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L'électeur palatin est possessionné du côté de Landstuhl et Kaiserslautern, dans la pointe nord-est du Westrich
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'''Westrich''' (parfois ''Westerreich''<ref>{{Ouvrage|prénom1=Jost de|nom1=Negker|titre=German: Das hailig römisch reich mit sampt seinen gelidernThe Holy Roman Empire including its memberstitle QS:P1476,de:"Das hailig römisch reich mit sampt seinen gelidern"|date=1510date QS:P571,+1510-00-00T00:00:00Z/9|lire en ligne=https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Quaternion_Eagle_by_Jost_de_Negker.jpg|consulté le=2022-12-28}}</ref>, ou ''Westerrych''<ref>{{Article|langue=allemand|auteur1=Barbara Huber|titre=Im Zeichen der Unruhe. Symbolik bäuerlicher Protestbewegungen im oberdeutsdchen und eidgenossischen Raum|périodique=Thèse de l'université de Berne (Suisse)|date=11/11/2005|lire en ligne=https://biblio.unibe.ch/download/eldiss/05huber_b.pdf|pages=p. 318}}</ref>), en ancien français ''Wastriche''<ref>{{Ouvrage|auteur1=Nicolas Volcyr de Sérouville|titre=L’histoire et recueil de la triomphante et glorieuse victoire, etc.|passage=Livre I, chap. I|lieu=Paris|éditeur=Galiot du Pré|date=1527|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k324157v.r=volcyr%20de%20S%C3%A9rouville?rk=214593;2|consulté le=23/01/2023}}</ref>, ou ''Vestric''<ref>{{Ouvrage|auteur1=François-Antoine de Chevrier|titre=Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine, etc.|passage=98|lieu=Bruxelles|éditeur=(éditeur non connu)|date=1754|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=lxNAAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|consulté le=23/01/2023}}</ref>, est le nom d'une ancienne province du [[Saint-Empire romain germanique|Saint-Empire]]. Le terme est attesté à partir du {{s-|XIII}} ; le cœur de ce territoire se situait dans la vallée de la [[Sarre (rivière)|Sarre]], en incluant ses affluents, la [[Blies]], l'[[Albe (rivière)|Albe]] et la [[Nied allemande]]. Ses limites, qui ont fluctué dans le temps, étaient situées à l'est, le long des Vosges du nord et du [[Forêt palatine|Pfälzerwald]], à l'Ouest le long de la [[Moselle (rivière)|Moselle]] entre [[Sierck-les-Bains|Sierck]] et [[Sarrebourg (Allemagne)|Saarburg]], au sud le long de la vallée de la [[Seille (affluent de la Moselle)|Seille]]<ref group="e" name="p. 304">{{p.}}304.</ref> au nord, le long de la [[Nahe]]. Dans le Saint-Empire, le Westrich constitue une véritable mosaïque de territoires ; ces derniers sont partagés entre de nombreuses seigneuries, dont les duchés [[duché de Lorraine|de Lorraine]], de [[Palatinat-Deux-Ponts]], de [[Duché de Luxembourg|Luxembourg]], ainsi que l'[[Diocèse de Metz|évêché de Metz]], l'[[archevêché de Trèves]], l'électeur palatin, les comtés de [[Principauté de Nassau-Sarrebruck|Nassau-Sarrebruck]], de [[Comté de Veldenz|Veldenz]], de [[Comté de la Petite-Pierre|La Petite-Pierre]] de [[Comté de Deux-Ponts-Bitche|Deux-Ponts-Bitche]]. La dénomination "Westrich" est lentement tombée en désuétude après les ravages causés à cette province par la [[Guerre de Trente Ans|Guerre de Trente ans]]. C'est aujourd'hui une « province fantôme »<ref>A. Eiselé, A la recherche d'un pays fantôme - Le Westrich, Éditions ''Au Pays de Sarrebourg'' de la Société d'histoire et d'archéologie de Lorraine, [[Sarrebourg]], 1988.</ref> que recouvrent les territoires actuels de la [[Sarre (Land)|Sarre]], le [[Lorraine allemande|Nord-Est de la Moselle]] en incluant [[Dieuze]], l'[[Alsace bossue]], et le sud-ouest du Palatinat ([[Arrondissement du Palatinat-Sud-Ouest|Südwestpfalz]]).
'''Westrich''' (parfois ''Westerreich''<ref>{{Ouvrage|prénom1=Jost de|nom1=Negker|titre=German: Das hailig römisch reich mit sampt seinen gelidernThe Holy Roman Empire including its memberstitle QS:P1476,de:"Das hailig römisch reich mit sampt seinen gelidern"|date=1510date QS:P571,+1510-00-00T00:00:00Z/9|lire en ligne=https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Quaternion_Eagle_by_Jost_de_Negker.jpg|consulté le=2022-12-28}}.</ref>, ou ''Westerrych''<ref>{{Article|langue=allemand|auteur1=Barbara Huber|titre=Im Zeichen der Unruhe. Symbolik bäuerlicher Protestbewegungen im oberdeutsdchen und eidgenossischen Raum|périodique=Thèse de l'université de Berne (Suisse)|date=11/11/2005|lire en ligne=https://biblio.unibe.ch/download/eldiss/05huber_b.pdf|pages=p. 318}}.</ref>), en ancien français ''Wastriche''<ref>{{Ouvrage|auteur1=Nicolas Volcyr de Sérouville|titre=L’histoire et recueil de la triomphante et glorieuse victoire, etc.|passage=Livre I, chap. I|lieu=Paris|éditeur=Galiot du Pré|date=1527|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k324157v.r=volcyr%20de%20S%C3%A9rouville?rk=214593;2|consulté le=23/01/2023}}.</ref>, ou ''Vestric''<ref>{{Ouvrage|auteur1=François-Antoine de Chevrier|titre=Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine, etc.|passage=98|lieu=Bruxelles|éditeur=(éditeur non connu)|date=1754|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=lxNAAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false|consulté le=23/01/2023}}.</ref>, est le nom d'une ancienne province du [[Saint-Empire romain germanique|Saint-Empire]]. Le terme est attesté à partir du {{s-|XIII}} ; le cœur de ce territoire se situait dans la vallée de la [[Sarre (rivière)|Sarre]], en incluant ses affluents, la [[Blies]], l'[[Albe (rivière)|Albe]] et la [[Nied allemande]]. Ses limites, qui ont fluctué dans le temps, étaient situées à l'est, le long des Vosges du nord et du [[Forêt palatine|Pfälzerwald]], à l'Ouest le long de la [[Moselle (rivière)|Moselle]] entre [[Sierck-les-Bains|Sierck]] et [[Sarrebourg (Allemagne)|Saarburg]], au sud le long de la vallée de la [[Seille (affluent de la Moselle)|Seille]]<ref group="e" name="p. 304">{{p.}}304.</ref> au nord, le long de la [[Nahe]]. Dans le Saint-Empire, le Westrich constitue une véritable mosaïque de territoires ; ces derniers sont partagés entre de nombreuses seigneuries, dont les duchés [[duché de Lorraine|de Lorraine]], de [[Palatinat-Deux-Ponts]], de [[Duché de Luxembourg|Luxembourg]], ainsi que l'[[Diocèse de Metz|évêché de Metz]], l'[[archevêché de Trèves]], l'électeur palatin, les comtés de [[Principauté de Nassau-Sarrebruck|Nassau-Sarrebruck]], de [[Comté de Veldenz|Veldenz]], de [[Comté de la Petite-Pierre|La Petite-Pierre]] de [[Comté de Deux-Ponts-Bitche|Deux-Ponts-Bitche]]. La dénomination "Westrich" est lentement tombée en désuétude après les ravages causés à cette province par la [[Guerre de Trente Ans|Guerre de Trente ans]]. C'est aujourd'hui une « province fantôme »<ref>A. Eiselé, A la recherche d'un pays fantôme - Le Westrich, Éditions ''Au Pays de Sarrebourg'' de la Société d'histoire et d'archéologie de Lorraine, [[Sarrebourg]], 1988.</ref> que recouvrent les territoires actuels de la [[Sarre (Land)|Sarre]], le [[Lorraine allemande|Nord-Est de la Moselle]] en incluant [[Dieuze]], l'[[Alsace bossue]], et le sud-ouest du Palatinat ([[Arrondissement du Palatinat-Sud-Ouest|Südwestpfalz]]).
[[Fichier:Westerreich.jpg|vignette|Le blason du Westrich ("Le Saint-Empire avec l'ensemble de ses territoires" de Jost de Negker, d'après une gravure sur bois de Hans Burgkmair l'ancien, 1510) ]]
[[Fichier:Westerreich.jpg|vignette|Le blason du Westrich ("Le Saint-Empire avec l'ensemble de ses territoires" de Jost de Negker, d'après une gravure sur bois de Hans Burgkmair l'ancien, 1510) ]]


