« Pierre Bourdieu » : différence entre les versions

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| charte = sociologue
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'''Pierre Bourdieu''', né le {{date de naissance-|1 août 1930}} à [[Denguin]] ([[Pyrénées-Atlantiques]]) et mort le {{date de décès-|23 janvier 2002}} à {{arrondissement|12|Paris}}, est un [[sociologue]] [[France|français]].

Il est considéré comme l'un des sociologues les plus importants de la seconde moitié du {{s-|XX}}. Son ouvrage ''[[La Distinction]]'' a été classé parmi les dix plus importants travaux en [[sociologie]] du siècle par l'[[Association internationale de sociologie]]<ref name="isa-sociology">{{lien web|url=http://www.isa-sociology.org/en/about-isa/history-of-isa/books-of-the-xx-century/ |titre=ISA - International Sociological Association: Books of the Century|éditeur=International Sociological Association|année=1998 }}.</ref>.

Par ailleurs, du fait de son engagement public, il est devenu, dans les dernières années de sa vie, l’un des acteurs principaux de la vie [[intellectuel]]le française. Sa pensée a exercé une influence considérable dans les [[sciences humaines et sociales]], en particulier sur la sociologie française d’[[après-guerre]]. Sociologie du dévoilement, elle a fait l’objet de nombreuses critiques, qui lui reprochent en particulier une vision fataliste du [[social]] dont il se défendait.

Son œuvre [[Sociologie|sociologique]] s'appuie sur une analyse des mécanismes de [[reproduction sociale|reproduction]] des [[Stratification sociale|hiérarchies sociales]]. Bourdieu insiste sur l’importance des facteurs [[culture]]ls et [[Symbole|symboliques]] dans cette reproduction sociale et il critique le primat donné aux facteurs économiques dans les conceptions [[Marxisme|marxistes]]. Il entend souligner que la capacité des agents en position de [[domination]] à imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle essentiel dans la reproduction des rapports sociaux de domination. Ce que Pierre Bourdieu nomme la [[violence symbolique]], qu’il définit comme la capacité à faire méconnaître l’arbitraire de ces productions symboliques, et donc à les faire admettre comme légitimes, est d’une importance majeure dans son analyse sociologique.

Le monde social des sociétés modernes apparaît à Pierre Bourdieu comme divisé en ce qu’il nomme des « [[Champ (sociologie)|champs]] ». Il lui semble, en effet, que la différenciation des activités sociales a conduit à la constitution de [[Contexte social|sous-espaces sociaux]], comme le champ artistique ou le champ politique, spécialisés dans l’accomplissement d’une activité sociale donnée. Ces champs sont dotés d’une autonomie relative envers la société prise dans son ensemble. Ils sont hiérarchisés et leur dynamique provient des luttes de compétition que se livrent les agents sociaux pour y occuper les [[Statut social|positions]] dominantes. Ainsi, comme les [[lutte des classes#Perspective marxiste|analystes marxistes]], Pierre Bourdieu insiste sur l’importance de la lutte et du conflit dans le fonctionnement d’une société. Mais pour lui, ces conflits s’opèrent avant tout dans des champs sociaux. Ils trouvent leur origine dans leurs [[Stratification sociale|hiérarchies]] respectives, et sont fondés sur l’opposition entre agents dominants et agents dominés. Pour Bourdieu, les conflits ne se réduisent donc pas aux conflits entre classes sociales sur lesquels se centre l’analyse marxiste.

Pierre Bourdieu a également développé une [[théorie de l'action]], autour du concept d’''[[habitus (sociologie)|habitus]]'', qui a exercé une grande influence dans les [[sciences sociales]]. Cette théorie cherche à montrer que les agents sociaux développent des [[stratégie]]s, fondées sur un petit nombre de dispositions acquises par [[socialisation]] qui, bien qu'inconscientes, sont adaptées aux nécessités du monde social. L’œuvre de Bourdieu est ainsi ordonnée autour de quelques concepts recteurs : ''habitus'' comme principe d’action des agents, ''champ'' comme [[Contexte social|espace]] de compétition sociale fondamental et ''violence symbolique'' comme mécanisme premier d’imposition des rapports de [[domination]]. Bourdieu a désigné son approche des [[Structure sociale|structures sociales]] dans leur dimension de constitution et de transformation sous le terme de [[structuralisme génétique]] (ou constructiviste).

{{Sommaire|niveau=3}}

== Biographie ==
=== Famille ===
Pierre Bourdieu est né le {{date de naissance-|1 août 1930}} dans les [[Pyrénées-Atlantiques]] à [[Denguin]], petit village du [[Béarn]]. Il est le fils né du mariage d'Albert Bourdieu, né en 1900, mort en 1980, et de Noëmie Duhau, née en 1908, morte en 2005<ref name="WsW">[[Who's Who in France]], édition 1979-1980, {{p.|214}}.</ref>. Son père, issu de la petite paysannerie béarnaise, est d'abord cultivateur [[journalier]], puis devient [[Facteur (métier)|facteur]] et, par la suite, facteur-receveur, sans quitter son milieu rural<ref>Pierre Bourdieu, ''Esquisse pour une auto-analyse'', Raisons d’agir, [[2004]], {{p.|109}}.</ref>{{,}}<ref>Marie-Anne Lescouret, ''Bourdieu, vers une économie du bonheur'', collection Grande Biographie, Flammarion, 2008, {{nb p.|540}}</ref>. Sa mère a une origine sociale proche, quoique légèrement supérieure, puisqu'elle est issue d'une lignée de propriétaires à [[Lasseube]]. Sa sœur, Laura Simonnet, étudie à l'[[École normale supérieure (Paris)|École normale supérieure]] avant de devenir docteure en histoire.

En 1962, il épouse Marie-Claire Brizard<ref name="riding">{{Article|langue=en|prénom1=Alan|nom1=Riding|titre=Pierre Bourdieu, 71, French Thinker and Globalization Critic|périodique=The New York Times|lien périodique=The New York Times|jour=25|mois=janvier|année=2002|url=https://www.nytimes.com/2002/01/25/world/pierre-bourdieu-71-french-thinker-and-globalization-critic.html|consulté le=1 février 2012}}.</ref>, [[Historien|historienne]] et [[Ingénieur d'études|ingénieure d'étude]] au [[Centre national de la recherche scientifique|CNRS]]<ref>{{Lien web|url= https://www.larepubliquedespyrenees.fr/gironde/bordeaux/portrait-emmanuel-heritier-du-grand-sociologue-pierre-bourdieu-4929842.php|titre= [Portrait] Emmanuel, héritier du grand sociologue Pierre Bourdieu|site= La République des Pyrénées|date= 22-04-2015}} et Notice de Pierre Bourdieu au [[Le Maitron|Maitron]].</ref>. Il est le père de trois enfants, tous trois [[École normale supérieure (Paris)|normaliens]]<ref>{{Lien web|titre=L'annuaire a-Ulm : Bourdieu|url=https://www.archicubes.ens.fr/lannuaire#annuaire_chercher?identite=Bourdieu|site=archicubes.ens.fr|consulté le=2019-12-22}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Emmanuel Poncet |titre=Paradigme perdu |url=http://www.liberation.fr/portrait/2004/02/17/paradigme-perdu_469201 |site=Libération.fr |date=17 février 2004 |consulté le=2016-05-17}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |auteur=Renée Mourgues |titre=Pierre Bourdieu, dix ans déjà |url=https://www.larepubliquedespyrenees.fr/2012/01/23/pierre-bourdieu-dix-ans-deja,224322.php |site=La République des Pyrénées |date=23/01/2012 |consulté le=2021-06-05}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |langue=fr |prénom1=Colette |nom1=Milhé |titre=Les étranges relations au béarnais de Bourdieu |périodique=Lengas. Revue de sociolinguistique |numéro=87 |date=2020-08-18 |issn=0153-0313 |doi=10.4000/lengas.4401 |lire en ligne=http://journals.openedition.org/lengas/4401 |consulté le=2021-06-05 }}</ref> : Jérôme Bourdieu (Lettres, 1984)<ref>{{Lien web|titre=Bourdieu Jérôme|url=https://www.parisschoolofeconomics.eu/docs/bourdieu-jerome/cv-bourdieu-jerome.pdf|site=parisschoolofeconomics.eu|consulté le=2019.12.23}}.</ref>, directeur de recherche en économie à l'[[Institut national de la recherche agronomique|INRA]] ; le réalisateur [[Emmanuel Bourdieu]] (Lettres, 1986) ; Laurent Bourdieu (Sciences, 1988), physicien à l'école des neurosciences de Paris<ref>{{Lien brisé|titre=École des Neurosciences Paris Île de France|url=http://www.paris-neuroscience.fr/fr/laurent-bourdieu|site=paris-neuroscience.fr|consulté le=2016-05-17}}</ref>.

=== Formation ===
[[Fichier:Lycée Louis-le-Grand, Paris 5e 2.jpg|vignette|gauche|Le [[lycée Louis-le-Grand]], rue Saint-Jacques.]]
Interne au [[lycée Louis-Barthou]] de [[Pau]] où la lecture et le rugby seront ses refuges<ref>{{Lien web |langue=fr|titre=Fidélité à l'enfance : L'internat |url=https://www.youtube.com/watch?v=FWO5Lx-urgQ|site=youtube.com|consulté le=2021-11-14}}.</ref>, Pierre Bourdieu est un excellent élève et attire l'attention du proviseur, [[Bernard Lamicq]]<ref>{{Lien web|titre=Apprendre à philosopher avec Bourdieu, Braz Adelino, 2013.|url=https://www.editions-ellipses.fr/PDF/9782729882549_extrait.pdf|site=editions-ellipses.fr|consulté le=2023-12-30}}.</ref>, ancien élève de l’[[École normale supérieure (Paris)|École normale supérieure]] (selon Bourdieu : « un des rares, sinon le seul normalien béarnais »)<ref>{{Lien web|titre=Les mises en scène d’un sociologue : Pierre Bourdieu par lui-même. Sources et ressources de la réflexivité., 2004.|url=https://www.academia.edu/3845754/Les_mises_en_scène_d_un_sociologue_Pierre_Bourdieu_par_lui_même_Sources_et_ressources_de_la_réflexivité?auto=download|site=academia.edu|consulté le=2023-12-30}}.</ref>, qui l'encourage<ref>{{Lien web|titre=Pierre Bourdieu, Grand Oral Sciences Po de Sociologie et Anthropologie à l'IEP Sciences Po Bordeaux, 2001, 2004.|url=https://www.youtube.com/watch?v=MR3Ilu6TsCg|site=youtube.com|consulté le=2023-12-30}}.</ref> à s’inscrire en [[Classes préparatoires littéraires|classe préparatoire]] au [[lycée Louis-le-Grand]] de [[Paris]], ce qu'il fait en [[1948]].

Il est reçu à l’École normale supérieure en 1951<ref>''[[Revue des sciences humaines]]'' hors série spécial {{n°|15}} consacré à Pierre Bourdieu, {{date-|février-mars 2012}}, {{p.|3}}.</ref>. Celui que ses camarades appellent de son deuxième prénom, Félix, y retrouvera peu à peu ses anciens condisciples de classe préparatoire comme [[Jacques Derrida]], [[Lucien Bianco]] ou [[Louis Marin (philosophe)|Louis Marin]]. Alors que la scène philosophique française est dominée par la figure de [[Jean-Paul Sartre]], par le marxisme et par l'[[existentialisme]], Bourdieu réagit comme de nombreux normaliens de sa génération<ref>[[Louis Althusser]] souligne, dans son autobiographie ''L'avenir dure longtemps'', que l'École normale supérieure des années d'[[après-guerre]] n'était pas propice à l'[[existentialisme]] : « La mode était d'affecter de mépriser Sartre ». De fait, aucun des normaliens de la génération de Bourdieu n'est devenu un sartrien notoire, contrairement à leurs cadets (Terray, Badiou, Verstraeten, etc.){{interprétation personnelle}}.</ref> ; ces derniers se sont orientés préférentiellement vers l'étude des « courants dominés »<ref>''Ibid.'', {{p.}}21.</ref>{{Référence incomplète}} du champ philosophique : le pôle de l'histoire de la philosophie proche de l'histoire des sciences, représenté par [[Martial Gueroult|Martial Guéroult]] et [[Jules Vuillemin]], et l'[[épistémologie]] enseignée par [[Gaston Bachelard]] et [[Georges Canguilhem]].

Pierre Bourdieu soutient en 1953, sous la direction d'[[Henri Gouhier]], un mémoire sur les ''Animadversiones'' de [[Gottfried Wilhelm Leibniz|Leibniz]]<ref>{{Lien web|titre=La vie sociologique de Pierre Bourdieu, L.Wacquant, automne 2002.|url=http://www.homme-moderne.org/societe/socio/wacquant/pbviesoc.html|site=homme-moderne.org|consulté le=2016-05-18}}.</ref>. En plus de son cursus, il suit aussi le séminaire d'[[Éric Weil]] à l'[[École pratique des hautes études]] sur la philosophie du droit de [[Georg Wilhelm Friedrich Hegel|Hegel]].

Reçu septième à l'agrégation de philosophie en 1954<ref>{{Lien web|titre=Les agrégés de l'enseignement secondaire. Répertoire 1809-1960 {{!}} Ressources numériques en histoire de l'éducation|url=http://rhe.ish-lyon.cnrs.fr/?q=agregsecondaire_laureats&nom=&annee_op==&annee%5Bvalue%5D=1954&annee%5Bmin%5D=&annee%5Bmax%5D=&periode=4&concours=14&items_per_page=100|site=rhe.ish-lyon.cnrs.fr|consulté le=2016-10-19}}.</ref>, il s'inscrit auprès de [[Georges Canguilhem]] pour une thèse de philosophie sur les structures temporelles de la vie affective, qu'il abandonne en 1957 afin de se consacrer à des études ethnologiques de terrain, ce qui représente déjà un déclassement dans la hiérarchie des disciplines du champ académique (il revient sur cette partie de sa trajectoire académique dans son ouvrage ''[[Esquisse pour une auto-analyse]]'')<ref>Samuel Lézé, "[https://www.academia.edu/1791972/Canguilhem Canguilhem]", in : Cazier (dir.) ''Abécédaire de Pierre Bourdieu'', Sils Maria, Vrin, 2007, {{p.|21-23}}.</ref>.

[[Fichier:Big cour ernests.jpg|vignette|[[École normale supérieure (Paris)|École normale supérieure]], cour aux Ernests.]]

=== Début de carrière ===
[[Georges Canguilhem]] place son thésard à proximité de Paris, comme professeur de philosophie au [[lycée Théodore-de-Banville#Anciens élèves et professeurs du lycée|lycée Théodore-de-Banville]]<ref>{{Article|auteur1= Jean-François Chesnay |titre=Le lycée Théodore-de-Banville affiche ses 215 ans d'existence à Moulins |périodique=La Montagne |date=30 décembre 2019 |pages= |lire en ligne=https://www.lamontagne.fr/moulins-03000/loisirs/le-lycee-theodore-de-banville-affiche-ses-215-ans-d-existence-a-moulins_13715834/ |consulté le=7 avril 2022 }}.</ref> de [[Moulins (Allier)|Moulins]] pour l'année scolaire 1954-1955. Mais Pierre Bourdieu doit remplir ses obligations militaires. Après avoir refusé de suivre la formation d’[[élève officier de réserve]], il est affecté au service psychologique des armées à [[Versailles]]. Il est trouvé en possession d'un numéro censuré de ''[[L'Express]]'' relatif à la question algérienne. Il aurait ainsi perdu son affectation pour raisons disciplinaires, et, rapidement embarqué avec des jeunes appelés en Algérie dans le cadre de la « [[Guerre d'Algérie|pacification]] », il y accomplit l’essentiel du [[Conscription|service militaire]], qui dure deux ans<ref>''Ibid.'', {{p.|54}}.</ref>{{Référence incomplète}}.

