Homo ergaster

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Homo ergaster (« l'homme artisan ») est un représentant disparu du genre Homo. La plupart des fossiles aujourd'hui attribués à ce taxon étaient anciennement attribués à Homo erectus.

Pour beaucoup de scientifiques, les « H. erectus africains » ont des spécificités qui justifient leur classement au sein d'une nouvelle espèce. Quelques autres auteurs continuent à refuser H. ergaster en tant qu'espèce indépendante, ne le considérant que comme une variété géographique d'Homo erectus[1]. Les découvertes ayant permis de décrire ce taxon (squelette presque complet), ont été faites par l'équipe du paléo-anthropologue Richard Leakey dans les années 1970 et 80. Les deux parents de Leakey étaient eux aussi anthropologues et ont consacré leur vie à l'étude des hominidés d'Afrique orientale en particulier. Auparavant, Groves et Mazak en avaient défini sommairement quelques traits de caractère et ont été les premiers à l'identifier et à le nommer, à partir de fragments de mâchoire anciennement attribués à H. erectus.

Homo ergaster

« En 1991, Bernard Wood, à l'époque à l'université de Liverpool, [a proposé] de désigner sous le nom d'Homo ergaster le groupe africain [de fossiles d'H. erectus], plus généraliste et plus primitif que le groupe indonésien et chinois[1] ». Dans cette optique, Homo erectus était désormais considéré comme exclusivement eurasiatique.

Ce point de vue a été assez largement adopté et les fossiles africains autrefois attribués à H. erectus sont souvent présentés aujourd'hui comme relevant d'Homo ergaster, une espèce assez proche des H. erectus asiatiques, mais plus primitive.

KNM-ER 42700 : Homo ergaster ou Homo erectus ?

Certains scientifiques sont cependant hostiles à une telle distinction. Ainsi, pour Fred Spoor[2], « quand j'ai vraiment examiné les plus petits détails […], j'ai été obligé de conclure qu'il n'y a pas de séparation claire entre les deux. [Le fossile KNM-ER 42700 du Kenya] présente en effet des caractères typiquement « asiatiques » : une carène sagittale sur l'os frontal et l'os pariétal ; des arrangements de la base crânienne […] qui sont reliés avec l'orientation du canal auditif identiques à ceux que Franz Weidenreich avait décrit dans les années 1940 pour l'homme de Pékin[1] ».

David Lordkipanidze conteste également la définition d'H. ergaster comme espèce indépendante : il écrit que le squelette kenyan du « garçon de Turkana », ou « Turkana boy », daté de 1,6 million d'années, et considéré par les partisans de l'existence d'H. ergaster comme leur meilleure preuve, est en fait « le squelette d'Homo erectus le mieux préservé »[3].

Origine

Homo ergaster vivait en Afrique, entre 1,9 et 1,3 million d'années avant notre ère. Il cohabita avec Homo habilis dans la région du lac Turkana[4]. Son cerveau atteint 850 cm3, ce qui semble indiquer une consommation régulière de viande[5]. On peut supposer qu’il devient plus chasseur que charognard.

Les spécimens découverts mesuraient entre 1,55 m et 1,70 m, pour un poids de 50 à 65 kg. Le dimorphisme sexuel de cette espèce est plus réduit que chez Homo habilis. L'Homo ergaster reste cependant très archaïque de faciès, avec un nez absent et une mâchoire très prognathe.

D’après l’hypothèse la plus couramment acceptée actuellement, Homo ergaster est l’ancêtre d'Homo erectus. Il est probable qu’il soit aussi l’ancêtre d'Homo antecessor.

Vestiges

KNM-ER 992

Réplique de la mandibule KNM-ER 992.

La mandibule fossile KNM-ER 992 datée de 1,5 millions d'années a été découverte en 1971 par une équipe dirigée par Richard Leakey à Koobi Fora (Ileret), près du lac Turkana au Kenya. Elle a été considéré comme l'holotype d'Homo ergaster par Groves et Mazák en 1975. Ce reste fossile est également attribué à Homo erectus par d'autres chercheurs[6],[7].

KNM-ER 3733

KNM-ER 3733 est un crâne découvert en 1975 à Koobi Fora par Bernard Ngeneo, membre de l'équipe de Richard Leakey. Ce crâne presque complet a une capacité d'environ 850 cm3[6]. Son âge est estimé à 1,7 Ma, faisant de lui l'un des plus anciens fossiles d'Homo ergaster[8].

Garçon de Turkana (Turkana Boy)

Le fossile le plus complet découvert à ce jour est celui d'un jeune spécimen, inventorié sous le numéro KNM-WT 15000, exhumé en 1984 à Nariokotome, à l'ouest du lac Turkana (Kenya) et surnommé « Turkana Boy ». Il a été découvert par Kamoya Kimeu, membre de l'équipe de Richard Leakey et Alan Walker[9],[10].

Homme de Buya

Les restes de l'homme de Buya, les crânes de deux hominidés et leurs grands os longs, ont été découverts dans le désert de Danakil en Érythrée en 1995.