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=== Le Westrich et son contexte au {{s-|XVI|e}} ===
=== Le Westrich et son contexte au {{s-|XVI|e}} ===
Les frontières du Westrich sont d'autant plus imprécises qu'elles ont fluctué au cours des siècles. La carte la plus ancienne est semble-t-il celle que [[Martin Waldseemüller|Martin Waldseemuller]] élabore à une date non connue mais antérieure à [[1508]]<ref group="e" name="p. 298">{{p.}}298.</ref> dans l'atelier du Gymnase de [[Saint-Dié]] et publiée par [[Jean Schott]] à [[Strasbourg]] en [[1513]] ; le cartographe, au service du [[duc de Lorraine]] [[René II de Lorraine|René II]], y représente de manière indicative les provinces respectives du Westrich (''VASTI REGNI DOMINI'') et du duché de Lorraine (''LOTHARINGIE DUCATUS''), ainsi nommés dans leurs blasons situés en haut de la carte.
Les frontières du Westrich sont d'autant plus imprécises qu'elles ont fluctué au cours des siècles. La carte la plus ancienne est semble-t-il celle que [[Martin Waldseemüller]] élabore à une date non connue mais antérieure à 1508<ref group="e" name="p. 298">{{p.}}298.</ref> dans l'atelier du Gymnase de [[Saint-Dié]] et publiée par [[Jean Schott]] à [[Strasbourg]] en 1513 ; le cartographe, au service du [[duc de Lorraine]] [[René II de Lorraine|René II]], y représente de manière indicative les provinces respectives du Westrich (''VASTI REGNI DOMINI'') et du duché de Lorraine (''LOTHARINGIE DUCATUS''), ainsi nommés dans leurs blasons situés en haut de la carte.
Les deux provinces étant figurées dans une perspective allant du Nord vers le sud, les Vosges se trouvent à gauche ; à droite et en bas de la carte figurent des blasons de divers comtés du duché de Lorraine et du Westrich<ref group="e" name="p. 307">{{p.}}307.</ref>: [[Image:Lotharingia-1508.jpg|vignette|droite|240px|Le Westrich ''(Vastum Regnum'') en tant qu'espace voisin du duché de Lorraine (''Lotharingia'') et situé au nord de la [[Seille (affluent de la Moselle)|Seille]] (Nord en bas de la carte). Carte<ref>[[Jean Schott|J. Schott]], ''Geographia Ptolemai'', [[Strasbourg]], 1513.</ref>Réalisée par [[Martin Waldseemüller|Martin Waldseemuller]]]]Pour le Westrich :
Les deux provinces étant figurées dans une perspective allant du Nord vers le sud, les Vosges se trouvent à gauche ; à droite et en bas de la carte figurent des blasons de divers comtés du duché de Lorraine et du Westrich<ref group="e" name="p. 307">{{p.}}307.</ref>: [[Image:Lotharingia-1508.jpg|vignette|droite|240px|Le Westrich ''(Vastum Regnum'') en tant qu'espace voisin du duché de Lorraine (''Lotharingia'') et situé au nord de la [[Seille (affluent de la Moselle)|Seille]] (Nord en bas de la carte). Carte<ref>[[Jean Schott|J. Schott]], ''Geographia Ptolemai'', [[Strasbourg]], 1513.</ref>Réalisée par [[Martin Waldseemüller|Martin Waldseemuller]]]]Pour le Westrich :
* au sud
* au sud
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[[Fichier:Porte-drapeau du Westrich.jpg|vignette|298x298px|Porte-drapeau présentant la bannière du "Westerreich"]]
[[Fichier:Porte-drapeau du Westrich.jpg|vignette|298x298px|Porte-drapeau présentant la bannière du "Westerreich"]]
Les provinces environnantes indiquées sont respectivement : au sud, le [[duché de Lorraine]] (''Lotringñ''), à l'Ouest, la cité de [[République messine|Metz (ville livre d'Empire)]], le comté de [[Luxembourg]] (''Lutzelburg'') ; au nord, on trouve l'archiépiscopat de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]] (''Trier''), l'''[[Eifel]]'' au nord de la Moselle, et le comté de Veldenz (''Veldentz''), près de la Nahe ; à l'est, le Palatinat est indiqué entre la [[Lauter (rivière)|Lauter]] et la ville de [[Bingen am Rhein|Bingen]], son centre est [[Worms (Allemagne)|Worms.]]
Les provinces environnantes indiquées sont respectivement : au sud, le [[duché de Lorraine]] (''Lotringñ''), à l'Ouest, la cité de [[République messine|Metz (ville livre d'Empire)]], le comté de [[Luxembourg]] (''Lutzelburg'') ; au nord, on trouve l'archiépiscopat de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]] (''Trier''), l'''[[Eifel]]'' au nord de la Moselle, et le comté de Veldenz (''Veldentz''), près de la Nahe ; à l'est, le Palatinat est indiqué entre la [[Lauter (rivière)|Lauter]] et la ville de [[Bingen am Rhein|Bingen]], son centre est [[Worms (Allemagne)|Worms.]]



=== Le Westrich dans l'histoire contemporaine ===
=== Le Westrich dans l'histoire contemporaine ===
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[[Fichier:Pfaelzerwaldkarte.png|vignette|redresse|Carte allemande contemporaine reprenant le nom de Westrich en un sens restreint (Zweibrücker Westrich).]]
[[Fichier:Pfaelzerwaldkarte.png|vignette|redresse|Carte allemande contemporaine reprenant le nom de Westrich en un sens restreint (Zweibrücker Westrich).]]
Dans une carte récente, on retrouve le terme dans un sens restreint, sous l'appellation "Zweibrücker Westrich", cette expression désignant un territoire qui s'étend entre [[Deux-Ponts]] et la crête du [[Forêt palatine|Pfälzerwald]] et des [[Vosges du Nord]], l'est du [[Pays de Bitche]], jusqu'à [[La Petite-Pierre|La-Petite-Pierre]].[[Fichier:Potzberg Panorama 1-1.jpg|vignette|gauche|<center>Paysage du Westrich.<br />''Vue du [[mont Tonnerre]] depuis le {{Lien|langue=de|trad=Potzberg|fr=Potzberg|texte=Potzberg}}.''</center>]]
Dans une carte récente, on retrouve le terme dans un sens restreint, sous l'appellation "Zweibrücker Westrich", cette expression désignant un territoire qui s'étend entre [[Deux-Ponts]] et la crête du [[Forêt palatine|Pfälzerwald]] et des [[Vosges du Nord]], l'est du [[Pays de Bitche]], jusqu'à [[La Petite-Pierre|La-Petite-Pierre]].[[Fichier:Potzberg Panorama 1-1.jpg|vignette|gauche|<center>Paysage du Westrich.<br />''Vue du [[mont Tonnerre]] depuis le {{Lien|langue=de|trad=Potzberg|fr=Potzberg|texte=Potzberg}}.''</center>]]













=== Étymologie ===
=== Étymologie ===
''Westrich'' est une forme de l'allemand contemporain ''Westerreich'' qui signifie « royaume de l'Ouest » ; sa structure est comparable à celle du terme ''Österreich'', pour "royaume de l'Est" ("''Austriche''" en moyen français, puis [[Autriche]]). Emergé au {{s-|XIII|e}}<ref group="e" name="p. 298"/>, ce concept surgit alors comme un pendant<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 26, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref> à l'''[[Autriche]]''<ref group="e'" name="p. 35">{{p.}}35.</ref>, à une époque où les [[Wittelsbach]] affirment leur puissance d'une part vers l'est sur la [[Bavière]] et d'autre part vers l'ouest sur le [[Palatinat du Rhin|Palatinat]] en acquérant en [[1394]] le [[Palatinat-Deux-Ponts]]. Westrich et Autriche apparaissent ainsi comme les domaines voisins occidentaux et orientaux des [[Wittelsbach]], sinon comme un affichage de leurs ambitions territoriales.
''Westrich'' est une forme de l'allemand contemporain ''Westerreich'' qui signifie « royaume de l'Ouest » ; sa structure est comparable à celle du terme ''Österreich'', pour "royaume de l'Est" ("''Austriche''" en moyen français, puis [[Autriche]]). Emergé au {{s-|XIII|e}}<ref group="e" name="p. 298"/>, ce concept surgit alors comme un pendant<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 26, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref> à l'''[[Autriche]]''<ref group="e'" name="p. 35">{{p.}}35.</ref>, à une époque où les [[Wittelsbach]] affirment leur puissance d'une part vers l'est sur la [[Bavière]] et d'autre part vers l'ouest sur le [[Palatinat du Rhin|Palatinat]] en acquérant en 1394 le [[Palatinat-Deux-Ponts]]. Westrich et Autriche apparaissent ainsi comme les domaines voisins occidentaux et orientaux des [[Wittelsbach]], sinon comme un affichage de leurs ambitions territoriales.


La traduction [[latin]]e est ''Westrichia'' ou ''Westratia''<ref name="Kupcick">I. Kupcick, trad. S. Bartosek, ''Cartes géographiques anciennes'', p . 84-85 & 100, Gründ, Paris , 1981.</ref>. [[Martin Waldseemüller|Martin Waldseemuller]], cartographe du [[Duc de Lorraine]] [[René II de Lorraine|René II de Vaudemont et d'Anjou]], le désigne par un [[jeu de mots]] ''Vastum Regnum'', c'est-à-dire « Vaste Royaume » que connotent les sous-entendus de dévastation, vide et donc disponibilité, pour des raisons idéologiques, à savoir le présenter comme un domaine naturel d'annexion au [[duché de Lorraine]]<ref group="e">{{p.}}301 et 303.</ref> et non comme part occidentale de l'Empire et de la province du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]]. Sa signification originelle d'« ''ouest du Palatinat'' » (= du Saint-Empire) est ainsi gommée.
La traduction [[latin]]e est ''Westrichia'' ou ''Westratia''<ref name="Kupcick">I. Kupcick, trad. S. Bartosek, ''Cartes géographiques anciennes'', p . 84-85 & 100, Gründ, Paris , 1981.</ref>. [[Martin Waldseemüller|Martin Waldseemuller]], cartographe du [[Duc de Lorraine]] [[René II de Lorraine|René II de Vaudemont et d'Anjou]], le désigne par un [[jeu de mots]] ''Vastum Regnum'', c'est-à-dire « Vaste Royaume » que connotent les sous-entendus de dévastation, vide et donc disponibilité, pour des raisons idéologiques, à savoir le présenter comme un domaine naturel d'annexion au [[duché de Lorraine]]<ref group="e">{{p.}}301 et 303.</ref> et non comme part occidentale de l'Empire et de la province du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]]. Sa signification originelle d'« ''ouest du Palatinat'' » (= du Saint-Empire) est ainsi gommée.