Il fait d'abord partie d'une petite section qui garde un dépôt d'essence. Grâce à l'intervention de sa famille, il est affecté au [[Liste des gouverneurs d'Algérie|Gouvernement général d'Alger]]<ref>[https://lectures.revues.org/802 Enrique Martin-Criado, Les deux Algéries de Pierre Bourdieu], Nassima Dris, lectures.revues.org, {{date-|16 octobre 2009}}</ref>, dans les services administratifs de la Résidence Générale, sous les ordres de [[Robert Lacoste]]<ref>Sa famille inquiète de sa simple condition de soldat de première classe a informé un colonel béarnais qui a relayé l'information auprès de l'unité, puis plus tard auprès du gouverneur général, lui-même originaire du Sud-Ouest et ancien résistant. À cette époque, la Résidence Générale était en quête de jeunes rédacteurs.</ref>. De 1958 à 1960, il poursuit ses études sur l’Algérie en accomplissant des études de terrain et il prend un poste d’assistant à la Faculté des Lettres d’[[Alger]]<ref>''Ibid.'', {{p.|63}}.</ref>{{Référence incomplète}}{{,}}<ref name="Larousse 109786">{{Lien web|titre=Pierre Bourdieu|url=http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Pierre_Bourdieu/109786|site=larousse.fr|consulté le=2018-04-21}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|auteur=Pierre Grémion |titre=De Pierre Bourdieu à Bourdieu|périodique=Études|volume=402|numéro=1|date=2005|lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-etudes-2005-1-page-39.htm|pages=39-53}}</ref>.

=== Algérie : passage à la sociologie ===
[[Fichier:VillageKabyle.jpg|vignette|Un village [[Kabylie|kabyle]] traditionnel.]]

Cette période algérienne est décisive<ref>Samuel Lézé, "[https://www.academia.edu/1792441/Alg%C3%A9rie Algérie]", in : Cazier (dir.) ''Abécédaire de Pierre Bourdieu'', Sils Maria, Vrin, 2007, {{p.|9-11}}.</ref> : c’est là, en effet, que se décide sa [[Carrière (psychologie)|carrière]] de sociologue<ref>''Ibid.'', {{p.|57}}{{sqq.}}. Voir également Enrique Martin Criado, Les deux Algéries de Pierre Bourdieu, Éditions du Croquant, Bellecombe en Bauges, 2008.</ref>{{Référence incomplète}}. Délaissant les {{citation|grandeurs trompeuses de la philosophie}}<ref>''Esquisse pour une auto-analyse'', éditions Raisons d'agir, 2004, {{p.|58}}.</ref>, il conduit ainsi, sans formation initiale dans ce domaine, toute une série de travaux d’[[ethnologie]] en [[Algérie]], qui aboutissent à l’écriture de plusieurs livres. Ses premières enquêtes le mènent dans les régions de [[Kabylie]] et de [[Collo]], bastions [[Nationalisme|nationalistes]] où la [[Guerre d'Algérie|guerre]] fait rage<ref>''Ibid.'', {{p.|65}} et suivantes. Voir également le recueil de textes fait par Tassadit Yacine dans Pierre Bourdieu, Esquisses algériennes, Paris, Seuil, 2008.</ref>. Sa ''Sociologie de l’Algérie'', synthèse des savoirs existants sur ces [[Départements en Algérie française|trois départements français]], est publiée dans la collection « [[Que sais-je ?]] » en [[1958]]. Après l'Indépendance algérienne, il publie, en 1963, ''Travail et travailleurs en Algérie'', étude de la découverte du travail salarié et de la formation du [[prolétariat]] urbain en Algérie, en collaboration avec [[Alain Darbel]], [[Jean-Paul Rivet]] et [[Claude Seibel]]<ref>{{Article|auteur1=|prénom1=Guy|nom1=Desaunay|titre=Pierre Bourdieu, Alain Darbel, Jean-Paul Rivet, Claude Seibel, Travail et travailleurs en Algérie|périodique=Tiers-Monde|volume=5|numéro=19|date=1964|lire en ligne=http://www.persee.fr/doc/tiers_0040-7356_1964_num_5_19_2931|consulté le=2017-03-04}}</ref>. En 1964, il publie ''Le Déracinement. La crise de l’agriculture traditionnelle en Algérie'', en collaboration avec son ami algérien [[Abdelmalek Sayad]], sur la destruction de l’[[agriculture]] et de la société traditionnelle, et la politique de regroupement des populations par l’[[Forces armées françaises|armée française]]. Après son retour en France, Bourdieu profite, jusqu’en 1964, des vacances scolaires pour collecter de nouvelles données sur l’Algérie urbaine et rurale de l’époque{{Référence nécessaire|date=2017}}.

Le terrain ethnologique de la population de la zone montagneuse de la Kabylie ne cessa, même après qu’il eut cessé de s’y rendre, de nourrir l’œuvre anthropologique de Pierre Bourdieu. Ses principaux travaux sur la [[théorie de l'action]] ''Esquisse d’une théorie de la pratique'' (1972) et ''Le Sens pratique'' (1980) naissent ainsi d’une réflexion anthropologique sur la société kabyle traditionnelle. De même, son travail sur les rapports de [[Genre (sciences sociales)|genre]], ''[[La Domination masculine]]'' (1998), s'appuie sur une analyse des mécanismes de reproduction de la domination masculine dans la société traditionnelle kabyle.

L'enquête algérienne s'appuie entre autres sur la pratique photographique, dont quelques clichés illustrent les livres publiés de son vivant par le sociologue. Néanmoins, il reste toute sa vie méfiant et réticent quant à l'emprise trop grande des images, qui donnent une illusion de connaissance et préfère mettre en avant ses textes. Ce n'est que dix ans après sa disparition, en 2012, que les images prises par Pierre Bourdieu cinquante ans auparavant font l'objet d'une première exposition monographique, organisée à Tours par Christine Frisinghelli et Franz Schultheis sous l'égide du « Jeu de Paume »<ref>{{lien brisé|titre=Le Jeu de Paume au Château de Tours |url=http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&idArt=1792 |site=Le Jeu de Paume |consulté le=24-08-2020}}.</ref>, de Camera Austria et de la Fondation Bourdieu<ref>Cf. Pierre Bourdieu, ''Images d'Algérie. Une affinité élective'', coédition Actes Sud, Camera Austria, Fondation Liber, 2012.</ref>{{Refins}}.

=== Chercheur et universitaire ===
En 1960, Pierre Bourdieu regagne Paris, pour devenir l'assistant de [[Raymond Aron]] à la Faculté de Lettres de l’[[nouvelle université de Paris|Université de Paris]]<ref name="Bio CDF">{{Lien web|langue=fr|titre=Biographie|url=https://www.college-de-france.fr/site/pierre-bourdieu/index.htm|site=college-de-france.fr|consulté le=2018-04-21}}.</ref>{{,}}<ref name="Larousse 109786" />. Raymond Aron fait également de lui le secrétaire du [[Centre de sociologie européenne]], institution de recherche qu'il a fondée en 1959, à partir de reliquat de structures d'après-guerre et avec l'aide financière de la [[fondation Ford]].

Entre 1961 et 1964, il est [[maître de conférences (France)|maître de conférences]] à l’[[Université de Lille]]<ref name="Bio CDF" />, poste qu'il occupe tout en continuant d'intervenir à Paris dans le cadre de cours et de séminaires. À Lille, il retrouve [[Éric Weil]] et fait connaissance avec l'historien [[Pierre Vidal-Naquet]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=François Dosse|titre=Pierre Vidal-Naquet, une vie|lieu=Paris|éditeur=La Découverte|année=2020|pages totales=672|passage=60-73|isbn=9782707194213|lire en ligne=https://www.cairn.info/pierre-vidal-naquet-une-vie--9782707194213.htm|consulté le=02/02/2024}}</ref> et surtout l'[[Herméneutique|herméneute]], philologue et germaniste, [[Jean Bollack]] qui devient un ami fidèle<ref>{{Lien web |langue=fr |prénom=Bibliothèque nationale suisse |nom=BN |titre=Bollack-Bourdieu : au combat ! |url=https://www.nb.admin.ch/snl/fr/home/ueber-uns/sla/einsichten-aussichten/einsichten---aussichten-2018/aucombat.html |site=nb.admin.ch |consulté le=2024-02-02}}.</ref>.

Au milieu des années 1960, il s'installe avec sa famille à [[Antony]], dans la banlieue sud de Paris. La famille rejoint le Béarn pendant les vacances scolaires. Pierre Bourdieu s'intéresse au Tour de France cycliste et pratique à bon niveau de nombreux sports individuels et collectifs, tels le tennis et le rugby en particulier<ref>{{Article|langue=fr|titre=Bourdieu, un ami d’enfance|périodique=[[Sud Ouest]] | date=23 mars 2015 | prénom=Jean-Baptiste | nom=Laborde | lire en ligne=http://www.sudouest.fr/2015/03/23/bourdieu-un-ami-d-enfance-1867776-3989.php|consulté le=2018-04-21}}</ref>.

[[Fichier:Maison des sciences de l'homme, 54 boulevard Raspail, Paris 6e 1.jpg|vignette|Siège principal de l'[[École des hautes études en sciences sociales]] (EHESS) au [[6e arrondissement de Paris|{{6e}} arrondissement de Paris]].]]

=== École des hautes études en sciences sociales ===
En 1964, Pierre Bourdieu rejoint la {{VIe|section}} de l’[[École pratique des hautes études]] (EPHE), qui devient en 1975 l’[[École des hautes études en sciences sociales]] (EHESS). La même année, sa collaboration commencée plus tôt avec [[Jean-Claude Passeron]] aboutit à la publication de l’ouvrage ''[[Les Héritiers (sociologie)|Les Héritiers]]'', qui rencontre un vif succès et contribue à faire de lui un sociologue « en vue »<ref>
{{Article|prénom1=Philippe|nom1=Masson|titre=La fabrication des ''Héritiers''|périodique=[[Revue française de sociologie]]|année=2001|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_2001_num_42_3_5371|page=477-507}}.</ref>.

À partir de 1965, avec ''Un Art moyen. Essais sur les usages sociaux de la photographie'', suivi en 1966 par ''L’amour de l’Art'', Pierre Bourdieu engage une série de travaux portant sur les pratiques culturelles, qui occupent une part essentielle de son travail sociologique dans la décennie suivante, et qui débouchent sur la publication, en 1979, de ''[[La Distinction|La Distinction : critique sociale du jugement]]'', qui est son œuvre la plus connue et la plus importante pour le champ sociologique, et qui figure parmi les dix plus importantes œuvres sociologiques du monde au {{s-|XX}} dans le classement établi par l'''International Sociological Association''<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=International Association of Sociology |titre=Books of the XXth century |url=https://www.isa-sociology.org/en/about-isa/history-of-isa/books-of-the-xx-century |site=isa-sociology.org |date=1998 |consulté le=27 juillet 2021}}.</ref>.

=== Directeur de centre de recherche ===
{{Section à sourcer|date=décembre 2021}}
À l'issue des événements de [[Mai 68]] auxquels Pierre Bourdieu participe en qualité de scientifique, il rompt avec son maître [[Raymond Aron]], penseur libéral, qui désapprouve ce mouvement social. En [[1968]], il fonde le Centre de sociologie de l'éducation et de la culture, qui s'émancipe du [[Centre de sociologie européenne]]. La même année, il publie avec [[Jean-Claude Chamboredon]] et [[Jean-Claude Passeron]] ''Le métier de sociologue'', un traité dans lequel ils exposent, à partir d’un choix de textes d’auteurs, les [[Méthodologie|méthodes]] de la sociologie.

En [[1985]], Pierre Bourdieu devient directeur du Centre de sociologie européenne, dont il avait assuré le premier développement au secrétariat au début des années 1960. Le CNRS exige en 1997 une fusion avec le Centre de sociologie de l'éducation et de la culture. La structure préservant les missions des deux entités est dirigée par son élève [[Remi Lenoir]].

La réception des travaux de Pierre Bourdieu dépasse progressivement le milieu de la sociologie française. Il est en particulier lu dans les milieux historiens francophones, notamment à l'EHESS. Les années 1970 voient émerger une reconnaissance anglo-saxonne{{refnec}}. L'Allemagne, grâce à l'action de Joseph Jurt, suit avec plus d'une décennie de retard<ref>Pierre Bourdieu, ''Recherche et Action. Conférences prononcées au Frankreich-Zentrum de l'Université de Fribourg en Br. (1989-200)''. Textes édités par Joseph Jurt. Fribourg en Br., 2004</ref>.

=== Collège de France ===
[[Fichier:College de france pediment.jpg|vignette|Fronton du [[Collège de France]].]]

Grâce notamment à l'appui d'[[André Miquel]], Pierre Bourdieu devient professeur titulaire au [[Collège de France]] en 1981<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Pierre Bourdieu - Page 3 : biographie, actualités et émissions France Culture|url=https://www.franceculture.fr/personne-pierre-bourdieu.html?p=3|site=France Culture|consulté le=2019-03-13}}.</ref>.

Sa leçon inaugurale, prononcée le {{date-|23 avril 1982}}, s'intitule ''Leçon sur la leçon'' qui porte sur les leçons inaugurales prononcées au Collège de France.

Il est le premier sociologue à recevoir la [[médaille d'or du CNRS]] en [[1993]]<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Pierre Bourdieu|url=http://www.cnrs.fr/fr/personne/pierre-bourdieu|site=cnrs.fr|consulté le=2018-07-12}}.</ref>.

=== Éditeur ===
Parallèlement à sa carrière universitaire, Pierre Bourdieu a mené une importante activité d'éditeur, qui lui a permis de pleinement diffuser sa pensée. En 1964, il devient directeur de la collection « Le sens commun » aux [[Les Éditions de minuit|éditions de Minuit]], jusqu’en [[1992]] où il change d’éditeur, au profit des [[éditions du Seuil]]. Dans cette collection, Pierre Bourdieu publie la plupart de ses livres, ainsi que ceux de chercheurs influencés par lui, favorisant ainsi la diffusion de sa pensée. Bourdieu publie également des classiques des sciences sociales ([[Émile Durkheim]], [[Marcel Mauss]], etc.) ou de la philosophie ([[Ernst Cassirer]], [[Erwin Panofsky]]<ref>[[Erwin Panofsky]], ''Architecture gothique et pensée scolastique'' (1951) ; trad. fr. et postface de Pierre Bourdieu, éd. Minuit, coll. « Le sens commun », 1967 {{ISBN|2707300365}} {{ISBN|2-7073-0036-5}} {{ISBN|9782707300362}}.</ref>, etc.). La collection fait également découvrir aux lecteurs français des sociologues [[États-Unis|américains]] de premier plan (traductions d’[[Erving Goffman]]). Après son passage aux éditions du Seuil, il y fonde la collection « Liber », en continuité avec la collection « Le sens commun ».

En 1975, il crée, notamment avec le soutien de [[Fernand Braudel]], la revue ''[[Actes de la recherche en sciences sociales]]'', qu'il dirige jusqu'à sa mort. Cette publication est un lieu d’exposition de ses travaux et de ceux de ses élèves. Elle se démarque des revues universitaires traditionnelles par le recours à de nombreuses illustrations (photographie, bande dessinées, etc.), son grand format et sa mise en page.