Selon les chercheurs, cet Homo ergaster vivait dans une forêt près d'un grand fleuve, avec une faune très diversifiée (21 espèces de vertébrés, 16 de mammifères). Pour l'homme de Buya, l'évolution la plus évidente est celle des jambes très peu arquées et des pieds à doigts parallèles adaptés à la marche et à la course. La mâchoire est massive. Les pariétaux sont presque parallèles. La conservation du crâne a permis une reconstitution numérique qui indique un volume crânien de 1 000 cm3, plus des deux tiers de celui d'Homo sapiens, une forte irrigation sanguine, une asymétrie semblable à celle du cerveau moderne.

De nombreuses traces laissées par ses outils de pierre ont été observées sur des os d'antilopes, d'hippopotames et de quelques crocodiles, mais pas d'autres prédateurs comme les lions ou les hyènes. Ils allaient quelquefois chercher loin les pierres qu'ils sélectionnaient soigneusement pour leurs outils ; les tailler suppose une certaine habileté, de la mémoire et des capacités de conception en trois dimensions, ce qui évoque une pratique de la transmission et de l'apprentissage.

Datant d'un million d'années, l'homme de Buya serait l'ancêtre des hominidés connus à partir de - 600 000 ans[11],[12],[13].

Techniques

Comme Homo habilis, Homo ergaster utilise des outils de pierre taillée. Il invente le biface, caractéristique de l'Acheuléen. Il découvre peut-être l’usage du feu, mais ne le maîtrise pas.

Mœurs et culture

La taille du cerveau des nouveau-nés de l’Homo ergaster (450 cm3) laisse supposer qu’ils étaient à peu près aussi démunis que les nouveau-nés d’Homo sapiens. Il est probable qu’Homo ergaster ait alors renforcé les cellules familiales de ses clans, afin de mieux protéger sa descendance.

Ses membres inférieurs plus longs que ceux d’Homo habilis font d’Homo ergaster un bon marcheur. Les hanches des femelles restent par contre plus larges que celles de l’Homo sapiens femelle.

Homo ergaster était considéré comme le premier membre du genre Homo à migrer, conquérant de nouveaux habitats. Il ne s’agissait bien sûr pas pour lui d’une stratégie, mais juste de suivre les sources de nourriture. La découverte d’Homo georgicus remet depuis peu cette hypothèse en question.

Notes et références

  1. a b et c « Homo erectus africains et asiatiques », entretien avec Fred Spoor, La Recherche, mai 2008.
  2. En 2008, professeur au département d'anatomie du University College de Londres, membre de l'équipe de fouille de Koobi Fora, au Kenya.
  3. Lordkipanidze D., « Étonnants primitifs de Dmanissi », La Recherche, mai 2008, n° 419, pp. 28-32.
  4. Spoor et al., 2007, « Implications of new early Homo fossils from Ileret, east of Lake Turkana, Kenya », Nature, 448, 688-691.
  5. http://www.livescience.com/23671-eating-meat-made-us-human.html
  6. a et b (en) Bernard Wood, Wiley-Blackwell Encyclopedia of Human Evolution, Wiley-Blackwell, (ISBN 9781118650998, DOI 10.1002/9781444342499).
  7. (en) « Homo ergaster: KNM ER 992 », sur http://efossils.org (consulté le ).
  8. (en) C. J. Lepre et D. V. Kent, « New magnetostratigraphy for the Olduvai Subchron in the Koobi Fora Formation, northwest Kenya, with implications for early Homo », Earth and Planetary Science Letters, vol. 290, nos 3–4,‎ , p. 362 (DOI 10.1016/j.epsl.2009.12.032, Bibcode 2010E&PSL.290..362L.).
  9. (en) Alan Walker et Richard Leakey, The Nariokotome Homo erectus Skeleton, Harvard University Press, , 457 p. (ISBN 3-540-56301-6, résumé).
  10. (en) Franck Brown, John Harris, Richard Leakey et Alan Walker, « Early Homo erectus skeleton from west Lake Turkana, Kenya », Nature, vol. 316,‎ , p. 788-792 (DOI 10.1038/316788a0).
  11. Expédition extrême aux origines de l'humanité, Comment l'homme préhistorique a-t-il pu développer son intelligence ?, film documentaire de Michael Kaschner, Tamara Spitzing, avec Lucas Bondioli, Yosief Dibsekal, Clemens Eibner, Thomas Junker, Lorenzo Rook, Roberto Macchiarelli, Mark Stoneking, Production ZDF, 2009, Allemagne, 53 min.
  12. Ernesto Abbate, Andrea Albianelli, Augusto Azzaroli, Marco Benvenuti, Berhane Tesfamariam, Piero Bruni, Nicola Cipriani, Ronald J. Clarke, Giovanni Ficcarelli, Roberto Macchiarelli, Giovanni Napoleone, Mauro Papini, Lorenzo Rook, Mario Sagri, Tewelde Medhin Tecle, Danilo Torre et Igor Villa, « A one-million-year-old Homo cranium from the Danakil (Afar) Depression of Eritrea », 24/09/2007, Nature, 393, pp. 458-460.
  13. Rook Lorenzo et al., « Fossil vertebrates from Dandero Basin (Buia, Northern Danakil Depression, Eritrea): Biochronology and Paleoenvironments », 32nd IGC, Florence, 2004.

Voir aussi

Articles connexes