=== Blason ===
=== Blason ===
Le Westrich n'étant pas un [[fief]] bien délimité mais une mosaïque devenue un enjeu de rivalités entre princes et seigneurs régionaux et locaux, les images varient. Des [[armoiries]] imaginaires lui ont été attribuées par une manière de revendication généalogique, à savoir ''[[Liste de pièces héraldiques#Cotice|coticé]] d'[[or (héraldique)|or]] et d'[[azur (héraldique)|azur]] de huit pièces''<ref>Cf. supra carte.</ref>. Ce [[Héraldique#Blason|blason]], revendiqué par [[René II de Lorraine]] comme antérieur à celui de la [[Maison de Lorraine]]<ref>L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande . Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine II, v 3, p. 46 & 47, Nancy, 1861.</ref>, traduit un imaginaire<ref group="e" name="p. 32">{{p.}}32.</ref> reliant la [[Lotharingie]] à l'[[Austrasie]]<ref>J. Mussey, ''Epitre'' in ''La Lorraine ancienne et moderne, ou L'ancien duché de Mosellane, véritable origine de la maison royale et du duché moderne de Lorraine'', -, Nancy, 1712.</ref>dont les armoiries, tout aussi imaginaires mais reprises avec pour [[brisure]] une [[Liste de pièces héraldiques#Bordure|bordure]] de [[gueules]] par une [[Histoire de la Bourgogne|Bourgogne]]<ref name="Segoing">[https://books.google.fr/books?id=fFA_AAAAcAAJ&pg=PA84&lpg=PA84&dq=%22cotic%C3%A9+d%27argent+et+d%27azur+%C3%A0+six+pi%C3%A8ces%22&source=bl&ots=YhEjcDmsz0&sig=JV8bUjCExyhngLS4M_F3vr68uyo&hl=fr&sa=X&ei=gjwrT-uXJs2T8gPFqeTjDg&redir_esc=y#v=onepage&q=%22cotic%C3%A9%20d'argent%20et%20d'azur%20%C3%A0%20six%20pi%C3%A8ces%22&f=false Ch. Segoing, ''Trésor héraldique ou Mercure armorial'', p. 84, Clouzier Clouzier & Clément, Paris, 1657].</ref> prétendant reconstituer l'antique [[Lotharingie]], étaient « [[Liste de pièces héraldiques#Bande|bandé]] d'[[or (héraldique)|or]] et d'[[azur (héraldique)|azur]] de six pièces »<ref name="Segoing"/>.De même, on retrouve dans un armorial plus tardif<ref>Wappenbuch, II, p. 3, Bibliothèque de Nancy, [[Nuremberg]], 1657.</ref> les armes du Westrich presque identiques à celles-ci de l'[[Austrasie]], ''[[Liste de pièces héraldiques#Bande|bandé]] d'[[argent (héraldique)|argent]] et d'[[azur (héraldique)|azur]] de six pièces''<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 47, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref>.
Le Westrich n'étant pas un [[fief]] bien délimité mais une mosaïque devenue un enjeu de rivalités entre princes et seigneurs régionaux et locaux, les images varient. Des [[armoiries]] imaginaires lui ont été attribuées par une manière de revendication généalogique, à savoir ''[[Liste de pièces héraldiques#Cotice|coticé]] d'[[or (héraldique)|or]] et d'[[azur (héraldique)|azur]] de huit pièces''<ref>Cf. supra carte.</ref>. Ce [[Blason (héraldique)|blason]], revendiqué par [[René II de Lorraine]] comme antérieur à celui de la [[Maison de Lorraine]]<ref>L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande . Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine II, v 3, p. 46 & 47, Nancy, 1861.</ref>, traduit un imaginaire<ref group="e" name="p. 32">{{p.}}32.</ref> reliant la [[Lotharingie]] à l'[[Austrasie]]<ref>J. Mussey, ''Epitre'' in ''La Lorraine ancienne et moderne, ou L'ancien duché de Mosellane, véritable origine de la maison royale et du duché moderne de Lorraine'', -, Nancy, 1712.</ref>dont les armoiries, tout aussi imaginaires mais reprises avec pour [[brisure]] une [[Liste de pièces héraldiques#Bordure|bordure]] de [[gueules]] par une [[Histoire de la Bourgogne|Bourgogne]]<ref name="Segoing">[https://books.google.fr/books?id=fFA_AAAAcAAJ&pg=PA84&lpg=PA84&dq=%22cotic%C3%A9+d%27argent+et+d%27azur+%C3%A0+six+pi%C3%A8ces%22&source=bl&ots=YhEjcDmsz0&sig=JV8bUjCExyhngLS4M_F3vr68uyo&hl=fr&sa=X&ei=gjwrT-uXJs2T8gPFqeTjDg&redir_esc=y#v=onepage&q=%22cotic%C3%A9%20d'argent%20et%20d'azur%20%C3%A0%20six%20pi%C3%A8ces%22&f=false Ch. Segoing, ''Trésor héraldique ou Mercure armorial'', p. 84, Clouzier Clouzier & Clément, Paris, 1657].</ref> prétendant reconstituer l'antique [[Lotharingie]], étaient « [[Liste de pièces héraldiques#Bande|bandé]] d'[[or (héraldique)|or]] et d'[[azur (héraldique)|azur]] de six pièces »<ref name="Segoing"/>.De même, on retrouve dans un armorial plus tardif<ref>Wappenbuch, II, p. 3, Bibliothèque de Nancy, [[Nuremberg]], 1657.</ref> les armes du Westrich presque identiques à celles-ci de l'[[Austrasie]], ''[[Liste de pièces héraldiques#Bande|bandé]] d'[[argent (héraldique)|argent]] et d'[[azur (héraldique)|azur]] de six pièces''<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 47, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref>.


Par ailleurs, le nom ''Westrich'' subsiste comme patronyme ; il est rare, et présent essentiellement dans l'aire recouvrant et environnant le territoire historique, soit en Allemagne, l'est de la Sarre et l'Ouest du Palatinat, et en France, en Lorraine et en Alsace.
Par ailleurs, le nom ''Westrich'' subsiste comme patronyme ; il est rare, et présent essentiellement dans l'aire recouvrant et environnant le territoire historique, soit en Allemagne, l'est de la Sarre et l'Ouest du Palatinat, et en France, en Lorraine et en Alsace.


== Histoire ==
== Histoire ==
Dans l'[[Antiquité]], la partie ouest de la [[Belgique première]] est parcourue par la « ''[[route|via]] regalis'' » reliant [[Metz|Divodurum]] (Metz) à [[Mayence|Mongotiacum]] (Mayence) et à [[Worms (Allemagne)|Borbetomagus]] (Worms) en passant par la future [[Kaiserslautern|Villa Luthra]] (Kaiserslautern). Elle croisait en l'actuel lieu-dit {{Lien|langue=de|trad=Schwarzenacker|fr=Champ noir}}, entre les actuels [[Sarrebruck]] et [[Hombourg (Sarre)|Hombourg]], la route reliant [[Trèves (Allemagne)|Augusta Trevorum]] (Trèves), capitale des [[Préfecture du prétoire des Gaules|Gaules romaines]] ou [[Empire des Gaules|sécessionnistes]], et [[Strasbourg|Argentoratum]] (Strasbourg) le long de la vallée du [[Sarre (rivière)|Saravus]] (Sarre) en passant par [[Merzig|Martiaticum]] (Merzig) et [[Sarrebourg|Pons Saravi]] (Sarrebourg).
Dans l'Antiquité, la partie ouest de la [[Belgique première]] est parcourue par la « ''[[route|via]] regalis'' » reliant [[Metz|Divodurum]] (Metz) à [[Mayence|Mongotiacum]] (Mayence) et à [[Worms (Allemagne)|Borbetomagus]] (Worms) en passant par la future [[Kaiserslautern|Villa Luthra]] (Kaiserslautern). Elle croisait en l'actuel lieu-dit {{Lien|langue=de|trad=Schwarzenacker|fr=Champ noir}}, entre les actuels [[Sarrebruck]] et [[Hombourg (Sarre)|Hombourg]], la route reliant [[Trèves (Allemagne)|Augusta Trevorum]] (Trèves), capitale des [[Préfecture du prétoire des Gaules|Gaules romaines]] ou [[Empire des Gaules|sécessionnistes]], et [[Strasbourg|Argentoratum]] (Strasbourg) le long de la vallée du [[Sarre (rivière)|Saravus]] (Sarre) en passant par [[Merzig|Martiaticum]] (Merzig) et [[Sarrebourg|Pons Saravi]] (Sarrebourg).


=== Le ''far-west'' du Palatinat (880-1525) ===
=== Le ''far-west'' du Palatinat (880-1525) ===
[[Fichier:Armoiries Comté Palatin du Rhin.svg|vignette|gauche|170px|Le {{lien|lang=de|trad=Pfälzer Löwe|fr=Lion palatin|texte=Lion}} aux couleurs des [[Hohenstauffen]] apparaît en [[1190]] sur des monnaies de [[Conrad Ier du Palatinat|Conrad {{Ier}}]] et gagne une couronne avec la [[Bulle d'Or]]. Il a depuis été adopté par de nombreux cantons du Westrich allemand.]]
[[Fichier:Armoiries Comté Palatin du Rhin.svg|vignette|gauche|170px|Le {{lien|lang=de|trad=Pfälzer Löwe|fr=Lion palatin|texte=Lion}} aux couleurs des [[Hohenstauffen]] apparaît en 1190 sur des monnaies de [[Conrad Ier du Palatinat|Conrad {{Ier}}]] et gagne une couronne avec la [[Bulle d'Or]]. Il a depuis été adopté par de nombreux cantons du Westrich allemand.]]
==== Une zone intermédiaire entre les centres de pouvoir ====
==== Une zone intermédiaire entre les centres de pouvoir ====
[[Ressort en droit français|Ressort]] aux confins de la [[Germanie supérieure]] des [[civitas|cités]] des [[Trévires]], qui occupent la basse [[Moselle (département)|Moselle]], pour sa partie nord et des [[Médiomatriques]], qui sont en amont, pour sa partie sud, puis respectivement des [[diocèse]]s de l'[[archevêque]] de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]] et de l'[[évêque]] de [[Metz]], ce territoire sort du [[Moyen Âge|Haut Moyen Âge]] par ses marges :
[[Ressort en droit français|Ressort]] aux confins de la [[Germanie supérieure]] des [[civitas|cités]] des [[Trévires]], qui occupent la basse [[Moselle (département)|Moselle]], pour sa partie nord et des [[Médiomatriques]], qui sont en amont, pour sa partie sud, puis respectivement des [[diocèse]]s de l'[[archevêque]] de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]] et de l'[[évêque]] de [[Metz]], ce territoire sort du [[Moyen Âge|Haut Moyen Âge]] par ses marges :


* en [[903]], le [[Duché de Franconie|franconien]] [[Gebhard de Lotharingie|Gebhard]], comte de [[Rheingau]], attache à son domaine propre, cœur du futur [[Palatinat du Rhin|Palatinat]], le titre de [[Duc de Lotharingie|Duc]] de [[Lotharingie#Louis l'Enfant et le premier duc (900-911)|Lotharingie]], avec laquelle le futur Westrich fait la liaison ;
* en 903, le [[Duché de Franconie|franconien]] [[Gebhard de Lotharingie|Gebhard]], comte de [[Rheingau]], attache à son domaine propre, cœur du futur [[Palatinat du Rhin|Palatinat]], le titre de [[Duc de Lotharingie|Duc]] de [[Lotharingie#Louis l'Enfant et le premier duc (900-911)|Lotharingie]], avec laquelle le futur Westrich fait la liaison ;
* en [[982]], [[Sarrebourg]], étape commerciale vers l'[[Alsace]], obtient de l'[[diocèse de Metz|évêque de Metz]] la [[Privilège (droit médiéval)|franchise]] de battre monnaie ;
* en 982, [[Sarrebourg]], étape commerciale vers l'[[Alsace]], obtient de l'[[diocèse de Metz|évêque de Metz]] la [[Privilège (droit médiéval)|franchise]] de battre monnaie ;
* entre [[1047]] et [[1048]], l'[[Alsace|Alsacien]] [[Adalbert d'Alsace|Adalbert]], premier [[Duc de Lorraine]], fait construire le [[Château de Pierre-Percée|château de Langenstein]], base du [[Salm-en-Vosges|comté de Salm]] ;
* entre 1047 et 1048, l'[[Alsace|Alsacien]] [[Adalbert d'Alsace|Adalbert]], premier [[Duc de Lorraine]], fait construire le [[Château de Pierre-Percée|château de Langenstein]], base du [[Salm-en-Vosges|comté de Salm]] ;
* en [[1074]], [[Conrad II le Salique]], comte de [[Spire (ville)|Spire]], fait de [[Château de Kaiserslautern|Lautern]] une cour [[Saint-Empire romain germanique|impériale]] ;
* en 1074, [[Conrad II le Salique]], comte de [[Spire (ville)|Spire]], fait de [[Château de Kaiserslautern|Lautern]] une cour [[Saint-Empire romain germanique|impériale]] ;
* en [[1152]], [[Frédéric Barberousse|Frédéric]] de [[Hohenstaufen|Hohenstauffen]] en fait la résidence du [[Roi des Romains]] tout en installant son cadet, [[Conrad Ier du Palatinat|Conrad]], à [[Heidelberg]] à la tête du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]] ;
* en 1152, [[Frédéric Barberousse|Frédéric]] de [[Hohenstaufen|Hohenstauffen]] en fait la résidence du [[Roi des Romains]] tout en installant son cadet, [[Conrad Ier du Palatinat|Conrad]], à [[Heidelberg]] à la tête du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]] ;
* en [[1179]], le [[traité de Ribemont]] sépare le futur Westrich de la [[Duché de Lorraine#La Haute-Lotharingie|Haute-Lotharingie]].
* en 1179, le [[traité de Ribemont]] sépare le futur Westrich de la [[Duché de Lorraine#La Haute-Lotharingie|Haute-Lotharingie]].