En 1995, à la suite des [[Grèves de 1995 en France|mouvements sociaux]] et pétitions de novembre-décembre en France, il fonde une [[maison d'édition]], Raisons d’agir, à la fois militante et universitaire, publiant des travaux, souvent de jeunes chercheurs qui lui sont liés, procédant à une critique du [[néolibéralisme]]<ref name="durand">{{Article|prénom1=Jean-Marie|nom1=Durand|titre=Bourdieu, dix ans après|périodique=[[Les Inrockuptibles]]|date=08-01-2012|url=http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/74918/date/2012-01-08/article/bourdieu-dix-ans-apres/|consulté le=8 janvier 2012}}.</ref>.

=== Engagement ===
À partir du début des [[années 1980]], Bourdieu s’implique davantage dans la vie publique. Il participe notamment au soutien à [[Solidarność]] en partie en raison de la sollicitation de [[Michel Foucault]]. En 1981, Bourdieu, avec [[Gilles Deleuze]] et d'autres intellectuels soutiennent ''le principe'' de la candidature de [[Coluche]] à l’élection présidentielle<ref>{{Article|langue=fr|titre=1981, la candidature Coluche lance le vote de crise [INTERACTIF]|périodique=Slate.fr|date=2012-03-29|lire en ligne=https://www.slate.fr/story/51265/1981-coluche-candidat-vote-crise|consulté le=2018-04-27}}</ref>. Le sociologue y voyait dans les accusations de [[poujadisme]] portées contre la candidature de [[Coluche]] par les hommes politiques, la volonté de ces derniers de préserver leur monopole de la représentation politique, et de se protéger contre la menace d’un « joueur » qui refuse les règles habituelles du jeu politique, montrant ainsi leur arbitraire<ref>« La représentation politique », ''Actes de la recherche en sciences sociales'', {{n°|36-37}}, 1981, {{p.|7}}. {{Lire en ligne|lien=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1981_num_36_1_2105}}.</ref>. Ce n'est que dans les [[années 1990]] qu'il s'engage pleinement dans la vie publique<ref>Michel Offerlé, « Engagement sociologique : Pierre Bourdieu en politique », ''Regards sur l’actualité'', {{n°|248}}, [[1999]].</ref>, réinvestissant la figure de l’[[intellectuel]] [[Engagement|engagé]]<ref>Toutefois, Pierre Bourdieu relativise ce changement, qui lui semble résulter de l’impression fausse induite par la transformation du champ intellectuel, conduisant les intellectuels vers des positions [[Conservatisme|conservatrices]], alors que ses propres positions demeuraient inchangées. Ainsi, dans la revue ''[[Vacarme (revue)|Vacarme]]'', à la question {{citation|Les années 1994/1995 — les suites de la publication de ''La Misère du monde'', le mouvement social de {{date-|décembre 1995}} — constituent visiblement pour vous un tournant politique. Ou plutôt, elles constituent un tournant dans la façon dont vous êtes perçu. La chronologie est-elle aussi simple ? À supposer qu’elle fonctionne, pourquoi ce moment précis ? Et s’il y a césure politique, correspond-elle à une césure épistémologique ?}}, Pierre Bourdieu répondait {{citation|Ça me surprend toujours quand on parle de « tournant ». (…) Bien sûr, on peut se dire : comment se fait-il qu’il « passe à la politique » ? En fait, c’était déjà là. Vous le dites vous-même : il a un tournant dans la façon dont je suis perçu. Je pense que c’est essentiellement ça. Un changement, cela peut tenir à la chose vue ou à la perception. Du côté de la perception, je vois bien un certain nombre de choses : le monde intellectuel a beaucoup changé et c’est peut-être parce que je n’ai pas beaucoup changé sur l’essentiel que je parais avoir changé}} ({{Article |prénom1=Philippe |nom1=Mangeot |lien auteur1=Philippe Mangeot |titre=à contre-pente, entretien avec Pierre Bourdieu |périodique=Vacarme |numéro=14 |mois=hiver |année=2001 |url texte=http://www.vacarme.org/article224.html |consulté le=10 avril 2010 }}).</ref>.

En 1993 est publié ''[[La Misère du monde]]'', un ouvrage d'entretiens et de témoignages réalisé par des sociologues et dirigé par Bourdieu. Le livre illustre les effets déstructurants des politiques néolibérales et pointe l'attention sur une forme de misère discrète, invisible et quotidienne. L'ouvrage rencontre un important succès<ref>{{Lien web |langue=fr|auteur=Martine fournier |titre=La Misère du monde. Sous la direction de Pierre Bourdieu, Seuil, 1993 |url=https://www.scienceshumaines.com/la-misere-du-monde_fr_14199.html |accès url=libre |site=Sciences humaines |date=2012 |consulté le=19 janvier 2022}}.</ref>.

Lors du [[Grèves de 1995 en France|mouvement de {{date-|novembre-décembre 1995}}]], il prend position en faveur des grévistes et prononce notamment un discours à la [[Paris-Gare-de-Lyon|Gare de Lyon]] le {{date-|12 décembre}}, dans lequel il critique la {{citation|destruction d'une civilisation}}, à savoir le démantèlement de l'État social<ref>{{Article|langue=fr|titre=Pierre Bourdieu avec les grévistes de 1995 : « Contre la destruction d’une civilisation »|périodique=Le Monde.fr|date=2018-03-22|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/03/22/pierre-bourdieu-avec-les-grevistes-de-1995-contre-la-destruction-d-une-civilisation_5274545_3232.html|consulté le=2023-03-09}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=Bourdieu et les Grèves de 1995 |url=https://www.politika.io/fr/article/bourdieu-greves-1995 |site=Politika |consulté le=2023-03-09}}.</ref>. En 1996, il est l’un des initiateurs des {{citation|États généraux du mouvement social}}. Il soutient également le mouvement de chômeurs de l’hiver 1997-1998, qui lui apparaît comme un « miracle social »<ref>Pierre Bourdieu, ''Contre-feux'', Paris, Liber Raison d'agir, 1998, 122 p. {{ISBN|978-2-912107-04-6}}, {{p.|102-107}} : « Le mouvement des chômeurs, un miracle social » (intervention du 17 janvier 1998 lors de l’occupation de l’École normale supérieure par les chômeurs).</ref>.
Pierre Bourdieu prend position en faveur des intellectuels algériens lors de la [[guerre civile algérienne]]<ref>Pierre Bourdieu : ''Interventions, 1961-2001. Science sociale & action politique'', textes choisis et présentés par Franck Poupeau et Thierry Discepolo, éd. Agone, Marseille, 2001, « Pour un parti de la paix civile » (conférence du 7 février 1994) {{p.|311-314}} et « Arrêtons la main des assassins » (message lu le 16 mars 1994 par Ariane Mnouchkine) {{p.|307-309}}.</ref>.

L’axe central de son engagement consiste en une critique de la diffusion du [[néolibéralisme]], de sa rhétorique, et des politiques de démantèlement des institutions de l’[[État-providence]]<ref>{{citation|On a là un exemple typique de cet effet de croyance partagée qui met d’emblée hors discussion des thèses tout à fait discutables. Il faudrait analyser le travail collectif des “nouveaux intellectuels” qui a créé un climat favorable au retrait de l’[[État]] et, plus largement, à la soumission aux valeurs de l’économie. Je pense à ce que l’on a appelé “le retour de l’[[individualisme]]”, sorte de [[prophétie autoréalisatrice|prophétie auto-réalisante]] qui tend à détruire les fondements philosophiques du ''[[État-providence|welfare state]]'' et en particulier la notion de [[responsabilité collective]] (dans l’[[Accident du travail|accident de travail]], la maladie ou la misère), cette conquête fondamentale de la pensée sociale (et sociologique). Le retour à l’individu, c’est aussi ce qui permet de « blâmer la victime », seule responsable de son malheur, et de lui prêcher la ''self help'', tout cela sous le couvert de la nécessité inlassablement répétée de diminuer les charges de l’[[entreprise]]}} dans ''Contre-feux'', Liber-Raison d’Agir, 1998, {{p.|14-15}}.</ref>. La plupart de ses interventions sont regroupées dans deux ouvrages intitulés ''[[Contre-feux]]''.

=== Influence et oppositions ===
L’implication de Pierre Bourdieu dans l’espace public lui assure une renommée dépassant le monde universitaire, faisant de lui un des grands intellectuels français de la seconde moitié du {{XXe siècle}}, à l’instar de [[Michel Foucault]] ou [[Jacques Derrida]]. Toutefois, à l’image de ces deux philosophes, sa pensée, bien qu’elle ait exercé une influence considérable dans le champ des sciences sociales<ref>{{en}} Carlos Albierto Tores, António Teodoro, ''Critique and utopia: new developments in the sociology of education in the twenty-first century'', Rowman & Littlefield, 2007, {{p.|140}}.</ref> n’a pas cessé de faire l’objet de vives critiques, l’accusant par exemple de [[réductionnisme]]<ref>Cf. par exemple Jeffrey C.Alexander, [http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/fichelivre.asp?n_liv_cerf=4751 ''La Réduction. Critique de Bourdieu''], Cerf, 2000.</ref> (accusation elle-même fortement critiquée<ref>{{article |titre=Notes tardives sur le « marxisme » de Bourdieu |auteur= Loïc Wacquant |périodique=Actuel Marx |numéro= 20 |pages= 83-90 |éditeur= PUF |année= 1996}}.</ref>).

Il est, dans les [[média]]s, un personnage à la fois recherché et contesté, selon l’expression d’un magazine, le plus « médiatique des anti-médiatiques »<ref>''[[Le Nouvel Observateur]]'', {{n°}}1765, {{date-|3 septembre 1998}}.</ref>. Cette figure centrale de la vie intellectuelle française est l'objet de nombreuses controverses. On peut y voir le produit de ses critiques du monde médiatique, ainsi que de son engagement [[Antilibéralisme|antilibéral]]. Sa participation à l’émission ''[[Arrêt sur images]]'' du {{date-|23|janvier|1996}}<ref>{{Lien web|titre=Archive vidéo de l'émission "Arrêt sur images", avec Pierre Bourdieu, en 1995|url=https://www.youtube.com/watch?v=l8TAr8Am95g&feature=youtu.be|site=youtube.com|date=2013-01-02|consulté le=2019-04-04}}.</ref> constitue un épisode à la fois marquant et révélateur du rapport que Pierre Bourdieu a pu entretenir avec les médias : l’émission, qui faisait suite à la [[Grèves de 1995 en France|grève de {{date-|novembre-décembre 1995}}]], devait rendre compte du traitement médiatique de celle-ci ; Bourdieu en était l’invité principal : considérant qu'il a été empêché de développer librement ses analyses et qu'il a fait l’objet de violentes critiques de la part des autres invités, professionnels des médias — [[Guillaume Durand]] et [[Jean-Marie Cavada]] —, il y voit la confirmation de l’impossibilité de « critiquer la [[télévision]] à la télévision parce que les dispositifs de la télévision s’imposent même aux émissions de critique du petit écran »<ref name="Passage à l'antenne">Pierre Bourdieu, [http://www.monde-diplomatique.fr/1996/04/BOURDIEU/2633 « Analyse d’un passage à l’antenne »], ''[[Le Monde diplomatique]]'', {{date-|avril 1996}}.</ref>. Peu de temps après, il écrit un petit ouvrage, ''[[Sur la télévision]]'', où il cherche à montrer que les dispositifs des émissions télévisuelles sont structurés d’une manière telle qu’ils engendrent une puissante censure ne permettant pas aux productions culturelles et artistiques, scientifiques et philosophiques, littéraires et juridiques d'être diffusées dans de bonnes conditions et déséquilibrant la vie politique et démocratique<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre Bourdieu|titre=Sur la télévision|passage=5|éditeur=Liber-Raisons d'agir|date=1996|isbn=2-912107-00-8|isbn2=978-2-912107-00-8|oclc=38224759|extrait=Je pense […] que la télévision fait courir un danger très grand aux différentes sphères de la production culturelle, art, littérature, science, philosophie, droit ; je crois même que […] elle fait courir un danger non moins grand à la vie politique et à la démocratie"}}</ref>.

=== Mort ===
[[Fichier:Père-Lachaise - Division 28 - Bourdieu 03.jpg|vignette|Tombe de Pierre Bourdieu et de son épouse au [[Cimetière du Père-Lachaise|cimetière du Père Lachaise]].]]
Pierre Bourdieu meurt le {{date-|23|janvier|2002}} d’un [[cancer du poumon|cancer]] généralisé à l'[[hôpital Saint-Antoine]], après avoir souffert d'un intense mal de dos d'origine inconnue. Sa mort suscite une importante couverture médiatique, qui témoigne de sa reconnaissance internationale<ref>{{Article|langue=fr|titre=Pierre Bourdieu est mort|périodique=[[Le Monde]]|date=2002-01-25|lire en ligne=https://www.lemonde.fr/archives/article/2002/01/25/pierre-bourdieu-est-mort_4213993_1819218.html|consulté le=2022-01-13|accès url=libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |prénom=Douglas |nom=Johnson |titre=Obituary: Pierre Bourdieu |url=http://www.theguardian.com/news/2002/jan/28/guardianobituaries.books |accès url=libre |site=[[The Guardian]] |date=2002-01-28 |consulté le=2022-01-13}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=es|prénom1=Octavi|nom1=Marti|titre=Muere Pierre Bourdieu, el sociólogo que fustigó la mundialización contemporánea|périodique=[[El País]]|date=2002-01-24|issn=1134-6582|lire en ligne=https://elpais.com/diario/2002/01/25/cultura/1011913202_850215.html|consulté le=2022-01-13|accès url=libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en-US|titre=Pierre Bourdieu, Leading French Thinker, Dies at 71|périodique=[[The New York Times]]|date=2002-01-24|issn=0362-4331|lire en ligne=https://www.nytimes.com/2002/01/24/obituaries/pierre-bourdieu-leading-french-thinker-dies-at-71.html|consulté le=2022-01-13|accès url=libre}}</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=de|titre=Frankreich: Soziologe Pierre Bourdieu gestorben|périodique=[[Der Spiegel]]|date=2002-01-24|issn=2195-1349|lire en ligne=https://www.spiegel.de/kultur/gesellschaft/frankreich-soziologe-pierre-bourdieu-gestorben-a-178852.html|consulté le=2022-01-13|accès url=libre}}</ref>.

Travaillant durant ses derniers mois à la théorie des champs, il entreprend la rédaction d'un ouvrage, resté inachevé, sur le peintre [[Édouard Manet]], en qui il voit une figure centrale de la révolution symbolique fondatrice de l'autonomie du champ artistique moderne. Peu de temps avant sa mort, Bourdieu termine son ''[[Esquisse pour une auto-analyse]]'', œuvre qu'il se refuse à décrire comme autobiographique mais dans laquelle il s'efforce de rendre compte de sa trajectoire sociale et intellectuelle, à partir des outils théoriques qu'il a forgés<ref>{{Lien web|titre=Pierre Bourdieu (1930-2002)|url=https://www.college-de-france.fr/media/pierre-bourdieu/UPL8389512367678053836_cdfa005_75.pdf|site=college-de-france.fr}}.</ref>.

Sa tombe se situe au [[cimetière du Père-Lachaise]], à Paris, près de celles de [[Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon|Claude Henri de Rouvroy de Saint-Simon]] et de [[Jean Anthelme Brillat-Savarin]].

