreds on East End get meat allergy from Lone Star tick's bite". Newsday. 30 juillet 2017. consulté 2017-08-01.
  19. Choudhary S, Iweala O.I, Addison C T & Commins S.P (2019) Tick Salivary Extract Induces Alpha-Gal Allergy in Alpha-Gal Deficient Mice. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 143(2), AB252.
  20. a et b Chatain, C., Zambelli, V., Jacquier, J. P., Mansard, C., Boccon-Gibod, I., Bouillet, L., ... & Leccia, M. T. (2017). Sensibilisation à l’alpha-gal et au venin d’hyménoptères: le rôle possible d’une surconsommation d’alcool?. Revue Française d'Allergologie, 57(3), 226.|[ http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1877032017300714 résumé]
  21. Gentil, N., Agabriel, C., Carsin, A., Liabeuf, V., Cabon-Boudard, I., Cleach, I., ... & Vitte, J. (2017). IgE alpha-Gal chez l’enfant allergique au lait de vache: prévalence, quantification et lien avec l’allergie à la viande. Revue Française d'Allergologie, 57(3), 266-267 |résumé.
  22. Drouet, M., Sarre, M. E., Hoppe, A., Bonneau, J. C., Leclère, J. M., le Sellin, J., ... & Rénier, G. (2016) Caractéristiques d’un groupe de 21 patients allergiques aux viandes par sensibilisation aux allergènes alpha-Gal. Revue Française d'Allergologie, 56(7), 533-538 |résumé.
  23. Stone, C. A., Hemler, J. A., Commins, S. P., Schuyler, A. J., Phillips, E. J., Peebles, R. S., & Fahrenholz, J. M. (2017). Anaphylaxis after zoster vaccine: Implicating alpha-gal allergy as a possible mechanism. Journal of Allergy and Clinical Immunology, 139(5), 1710-1713
  24. Peters, C., Jarlot, S., & Pirson, F. (2016). [Anaphylaxie peranesthésique à la gélatine associée à une allergie alimentaire à l’alpha-gal]. Anesthésie & Réanimation, 2(2), 123-125.¬PDF, 19 pp

Voir aussi

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