==== Développement et naissance du Westrich au {{s-|XIII|e}} ====
==== Développement et naissance du Westrich au {{s-|XIII|e}} ====
Le Westrich acquiert son nom au siècle suivant<ref group="e" name="p. 298"/>. C'est l'époque où [[Albert Ier du Saint-Empire|Hasbourgs]] et [[Philippe IV de France|Capétiens]] construisent leurs territoires nationaux et qui s'achève en [[1299]] par l'[[entrevue de Quatrevaux]] au cours de laquelle est fixée sur la [[Meuse (fleuve)|Meuse]] la frontière entre [[Saint-Empire romain germanique|Empire]] et [[Royaume de France|Royaume]].
Le Westrich acquiert son nom au siècle suivant<ref group="e" name="p. 298"/>. C'est l'époque où [[Albert Ier du Saint-Empire|Hasbourgs]] et [[Philippe IV de France|Capétiens]] construisent leurs territoires nationaux et qui s'achève en 1299 par l'[[entrevue de Quatrevaux]] au cours de laquelle est fixée sur la [[Meuse (fleuve)|Meuse]] la frontière entre [[Saint-Empire romain germanique|Empire]] et [[Royaume de France|Royaume]].


Le terme lui-même de ''Westrich'' est mentionné dans un document de [[1295]]<ref group="e'" name="p. 34">{{p.}}34.</ref>, le plus ancien qui reste. Ses [[fief]]s sont décrits dans de nombreux documents postérieurs<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, pp 22-28, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref> dont, un siècle et demi plus tard, une carte de [[Nicolas de Cues]]<ref group="e" name="p. 299">{{p.}}299.</ref>, Westrichois de naissance. Ce nom, qui signifie en allemand ''royaume'' ou ''région de l'Ouest'', indique un peuplement autour de quelques seigneuries agricoles et forestières, telle celle les ''{{lien|lang=de|trad=Wildgrafen|fr=Comtes sauvages}}'' de [[Maison de Salm|Salm]], et de quelques abbayes isolées, telle celle de [[Herbitzheim]], organisé à partir de la rive droite du [[Rhin]]<ref group="e'" name="p. 34"/> et [[Heidelberg]], capitale du Bas-Palatinat ou [[Palatinat du Rhin]].
Le terme lui-même de ''Westrich'' est mentionné dans un document de 1295<ref group="e'" name="p. 34">{{p.}}34.</ref>, le plus ancien qui reste. Ses [[fief]]s sont décrits dans de nombreux documents postérieurs<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, pp 22-28, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref> dont, un siècle et demi plus tard, une carte de [[Nicolas de Cues]]<ref group="e" name="p. 299">{{p.}}299.</ref>, Westrichois de naissance. Ce nom, qui signifie en allemand ''royaume'' ou ''région de l'Ouest'', indique un peuplement autour de quelques seigneuries agricoles et forestières, telle celle les ''{{lien|lang=de|trad=Wildgrafen|fr=Comtes sauvages}}'' de [[Maison de Salm|Salm]], et de quelques abbayes isolées, telle celle de [[Herbitzheim]], organisé à partir de la rive droite du [[Rhin]]<ref group="e'" name="p. 34"/> et [[Heidelberg]], capitale du Bas-Palatinat ou [[Palatinat du Rhin]].


À partir d'exploitations traditionnelles, s'y développent également au cours du {{s-|XIII|e}}, grâce aux inventions cent cinquante ans plus tôt du [[moulin]] à [[arbre à cames]] et du [[harnais]] pour [[cheval]] qui multiplie par deux la productivité du [[débardage]], des centres industriels qui bénéficient des ressources en bois et en eau et fournissent les cours princières et épiscopales voisines en minerais et métaux, en [[papier]] et en [[Sel alimentaire|sel]], tel [[Marsal (Moselle)|Marsal]], en [[céramique]] et [[verre]], tel [[Sarrebourg]]. En [[1357]], les [[Liste des comtes palatins du Rhin|comtes palatins]] font leur le palais impérial de [[Kaiserslautern]]. En [[1394]] [[Robert II du Palatinat|Robert de Wittelsbach]] annexe une partie du [[comté de Deux-Ponts]], renommée [[Palatinat-Deux-Ponts]], une des cinq contrées du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]]<ref>[[:s:Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/40|Bassompierre - Journal de ma vie]].</ref>, à l'ouest du [[Rhin]].
À partir d'exploitations traditionnelles, s'y développent également au cours du {{s-|XIII|e}}, grâce aux inventions cent cinquante ans plus tôt du [[moulin]] à [[arbre à cames]] et du [[harnais]] pour [[cheval]] qui multiplie par deux la productivité du [[débardage]], des centres industriels qui bénéficient des ressources en bois et en eau et fournissent les cours princières et épiscopales voisines en minerais et métaux, en [[papier]] et en [[Sel alimentaire|sel]], tel [[Marsal (Moselle)|Marsal]], en [[céramique]] et [[verre]], tel [[Sarrebourg]]. En 1357, les [[Liste des comtes palatins du Rhin|comtes palatins]] font leur le palais impérial de [[Kaiserslautern]]. En 1394 [[Robert II du Palatinat|Robert de Wittelsbach]] annexe une partie du [[comté de Deux-Ponts]], renommée [[Palatinat-Deux-Ponts]], une des cinq contrées du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]]<ref>[[:s:Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/40|Bassompierre - Journal de ma vie]].</ref>, à l'ouest du [[Rhin]].


==== Bouleversements sociaux clôturant le Moyen Âge ====
==== Bouleversements sociaux clôturant le Moyen Âge ====
[[Image:Urs Graf Reislaeufer 1.jpg|vignette|droite|220px|Mercenaires, prostitution et massacres sont, durant la [[Guerre des Paysans allemands|guerre civile et religieuse]], le sort des zones rurales et frontalières tels le Westrich, la [[Guerres de Kappel|Suisse]], la [[Guerre des gueux|Flandre]].]]
[[Image:Urs Graf Reislaeufer 1.jpg|vignette|droite|220px|Mercenaires, prostitution et massacres sont, durant la [[Guerre des Paysans allemands|guerre civile et religieuse]], le sort des zones rurales et frontalières tels le Westrich, la [[Guerres de Kappel|Suisse]], la [[Guerre des gueux|Flandre]].]]
Le développement économique et démographique ne va pas sans exacerber les conflits entre [[bourgeoisie]] et noblesse locale qui tâche parfois de ne pas [[dérogeance|déroger]] en prenant des charges de [[maître de forges]] ou [[maître verrier]]. Dès [[1381]], le [[Oberstinzel|château de Sarreck]] est incendié par les marchands de [[Sarrebourg]]. Quatre-vingt-trois ans plus tard, le {{date|2 novembre 1464}}, le pouvoir central est obligé d'intervenir et le [[duc de Lorraine]] [[Jean II de Lorraine|Jean d'Anjou et de Calabre]] prend [[Sarrebourg]] pour en faire une garnison permanente.
Le développement économique et démographique ne va pas sans exacerber les conflits entre bourgeoisie et noblesse locale qui tâche parfois de ne pas déroger en prenant des charges de [[maître de forges]] ou [[maître verrier]]. Dès 1381, le [[Oberstinzel|château de Sarreck]] est incendié par les marchands de [[Sarrebourg]]. Quatre-vingt-trois ans plus tard, le {{date|2 novembre 1464}}, le pouvoir central est obligé d'intervenir et le [[duc de Lorraine]] [[Jean II de Lorraine|Jean d'Anjou et de Calabre]] prend [[Sarrebourg]] pour en faire une garnison permanente.


Le déclassement face à la [[bourgeoisie]] triomphante de la petite [[noblesse]], incapable de subvenir à l'[[ost]] et réduite à la rapine et à la [[Vendetta (justice privée)|vendetta]] qui s'ensuit, concurrencée par la [[piétaille]] des [[lansquenet]]s et [[Garde suisse|Suisses]] au service de [[Albrecht von Wallenstein|riches banquiers]], tentée par la [[sécularisation]] des biens du [[clergé]] et encouragée par la contestation [[Réforme luthérienne|luthérienne]], provoque la {{lien|lang=de|trad=Ritterkrieg|fr=Guerre des chevaliers|texte=mutinerie des chevaliers du Palatinat}}. Elle est conduite durant les années [[1522]] et [[1523]] dans le Westrich par un [[syndicat]] constitué, à l'instar de la [[Ligue de Souabe]], autour de [[Franz von Sickingen]], seigneur de {{Lien|langue=de|trad=Burg Nanstein|fr=château de Nanstein}}. Cette année de violence marque un effondrement de l'ordre social et un coup d'arrêt à la prééminence du [[Liste des comtes palatins du Rhin|comte palatin]] et de l'[[Électorat de Trèves|Électeur, Prince Archevêque]] de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]], dans la région.
Le déclassement face à la bourgeoisie triomphante de la petite noblesse, incapable de subvenir à l'[[ost]] et réduite à la rapine et à la [[Vendetta (justice privée)|vendetta]] qui s'ensuit, concurrencée par la [[piétaille]] des [[lansquenet]]s et [[Garde suisse|Suisses]] au service de [[Albrecht von Wallenstein|riches banquiers]], tentée par la [[sécularisation]] des biens du clergé et encouragée par la contestation [[Réforme luthérienne|luthérienne]], provoque la {{lien|lang=de|trad=Ritterkrieg|fr=Guerre des chevaliers|texte=mutinerie des chevaliers du Palatinat}}. Elle est conduite durant les années 1522 et 1523 dans le Westrich par un [[syndicat]] constitué, à l'instar de la [[Ligue de Souabe]], autour de [[Franz von Sickingen]], seigneur de {{Lien|langue=de|trad=Burg Nanstein|fr=château de Nanstein}}. Cette année de violence marque un effondrement de l'ordre social et un coup d'arrêt à la prééminence du [[Liste des comtes palatins du Rhin|comte palatin]] et de l'[[Électorat de Trèves|Électeur, Prince Archevêque]] de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]], dans la région.