== Théorie sociologique ==
=== Présentation ===
==== Œuvre aux filiations complexes ====
Bourdieu est l’héritier de la sociologie classique, dont il a synthétisé, dans une approche profondément personnelle, la plupart des apports principaux. Comme le note [[Luc Boltanski]] : {{Citation|L’œuvre [de Pierre Bourdieu] est en partie de la tradition revisitée. Au-delà du relief personnel, il a effectué un travail de synthèse et de transmission de la tradition sociologique<ref>Luc Boltanski, ''Le Monde'', {{date-|25 janvier 2002}}.</ref>}}.

Ainsi de [[Max Weber]], il a retenu l’importance de la dimension symbolique de la légitimité de toute domination dans la vie sociale ; de même que l’idée des ordres sociaux qui deviendront, dans la théorie bourdieusienne, des ''champs''. De [[Karl Marx]], il a repris le concept de [[capital]], généralisé à toutes les activités sociales, et non plus seulement économiques, et la théorie des classes sociales. D’[[Émile Durkheim]], enfin, il hérite un certain style [[Déterminisme|déterministe]] (principe de causalité) et, en un sens, à travers [[Marcel Mauss]] et [[Claude Lévi-Strauss]], [[Structuralisme|structuraliste]]. Il ne faut pas, toutefois, négliger les influences philosophiques chez ce philosophe de formation. Ainsi, [[Maurice Merleau-Ponty]] et, à travers celui-ci, la [[phénoménologie (philosophie)|phénoménologie]] de [[Edmund Husserl|Husserl]] ont joué un rôle essentiel dans la réflexion de Bourdieu sur le [[corps propre]], les dispositions à l’action, le ''sens pratique'', l'activité athéorique : c’est-à-dire dans la définition du concept central d’''habitus''. Par ailleurs, [[Ludwig Wittgenstein|Wittgenstein]], cité dès ''Esquisse d’une théorie de la pratique'' en 1971, est une source d’inspiration importante pour Bourdieu, en particulier dans sa réflexion sur la nature des règles suivies par les agents sociaux<ref>Sur cette question, on peut lire les textes réunis dans le {{n°|579}}/580 de la revue ''Critique'', en particulier ceux de Ch. Chauviré et de R. Shusterman.</ref>. Enfin, Bourdieu a placé, à la fin de sa vie, sa sociologie sous le signe de [[Blaise Pascal|Pascal]]<ref>{{article|titre=P. Bourdieu, Méditations pascaliennes|auteur=Yvan Droz|périodique=L’Homme|volume=38|numéro=147|année=1998|url=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1998_num_38_147_370524|passage=254|consulté le=9 juillet 2013}}.</ref>{{,}}<ref>''Méditations pascaliennes'' (Seuil, 1997) livrent ainsi la « philosophie négative » sur laquelle débouche, selon Bourdieu, sa sociologie. Le titre est un écho aux ''[[Méditations cartésiennes]]'' de Husserl, autre source d’inspiration de Bourdieu.</ref> : {{citation|J’avais pris l’habitude, depuis longtemps, lorsqu’on me posait la question, généralement mal intentionnée, de mes rapports avec [[Karl Marx|Marx]], de répondre qu’à tout prendre, et s’il fallait à tout prix s’affilier, je me dirais plutôt pascalien […]}}<ref>''Ibid.'', {{p.|9}}.</ref>.

==== Structuralisme constructiviste (ou structuralisme génétique) ====
La reprise du [[structuralisme génétique]] (c'est-à-dire dynamique, réinséré dans la dimension temporelle) de [[Jean Piaget]], [[Lucien Goldmann]] et surtout de [[Noam Chomsky|Chomsky]], intervient chez Bourdieu dès le milieu des années 1970 lorsqu'il s'intéresse à la rupture introduite dans le structuralisme par la [[linguistique générative]]. C'est dans ''Choses dites'' (1987) que le sociologue explicite sa volonté de donner à sa théorie sociologique le nom de {{citation|structuralisme constructiviste}} (ou « constructivisme structuraliste »)<ref>''Choses dites'', Minuit, 1987, {{p.|147}}.</ref>, qu'il appelle aussi « [[structuralisme génétique]] »<ref>''Choses dites'', Minuit, 1987, {{p.|24}}.</ref>, terme qui est depuis fréquemment utilisé pour désigner la démarche bourdieusienne de cette période<ref>Rémi Lenoir, « Structuralisme génétique », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le {{date-|10 mars 2016}}. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/structuralisme-genetique/</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|prénom1=François|nom1=Dosse|langue=fr|titre=Histoire du Structuralisme Tome II : le chant du cygne, 1967 à nos jours|éditeur=La découverte|lieu=Paris|année=1992|réimpression=2012|page=351|isbn=9782707174611}}</ref>.

=== ''Habitus'' ===
{{Article connexe|Habitus (sociologie)}}
L'origine de ce concept est à rechercher dans la pensée [[scolastique]] de [[Thomas d'Aquin]], qui a utilisé la notion d'habitus pour traduire le terme aristotélicien d'''hexis''<ref>[http://traces.revues.org/2773 Paul Costey, "Bourdieu, penseur de la pratique", Tracés, {{n°|7}}, 2004, {{p.|11-25}}].</ref>. Par le concept d’[[Habitus (sociologie)|habitus]], Bourdieu vise à penser le lien entre socialisation et actions des individus. L’habitus est constitué en effet par l’ensemble des dispositions, [[Schème (psychologie)|schèmes]] d’action ou de perception que l’individu acquiert à travers son expérience sociale. Par sa [[socialisation]], puis par sa trajectoire sociale, tout individu incorpore lentement un ensemble de manières de penser, sentir et agir, qui se révèlent durables. Bourdieu pense que ces dispositions sont à l’origine des pratiques futures des individus.

Toutefois, l’habitus est plus qu’un simple conditionnement qui conduirait à reproduire mécaniquement ce que l’on a acquis. L’habitus n’est pas une habitude que l’on accomplit machinalement. En effet, ces dispositions ressemblent davantage à la grammaire de sa langue maternelle. Grâce à cette grammaire acquise par socialisation, l’individu peut, de fait, fabriquer une infinité de phrases pour faire face à toutes les situations. Il ne répète pas inlassablement la même phrase. Les dispositions de l’habitus sont du même type : elles sont des [[Schème (psychologie)|schèmes]] de perception et d’action qui permettent à l’individu de produire un ensemble de pratiques nouvelles adaptées au monde social où il se trouve. L’habitus est {{citation|puissamment générateur}}<ref>''Questions de sociologie'', Minuit, {{p.|134}}.</ref> : il est même à l’origine d’un ''sens pratique''. Bourdieu définit ainsi l’habitus comme des {{citation|structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes}}<ref name=":0">''Le Sens pratique'', Minuit, 1980, {{p.|88}}.</ref>.

L’habitus est structure structurée puisqu’il est produit par socialisation ; mais il est également structure structurante car générateur d’une infinité de pratiques nouvelles : <blockquote>« Ce capital incorporé, l’habitus, est un passé qui survit dans le présent et qui est gros d’un avenir, qui implique un avenir : dire que nous avons des habitus, cela veut dire que nous sommes capables d’engendrer ; l’habitus n’est pas du tout quelque chose de passif – c’est pourquoi j’emploie ce mot et pas « habitude » –, une foule d’actions possibles ne sont pas inscrites dans le stimulus auquel l’habitus répond, l’exemple par excellence étant l’improvisation. L’habitus permet d’engendrer une foule de choses possibles, mais dans certaines limites<ref>{{Ouvrage|auteur1=Pierre Bourdieu|titre=Sociologie générale (cours du Collège de France, années 1983-1986)|volume=2|passage=p. 315|éditeur=Seuil|date=2016|isbn=978-2-02-133588-0}}</ref>. »</blockquote>Dans la mesure où ces dispositions font système, l’habitus est à l’origine de l’unité des pensées et actions de chaque individu. Mais, dans la mesure où les individus issus des mêmes groupes sociaux ont vécu des socialisations semblables, il explique aussi la similitude des manières de penser, sentir et agir propres aux individus d’une même [[classe sociale]]. Toutefois, Bourdieu met aussi en garde contre la réification du concept de classe sociale : <blockquote>« La science sociale doit construire non des classes mais des espaces sociaux à l'intérieur desquels peuvent être découpées des classes mais qui n'existent que sur le papier. [...] Mais faut-il pour autant accepter ou affirmer l'existence de classes? Non. Les classes sociales n'existent pas (même si le travail politique orienté par la théorie de Marx a pu contribuer, en certains cas, à les faire exister au moins à travers des instances de mobilisation et des mandataires). Ce qui existe, c'est un espace social, un espace de différences, dans lequel les classes existent en quelque sorte à l'état virtuel, en pointillé, non comme un donné, mais comme quelque chose qu'il s'agit de faire<ref>{{Ouvrage|auteur1=Pierre Bourdieu|titre=Raisons pratiques|passage=Chapitre 2, Annexe, « Espace social et champ du pouvoir » (Conférence prononcée à l’université de Madison (États-Unis) en avril 1989)|éditeur=Seuil|date=1994|isbn=978-2-02106923-5}}</ref>. »</blockquote>Cela ne signifie donc pas que les dispositions de l’habitus soient immuables<ref>Pierre Bourdieu précise dans un entretien avec [[Roger Chartier]] : {{citation|l'habitus n'est pas un destin ; ce n'est pas un ''fatum'' comme on me le fait dire ; c'est un système de dispositions ouvert qui va être constamment soumis à des expériences et, du même coup, transformé par ces expériences}} (Pierre Bourdieu et Roger Chartier, ''Le sociologue et l'historien'', Agone & Raisons d'agir, 2010, {{p.|79}}).</ref> : la trajectoire sociale des individus peut conduire à ce que leur habitus se transforme en partie. D’autre part, l’individu peut partiellement se l’approprier et le transformer par un retour sociologique sur soi<ref>''Réponses'', Seuil, 1992, {{p.|239}}.</ref>.

==== Propriétés générales de l’habitus ====
===== Hystérésis de l’''habitus'' =====
Les dispositions constitutives de l’habitus ont pour première propriété d’être durables, c’est-à-dire de survivre au moment de leur incorporation. Pour penser cette durabilité des dispositions, Bourdieu introduit le concept d’[[hystérésis]] de l’''habitus''. Ce concept cherche à désigner le phénomène par lequel un agent, qui a été socialisé dans un certain monde social, en conserve, dans une large mesure, les dispositions, même si elles sont devenues inadaptées à la suite, par exemple, d'une évolution historique brutale, comme une révolution, qui a fait disparaître ce monde :<blockquote>« Le décalage entre l’idéal et la réalité s’accroît à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle : les fameuses règles que j’ai évoquées restent en vigueur mais, par exemple, en matière d’honoraires, la pratique des avances qui est formellement interdite se rencontre de plus en plus souvent. [...] (C’est en quelque sorte le phénomène inverse de celui que je décris toujours sous le terme « hystérésis de l’habitus » : '''en vieillissant, on continue à agir en fonction du monde dans lequel on a été socialisé alors même que ce monde n’existe plus'''. Alors que, dans les sociétés qui ne changent pas, les vieux sont rois, le vieillissement dans les sociétés qui changent consiste à porter en soi le fantasme d’un monde social qui n’existe plus, l’habitus s’étant constitué dans un état du monde périmé. Les vieux sont déphasés comme Don Quichotte : ils attendent un monde qui répondrait à leurs attentes mais qui n’y répond pas<ref>{{Ouvrage|auteur1=Pierre Bourdieu|titre=L’intérêt au désintéressement (cours au Collège de France 1987-1989)|passage=p. 160|éditeur=Seuil|collection=Raisons d'agir : cours et travaux|date=2022}}</ref>.) »</blockquote>Un exemple mythique, cité par [[Karl Marx|Marx]] comme par Bourdieu, est celui de [[Don Quichotte]]<ref>''Le Sens pratique'', Minuit, 1980, {{p.|104}}.</ref>. Chevalier dans un monde où il n’y a plus de chevalerie, et inapte à faire face à l’effondrement de son univers, il en vient à chasser les moulins à vent qu’il prend pour d’immenses tyrans.

Bourdieu donne un autre exemple dans ''Le Bal des célibataires'' : les stratégies matrimoniales perdurent comme ''habitus'' à une époque où elles ont perdu leur sens, provoquant une crise matrimoniale dans la société paysanne béarnaise.

===== Transposabilité de l’''habitus'' =====
Les dispositions constitutives de l’habitus sont, d’autre part, transposables. Bourdieu veut dire par là que des dispositions acquises dans une certaine activité sociale, par exemple au sein de la famille, sont transposées dans une autre activité, par exemple le monde professionnel.

Le caractère transposable des dispositions est lié à une autre hypothèse : les dispositions des agents sont unifiées entre elles. Cette hypothèse est au centre de l’ouvrage intitulé ''La Distinction''<ref>''La Distinction. Critique sociale du jugement'', Minuit, 1979.</ref>, où Bourdieu entend montrer que l’ensemble des comportements des agents sont reliés entre eux par un « style » commun.

Dans ''La Distinction'' — qui porte essentiellement sur la structure sociale — Bourdieu met en évidence l’existence de « styles de vie » fondés sur des positions de classes différentes. Par exemple, il fait ainsi apparaître le lien qui unit l’ensemble des pratiques sociales des ouvriers. Ainsi, le rapport à la nourriture des ouvriers entretient un rapport d’homologie avec leur appréhension de l’art. Pour les ouvriers, la nourriture doit être avant tout nourrissante, c’est-à-dire utile et efficace, et elle est souvent lourde et grasse, c’est-à-dire sans considération hygiénique. De même, la vision de l’art des ouvriers est fondée sur un rejet de l’art abstrait et privilégie l’art réaliste, c’est-à-dire utile, et un peu « [[Peinture académique|pompier]] », autrement dit, « lourd » et sans « finesse ». Bourdieu retrouve cette insistance sur l’utilité dans le type de vêtements portés par les ouvriers, qui sont avant tout fonctionnels. Ce style de vie est donc unifié par un petit nombre de principes, que sont en particulier la fonctionnalité et l’absence de recherche de l’élégance. Pour Bourdieu, le style de vie des ouvriers se fonde ainsi, fondamentalement, sur le privilège accordé à la ''substance'' plutôt qu’à la ''forme'' dans l’ensemble des pratiques sociales. Bourdieu voit dans ce style de vie l’effet des dispositions de l’habitus des ouvriers, qui sont elles-mêmes le produit de leur mode de vie. La vie des ouvriers est, en effet, placée sous le mode de la nécessité, en l’absence de ressources économiques : elle engendre ainsi des dispositions où domine la recherche de l’utile et du nécessaire.

On retrouve là une idée avancée par [[Thorstein Veblen]] dans sa ''[[Théorie de la classe de loisir]]''.

==== Sens pratique et principe générateur ====
[[Fichier:Justine henin hardenne medibank international 2006.jpg|vignette|redresse|Le sens pratique d'une joueuse de tennis en action (ici, [[Justine Henin]] en 2006).]]

Ce caractère « générateur » de l’habitus est, enfin, lié à une dernière propriété de l’habitus : celle d’être au principe de ce que Bourdieu nomme le {{citation|sens pratique}} : « Principe générateur durablement monté d’improvisations réglées, l’habitus comme sens pratique opère la réactivation du sens objectivé dans les institutions<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bourdieu|titre=Le sens pratique|passage=Chapitre 3, « Structures, habitus, pratiques »|éditeur=Éditions de Minuit|date=1980|isbn=9782707338433}}</ref> ».

Bourdieu veut dire par là que l’habitus étant le reflet d’un monde social, il lui est adapté et permet aux agents, sans que ceux-ci aient besoin d’entreprendre une réflexion « tactique » consciente, de répondre immédiatement et sans même y réfléchir aux évènements auxquels ils font face : <blockquote>« La logique pratique n’a rien d’un calcul logique qui serait à lui-même sa fin. Elle fonctionne dans l’urgence, et en réponse à des questions de vie ou de mort. C’est dire qu’elle ne cesse de sacrifier le souci de la cohérence à la recherche de l’efficacité, tirant tout le parti possible des doubles ententes et des coups doubles qu’autorise l’indétermination des pratiques et des symboles<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bourdieu|titre=Le sens pratique|passage=« Le bon usage de l'indétermination »|éditeur=Éditions de Minuit|date=1980|isbn=9782707338433}}</ref>. »</blockquote>Ainsi, à la façon d’un [[Tennis|joueur de tennis]], qui ayant profondément acquis la logique de son jeu, court vers où la balle, lancée par son adversaire, va retomber, sans même y penser (on dit alors qu’il a acquis les automatismes de son jeu), l’agent va agir de même dans le monde social où il vit en développant, grâce à son habitus, de véritables « stratégies » adaptées aux exigences de ce monde. Ainsi, {{Citation|le principe réel des stratégies [est] le sens pratique, ou, si l’on préfère, ce que les sportifs appellent le sens du jeu, comme maîtrise pratique de la logique ou de la nécessité immanente d’un jeu qui s’acquiert par l’expérience du jeu et qui fonctionne en deçà de la conscience et du discours}}<ref>''Choses dites'', Minuit, [[1988]], {{p.|77}}.</ref>.

Tout comme le fait un joueur de tennis, les stratégies adoptées peuvent être conscientes ou inconscientes. Elles sont des modèles d'action, comprises en termes de profit vers une finalité. Fonction du monde social passé, selon les interactions présentes, elles essaient de fabriquer le futur dans le meilleur bénéfice pour son patrimoine. Ces stratégies ne sont pas forcément délibérément choisies, et même peuvent être d'autant plus efficaces qu'elles ne sont pas intentionnelles<ref>{{article|prénom1=Alain|nom1=Dewerpe|url=http://enquete.revues.org/533|titre=La « stratégie » chez Pierre Bourdieu »|périodique=Enquête|numéro=3|année=1996}}.</ref>.

Avec sa théorie du sens pratique, Bourdieu semble retrouver la théorie de l’[[Homo œconomicus|acteur rationnel]], dominante en économie, en ce qu’il insiste sur le fait que l’habitus est au principe de stratégies par lesquelles les agents accomplissent la recherche d’un intérêt. La différence est pourtant profonde : Bourdieu veut, au contraire, montrer que les agents ne calculent pas, en cherchant intentionnellement à maximiser leur intérêt selon des critères rationnels explicites et conscients. Il critique ainsi fortement la théorie de l’acteur rationnel : il refuse l’idée que les acteurs soient des stratèges minutieux et conscients à la poursuite d’intérêts longuement réfléchis. Pour lui, bien au contraire, les agents agissent - ou plutôt sont dans une pratique – à partir de leurs dispositions sociales, construites au fur et à mesure de leur trajectoire et inscrites dans leur corps, qui rendent possible ce « sens du jeu » – et non par une réflexion consciente. Comme Bourdieu l’écrit, « l’habitus enferme la solution des paradoxes du sens objectif sans intention subjective : il est au principe de ces enchaînements de ''coups'' qui sont objectivement organisés comme des stratégies sans être le produit d’une véritable intention stratégique »<ref>''Le Sens pratique'', ''op. cit'', {{p.|103-104}}.</ref>.

==== ''Illusio'' ====
Bourdieu prolonge sa critique en refusant l’[[utilitarisme]] de la théorie de l’acteur rationnel : l’intérêt ne se résume pas, pour Bourdieu, à un intérêt matériel. Il est la croyance qui fait que les individus pensent qu’une activité sociale est importante, vaut la peine d’être poursuivie. Il existe donc autant de types d’intérêt que de champs sociaux : chaque espace social propose en effet aux agents un enjeu spécifique. Ainsi l’intérêt que poursuivent les hommes politiques n’est pas le même que celui des hommes d’affaires : les uns croient que le [[pouvoir politique|pouvoir]] est la source fondamentale d’utilité, tandis que l’enrichissement économique est la motivation première des ''businessmen''. Bourdieu a ainsi proposé de substituer au terme d’''intérêt'' celui d’''illusio''. Par ce mot, Bourdieu entend en effet souligner qu’il n’est pas d’intérêt qui ne soit une [[croyance]], une ''illusion'' : celle de croire qu’un enjeu social spécifique a une importance telle qu’il faille le poursuivre. Comme le note Bourdieu, {{Citation|l’''illusio'', c’est le fait d’être pris au jeu, d’être pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la chandelle, ou, pour dire les choses simplement, que ça vaut la peine de jouer}}<ref name=":1">{{Ouvrage|langue=fr|titre=Raisons pratiques|passage=p. 17-18|éditeur=Seuil|date=1994}}</ref>. Or, cette ''illusio'' est acquise par socialisation. L’agent croit que tel enjeu social est important, parce qu’il a été socialisé à le croire. Les intérêts sociaux sont ainsi des croyances, socialement inculquées et validées. Cette croyance est particulièrement forte chez ceux que Bourdieu appelle les {{Citation|natifs}} du champ, c'est-à-dire ceux qui possèdent les propriétés objectives les plus recherchées dans cet univers social et celles qui y favorisent le succès<ref>[http://traces.revues.org/2133 Voir sur ce point un article de Paul Costey sur l'illusio chez les universitaires: "L'illusio chez Pierre Bourdieu. Les (més)usages d'une notion et son application au cas des universitaires, ''Tracés'', {{n°|8}}, 2005, {{p.|13-27}}].</ref>.

==== Aux origines du concept d’habitus ====
Élaboré pour la première fois dans un article sur le célibat chez les paysans<ref>{{Article|auteur1=BOURDIEU, Pierre|titre=Célibat et condition paysanne|périodique=Études rurales|volume=vol. 5 / 1|date=1962|pages=p. 32‑135}}</ref> thématisé dans la préface à une publication d’œuvres d’ethnologie kabyle, ''Esquisse d’une théorie de la pratique'' (1972), complétée dans ''Le sens pratique'' (1980), le concept d’habitus visait, primitivement, à dépasser les deux conceptions du sujet et de l’action alors dominantes dans l’espace intellectuel français.

S’opposaient ainsi les théories inspirées de la [[Phénoménologie (philosophie)|phénoménologie]], et en particulier l’[[existentialisme]] de [[Jean-Paul Sartre]], qui plaçaient au cœur de l’action la liberté absolue du sujet, aux théories issues du [[structuralisme]], en particulier l’[[anthropologie structurale]] de [[Claude Lévi-Strauss]], qui faisait de l’action du sujet un comportement déterminé, au moins en partie, par une conformation structurée de la collectivité (un agencement spontané des relations entre catégories d'individus et fonctions au sein du groupe, agencement dont le sujet n'a que peu ou pas conscience).

Face au structuralisme, Bourdieu a voulu redonner une capacité d’action autonome au sujet, sans toutefois lui accorder la liberté que lui prêtait l’[[existentialisme]]. La solution que propose Bourdieu est de considérer que l’agent a, lors des différents processus de socialisation qu’il a connus, en particulier sa socialisation primaire, incorporé un ensemble de principes d’action, reflets des structures objectives du monde social dans lequel il se trouve, qui sont devenus en lui, au terme de cette incorporation, des {{citation|dispositions durables et transposables}}, selon l’une des définitions de l’habitus<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bourdieu|titre=Le sens pratique|passage=p. 88|éditeur=Éditions de Minuit|date=1980|isbn=9782707338433}}</ref>.

Ainsi l’agent en un certain sens agit de lui-même, à la différence du sujet structuraliste qui (dans l'interprétation que Bourdieu et d'autres sociologues après lui en font<ref>Jocelyn Benoist, « Structures, causes et raisons. Sur le pouvoir causal de la structure », ''Archives de Philosophie'' 2003/1 (Tome 66), {{p.|80}}, lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2003-1-page-73.htm</ref>) actualise des règles : en effet, son action est le produit des « stratégies inconscientes » qu’il développe. Toutefois, ces stratégies sont constituées à partir de dispositions que l’agent a incorporées. Au fondement de l’action, on trouve donc l’ensemble de ces dispositions qui constituent l’habitus. C’est pour cela que Bourdieu préfère au terme d’« ''acteur'' », généralement employé par ceux qui veulent souligner la capacité qu’a l’individu d’agir librement, celui d’« ''agent'' », qui insiste, au contraire, sur les déterminismes auxquels est soumis l’individu. Certains travaux insistent néanmoins sur la relation entre habitus, liberté et [[réflexivité (sciences sociales)|réflexivité]]<ref>cfr. par exemple Hilgers, M., 2006, « Liberté et habitus chez Pierre Bourdieu » in Espaces Temps, http://www.espacestemps.net/document2064.html.</ref>.

L’action des individus est donc, au terme de la théorisation de Bourdieu, fondamentalement le produit des structures objectives du monde dans lequel ils vivent, et qui façonnent en eux un ensemble de dispositions qui vont structurer leurs façons de penser, de percevoir et d’agir :<blockquote>« Les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d’existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement « réglées » et « régulières » sans être en rien le produit de l’obéissance à des règles, et, étant tout cela, collectivement orchestrées sans être le produit de l’action organisatrice d’un chef d’orchestre<ref name=":0" />. »</blockquote>

==== À l’origine de la théorie du sens pratique : les stratégies matrimoniales ====
Dès le milieu des [[années 1960]], Bourdieu s’intéresse au champ de la [[parenté]] cher à l’[[anthropologie]] classique. Cela sera le premier chantier d’une critique radicale de l’objectivisme dominant alors la théorie anthropologique. En forgeant une théorie qui trouve sa source dans le sens de la pratique, il cherche en effet à marquer une nette rupture avec le [[structuralisme]], qui selon lui privilégierait l’étude des règles et des normes pour expliquer les pratiques de la vie sociale. Ses travaux ethnographiques en Kabylie et, parallèlement, en [[Béarn]] (notamment dans son village natal) sont l’occasion alors pour lui de proposer un concept nouveau, celui de {{citation|stratégie matrimoniale}}<ref>Samuel Lézé, "[https://www.academia.edu/1792452/Strat%C3%A9gie Stratégie]", in : Cazier (dir.) ''Abécédaire de Pierre Bourdieu'', Sils Maria, Vrin, 2007, {{p.|183-85}}.</ref>.

Selon Bourdieu, l’individu social est un agent mû par un intérêt, personnel ou collectif (son groupe, sa famille), dans un cadre élaboré par l’habitus qui est le sien. Sur la base d’un ensemble réduit de quelques principes normatifs, correspondant à une position sociale et à une condition matérielle, l’agent élabore la stratégie qui sert le mieux ses objectifs. Appliquée au domaine de la parenté, cette idée nous montre des individus opérant des choix cruciaux à l’occasion des mariages dans le but, déterminant à l’avis de l’auteur, de préserver ou améliorer la condition sociale de la famille. C’est le concept de « stratégie matrimoniale » qui complexifie et affine notre regard sur des situations jusqu’ici peu expliquées, par exemple le fait, en Béarn, de confier à une fille plutôt qu’à un garçon la transmission du patrimoine familial pour éviter de le voir morcelé. Il utilise l’analogie du joueur de cartes, qui doit composer son jeu et atteindre son objectif, en fonction des atouts et des fausses cartes qu’il a en main. {{citation|Tout se passe comme si ces stratégies matrimoniales visaient à corriger les ratés des stratégies de fécondité}}, nous dit l’auteur. Finalement, en étudiant justement ces situations particulières (le droit d’aînesse, le primat de la masculinité dans les affaires de succession, la question du mariage du cadet), Bourdieu nous montre un modèle d’analyse où le mariage (l’alliance) et la succession (la filiation) sont avant tout une somme de pratiques dont le sens est construit par l’utilisation réfléchie de chacun<ref>{{Article|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=Les stratégies matrimoniales dans le système de reproduction|périodique=Annales. Histoire, Sciences Sociales|volume=27|numéro=4-5|date=1972-10|issn=0395-2649|issn2=1953-8146|doi=10.3406/ahess.1972.422586|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.3406/ahess.1972.422586|consulté le=2022-01-30|pages=1105–1127}}</ref>.

=== Théorie des champs ===
{{Article connexe|Champ (sociologie)}}
Chaque champ est organisé selon une logique propre déterminée par la spécificité des enjeux et des atouts que l’on peut y faire valoir :<blockquote>« Il en va autrement des distorsions liées à l’appartenance à un champ et à l’adhésion, unanime dans les limites de ce champ, à la doxa qui le définit en propre. L’implicite en ce cas, c’est ce qui est impliqué dans le fait d’être pris au jeu, c’est-à-dire dans l’''illusio'' comme croyance fondamentale dans l’intérêt du jeu et la valeur des enjeux qui est inhérente à cette appartenance<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Pierre Bourdieu|titre=Méditations pascaliennes|passage=p. 22-23|éditeur=Seuil|date=1997}}</ref>»</blockquote>Les interactions se structurent donc en fonction des ressources que chacun des agents possède et mobilise, c’est-à-dire, pour reprendre les catégories construites par Bourdieu, de son capital, qu’il soit économique, culturel, social ou symbolique.

Le champ est un espace de positions où les participants partagent des intérêts (les enjeux), tous cherchent à capter une partie du « capital spécifique » au champ (par exemple du capital politique dans le champ politique, du capital intellectuel dans le champ intellectuel, etc.). Les chances de capter ce capital spécifique dépendent du volume de capital « de base » que possède l'agent (économique, culturel, social et symbolique) selon un taux de convertibilité : <blockquote>« C’est cette structure qui assigne à chaque chercheur, en fonction de la position qu’il y occupe, ses stratégies et ses prises de position scientifiques, et les chances objectives de réussite qui leur sont promises. Ces prises de position sont le produit de la relation entre la position dans le champ et les dispositions (l’habitus) de son occupant<ref>{{Ouvrage|auteur1=Bourdieu|titre=Science de la science et réflexivité|passage=p. 117|éditeur=Seuil|date=2002|isbn=978-2912107145}}</ref>. »</blockquote>Chaque champ a ses règles de fonctionnement spécifiques, mais on peut retrouver des régularités comme la lutte entre les dominants du champ et les nouveaux entrants – qui ont intérêt à subvertir les règles de distribution du capital spécifique au champ.

{{Article connexe|La Reproduction{{!}}''La Reproduction''}}

=== Théorie de l’espace social ===
Pierre Bourdieu a construit, notamment dans ''La Distinction''<ref>''La distinction. Critique sociale du jugement'', Minuit, 1979.</ref>, une théorie de l’espace social, au croisement des traditions marxiste et wébérienne. Cette théorie se propose d’expliquer principalement :
# La logique de constitution des groupes sociaux à partir des modes de hiérarchisation des sociétés
# Les styles de vie et les luttes que se livrent ces groupes sociaux
# Les modalités de reproduction des hiérarchies sociales et des groupes sociaux.