Elle est suivie en [[1525]] par le « chambardement d'[[Herbitzheim]] », lieu de rassemblement des « paysans » du [[Bliesgau]], du [[Saargau]] et du [[Bailliage d'Allemagne|bailliage allemand]]<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci#page/24/mode/2up L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 24, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref> de la [[Duché de Lorraine|Lorraine]] partant rejoindre à [[Saverne]] [[Érasme Gerber]] dans sa [[Guerre des paysans en Alsace et en Lorraine#L’insurrection en Alsace et en Lorraine|guerre des Rustauds]]. La répression menée par le [[Ducs de Lorraine|duc]] [[Antoine de Lorraine|Antoine]] confère à celui-ci aux yeux de ses pairs [[Saint-Empire romain germanique|impériaux]] une légitimité à établir dans une région réputée ensauvagée au sein du [[Cercle électoral du Rhin|Cercle du Rhin]] un ordre au secours duquel se portera très vite la [[Contre-Réforme]].
Elle est suivie en 1525 par le « chambardement d'[[Herbitzheim]] », lieu de rassemblement des « paysans » du [[Bliesgau]], du [[Saargau]] et du [[Bailliage d'Allemagne|bailliage allemand]]<ref>[https://archive.org/stream/memoiresdelasoci11soci#page/24/mode/2up L. Benoît, ''Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich'' in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 24, A. Lepage impr., Nancy, 1861.]</ref> de la [[Duché de Lorraine|Lorraine]] partant rejoindre à [[Saverne]] [[Érasme Gerber]] dans sa [[Guerre des paysans en Alsace et en Lorraine|guerre des Rustauds]]. La répression menée par le [[Ducs de Lorraine|duc]] [[Antoine de Lorraine|Antoine]] confère à celui-ci aux yeux de ses pairs [[Saint-Empire romain germanique|impériaux]] une légitimité à établir dans une région réputée ensauvagée au sein du [[Cercle électoral du Rhin|Cercle du Rhin]] un ordre au secours duquel se portera très vite la [[Contre-Réforme]].


=== Le ''Vastum Regnum'' et le duché de Lorraine (1526-1659) ===
=== Le ''Vastum Regnum'' et le duché de Lorraine (1526-1659) ===
==== L'expansionnisme lorrain ====
==== L'expansionnisme lorrain ====
Dès lors, la partie [[Massif des Vosges|vosgienne]] du Westrich devient l'objet de l'[[expansionnisme]] progressif et systématique du [[duché de Lorraine]], déjà présent dans la partie aval depuis le [[condominium]] sur [[Merzig]] conclu en [[1368]] par [[Raoul de Lorraine|Raoul le Vaillant]] avec l'[[archevêché de Trèves|archevêque]] de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]]. La pression des ducs de Lorraine se renforce considérablement à la suite de la [[Guerre des paysans en Alsace et en Lorraine|Guerre des Paysans]], de la conception progressive d'un catholicisme de combat, et d'une « [[frontière de catholicité]] » ; l'unicité et la complémentarité interne du Westrich succomberont lors de la phase la plus terrible, le conflit européen de la Guerre de Trente Ans. Tombent successivement dans le [[Ban (territoire)|ban]] de la [[maison de Lorraine]], en accroissant son [[bailliage d'Allemagne|bailliage allemand]] jusqu'aux frontières franco-allemandes actuelles et le tiers aval de l'actuel land de [[Sarre (Land)|Sarre]] :
Dès lors, la partie [[Massif des Vosges|vosgienne]] du Westrich devient l'objet de l'[[expansionnisme]] progressif et systématique du [[duché de Lorraine]], déjà présent dans la partie aval depuis le [[condominium]] sur [[Merzig]] conclu en 1368 par [[Raoul de Lorraine|Raoul le Vaillant]] avec l'[[archevêché de Trèves|archevêque]] de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]]. La pression des ducs de Lorraine se renforce considérablement à la suite de la [[Guerre des paysans en Alsace et en Lorraine|Guerre des Paysans]], de la conception progressive d'un catholicisme de combat, et d'une « [[frontière de catholicité]] » ; l'unicité et la complémentarité interne du Westrich succomberont lors de la phase la plus terrible, le conflit européen de la Guerre de Trente Ans. Tombent successivement dans le [[Ban (territoire)|ban]] de la [[maison de Lorraine]], en accroissant son [[bailliage d'Allemagne|bailliage allemand]] jusqu'aux frontières franco-allemandes actuelles et le tiers aval de l'actuel land de [[Sarre (Land)|Sarre]] :
* en [[1527]], le [[comté de Sarrewerden]] ;
* en 1527, le [[comté de Sarrewerden]] ;
* en [[1560]], le [[Comté (domaine)|comté]] de [[Blâmont]] ;
* en 1560, le [[Comté (domaine)|comté]] de [[Blâmont]] ;
* en [[1562]], - la ville de [[Sarrebourg]] militairement occupée depuis un siècle,
* en 1562, - la ville de [[Sarrebourg]] militairement occupée depuis un siècle,
** la ville de [[Sarralbe]] ;
** la ville de [[Sarralbe]] ;
* en [[1571]], le [[comté de Deux-Ponts-Bitche]] ;
* en 1571, le [[comté de Deux-Ponts-Bitche]] ;
* en [[1576]], [[châtellenie]] de [[Hombourg-Haut|Hombourg]]-[[Saint-Avold]], achetée en [[1581]] directement par le [[duc de Lorraine]], [[Charles III de Lorraine|Charles III]] ;
* en 1576, [[châtellenie]] de [[Hombourg-Haut|Hombourg]]-[[Saint-Avold]], achetée en 1581 directement par le [[duc de Lorraine]], [[Charles III de Lorraine|Charles III]] ;
* en [[1584]], [[Phalsbourg]] ;
* en 1584, [[Phalsbourg]] ;
* en [[1591]], par mariage, une moitié [[indivision|indivise]] du [[Comté (domaine)|comté]] de [[Salm-en-Vosges|Salm]] ;
* en 1591, par mariage, une moitié [[indivision|indivise]] du [[Comté (domaine)|comté]] de [[Salm-en-Vosges|Salm]] ;
* en [[1593]], [[Marsal (Moselle)|Marsal]] ;
* en 1593, [[Marsal (Moselle)|Marsal]] ;
* en [[1600]], [[Turquestein]] ;
* en 1600, [[Turquestein]] ;
* en [[1623]], [[Lixheim]] ;
* en 1623, [[Lixheim]] ;
* en [[1629]], le [[comté de Sarrewerden]] est militairement [[confiscation|confisqué]] par son [[suzerain]].
* en 1629, le [[comté de Sarrewerden]] est militairement [[confiscation|confisqué]] par son [[suzerain]].


==== La Réforme et le partage du Westrich ====
==== La Réforme et le partage du Westrich ====
Cette annexion de [[1629]], avec celle de [[Sarre-Union|Bockheim]], est entérinée par un accord avec les [[Maison de Nassau|Nassau]] protestants. En [[1556]], durant le [[concile de Trente]], la [[Réforme luthérienne]] avait été introduite par des prédicateurs proches du [[coprince]] [[Adolf de Nassau en Sarrewerden]], en conflit avec le [[duc de Lorraine]], dans le [[comté de Sarrewerden]]. C'est l'origine de son rattachement futur à l'[[Alsace bossue|Alsace]]. La réforme concernait l'éducation, en ouvrant des établissements, le culte, en formant les prêtres, l'administration, en en éliminant les [[catholicisme|catholiques]], et les mœurs, en interdisant les fêtes telles que les [[Fête de la Saint-Jean|feux de la Saint-Jean]]. En [[1575]], c'est le [[comté de Sarrebruck]], nouvellement dirigé par [[Philippe IV de Nassau-Weilbourg]], qui avait été réformé par le prédicateur [[Gebhardt Beilstein]]. L'annexion de [[1629]] expose donc les habitants de l'[[comté de Sarrewerden|Alsace bossue]] à la [[Contre-Réforme]].
Cette annexion de 1629, avec celle de [[Sarre-Union|Bockheim]], est entérinée par un accord avec les [[Maison de Nassau|Nassau]] protestants. En 1556, durant le [[concile de Trente]], la [[Réforme luthérienne]] avait été introduite par des prédicateurs proches du [[coprince]] [[Adolf de Nassau en Sarrewerden]], en conflit avec le [[duc de Lorraine]], dans le [[comté de Sarrewerden]]. C'est l'origine de son rattachement futur à l'[[Alsace bossue|Alsace]]. La réforme concernait l'éducation, en ouvrant des établissements, le culte, en formant les prêtres, l'administration, en en éliminant les [[catholicisme|catholiques]], et les mœurs, en interdisant les fêtes telles que les [[Fête de la Saint-Jean|feux de la Saint-Jean]]. En 1575, c'est le [[comté de Sarrebruck]], nouvellement dirigé par [[Philippe IV de Nassau-Weilbourg]], qui avait été réformé par le prédicateur [[Gebhardt Beilstein]]. L'annexion de 1629 expose donc les habitants de l'[[comté de Sarrewerden|Alsace bossue]] à la [[Contre-Réforme]].


==== La guerre de Trente Ans ====
==== La guerre de Trente Ans ====
[[Fichier:The Stake by Jacques Callot.jpg|vignette|gauche|280px|<center>''Le Bûcher'' - [[Jacques Callot]] - [[1633]].<br />La [[guerre de Trente Ans]] et son horreur [[modernité|moderne]] internationalise un conflit civil antérieur.</center>]]
[[Fichier:The Stake by Jacques Callot.jpg|vignette|gauche|280px|<center>''Le Bûcher'' - [[Jacques Callot]] - 1633.<br />La [[guerre de Trente Ans]] et son horreur [[modernité|moderne]] internationalise un conflit civil antérieur.</center>]]
Le Westrich est durement touché par la [[guerre de Trente Ans]] et certaines zones se dépeuplent. Par exemple celle de [[Sarrebruck]] perd au moins 60 % de sa population.
Le Westrich est durement touché par la [[guerre de Trente Ans]] et certaines zones se dépeuplent. Par exemple celle de [[Sarrebruck]] perd au moins 60 % de sa population.
::::::::::::* En [[1635]], [[Matthias Gallas]], au service de la [[Ligue catholique (Saint-Empire)|Ligue catholique]], fondée par les [[Maximilien Ier de Bavière (électeur)|Wittelsbach]] de [[Bavière]] et animée par le [[Nicolas-François de Lorraine|Duc de Lorraine]] en exil, assiège [[Deux-Ponts]] défendue par [[Reinhold de Rosen]] au service de l'[[Union protestante]], fondée par les [[Frédéric V du Palatinat|Wittelsbach]] du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]] et alliée à la [[France]]. La ville est rasée.
::::::::::::* En 1635, [[Matthias Gallas]], au service de la [[Ligue catholique (Saint-Empire)|Ligue catholique]], fondée par les [[Maximilien Ier de Bavière (électeur)|Wittelsbach]] de Bavière et animée par le [[Nicolas-François de Lorraine|Duc de Lorraine]] en exil, assiège [[Deux-Ponts]] défendue par [[Reinhold de Rosen]] au service de l'[[Union protestante]], fondée par les [[Frédéric V du Palatinat|Wittelsbach]] du [[Palatinat du Rhin|Palatinat]] et alliée à la [[France]]. La ville est rasée.
::::::::::::* La population de [[Kaiserslautern]] est massacrée ou chassée par les Croates du lieutenant de [[Matthias Gallas|Gallas]], {{Lien|langue=de|fr=Melchior von Hatzfeldt}} deux fois, en juillet à l'aller, en novembre au retour.
::::::::::::* La population de [[Kaiserslautern]] est massacrée ou chassée par les Croates du lieutenant de [[Matthias Gallas|Gallas]], {{Lien|langue=de|fr=Melchior von Hatzfeldt}} deux fois, en juillet à l'aller, en novembre au retour.
::::::::::::* [[Berus]], parce qu'appartenant à la [[Duché de Lorraine|Lorraine]], est anéantie par les armées [[Suède|suédoises]] d'[[Axel Oxenstierna]] alliées à la [[France]] depuis le [[traité de Barwald]] dans le parti protestant. La ville ne sera reconstruite que quarante-cinq ans plus tard sept kilomètres en aval sous le nom de [[Sarrelouis]].
::::::::::::* [[Berus]], parce qu'appartenant à la [[Duché de Lorraine|Lorraine]], est anéantie par les armées [[Suède|suédoises]] d'[[Axel Oxenstierna]] alliées à la [[France]] depuis le [[traité de Barwald]] dans le parti protestant. La ville ne sera reconstruite que quarante-cinq ans plus tard sept kilomètres en aval sous le nom de [[Sarrelouis]].