==== Hiérarchisation et constitution des groupes sociaux ====
Bourdieu, dans ''La Distinction'' essentiellement, propose une théorie originale de la hiérarchisation de l’espace social, à partir d’une relecture de [[Max Weber]]. Cette théorie s’oppose à la théorie [[Marxisme|marxiste]] selon laquelle les sociétés se structureraient à partir des processus de production économique. Ainsi, dans ce que les marxistes appellent le mode de production capitaliste, la production économique est structurée autour du rapport de production opposant producteurs directs (les [[prolétariat|prolétaires]]) et possesseurs des moyens de production (les capitalistes). Le [[capitalisme]] créerait ainsi deux classes sociales, les prolétaires et les capitalistes. Ces deux classes seraient en lutte, les capitalistes exploitant, selon les marxistes, les prolétaires. La production économique structurerait ainsi la société en créant des classes sociales antagonistes.

{{Encadré|
fond=#FFF8F8|
largeur=30em|
titre=Les types de capitaux|
contenu= Pierre Bourdieu distingue quatre types de capitaux fondamentaux :
* Le [[Capital économique (sociologie)|capital économique]] mesure l'ensemble des ressources économiques d'un individu, à la fois ses revenus et son patrimoine.
* Le [[capital culturel]] mesure l'ensemble des ressources culturelles dont dispose un individu. Elles peuvent être de trois formes : incorporées (savoir et savoir-faire, compétences, forme d'élocution, etc.), objectivées (possession d'objets culturels) et institutionnalisée (titres et diplômes scolaires).
* Le [[capital social (sciences sociales)|capital social]] mesure l'ensemble des ressources qui sont liées à la {{Citation|possession d'un réseau durable de relations d'interconnaissance et d'inter-reconnaissance}}<ref>Pierre Bourdieu, {{Citation|Le capital social}}, ''Actes de la recherche en sciences sociales'', n°31, 1980, {{p.|2}}.</ref>.
* Le [[capital symbolique]] désigne toute forme de capital (culturel, social, ou économique) ayant une reconnaissance particulière au sein de la société.

Bourdieu désigne par le terme de capital toutes ces ressources sociales dans la mesure où elles résultent d'une accumulation qui permet aux individus d'obtenir des avantages sociaux. Le capital économique et le capital culturel constituent, pour Bourdieu, les deux formes de capitaux les plus importantes dans nos sociétés. Toutefois, il existe pour lui un type de capital spécifique à chaque champ social, qui en détermine la structure et y constitue l'enjeu des luttes.}}

Bourdieu refuse cette théorie de l’espace social. Il pense en effet, à la suite de Max Weber, que les sociétés ne se structurent pas seulement à partir de logiques économiques. Il propose ainsi d’ajouter au [[capital]] économique, ce qu’il nomme, par analogie, le capital culturel<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=Pierre Bourdieu|titre=Les trois états du capital culturel|périodique=Actes de la Recherche en Sciences Sociales|date=1979|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1979_num_30_1_2654}}</ref>. Il lui semble, en effet, que dans les sociétés modernes, la quantité de ressources culturelles que possèdent les agents sociaux joue un rôle essentiel dans leur position sociale. Par exemple, la position sociale d’un individu est, pour Bourdieu, tout autant déterminée par le diplôme dont il dispose que par la richesse économique dont il a pu hériter.

Bourdieu construit ainsi une théorie à deux dimensions de l’espace social, qui s’oppose à la théorie unidimensionnelle des marxistes. La première dimension est constituée par le capital économique possédé, la deuxième par le capital culturel. Un individu se situe quelque part dans l’espace social en fonction à la fois du volume total des deux capitaux qu’il possède, mais également de l’importance relative de chacun des deux types de capital dans ce volume total. Par exemple, parmi les individus dotés d’une grande quantité de capitaux, et qui forment la classe dominante d’une société, Bourdieu oppose ceux qui ont beaucoup de capital économique et moins de capital culturel (la bourgeoisie industrielle pour l’essentiel), situés en haut à droite du schéma ci-dessous, aux individus qui ont beaucoup de capital culturel mais moins de capital économique, situés en haut à gauche du schéma (les professeurs d’université, par exemple).

[[Fichier:Espace social de Bourdieu.svg|gauche|vignette|Espace des positions sociales et espace des styles de vie<ref>Schéma simplifié extrait de ''Raisons pratiques'', Seuil, coll. Points, 1996, {{p.|21}}.</ref>.]]

Bourdieu insiste sur le fait que sa vision de l’espace social est relationnelle<ref name=":1" /> : la position de chacun n’existe pas en soi, mais en comparaison des quantités de capital que possèdent les autres agents. D’autre part, si Bourdieu pense que capital culturel et capital économique sont les deux types de ressources qui structurent le plus en profondeur les sociétés contemporaines, il laisse la place à tout autre type de ressources, qui peuvent, en fonction de chaque société particulière, occuper une place déterminante dans la constitution des hiérarchies sociales.

Bourdieu, à partir de cette théorie de la hiérarchisation de la société, cherche à comprendre comment se construisent les groupes sociaux. À la différence des marxistes, Bourdieu ne croit pas que les classes sociales existent, en soi, objectivement, conformément à la position dite « réaliste ». Au contraire, si le sociologue peut, à partir des différences de comportements sociaux par exemple, construire des classes sociales « sur le papier », il ne va pas de soi que les individus se considèrent comme en faisant partie. De nombreuses études ont ainsi pu montrer que le nombre d’individus se considérant comme faisant partie de la « classe moyenne » est bien supérieur à celui que l’on aurait à partir d’une définition « objective » de cette appartenance. Toutefois, Bourdieu ne pense pas non plus que les classes sociales n’ont aucune réalité, qu’elles ne sont qu’un regroupement arbitraire d’individus, à la façon de la position « nominaliste ». Bourdieu pense qu’une partie essentielle du travail politique consiste à mobiliser les agents sociaux, à les regrouper symboliquement, afin de créer ce sentiment d’appartenance, et de constituer ainsi des classes sociales « mobilisées ». Mais cela a d’autant plus de chance de réussir que les individus que l’on tente ainsi de réunir sont objectivement proches dans l’espace social<ref>Cf., en particulier, « Espace social et genèse des classes », ''Actes de la recherche en sciences sociales'', {{n°|52-53}}, 1984.</ref>.

==== Espace des styles de vie et luttes symboliques ====
Cependant, dans ces luttes symboliques, les classes dominées ne peuvent être que perdantes : en imitant les classes dominantes, elles en reconnaissent la distinction culturelle ; sans pouvoir la reproduire jamais. {{citation|La prétention part toujours battue puisque, par définition, elle se laisse imposer le but de la course, acceptant, du même coup, le handicap qu’elle s’efforce de combler}}<ref>''Question de sociologie'', Minuit, 1984, {{p.|201}}.</ref>.

Pour Bourdieu, il n’y aurait pas de goûts en eux-mêmes vulgaires : s’ils le sont, c’est parce qu’on les oppose à d’autres définis comme distingués. Comme il le dit : « Le goût est le dégoût du goût des autres »<ref>{{Lien web |auteur=Pierre Bourdieu |titre=Nos goûts sont des dégoûts |url=https://www.youtube.com/watch?v=um7yAToVwcY |format=mp4 |site=Youtube, Institut National de l'Audiovisuel |date=2022}}.</ref>. Le [[golf]] ne pourrait être distingué s’il n’existait pas d’autres sports, comme le [[football]], auquel on puisse l’opposer. De fait, la distinction des pratiques sociales se modifie avec le temps, essentiellement en fonction de leur adoption par les classes sociales les plus basses.

==== Reproduction des hiérarchies sociales ====
Dans ''[[La Reproduction]]''<ref>Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, ''La reproduction'', Minuit, 1970.</ref>, Pierre Bourdieu, avec [[Jean-Claude Passeron]], s’efforce de montrer que le système d’enseignement exerce un « pouvoir de violence symbolique », qui contribue à donner une légitimité au rapport de force à l’origine des hiérarchies sociales. Comment cela est-il possible ? Bourdieu croit tout d’abord constater que le système éducatif transmet des savoirs qui sont proches de ceux qui existent dans la classe dominante. Ainsi, les enfants de la classe dominante disposent d’un ''capital culturel'' qui leur permet de s’adapter plus facilement aux exigences scolaires et, par conséquent, de mieux réussir dans leurs études. Cela, pour Bourdieu, permet la légitimation de la reproduction sociale. Le sociologue [[Alain Accardo]], s'appuyant sur les travaux de Bourdieu, peut ainsi écrire : {{citation|sous couvert de valoriser les acquis proprement scolaires, l'École valorise surtout ce qu'elle est incapable de faire acquérir (le capital culturel hérité et incorporé)<ref>Alain Accardo, ''Le petit-bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes'', [[Éditions Agone]], coll. « Contre-feux », 2009, {{p.|75}}.</ref>}}. La cause de la réussite scolaire des membres de la classe dominante demeure en effet masquée, tandis que leur accession, grâce à leurs diplômes, à des positions sociales dominantes est légitimée par ces diplômes. Comme il le note, « les verdicts du tribunal scolaire ne sont aussi décisifs que parce qu’ils imposent la condamnation et l’oubli des attendus sociaux de la condamnation »<ref>''Ibid.'', {{p.|249}}.</ref>. Autrement dit, pour Bourdieu, en masquant le fait que les membres de la classe dominante réussissent à l’école en raison de la proximité entre leur culture et celle du système éducatif, l’école rend possible la légitimation de la reproduction sociale<ref>{{Lien web|langue=fr|nom1=Dortier|prénom1=Jean-François|titre=Les idées pures n'existent pas|url=https://www.scienceshumaines.com/les-idees-pures-n-existent-pas_fr_14184.html|site=Sciences Humaines|consulté le=2017-03-04}}.</ref>.

Ces thèses sont reprises et développées dans ''La Noblesse d’État'' publié en 1989 en collaboration avec Monique de Saint-Martin<ref>''La Noblesse d’État. [[Grande école|Grandes écoles]] et esprit de corps'', Minuit, 1989.</ref>. Bourdieu met en avant l’emprise de plus en plus grande de ce qu’il nomme le {{citation|mode de reproduction à composante scolaire}}, qui fait du diplôme un véritable « droit d’entrée » dans les entreprises bureaucratiques modernes, même pour la bourgeoisie industrielle qui s’en est longtemps passé pour transmettre ses positions sociales<ref>''op. cit.'', {{p.|406}}.</ref>. Aujourd’hui, presque toutes les classes sociales sont condamnées à assurer l’obtention par leurs enfants de diplômes scolaires à même de reproduire leur position sociale, jusques et y compris les propriétaires d’entreprise, dont les enfants doivent avoir un diplôme pour diriger à leur tour l’entreprise. Cela a transformé profondément le système scolaire, en particulier le champ des grandes écoles du pouvoir. Ainsi, Bourdieu s’efforce de montrer que les grandes écoles traditionnelles, où les compétences scolaires traditionnelles dominent, sont aujourd’hui concurrencées par de nouvelles écoles, proche du pôle dominant du champ du pouvoir. L’École normale supérieure a ainsi perdu sa place dominante au profit de l’[[École nationale d'administration (France)|ENA]]. Dans le même temps, des « écoles refuges » (souvent des écoles de gestion comme l’[[European Business School Paris|European Business School]], pour reprendre l’exemple de Bourdieu), aux exigences scolaires faibles, sont apparues, dont la fonction est de permettre à des enfants issus des classes dominantes d’acquérir des diplômes qu’ils ne peuvent obtenir dans les grandes écoles<ref>{{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=La Noblesse d'Etat : grandes écoles et esprit de corps|éditeur=Les Editions de minuit|date=1989|isbn=2-7073-1278-9|isbn2=978-2-7073-1278-5}}</ref>.

== Sociologies spécialisées ==
Pierre Bourdieu a, à partir de son appareil conceptuel, abordé l’étude de nombreux sous-champs de la sociologie, comme la sociologie du sport, la sociologie politique, la sociologie religieuse, etc.

=== Sociologie des médias ===
{{Article détaillé|Sociologie des médias de Pierre Bourdieu}}
Au cours des [[années 1990]], Pierre Bourdieu s'est intéressé de plus près aux [[média]]s. Sa [[sociologie des médias]] s'est construite principalement autour de la question des transformations du champ journalistique par la [[télévision]], sur laquelle il porte un regard très critique. Dans une approche néanmoins moins académique que dans le reste de ses travaux, Bourdieu développe une analyse du rôle de ce médium dans la sphère sociale et politique donnant lieu à plusieurs publications dont un livre ''Sur la télévision'' (1996). Les recherches sur le champ journalistique menées dans les années suivantes par ses collaborateurs permettront de confirmer empiriquement - ou dans certains cas de nuancer et préciser - les hypothèses de Pierre Bourdieu à propos de l'emprise du journalisme sur les autres champs de production culturelle et sa dépendance aux champs politique et économique<ref>{{Article |langue=fr |auteur1=Benjamin Ferron, Jean-Baptiste Comby, Jérôme Berthaut, Karim Souanef |titre=Réinscrire les études sur le journalisme dans une sociologie générale |périodique=Biens Symboliques/Symbolic Goods |volume=2 |date=avril 2018 |lire en ligne=https://www.biens-symboliques.net/259/ |consulté le=09/01/2019 }}.</ref>.

À l'issue des [[Grèves de 1995 en France|grèves de 1995-1996]], Pierre Bourdieu est invité par [[Daniel Schneidermann]] dans l'émission télévisée ''[[Arrêt sur images]]'' aux côtés des journalistes [[Jean-Marie Cavada]] et [[Guillaume Durand]] face auxquels il se propose de critiquer le système télévisuel aux travers d'extraits de leurs émissions<ref>[http://blip.tv/file/2905720 Vidéo] de l'émission ''[[Arrêt sur images]]'' du {{date-|23 janvier 1996}}.</ref>. Se considérant pris au piège par la « mécanique » de ce médium, il reviendra sur son propre passage télévisé dans un article polémique<ref name="Passage à l'antenne"/> qui donnera lieu à un échange houleux avec l'animateur, Daniel Schneidermann<ref>D. Schneidermann, [http://www.monde-diplomatique.fr/1996/05/SCHNEIDERMANN/2778 « Réponse à Pierre Bourdieu »], ''[[Le Monde diplomatique]]'', {{date-|mai 1996}}.</ref>.

Pierre Bourdieu s'est aussi intéressé à [[Opinion publique|l'opinion publique]]. Dans un article intitulé « L'opinion publique n'existe pas »<ref>{{Lien web|titre=Pierre Bourdieu : L'opinion publique n'existe pas, 1972.|url=https://www.acrimed.org/L-opinion-publique-n-existe-pas|site=acrimed.org|consulté le=2022-02-17}}.</ref>, il propose une analyse critique des processus à l'œuvre dans les sondages d'opinion, ainsi que de trois présupposés implicites : tout le monde peut avoir une opinion, toutes les opinions se valent, il existe un consensus sur les problèmes qui méritent d'être posés. Il résumé ainsi sa démarche : « Je dis simplement que l'opinion publique dans l'acception implicitement admise par ceux qui font des sondages d'opinion ou ceux qui en utilisent les résultats, je dis simplement que cette opinion-là n'existe pas » (Conclusion, ''Ibid.'').

=== Usages sociaux de la science ===
Dès 1975, Pierre Bourdieu étudie le champ scientifique dans un article fondateur<ref>{{Article |auteur1=Pierre Bourdieu |titre=La spécificité du champ scientifique et les conditions sociales du progrès de la raison |périodique=Sociologie et sociétés |volume=7 |numéro=1 |date=mai 1975 |pages=91-118 |lire en ligne=http://science-societe.fr/bourdieu-pierre-la-specificite-du-champ-scientifique-et-les-conditions-sociales-du-progres-de-la-raison-sociologie-et-societes-volume-7-number-1-may-1975-p-91-118/ |consulté le=12/06/2018 }}.</ref>. Il y introduit de nouveaux concepts sociologiques comme le ''champ scientifique'' et le ''capital scientifique''<ref>{{Ouvrage |auteur1=Pierre Bourdieu |titre=Les usages sociaux de la science |sous-titre=Pour une sociologie clinique du champ scientifique |éditeur=INRA Editions |lieu=Paris |année=1997 |passage=7 Préface de Patrick Champagne|isbn=9782738007933 |id=QUAE1997}}.</ref>. Il s'insurge contre les usages communs de la science, notamment à la télévision.

Il tente de définir le rapport optimal que peut entretenir un savant avec les citoyens, ou avec les médias.<blockquote>« Un des problèmes qui se pose à tous les savants à des degrés divers, mais qui se pose de manière particulière aux sociologues, puisqu’ils sont censés produire de la vérité sur le monde social, c’est de restituer les acquis de la science dans les domaines où ces acquis pourraient contribuer de manière positive à résoudre des problèmes qui ont accédé à la conscience publique. Mais la fonction la plus utile, en plus d’un cas, serait de dissoudre les faux problèmes ou les problèmes mal posés. Évidemment, si vous êtes dans cette disposition, vous n’avez rien à faire à la télévision, puisque le présupposé qu’il faut accepter quand on est interviewé à la télévision, c’est de prendre au sérieux ces faux problèmes. Comme font les faux philosophes : leur vrai métier consiste à prendre au sérieux les faux problèmes. Alors qu’il faudrait des commandos d’intervention philosophique rapide pour détruire les faux problèmes, pour faire du Wittgenstein dans la vie de tous les jours, et tout spécialement dans les médias. » <ref>{{Article|auteur1=BOURDIEU, Pierre|titre=Discussion, in Les usages sociaux de la science : Pour une sociologie clinique du champ scientifique|périodique=Éditions Quæ|date=2019|lire en ligne=http://books.openedition.org/quae/40632}}</ref></blockquote>

== Critiques ==
L’œuvre de Pierre Bourdieu a été l’objet d’une attention critique toute particulière, à la mesure de son influence dans les sciences sociales. Il est difficile de faire apparaître une seule ligne de force dans ce qui est reproché à un travail étalé sur près de quarante ans. Ces critiques sont venues de diverses écoles de pensées en sciences sociales — des marxistes aux partisans de la théorie de l’acteur rationnel — et ont porté sur des aspects très divers de ce travail.

Une critique domine, toutefois : celle-ci porte sur la nature des déterminations sociales dans la théorie de Pierre Bourdieu, qui sont décrites comme rigides et simplificatrices (critique du « déterminisme »). Toutefois, Pierre Bourdieu a rappelé dans de nombreux ouvrages<ref>Par exemple dans ''Questions de sociologie'', Éditions de Minuit, 1980, {{p.|134-135}}.</ref> que l'''habitus'' est un principe ''puissamment générateur'' et ''d'invention''. Plus généralement, l'économiste [[Robert Boyer]] a montré<ref>''Travailler avec Bourdieu'', Encrevé et Lagrave (dir.), Flammarion, 2002, {{p.|275-278}}.</ref> que la sociologie de Pierre Bourdieu était très bien armée pour penser les changements du monde social (au-delà des reproductions déterministes qui existent de fait). Le philosophe [[Jacques Bouveresse]] rappelle que « Bourdieu a été accusé régulièrement de proposer des analyses du monde social qui ne peuvent conduire qu’au nihilisme et à un sentiment d’impuissance plus ou moins radicale » mais souligne « qu’il cherchait […] exactement le contraire de cela : une forme d’idéalisme réaliste, appuyé sur la connaissance, plutôt que sur les désirs, les rêves, les grandes idées et les bonnes intentions »<ref>[[Jacques Bouveresse]], « Bourdieu, savant et politique », ''Cités'' 1/2004 ({{n°|17}}), {{p.|133-141}}. {{Lire en ligne|lien=http://www.cairn.info/revue-cites-2004-1-page-133.htm}}.</ref>.

Le philosophe [[Jacques Rancière]] a mis en cause, notamment dans ''Le philosophe et ses pauvres''<ref>{{Ouvrage|auteur1 = Jacques Rancière|titre = Le philosophe et ses pauvres|lieu = Paris|éditeur = Fayard|année = 1983|pages totales = 316|isbn = }}.</ref>, le risque de reconduction infinie de la domination dans la sociologie critique de Pierre Bourdieu et la perte de vue de la perspective d'émancipation. La philosophe [[Charlotte Nordmann]]<ref>{{Ouvrage|auteur1 = Charlotte Nordmann|titre = Bourdieu/Rancière : la politique entre sociologie et philosophie|lieu = Paris|éditeur = Editions Amsterdam|année = 2006|pages totales = 179|isbn = }}.</ref> et le sociologue [[Philippe Corcuff]]<ref>{{Ouvrage|auteur1 = Philippe Corcuff|titre = Où est passée la critique sociale? Penser le global au croisement des savoirs|lieu = Paris|éditeur = La Découverte|année = 2012|pages totales = 317|isbn = |passage = Chapitres 1 et 2}}.</ref> ont chacun proposé, sous des modalités différentes, de penser ensemble les instruments critiques de Bourdieu et les questionnements émancipateurs de Rancière.

Un ancien collaborateur de Pierre Bourdieu, [[Luc Boltanski]], en se détachant de la sociologie critique, a mis l'accent sur les capacités critiques des acteurs, dans le cadre d'une [[sociologie pragmatique]] élaborée avec [[Laurent Thévenot]], appelée aussi {{citation|sociologie de la critique}}<ref>{{Ouvrage|auteur1 = Luc Boltanski|titre = L'Amour et la Justice comme compétences. Trois essais de sociologie de l'action|lieu = Paris|éditeur = Métailié|année = 1990|pages totales = 384|isbn = 978-2864240839}}.</ref>. Plus récemment, Luc Boltanski a proposé de construire un cadre d'analyse s'efforçant d'établir une jonction entre une approche critique comme celle de Bourdieu et une approche pragmatique, comme celle qu'il avait élaborée avec Laurent Thévenot<ref>{{Ouvrage|auteur1 = Luc Boltanski|titre = De la critique. Précis de sociologie de l'émancipation|lieu = Paris|éditeur = Gallimard|année = 2009|pages totales = 312|isbn = 978-2070126569}}.</ref>.

''[[La Domination masculine]]'' a connu plusieurs critiques provenant de chercheuses dans les [[études féministes]] et [[études de genre]]. [[Judith Butler]] lui reproche notamment d'ignorer les travaux féministes de référence dans ce domaine<ref>{{Ouvrage|langue=fr|titre= Pensées critiques|chapitre= 7. Considérer le problème plus que l'identité : Entretien avec Judith Butler, propos recueillis par Irène Jami |lieu=Paris|éditeur=La découverte|année=2009}}.</ref>. [[Nicole-Claude Mathieu]], anthropologue et théoricienne du [[féminisme matérialiste]] a critiqué ce livre dans son texte ''Bourdieu ou le pouvoir auto-hypnotique de la domination masculine''. Elle y explicite notamment les trop nombreux manquements à la rigueur scientifique qui auraient impliqué que le texte eût été « recalé à l'examen de [[Diplôme d'études approfondies|DEA]] » : {{citation|[…] le travail du Candidat manque de rigueur technique, méthodologique, et déontologique. Il pèche par pensée, par action, par omission et par distorsion. L'ensemble est à interpréter comme un refus de laisser place à la confrontation entre différentes analyses, ce qui donne à la thèse un statut d'assertion et non de démonstration}}<ref>{{Article|auteur1=[[Nicole-Claude Mathieu]]|titre=Bourdieu ou le pouvoir auto-hypnotique de la domination masculine|périodique=[[Les Temps modernes (revue)|Les Temps modernes]]|numéro=604|mois=mai-juin-juillet|année=1999|lire en ligne=|pages=286-324}}.</ref>.

L’anthropologue, sociologue et philosophe [[Bruno Latour]] a remis en question la posture surplombante adoptée par Bourdieu et les sociologues critiques, les acteurs sociaux étant considérés selon lui comme de simples informateurs dépourvus de réflexivité. « Le prétexte qui permet aux chercheurs d’occuper le point de vue de nulle part, celui de Dieu, vient généralement de ce qu’ils prétendent faire de façon "réflexive" ce que les acteurs feraient "sans y prêter attention" »<ref>[[Bruno Latour]](2007). [[Changer de société, refaire de la sociologie]]. Paris: la Découverte. {{p.|49}}.</ref>.

Le philosophe [[Marcel Gauchet]] rejette également radicalement la pensée de Pierre Bourdieu, dont le travail est selon lui un « désastre intellectuel », « habillage sophistiqué d’une pensée mécaniste et déterministe, qui ne permet tout simplement pas de comprendre comment une société fonctionne »<ref>.[http://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20140801.OBS5330/rendez-vous-de-l-histoire-polemique-entre-marcel-gauchet-et-edouard-louis.html Polémique entre Marcel Gauchet et Edouard Louis], nouvelobs.com, {{date-|1er août 2014}}</ref>.

== Publications ==
{{Article détaillé|liste des œuvres écrites par et sur Pierre Bourdieu}}
=== Ouvrages ===
{{légende plume}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|prénom2=Jean-Claude|nom2=Passeron |lien auteur2=Jean-Claude Passeron |titre=Les héritiers |lien titre=Les Héritiers (sociologie)|sous-titre=les étudiants et la culture |lieu=Paris |éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|année=1964 |pages=183 |collection=Grands documents |numéro dans collection=18}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu |nom2=Darbel |prénom2=Alain|titre=L'amour de l'art |sous-titre=Les musées et leur public |lieu=Paris |éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|année=1966 |collection=Le sens commun}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu |directeur1=oui |nom2=Castel |prénom2=Robert |directeur2=oui |prénom3=Luc |nom3=Boltanski |lien auteur3=Luc Boltanski |prénom4=Jean-Claude |nom4=Chamboredon |lien auteur4=Jean-Claude Chamboredon |titre=Un art moyen |sous-titre=Essai sur les usages sociaux de la photographie |préface=Philippe de Vendeuvre |année=1965 |lieu=Paris |éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|collection=Le sens commun |pages=368 |isbn=9782707300294}}
* {{Ouvrage|langue=fr |titre=Le métier de sociologue |sous-titre=Préalables épistémologiques |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu |prénom2=Jean-Claude |nom2=Chamboredon |lien auteur2=Jean-Claude Chamboredon |prénom3=Jean-Claude |nom3=Passeron |lien auteur3=Jean-Claude Passeron |année=1968 |lieu=Paris |éditeur=[[Mouton de Gruyter]]|isbn=3110174294 |pages totales=357}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|prénom2=Jean-Claude|nom2=Passeron|lien auteur2=Jean-Claude Passeron|titre=La reproduction |sous-titre=Éléments d’une théorie du système d’enseignement|lien titre=La Reproduction|lieu=Paris|éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|année=1970|collection=Le sens commun |pages=284
|ISBN=2707302260 |isbn2=9782707302267}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=[[Esquisse d'une théorie de la pratique]] précédé de [[Trois études d'ethnologie kabyle]] |lieu=Genève|éditeur=[[Librairie Droz|Droz]]|année=1972 |isbn=|pages=269}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=La Distinction. Critique sociale du jugement |lien titre=La Distinction. Critique sociale du jugement|lieu=Paris|éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|année=1979 |pages=670 |ISBN=2707302759}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Le Sens pratique |lien titre=Le Sens pratique |lieu=Paris |éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|collection=Le sens commun|année=1980 |pages=475 |ISBN=2707302988}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Questions de sociologie |lien titre=Questions de sociologie |lieu=Paris |éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|collection=Documents |année=1980 |pages=268 |ISBN=2707303259}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|lien titre=Ce que parler veut dire|titre=Ce que parler veut dire |sous-titre=l'économie des échanges linguistiques |lieu=Paris|éditeur=[[Librairie Arthème Fayard|Fayard]]|année=1982 |pages=244 |ISBN=2213012164}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Homo academicus |lien titre=Homo academicus |lieu=Paris |éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|année=1984 |pages=302 |collection=Le sens commun |ISBN=2707306967}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=[[Choses dites]]|lieu=Paris|éditeur=Les Éditions de Minuit|collection=Le sens commun|année=1987|pages=228|ISBN=9782707311221|plume=oui}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=La noblesse d'État |sous-titre=grandes écoles et esprit de corps |lieu=Paris |éditeur=[[Les Éditions de minuit]]|année=1989 |pages=568 |collection=Le sens commun |ISBN=2707312789}}
* {{Article|langue=fr |prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=[[La domination masculine]] |périodique=Actes de la recherche en sciences sociales |numéro=84 |mois=9 |année=1990 |passage=2-31}}, à distinguer de son livre ''[[La Domination masculine]]'' (1998)
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Les règles de l'art |lien titre=Les Règles de l'art|sous-titre=genèse et structure du champ littéraire|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=1992|isbn=2020181592}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|prénom2=Loïc |nom2=Wacquant |lien auteur2=Loïc Wacquant |titre=Réponses : pour une anthropologie réflexive |lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=1992 |pages=267 |ISBN=2020146754}}
* {{Ouvrage|langue=fr |titre=La misère du monde |lien titre=La Misère du monde|prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|directeur1=oui|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année première édition=1993 |pages totales={{formatnum:1460}} |année=2007 |collection=Points essais |isbn=2020920921 |isbn2=978-2020920926}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Raisons pratiques |sous-titre=sur la théorie de l'action |lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=1994 |pages=251 |ISBN=2020300265}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Sur la télévision suivi de L'emprise du journalisme |lien titre=Sur la télévision |lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Liber]]|année=1996|pages=95 |collection=Raisons d'agir |ISBN=2912107008}}{{commentaire biblio|Réunit deux cours télédiffusés du Collège de France.}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=[[Méditations pascaliennes]] |lien titre=[[Méditations pascaliennes]] |lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=1997|pages=316|collection=Liber |ISBN=2020320029}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=[[La domination masculine]]|lien titre=[[La Domination masculine]]|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|collection=Liber|année=1998|pages=142 |ISBN=2020352516}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Les structures sociales de l'économie |lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=2000|pages=289|collection=Liber|ISBN=2020412950}}
* {{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=Langage et pouvoir symbolique|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil|Seuil]]|année=2001|collection=Points Essais}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Science de la science et Réflexivité|lieu=Paris|éditeur=Raisons d’agir|année=2001 |pages=200 |collection=Cours et travaux |ISBN=9782912107145}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre |nom1=Bourdieu|titre=Le Bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn |lien titre=Le Bal des célibataires (essai)|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=2002 |pages=266 |collection=Points Essais |ISBN=9782020525701}}
* {{Ouvrage|langue=fr |prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=Esquisse pour une auto-analyse|lien titre=Esquisse pour une auto-analyse|lieu=Paris|éditeur=Raisons d’agir|année=2004|isbn=2912107199}}
* {{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=Sur l'État|sous-titre=Cours au Collège de France (1989-1992)|lien titre=Sur l'État : Cours au Collège de France|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]|année=2012 |pages=656 |isbn=9782020662246}} {{Commentaire biblio|1=ouvrage publié par [[Patrick Champagne]], Rémi Lenoir, Franck Poupeau et Marie-Christine Rivière à partir des notes de cours de Pierre Bourdieu}}
* {{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=Sur Manet|sous-titre=Une révolution symbolique|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]/Raisons d'agir|collection=Cours et travaux|année=2013|pages totales=778|isbn=2021135403}} {{Commentaire biblio|ouvrage édité par [[Pascale Casanova]], [[Patrick Champagne]], Christophe Charle, Franck Poupeau et Marie-Christine Rivière}}
* {{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=Sociologie générale|sous-titre=Cours au Collège de France (1981-1983)|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]/Raisons d'agir|volume=1|collection=Cours et travaux|année=2015|pages totales=730|isbn=9782021279788}} {{Commentaire biblio|ouvrage édité par [[Patrick Champagne]], Julien Duval, Franck Poupeau et Marie-Christine Rivière}}
* {{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=Sociologie générale|sous-titre=Cours au Collège de France (1983-1986)|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]/[[Raisons d'agir]]|volume=2|collection=Cours et travaux|année=2016|pages totales=1205|isbn=9782021335873}} {{Commentaire biblio|ouvrage édité par [[Patrick Champagne]], Julien Duval, Franck Poupeau et Marie-Christine Rivière}}
* Pierre Bourdieu, ''Anthropologie économique'' : Cours au Collège de France, Paris, Seuil/Raisons d'agir, coll. "Cours et travaux", 2017, {{nb p.|352}}
* Pierre Bourdieu, ''Microcosmes. Théorie des champs'', Paris, Raisons d'agir, coll. "Microcosmes", 2022 {{ISBN|9791097084196}}. Publication à partir de notes et documents d'un ouvrage de synthèse conçu par Bourdieu mais abandonné<ref>{{article|auteur= Matthias Fringant|titre= Pierre BOURDIEU, Microcosmes. Théorie des champs|périodique= Revue européenne des sciences sociales|lire en ligne= http://journals.openedition.org/ress/8849|année= 2022}}</ref>
* {{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Bourdieu|titre=L'intérêt au désintéressement|sous-titre=Cours au Collège de France (1987-1989)|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions du Seuil]]/[[Raisons d'agir]]|collection=Cours et travaux|année=2022|pages totales=400|isbn=2021432718}}