::::::::::::* Deux ans plus tard, en [[1637]], on ne compte que soixante-dix survivants dans [[Sarrebruck]] détruite.
::::::::::::* Deux ans plus tard, en 1637, on ne compte que soixante-dix survivants dans [[Sarrebruck]] détruite.


S'ensuivent [[épidémie]]s de [[peste]] et [[famine]]s.
S'ensuivent [[épidémie]]s de [[peste]] et [[famine]]s.


=== La Sarre franco-suédoise (1660-1815) ===
=== La Sarre franco-suédoise (1660-1815) ===
Vers [[1665]], [[Oberstinzel|Sarreck]], [[Fénétrange]], [[Sarrewerden]], [[Sarralbe]], [[Sarreguemines]] et [[Bitche]] sont constitués par le [[duc de Lorraine]] [[Charles IV de Lorraine|Charles IV]] en un duché de « Sareland » au bénéfice de son fils adultérin, le prince de [[Vaudémont]], lequel duché retourna en [[1707]] au [[duc de Lorraine]]<ref group="e">{{p.}}315.</ref>.
Vers 1665, [[Oberstinzel|Sarreck]], [[Fénétrange]], [[Sarrewerden]], [[Sarralbe]], [[Sarreguemines]] et [[Bitche]] sont constitués par le [[duc de Lorraine]] [[Charles IV de Lorraine|Charles IV]] en un duché de « Sareland » au bénéfice de son fils adultérin, le prince de [[Vaudémont]], lequel duché retourna en 1707 au [[duc de Lorraine]]<ref group="e">{{p.}}315.</ref>.


Cela n'empêche pas le [[Royaume de France|Royaume]] de continuer sa politique d'encerclement de la [[Lorraine]] [[Saint-Empire romain germanique|impériale]]. En [[1677]], au décours de la [[bataille de Consarbrück]], [[Sarrebruck]] est incendié, seules huit maisons restant debout. En [[1680]], les troupes du [[Jacques Henri de Durfort|maréchal de Duras]] investissent [[Deux-Ponts]]. Aussitôt la [[Sarre (Land)|Sarre]] ([[comté de Sarrebruck]] augmenté de la région de [[Sarrelouis]]) et l'[[Alsace bossue]] ([[comté de Sarrewerden]]), en tant que [[Temporel et spirituel#Pouvoir et biens temporels de l'Église|temporel]] du [[diocèse de Metz]], un des [[Trois-Évêchés]], sont [[Politique des Réunions|réunies]] à la [[France]], comme l'[[Alsace]] et la [[Franche-Comté]] par ailleurs, et [[Sarrelouis]] fondée. Toute la région est occupée jusqu'au [[Rhin]] et la [[Sarre (Land)|Sarre]] est confiée à un [[Intendant (Ancien Régime)|intendant]], [[Antoine Bergeron de la Goupillière]]<ref group="e'" name="p. 42">{{p.}}42.</ref>.
Cela n'empêche pas le [[Royaume de France|Royaume]] de continuer sa politique d'encerclement de la [[Lorraine]] [[Saint-Empire romain germanique|impériale]]. En 1677, au décours de la [[bataille de Consarbrück]], [[Sarrebruck]] est incendié, seules huit maisons restant debout. En 1680, les troupes du [[Jacques Henri de Durfort|maréchal de Duras]] investissent [[Deux-Ponts]]. Aussitôt la [[Sarre (Land)|Sarre]] ([[comté de Sarrebruck]] augmenté de la région de [[Sarrelouis]]) et l'[[Alsace bossue]] ([[comté de Sarrewerden]]), en tant que [[Temporel et spirituel#Pouvoir et biens temporels de l'Église|temporel]] du [[diocèse de Metz]], un des [[Trois-Évêchés]], sont [[Politique des Réunions|réunies]] à la France, comme l'[[Alsace]] et la [[Franche-Comté]] par ailleurs, et [[Sarrelouis]] fondée. Toute la région est occupée jusqu'au [[Rhin]] et la [[Sarre (Land)|Sarre]] est confiée à un [[Intendant (Ancien Régime)|intendant]], [[Antoine Bergeron de la Goupillière]]<ref group="e'" name="p. 42">{{p.}}42.</ref>.


En [[1690]], malgré les protestations de l'[[archevêque de Trèves]], cette [[confiscation]] est confirmée par le [[Traité de Ryswick]] sur le seul [[bailliage de Sarrelouis]], possession du [[Duché de Lorraine|duc de Lorraine]] évincé, et l'année suivante, à la mort sans descendance de son [[Frédéric-Louis de Deux-Ponts|duc]], le [[Palatinat-Deux-Ponts]], est transmis au [[Charles X Gustave de Suède|roi de Suède]] allié de la [[France]], laquelle n'évacue ses troupes et dissout l'[[Intendant (Ancien Régime)|intendance]] qu'en [[1697]].
En 1690, malgré les protestations de l'[[archevêque de Trèves]], cette [[confiscation]] est confirmée par le [[Traité de Ryswick]] sur le seul [[bailliage de Sarrelouis]], possession du [[Duché de Lorraine|duc de Lorraine]] évincé, et l'année suivante, à la mort sans descendance de son [[Frédéric-Louis de Deux-Ponts|duc]], le [[Palatinat-Deux-Ponts]], est transmis au [[Charles X Gustave de Suède|roi de Suède]] allié de la [[France]], laquelle n'évacue ses troupes et dissout l'[[Intendant (Ancien Régime)|intendance]] qu'en 1697.


[[Fichier:Der Rhein, die Maass und Mosel , mit den anliegenden Ländern des Ober-Chur und Nieder-Rheinl. wie auch des Burgundischen - urn-nbn-de-0128-1-11777.jpg|vignette|Carte de 1783 montrant le morcellement politique de l'ancien Westrich.]]
[[Fichier:Der Rhein, die Maass und Mosel , mit den anliegenden Ländern des Ober-Chur und Nieder-Rheinl. wie auch des Burgundischen - urn-nbn-de-0128-1-11777.jpg|vignette|Carte de 1783 montrant le morcellement politique de l'ancien Westrich.]]
Entre les deux puissances étrangères, le [[comté de Sarrebruck]], restitué aux [[Nassau-Ottweiler]] et [[Nassau-Sarrebruck]], devient au {{s-|XVIII|e}} un pôle de développement attirant [[huguenot]]s et autres réfugiés [[protestant]]s, nœud de la future [[Sarre (Land)|Sarre]]. Cette stabilisation, exceptionnelle depuis deux siècles, perdurera jusqu'en [[1780]]. Elle profite également au côté [[Lorraine|lorrain]] du Westrich où le [[Duc de Lorraine|duc]] [[Léopold Ier de Lorraine|Léopold]] favorise les immigrants du [[Tyrol]] et de [[Suisse]] venus repeupler un pays dévasté. Certaines [[seigneurie]]s de cette aire continuèrent à former des enclaves [[Saint-Empire romain germanique|germaniques]] dans la Lorraine ducale et dans le [[royaume de France]], jusqu'à la [[Révolution française|Révolution]] qui en évinça les [[princes possessionnés]] pour unifier le territoire national.
Entre les deux puissances étrangères, le [[comté de Sarrebruck]], restitué aux [[Nassau-Ottweiler]] et [[Nassau-Sarrebruck]], devient au {{s-|XVIII|e}} un pôle de développement attirant [[huguenot]]s et autres réfugiés [[protestant]]s, nœud de la future [[Sarre (Land)|Sarre]]. Cette stabilisation, exceptionnelle depuis deux siècles, perdurera jusqu'en 1780. Elle profite également au côté [[Lorraine|lorrain]] du Westrich où le [[Duc de Lorraine|duc]] [[Léopold Ier de Lorraine|Léopold]] favorise les immigrants du [[Tyrol]] et de [[Suisse]] venus repeupler un pays dévasté. Certaines [[seigneurie]]s de cette aire continuèrent à former des enclaves [[Saint-Empire romain germanique|germaniques]] dans la Lorraine ducale et dans le [[royaume de France]], jusqu'à la [[Révolution française|Révolution]] qui en évinça les [[princes possessionnés]] pour unifier le territoire national.


Le [[Traité de Paris (1815)|traité de Paris]] opère en [[1815]] un dernier changement de frontière en faisant basculer [[Sarrelouis]] et la vallée de la moyenne [[Sarre (rivière)|Sarre]], [[Duché de Lorraine|lorraine]] depuis près d'un demi-millénaire, du côté [[Prusse|prussien]].
Le [[Traité de Paris (1815)|traité de Paris]] opère en 1815 un dernier changement de frontière en faisant basculer [[Sarrelouis]] et la vallée de la moyenne [[Sarre (rivière)|Sarre]], [[Duché de Lorraine|lorraine]] depuis près d'un demi-millénaire, du côté [[Prusse|prussien]].


== Villes ==
== Villes ==

Dernière version du 11 mai 2024 à 10:47

Westrich (parfois Westerreich[1], ou Westerrych[2]), en ancien français Wastriche[3], ou Vestric[4], est le nom d'une ancienne province du Saint-Empire. Le terme est attesté à partir du XIIIe siècle ; le cœur de ce territoire se situait dans la vallée de la Sarre, en incluant ses affluents, la Blies, l'Albe et la Nied allemande. Ses limites, qui ont fluctué dans le temps, étaient situées à l'est, le long des Vosges du nord et du Pfälzerwald, à l'Ouest le long de la Moselle entre Sierck et Saarburg, au sud le long de la vallée de la Seille[e 1] au nord, le long de la Nahe. Dans le Saint-Empire, le Westrich constitue une véritable mosaïque de territoires ; ces derniers sont partagés entre de nombreuses seigneuries, dont les duchés de Lorraine, de Palatinat-Deux-Ponts, de Luxembourg, ainsi que l'évêché de Metz, l'archevêché de Trèves, l'électeur palatin, les comtés de Nassau-Sarrebruck, de Veldenz, de La Petite-Pierre de Deux-Ponts-Bitche. La dénomination "Westrich" est lentement tombée en désuétude après les ravages causés à cette province par la Guerre de Trente ans. C'est aujourd'hui une « province fantôme »[5] que recouvrent les territoires actuels de la Sarre, le Nord-Est de la Moselle en incluant Dieuze, l'Alsace bossue, et le sud-ouest du Palatinat (Südwestpfalz).