=== Documentation ===
Son [[fonds d'archives]] [[Archives privées en France|privées]], de 100 mètres linéaires, et une grandie partie de sa bibliothèque personnelle sont déposés au [[campus Condorcet]] et sont ouverts à la consultation en [[2022]]<ref>{{Lien web|url= https://www.inshs.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/grand-equipement-documentaire-ouverture-la-consultation-du-fonds-darchives-pierre-bourdieu|titre= Grand équipement documentaire : ouverture à la consultation du fonds d'archives Pierre Bourdieu |site= CNRS|date= 15-03-2022}}.</ref>.

== Prix et distinctions ==
[[Doctorat honoris causa|Docteur ''honoris causa'']] de l'[[Université libre de Berlin]] (1989), de [[École des hautes études commerciales de Paris|HEC Paris]] (1995)<ref>[https://www.youtube.com/watch?v=7qar0H2WVjE YouTube - Pierre Bourdieu à HEC 27/11/1995 Honoris Causa. Les sciences sociales et la démocratie (I)].</ref>, de l’Université Johann-Wolfgang-Goethe de Francfort (1996), de l’Université d’Athènes (1996) et de l'[[Université de l'Est de la Finlande]] (1999)<ref>{{Article|auteur1=Keijo Rahkonen|titre=Bourdieu in Finland: An Account of Bourdieu’s Influence on Finnish Sociology|périodique=Sociologica|date=2008}}</ref>.

* [[1993]] : [[Médaille d'or du CNRS]]
* [[1997]] : {{5e}} prix [[Ernst Bloch]] de la ville de [[Ludwigshafen]]
* [[1996]] : [[Goffman Prize]] ([[Université de Californie à Berkeley|Berkeley]])
* [[2000]] : [[Huxley Medal]] ([[Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland|Royal Anthropological Institute]])
* [[2001]] : [[Fellow of the British Academy|Corresponding Fellow]] de la [[British Academy]]

Son livre ''[[La Distinction|La distinction]]'' (A Social Critique of the Judgement of Taste) a été nommé un des dix plus importants travaux en sociologie du {{s-|XX}} par l'[[Association internationale de sociologie]]<ref>{{Lien web|langue=en|titre=Books of the XX Century|url=https://www.isa-sociology.org//en/about-isa/history-of-isa/books-of-the-xx-century|site=isa-sociology.org|consulté le=2020-01-23}}.</ref>.

== Hommages ==
* Un lycée à [[Fronton (Haute-Garonne)]] porte son nom depuis [[2007]].
* Un collège des Pyrénées-Atlantiques porte son nom à [[Mourenx]]<ref>{{lien web |langue=fr |titre=Collège Pierre Bourdieu - Mourenx - Pyrénées-Atlantiques (64) |url=http://www.education.gouv.fr/annuaire/64-pyrenees-atlantiques/mourenx/college/college-pierre-bourdieu.html |site=[[Ministère de l'Éducation nationale (France)|Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse]] |consulté le=2018-11-08|brisé le = 2024-02-10}}.</ref>.
* Un Institut de travail social porte son nom à [[Pau]]<ref>http://www.its-pau.fr/.</ref> ([[Pyrénées-Atlantiques]]).
* L'[[université de Poitiers]] ([[Vienne (département)|Vienne]]) possède, depuis [[2012]], un amphithéâtre à son nom au sein de l'[[Unité de formation et de recherche|UFR]] en « Sciences humaines et arts »<ref name="Amphi. Pierre Bourdieu">{{Lien brisé|url=http://sha.univ-poitiers.fr/dpt-socio/spip.php?article248&lang=fr}}.</ref>.
* En 2022, la {{51e}} promotion de l'[[Institut régional d'administration de Metz]] a choisi « Pierre Bourdieu » comme nom de promotion.

== Notes et références ==

=== Notes ===

=== Références ===
{{Références nombreuses}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets
| wikiquote=Pierre Bourdieu
| commons=Pierre Bourdieu
}}

=== Bibliographie ===
{{légende plume}}
* [[Alain Accardo]], ''Initiation à la sociologie de l'illusionnisme social : invitation à la lecture des œuvres de Pierre Bourdieu'', Le Mascaret, 1983 ; réed. 1991
* Alain Accardo, ''La Sociologie de Bourdieu. Textes choisis et commentés'', avec [[Philippe Corcuff]], Le Mascaret, 1986 ; réed. 1989.
* « Autour de Pierre Bourdieu », Paris, PUF, ''Actuel Marx'', {{n°|20}}, 1996/2. {{ISBN|2-13-047593-0}}
* Alain Accardo, ''Introduction à une sociologie critique. Lire Bourdieu'', Le Mascaret, 1997. Réédité en poche chez les [[Éditions Agone]] en 2006. [http://atheles.org/agone/elements/introductionaunesociologiecritique/ (page consacrée au livre sur le site de l'éditeur)]
* Patrice Bonnewitz, ''Premières leçons sur la sociologue de Pierre Bourdieu'', [[Presses universitaires de France]], 1997
* [[Louis Pinto]], ''Pierre Bourdieu et la théorie du monde social'', nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Points-Seuil Essais, 2002
* [[Jacques Bouveresse]], ''Bourdieu, savant et politique'', Agone, 2002
* [[Philippe Corcuff]], ''Bourdieu autrement. Fragilités d'un sociologue de combat'', Éditions Textuel, collection "La Discorde", 2003, {{nb p.|144}}
* [[Louis Pinto]], [[Gisèle Sapiro]] et [[Patrick Champagne]], ''Pierre Bourdieu'', ''sociologue'', Paris, Fayard, 2004
* [[Philippe Adrien]] et ''al.'', ''Pierre Bourdieu : les champs de la critique'', ouvrage collectif avec le conseil scientifique de [[Philippe Corcuff]], Bibliothèque Publique d'Information/Centre Pompidou, coll. "BPI en actes", 2004, {{nb p.|288}}
* [[Patrick Champagne]], [[Olivier Christin]], ''Pierre Bourdieu. Mouvements d’une pensée'', Paris, Bordas, coll. Philosophie présente, 2004.
* Gérard Mauger (sous la direction de), ''Rencontres avec Pierre Bourdieu'', Bellecombe-en-Bauges, éd. du Croquant, 2005.
* {{ouvrage |auteur=[[Nathalie Heinich]] |titre=Pourquoi Bourdieu |présentation en ligne= http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Le-Debat/Pourquoi-Bourdieu |collection= Le Débat|éditeur= Gallimard |date=octobre 2007 |pages totales=192 |isbn=9782070785995}}
* Patrick Champagne, ''Pierre Bourdieu'', éd. Milan, collection « Les essentiels », 2008.
* [[Jean Baudouin (professeur)|Jean Baudoin]], ''Pierre Bourdieu: Quand l'Intelligence entrait en politique ! (1982-2002)'', [[Éditions du Cerf]], {{date-|janvier 2012}}, {{nb p.|128}} {{ISBN|978-2-204-09703-1}}
* Patrick Champagne, Olivier Christin, ''Pierre Bourdieu : une initiation'', Lyon, PUL, 2012.
* Frédéric Lebaron et [[Gérard Mauger]] (sous la direction de), ''Lectures de Pierre Bourdieu'', Paris, Ellipses, 2012.
* {{ouvrage |auteur1=[[Édouard Louis]] |responsabilité1=dir. |titre= Pierre Bourdieu. L'insoumission en héritage |présentation en ligne= http://www.puf.com/Autres_Collections:Pierre_Bourdieu._L%27insoumission_en_h%C3%A9ritage |éditeur=[[Presses universitaires de France|PUF]] |année= 2013 |pages totales=192 |isbn=978-2-13-061935-2}}. {{commentaire biblio SRL| participation d'[[Annie Ernaux]], [[Pierre Bergounioux]], [[Didier Eribon]], [[Arlette Farge]], [[Geoffroy de Lagasnerie]], [[Frédéric Lebaron]] et [[Frédéric Lordon]].}}
* Jacques Dubois, Pascal Durand et [[Yves Winkin]], ''Le Symbolique et le Social. La Réception internationale de la pensée de Pierre Bourdieu'', Actes du Colloque de Cerisy-la-Salle, {{2e}}{{éd.}}, Liège, Presses Universitaires de Liège, coll. « Situations », 2015, {{ISBN|978-2-87562-072-9}}
* [[Jean-Louis Fabiani]], ''Pierre Bourdieu. Un structuralisme héroïque'', Paris, Seuil, 2016, {{ISBN|978-2-02-129032-5}}
* Marc Joly, ''Pour Bourdieu'', Paris, CNRS éditions, 2018.
* Amín Pérez, ''Combattre en sociologues. Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad dans une guerre de libération (Algérie, 1958-1964)'', Marseille, Agone, 2022.
* Gisèle Sapiro (dir), ''Dictionnaire international Bourdieu'', Paris, ed. CNRS, 2020.

* [[Jeannine Verdès-Leroux]], ''Le savant et la politique. Essai sur le terrorisme sociologique de Pierre Bourdieu'', Paris, Grasset, 1998, {{nb p.|248}} {{ISBN|978-2246565314}}
* [[Michael Burawoy]], ''Conversations avec Bourdieu'', traduction et introduction par Juan Sebastian Carbonell, Aurore Koechlin, Ugo Palheta, Anton Perdoncin et Quentin Ravelli, Paris, [[Éditions Amsterdam]], 2019, {{nb p.|280}} {{ISBN|978-2-35480-191-5}}

=== Filmographie ===
* 1984 : ''Entretien de Pierre Bourdieu avec [[Didier Eribon]]'', cassette vidéo du CNRS.
* 1990 : ''Grands entretiens. Pierre Bourdieu'', [[France 2|Antenne 2]] avec [[Antoine Spire]], [[Miguel Benasayag]] et [[Pascale Casanova]]. Cf. ''Si le monde social m'est supportable''… [[Éditions de l'Aube]], 2004.
* 1991 : ''Pierre Bourdieu, Chercheur de notre temps'', vidéo du CNDP.
* 1991 : ''Bourdieu, Réflexions faites'', émission de [[Arte France|La SEPT]], diffusée le {{date-|31 mars 1991}}.
* 1996 : ''Le champ journalistique'', intervention filmée de Pierre Bourdieu au Collège de France. Cette intervention est à l’origine du livre ''Sur la télévision''.
* 1998 : ''Grand entretien du Cercle de minuit'', avec [[Laure Adler]], France télévision ([[France 2]]), {{date-|avril 1998}}.
* 1999 : ''Entretien Pierre Bourdieu et [[Günter Grass]]'', [[Arte]], diffusé le {{date-|5 décembre 1999}}.
* 2001 : ''[[La sociologie est un sport de combat]]'' de [[Pierre Carles]] : [[documentaire]] cinématographique sur l’engagement intellectuel de Bourdieu (en salle en 2001, en DVD en 2007).
* 2002 : Dans ''[[Enfin pris ?]]'' de [[Pierre Carles]], le documentariste s’appuie sur un passage de Pierre Bourdieu dans l’émission de [[Daniel Schneidermann]], ''[[Arrêt sur images]]'', pour expliciter la théorie du sociologue sur le champ médiatique.

=== Articles connexes ===
{{catégorie principale}}
{{colonnes|taille=30|
* [[Abdelmalek Sayad]]
* [[Alain Accardo]]
* [[Luc Boltanski]]
* [[Capital social (sciences sociales)]]
* [[Erving Goffman]] et la [[gestion de l'impression]] (sociologie de la mise en scène du quotidien)
* [[Habitus (sociologie)|Habitus]]
* [[Libéraux d'Algérie]]
* [[Psychologie politique]]
* [[Reproduction sociale]]
* [[Mobilité sociale]]
* [[Skholè]]
* [[Sociologie]]
* [[Sociologie des grandes écoles]]
* [[Franz Schultheis]]
* [[La Noblesse d'État]]
}}

=== Liens externes ===
{{Liens}}
* [https://www.scienceshumaines.com/les-idees-pures-n-existent-pas_fr_14184.html Les idées pures n'existent pas]
* [http://pierrebourdieuunhommage.blogspot.com « Pierre Bourdieu un hommage »], Collectif créé en 2007 par Gilbert Quélennec.
* [http://www.acrimed.org/article1920.html « Bourdieu et le champ médiatique : repères bibliographiques »], [[Acrimed]], {{date-|18 février 2005}}.
* [https://www.sam-network.org/video/introduction-a-la-sociologie-de-pierre-bourdieu Introduction à la sociologie de Pierre Bourdieu] Interview de {{heure||51|31}} de 1991 ; 12 chapitres, 72 annotations
* Acq. [[Canopé (réseau)|Centre national de documentation pédagogique]] (France) [Producteur / distributeur]: {{Lien web|titre=Le langage. 1 [Images animées] / [Jean Fléchet, réal.] ; Dina Dreyfus, prod. ; Pierre Bourdieu, Jean Hyppolite, Jean Laplanche… [et al.], participants|site=catalogue.bnf.fr|url=https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb38485299g|consulté le=14 décembre 2021}}

{{Palette|Sociologie|Guerre d'Algérie}}{{Début dynastie}}
{{Insérer dynastie|couleur1=#ffffff|couleur2=lightblue|couleur3=#ffffff|avant=[[Jean-Pierre Changeux]]|nom=[[Médaille d'or du CNRS|Médaille d'or du CNRS (1993)]]|après=[[Claude Allègre]]}}
{{Fin dynastie}}{{Portail|sociologie|philosophie|politique française|anthropologie|altermondialisme|Béarn}}

{{CLEDETRI:Bourdieu, Pierre}}
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[[Catégorie:Pierre Bourdieu|*]]
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Version du 15 février 2024 à 17:49