Le blason du Westrich ("Le Saint-Empire avec l'ensemble de ses territoires" de Jost de Negker, d'après une gravure sur bois de Hans Burgkmair l'ancien, 1510)

Définition et limites[modifier | modifier le code]

Le Westrich et son contexte au XVIe siècle[modifier | modifier le code]

Les frontières du Westrich sont d'autant plus imprécises qu'elles ont fluctué au cours des siècles. La carte la plus ancienne est semble-t-il celle que Martin Waldseemüller élabore à une date non connue mais antérieure à 1508[e 2] dans l'atelier du Gymnase de Saint-Dié et publiée par Jean Schott à Strasbourg en 1513 ; le cartographe, au service du duc de Lorraine René II, y représente de manière indicative les provinces respectives du Westrich (VASTI REGNI DOMINI) et du duché de Lorraine (LOTHARINGIE DUCATUS), ainsi nommés dans leurs blasons situés en haut de la carte.

Les deux provinces étant figurées dans une perspective allant du Nord vers le sud, les Vosges se trouvent à gauche ; à droite et en bas de la carte figurent des blasons de divers comtés du duché de Lorraine et du Westrich[e 3]:

Le Westrich (Vastum Regnum) en tant qu'espace voisin du duché de Lorraine (Lotharingia) et situé au nord de la Seille (Nord en bas de la carte). Carte[6]Réalisée par Martin Waldseemuller

Pour le Westrich :

desquels est omis, peut-être pour des raisons politiques, le fief des comtes de Dabo, autour de Dagsbourg.

Y sont jointes sept baronnies[e' 1]:

parmi lesquelles manque également une huitième, Kriechingen (Créhange).

Cette représentation plus politique que géographique correspond assez précisément aux territoires contemporains du Saulnois, de la Lorraine allemande, de l'Alsace Bossue, du Land de Sarre et, avec le comté de Deux-Ponts (Zweibrücken) très étendu vers le nord, enfin au sud-ouest du Palatinat[e' 1].

Carte de la vallée du Rhin incluant le Palatinat, le Westrich, l'Eifel (Sébastien Munster, vers 1550).

Une autre carte, réalisée par Sébastien Munster vers 1550, est Intitulée "un autre tableau du fleuve Rhin, incluant le Palatinat, le Westrich et l'Eiffel, etc."

Le centre de l'ancienne province (où est inséré le terme "Westrich"), serait situé entre les localités de Sarrebourg (Sarburg), Bérus (Beris) et Vaudrevange (Walderfingen). Ses limites sud passeraient aux alentours de Saint Quirin (S. Quirin), Réchicourt-le-Château (Ruxingen), Dieuze (Dusa), Vic-sur-Seille (Wich), Château-Salins (Salzpurg, Salun) ; les limites occidentales avec le pays messin se feraient aux environs de Faulquemont (Falcoperg), de Boulay (Bolchñ) ; un peu plus au nord, près de Thionville (Dietñhofen) Sierck-les-Bains (Sirch) ; au nord, les repères sont davantage imprécis ; de la zone de confluence entre Sarre et Moselle les limites iraient schématiquement vers Saint-Wendel (S. Wendel) puis Kaiserslautern (Keiserslutern) ; A l'est, elle est plus évidente, située le long des collines du Pfälzerwald et des Vosges du Nord, aux abords de Zweibrücken (Zweibrug), Bitche (Bitsch), La-Petite-Pierre (Lutzelstein) et Lixheim.

Porte-drapeau présentant la bannière du "Westerreich"

Les provinces environnantes indiquées sont respectivement : au sud, le duché de Lorraine (Lotringñ), à l'Ouest, la cité de Metz (ville livre d'Empire), le comté de Luxembourg (Lutzelburg) ; au nord, on trouve l'archiépiscopat de Trèves (Trier), l'Eifel au nord de la Moselle, et le comté de Veldenz (Veldentz), près de la Nahe ; à l'est, le Palatinat est indiqué entre la Lauter et la ville de Bingen, son centre est Worms.

Le Westrich dans l'histoire contemporaine[modifier | modifier le code]

Du côté aujourd'hui français, le Westrich a connu une relative survivance dans la « Lorraine allemande » (ou Moselle germanophone), dans la partie correspondant aux pays de Sarrebourg, de Sarreguemines, de la Nied Allemande, de la Warndt, du pays de Sierck, de l'ancien Comté de Deux-Ponts-Bitche, qui se trouvent aujourd'hui dans le département de la Moselle. L' emploi contemporain du terme Westrich, à part l'exception allemande, très restrictive par rapport à son emploi ancien, est restée utilisée par les historiens du Moyen-Âge et de la Renaissance, comme Henri Hiegel en France. Des colloques franco-allemands ayant pour thème le Westrich et son histoire ont fait se rencontrer des historiens de Moselle, de Sarre, d'Alsace bossue et du Palatinat-Ouest.

Du côté devenu allemand, le nom de Westrich reste parfois employé de nos jours par les habitants du sud de la Nahe et de l'ouest des crêtes de la Forêt Palatine pour désigner leur terroir, c'est-à-dire l'Est de la Sarre, le Bliesgau et le territoire autour de Saint-Wendel ainsi que l'intérieur de l'ancien département du Mont-Tonnerre au sud du Nahegau[e 2].

Carte allemande contemporaine reprenant le nom de Westrich en un sens restreint (Zweibrücker Westrich).

Dans une carte récente, on retrouve le terme dans un sens restreint, sous l'appellation "Zweibrücker Westrich", cette expression désignant un territoire qui s'étend entre Deux-Ponts et la crête du Pfälzerwald et des Vosges du Nord, l'est du Pays de Bitche, jusqu'à La-Petite-Pierre.

Paysage du Westrich.
Vue du mont Tonnerre depuis le Potzberg (de).

Étymologie[modifier | modifier le code]

Westrich est une forme de l'allemand contemporain Westerreich qui signifie « royaume de l'Ouest » ; sa structure est comparable à celle du terme Österreich, pour "royaume de l'Est" ("Austriche" en moyen français, puis Autriche). Emergé au XIIIe siècle[e 2], ce concept surgit alors comme un pendant[7] à l'Autriche[e' 2], à une époque où les Wittelsbach affirment leur puissance d'une part vers l'est sur la Bavière et d'autre part vers l'ouest sur le Palatinat en acquérant en 1394 le Palatinat-Deux-Ponts. Westrich et Autriche apparaissent ainsi comme les domaines voisins occidentaux et orientaux des Wittelsbach, sinon comme un affichage de leurs ambitions territoriales.

La traduction latine est Westrichia ou Westratia[8]. Martin Waldseemuller, cartographe du Duc de Lorraine René II de Vaudemont et d'Anjou, le désigne par un jeu de mots Vastum Regnum, c'est-à-dire « Vaste Royaume » que connotent les sous-entendus de dévastation, vide et donc disponibilité, pour des raisons idéologiques, à savoir le présenter comme un domaine naturel d'annexion au duché de Lorraine[e 4] et non comme part occidentale de l'Empire et de la province du Palatinat. Sa signification originelle d'« ouest du Palatinat » (= du Saint-Empire) est ainsi gommée.

Blason[modifier | modifier le code]

Le Westrich n'étant pas un fief bien délimité mais une mosaïque devenue un enjeu de rivalités entre princes et seigneurs régionaux et locaux, les images varient. Des armoiries imaginaires lui ont été attribuées par une manière de revendication généalogique, à savoir coticé d'or et d'azur de huit pièces[9]. Ce blason, revendiqué par René II de Lorraine comme antérieur à celui de la Maison de Lorraine[10], traduit un imaginaire[e 5] reliant la Lotharingie à l'Austrasie[11]dont les armoiries, tout aussi imaginaires mais reprises avec pour brisure une bordure de gueules par une Bourgogne[12] prétendant reconstituer l'antique Lotharingie, étaient « bandé d'or et d'azur de six pièces »[12].De même, on retrouve dans un armorial plus tardif[13] les armes du Westrich presque identiques à celles-ci de l'Austrasie, bandé d'argent et d'azur de six pièces[14].

Par ailleurs, le nom Westrich subsiste comme patronyme ; il est rare, et présent essentiellement dans l'aire recouvrant et environnant le territoire historique, soit en Allemagne, l'est de la Sarre et l'Ouest du Palatinat, et en France, en Lorraine et en Alsace.

Histoire[modifier | modifier le code]

Dans l'Antiquité, la partie ouest de la Belgique première est parcourue par la « via regalis » reliant Divodurum (Metz) à Mongotiacum (Mayence) et à Borbetomagus (Worms) en passant par la future Villa Luthra (Kaiserslautern). Elle croisait en l'actuel lieu-dit Champ noir (de), entre les actuels Sarrebruck et Hombourg, la route reliant Augusta Trevorum (Trèves), capitale des Gaules romaines ou sécessionnistes, et Argentoratum (Strasbourg) le long de la vallée du Saravus (Sarre) en passant par Martiaticum (Merzig) et Pons Saravi (Sarrebourg).

Le far-west du Palatinat (880-1525)[modifier | modifier le code]

Le Lion (de) aux couleurs des Hohenstauffen apparaît en 1190 sur des monnaies de Conrad Ier et gagne une couronne avec la Bulle d'Or. Il a depuis été adopté par de nombreux cantons du Westrich allemand.

Une zone intermédiaire entre les centres de pouvoir[modifier | modifier le code]

Ressort aux confins de la Germanie supérieure des cités des Trévires, qui occupent la basse Moselle, pour sa partie nord et des Médiomatriques, qui sont en amont, pour sa partie sud, puis respectivement des diocèses de l'archevêque de Trèves et de l'évêque de Metz, ce territoire sort du Haut Moyen Âge par ses marges :

Développement et naissance du Westrich au XIIIe siècle[modifier | modifier le code]

Le Westrich acquiert son nom au siècle suivant[e 2]. C'est l'époque où Hasbourgs et Capétiens construisent leurs territoires nationaux et qui s'achève en 1299 par l'entrevue de Quatrevaux au cours de laquelle est fixée sur la Meuse la frontière entre Empire et Royaume.

Le terme lui-même de Westrich est mentionné dans un document de 1295[e' 3], le plus ancien qui reste. Ses fiefs sont décrits dans de nombreux documents postérieurs[15] dont, un siècle et demi plus tard, une carte de Nicolas de Cues[e 6], Westrichois de naissance. Ce nom, qui signifie en allemand royaume ou région de l'Ouest, indique un peuplement autour de quelques seigneuries agricoles et forestières, telle celle les Comtes sauvages (de) de Salm, et de quelques abbayes isolées, telle celle de Herbitzheim, organisé à partir de la rive droite du Rhin[e' 3] et Heidelberg, capitale du Bas-Palatinat ou Palatinat du Rhin.

À partir d'exploitations traditionnelles, s'y développent également au cours du XIIIe siècle, grâce aux inventions cent cinquante ans plus tôt du moulin à arbre à cames et du harnais pour cheval qui multiplie par deux la productivité du débardage, des centres industriels qui bénéficient des ressources en bois et en eau et fournissent les cours princières et épiscopales voisines en minerais et métaux, en papier et en sel, tel Marsal, en céramique et verre, tel Sarrebourg. En 1357, les comtes palatins font leur le palais impérial de Kaiserslautern. En 1394 Robert de Wittelsbach annexe une partie du comté de Deux-Ponts, renommée Palatinat-Deux-Ponts, une des cinq contrées du Palatinat[16], à l'ouest du Rhin.

Bouleversements sociaux clôturant le Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Mercenaires, prostitution et massacres sont, durant la guerre civile et religieuse, le sort des zones rurales et frontalières tels le Westrich, la Suisse, la Flandre.

Le développement économique et démographique ne va pas sans exacerber les conflits entre bourgeoisie et noblesse locale qui tâche parfois de ne pas déroger en prenant des charges de maître de forges ou maître verrier. Dès 1381, le château de Sarreck est incendié par les marchands de Sarrebourg. Quatre-vingt-trois ans plus tard, le , le pouvoir central est obligé d'intervenir et le duc de Lorraine Jean d'Anjou et de Calabre prend Sarrebourg pour en faire une garnison permanente.

Le déclassement face à la bourgeoisie triomphante de la petite noblesse, incapable de subvenir à l'ost et réduite à la rapine et à la vendetta qui s'ensuit, concurrencée par la piétaille des lansquenets et Suisses au service de riches banquiers, tentée par la sécularisation des biens du clergé et encouragée par la contestation luthérienne, provoque la mutinerie des chevaliers du Palatinat (de). Elle est conduite durant les années 1522 et 1523 dans le Westrich par un syndicat constitué, à l'instar de la Ligue de Souabe, autour de Franz von Sickingen, seigneur de château de Nanstein (de). Cette année de violence marque un effondrement de l'ordre social et un coup d'arrêt à la prééminence du comte palatin et de l'Électeur, Prince Archevêque de Trèves, dans la région.

Elle est suivie en 1525 par le « chambardement d'Herbitzheim », lieu de rassemblement des « paysans » du Bliesgau, du Saargau et du bailliage allemand[17] de la Lorraine partant rejoindre à Saverne Érasme Gerber dans sa guerre des Rustauds. La répression menée par le duc Antoine confère à celui-ci aux yeux de ses pairs impériaux une légitimité à établir dans une région réputée ensauvagée au sein du Cercle du Rhin un ordre au secours duquel se portera très vite la Contre-Réforme.

Le Vastum Regnum et le duché de Lorraine (1526-1659)[modifier | modifier le code]

L'expansionnisme lorrain[modifier | modifier le code]

Dès lors, la partie vosgienne du Westrich devient l'objet de l'expansionnisme progressif et systématique du duché de Lorraine, déjà présent dans la partie aval depuis le condominium sur Merzig conclu en 1368 par Raoul le Vaillant avec l'archevêque de Trèves. La pression des ducs de Lorraine se renforce considérablement à la suite de la Guerre des Paysans, de la conception progressive d'un catholicisme de combat, et d'une « frontière de catholicité » ; l'unicité et la complémentarité interne du Westrich succomberont lors de la phase la plus terrible, le conflit européen de la Guerre de Trente Ans. Tombent successivement dans le ban de la maison de Lorraine, en accroissant son bailliage allemand jusqu'aux frontières franco-allemandes actuelles et le tiers aval de l'actuel land de Sarre :

La Réforme et le partage du Westrich[modifier | modifier le code]

Cette annexion de 1629, avec celle de Bockheim, est entérinée par un accord avec les Nassau protestants. En 1556, durant le concile de Trente, la Réforme luthérienne avait été introduite par des prédicateurs proches du coprince Adolf de Nassau en Sarrewerden, en conflit avec le duc de Lorraine, dans le comté de Sarrewerden. C'est l'origine de son rattachement futur à l'Alsace. La réforme concernait l'éducation, en ouvrant des établissements, le culte, en formant les prêtres, l'administration, en en éliminant les catholiques, et les mœurs, en interdisant les fêtes telles que les feux de la Saint-Jean. En 1575, c'est le comté de Sarrebruck, nouvellement dirigé par Philippe IV de Nassau-Weilbourg, qui avait été réformé par le prédicateur Gebhardt Beilstein. L'annexion de 1629 expose donc les habitants de l'Alsace bossue à la Contre-Réforme.

La guerre de Trente Ans[modifier | modifier le code]

Le Bûcher - Jacques Callot - 1633.
La guerre de Trente Ans et son horreur moderne internationalise un conflit civil antérieur.

Le Westrich est durement touché par la guerre de Trente Ans et certaines zones se dépeuplent. Par exemple celle de Sarrebruck perd au moins 60 % de sa population.

  • Deux ans plus tard, en 1637, on ne compte que soixante-dix survivants dans Sarrebruck détruite.

S'ensuivent épidémies de peste et famines.

La Sarre franco-suédoise (1660-1815)[modifier | modifier le code]

Vers 1665, Sarreck, Fénétrange, Sarrewerden, Sarralbe, Sarreguemines et Bitche sont constitués par le duc de Lorraine Charles IV en un duché de « Sareland » au bénéfice de son fils adultérin, le prince de Vaudémont, lequel duché retourna en 1707 au duc de Lorraine[e 7].

Cela n'empêche pas le Royaume de continuer sa politique d'encerclement de la Lorraine impériale. En 1677, au décours de la bataille de Consarbrück, Sarrebruck est incendié, seules huit maisons restant debout. En 1680, les troupes du maréchal de Duras investissent Deux-Ponts. Aussitôt la Sarre (comté de Sarrebruck augmenté de la région de Sarrelouis) et l'Alsace bossue (comté de Sarrewerden), en tant que temporel du diocèse de Metz, un des Trois-Évêchés, sont réunies à la France, comme l'Alsace et la Franche-Comté par ailleurs, et Sarrelouis fondée. Toute la région est occupée jusqu'au Rhin et la Sarre est confiée à un intendant, Antoine Bergeron de la Goupillière[e' 4].

En 1690, malgré les protestations de l'archevêque de Trèves, cette confiscation est confirmée par le Traité de Ryswick sur le seul bailliage de Sarrelouis, possession du duc de Lorraine évincé, et l'année suivante, à la mort sans descendance de son duc, le Palatinat-Deux-Ponts, est transmis au roi de Suède allié de la France, laquelle n'évacue ses troupes et dissout l'intendance qu'en 1697.

Carte de 1783 montrant le morcellement politique de l'ancien Westrich.

Entre les deux puissances étrangères, le comté de Sarrebruck, restitué aux Nassau-Ottweiler et Nassau-Sarrebruck, devient au XVIIIe siècle un pôle de développement attirant huguenots et autres réfugiés protestants, nœud de la future Sarre. Cette stabilisation, exceptionnelle depuis deux siècles, perdurera jusqu'en 1780. Elle profite également au côté lorrain du Westrich où le duc Léopold favorise les immigrants du Tyrol et de Suisse venus repeupler un pays dévasté. Certaines seigneuries de cette aire continuèrent à former des enclaves germaniques dans la Lorraine ducale et dans le royaume de France, jusqu'à la Révolution qui en évinça les princes possessionnés pour unifier le territoire national.

Le traité de Paris opère en 1815 un dernier changement de frontière en faisant basculer Sarrelouis et la vallée de la moyenne Sarre, lorraine depuis près d'un demi-millénaire, du côté prussien.

Villes[modifier | modifier le code]

Villes du Westrich :

En France (département de la Moselle)[modifier | modifier le code]

En Allemagne (Länder de Sarre et Rhénanie-Palatinat)[modifier | modifier le code]

Personnalités[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jost de Negker, German: Das hailig römisch reich mit sampt seinen gelidernThe Holy Roman Empire including its memberstitle QS:P1476,de:"Das hailig römisch reich mit sampt seinen gelidern", 1510date qs:p571,+1510-00-00t00:00:00z/9 (lire en ligne).
  2. (de) Barbara Huber, « Im Zeichen der Unruhe. Symbolik bäuerlicher Protestbewegungen im oberdeutsdchen und eidgenossischen Raum », Thèse de l'université de Berne (Suisse),‎ , p. 318 (lire en ligne).
  3. Nicolas Volcyr de Sérouville, L’histoire et recueil de la triomphante et glorieuse victoire, etc., Paris, Galiot du Pré, (lire en ligne), Livre I, chap. I.
  4. François-Antoine de Chevrier, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine, etc., Bruxelles, (éditeur non connu), (lire en ligne), p. 98.
  5. A. Eiselé, A la recherche d'un pays fantôme - Le Westrich, Éditions Au Pays de Sarrebourg de la Société d'histoire et d'archéologie de Lorraine, Sarrebourg, 1988.
  6. J. Schott, Geographia Ptolemai, Strasbourg, 1513.
  7. L. Benoît, Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 26, A. Lepage impr., Nancy, 1861.
  8. I. Kupcick, trad. S. Bartosek, Cartes géographiques anciennes, p . 84-85 & 100, Gründ, Paris , 1981.
  9. Cf. supra carte.
  10. L. Benoît, Notes sur la Lorraine allemande . Le Westrich in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine II, v 3, p. 46 & 47, Nancy, 1861.
  11. J. Mussey, Epitre in La Lorraine ancienne et moderne, ou L'ancien duché de Mosellane, véritable origine de la maison royale et du duché moderne de Lorraine, -, Nancy, 1712.
  12. a et b Ch. Segoing, Trésor héraldique ou Mercure armorial, p. 84, Clouzier Clouzier & Clément, Paris, 1657.
  13. Wappenbuch, II, p. 3, Bibliothèque de Nancy, Nuremberg, 1657.
  14. L. Benoît, Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 47, A. Lepage impr., Nancy, 1861.
  15. L. Benoît, Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, pp 22-28, A. Lepage impr., Nancy, 1861.
  16. Bassompierre - Journal de ma vie.
  17. L. Benoît, Notes sur la Lorraine allemande - Le Westrich in Mémoires de la Société d'archéologie lorraine XI, série II, v. 3, p. 24, A. Lepage impr., Nancy, 1861.
  1. p. 304.
  2. a b c et d p. 298.
  3. p. 307.
  4. p. 301 et 303.
  5. p. 32.
  6. p. 299.
  7. p. 315.
  1. a et b p. 33.
  2. p. 35.
  3. a et b p. 34.
  4. p. 42.

.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Auguste LAUER, Les seigneurs du Westrich, 1968.
  • Bernard Riebel, Confidences du Westrich, recueil de poèmes, éditions Les Pierres, 2004.
  • Albert Eisele, À la recherche d'un pays fantôme : le Westrich, Société d'histoire et d'archéologie, section de Sarrebourg, 1988, 279 p.
  • Louis Benoît, Étude sur les institutions communales du Westrich et sur le livre du vingtième jour de Fénétrange, A. Lepage, Nancy, 1866
  • Louis Benoît, Notes sur la Lorraine allemande : le Westrich, in : Mémoires de la Société d'archéologie lorraine, 1861, 2e série, vol. 3, p. 22-48.
  • Johann Philipp Crollius, Prolusio de Westrasia, Deux-Ponts, 1751 (Première monographie consacrée au Westrich). Online
  • Sebastian Münster, Cosmographia…, durch Henrichum Petri, Bâle, 1545

Liens externes[modifier | modifier le code]