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Version du 22 novembre 2019 à 17:58

Valery Fabrikant
Description de l'image Defaut.svg.
Nom de naissance Valery Fabrikant
Naissance (84 ans)
Minsk (URSS)
Profession
Activité principale
Autres activités
Ascendants

Valery Fabrikant, né le [1] à Minsk en URSS, est un ancien professeur en génie mécanique à l'Université Concordia de Montréal, au Canada et un tueur de masse. Il est l'auteur de la fusillade survenue dans cet établissement le , il purge actuellement une peine d'emprisonnement à perpétuité pour le meurtre de quatre collègues.

Biographie

En Russie

Valéry Fabrikant naît le à Minsk, capitale de la Biélorussie, d’une famille d’origine juive.

Son père, Isaac Fabrikant, est médecin et fait de la recherche sur la tuberculose, laquelle est, à l’époque, aussi importante que peut l’être aujourd’hui la recherche sur le SIDA. Spécialiste dans son domaine, il publie, avant la guerre, un livre sur la tuberculose.

La mère de Valéry, Pesya Yudelevna, occupe un emploi en tenue de livre, jusqu’à ce que la famille déménage en Allemagne en 1946.

Dès le déclenchement de la grande guerre patriotique, le , Isaac Fabrikant est enrôlé dans l’armée et y sert à titre de médecin militaire. C’est ainsi, en vertu de son statut professionnel, qu’on lui confère le grade de lieutenant-colonel de l’armée russe.

En 1945, à la fin de la guerre, Isaac Fabrikant sert à Berlin où sa famille l’a rejoint en 1946. C’est là que Valéry commence à fréquenter l’école primaire. Bien que la guerre soit terminée et qu’il désire retourner à la vie civile, Isaac Fabrikant n’obtient pas la permission de quitter l’armée. Sa famille reste donc en Allemagne.

En 1949, le lieutenant-colonel Isaac Fabrikant est transféré, à Ivanovo au nord-ouest de Moscou.

Bien qu’il soit né en réalité le , la date de naissance inscrite sur le certificat de naissance de Valéry Fabrikant est le . Cela s’explique par l’anecdote suivante. Pendant la guerre, tous les documents relatifs à la naissance de Valéry ont été perdus. Lorsqu’un nouveau certificat de naissance est émis, la mère de Valéry, qui veut retarder d’un an l’enrôlement obligatoire de ses fils, change la date de naissance de décembre 1939 à janvier 1940, soit un mois plus tard, mais dans l’année civile suivante. Elle fait de même pour l’année de naissance du frère de Valéry. C’est ainsi que Valéry et son frère profitent d’une année additionnelle avant d’être enrôlés dans l’armée.

Bien que vivant en URSS, la famille Fabrikant n’a jamais vraiment adhéré à l’idéologie communiste. Contrairement à ce qui peut avoir été dit, le Dr Isaac Fabrikant n’a jamais été un communiste fervent. Au contraire, il a toujours été très critique face au régime communiste. Son attitude et son idéologie jouera d'ailleurs un rôle important dans celles de son fils Valéry. Ce dernier, en effet, dès son jeune âge, quitte le Komsomol (Ligue des jeunes communistes), chose qui est à peu près impensable et que très peu de jeunes osent faire à l’époque.

Les dossiers scolaires indiquent que Valéry Fabrikant excellait dans tous ses cours, tant au primaire et au secondaire qu’à l’Institut d’énergie d’Ivanovo où il termine son cours d’ingénierie mécanique avec la mention honneur.

Un jour, alors qu’il est étudiant au collège, ses parents l’entendent parler de sujets politiques avec sa petite amie. Ils deviennent livides et, dès qu’elle est partie, l’avertissent qu’elle est une informatrice du KGB. Valéry sait bien que le frère de son amie travaille pour le KGB, mais elle lui a dit qu’il est en Sibérie et qu’ils ne se parlent pas. Valéry ne peut croire qu’une jeune fille avec qui il entretient une relation amoureuse puisse informer le KGB à son sujet. Il ne porte donc pas attention aux avertissements de ses parents, ce qu'il regrettera plus tard.

Ayant déjà écrit trois documents de recherche alors qu’il était étudiant à l'Institut d’énergie d’Ivanovo, il est accepté au programme de second cycle de l’Institut d’énergie de Moscou, sans avoir à compléter les examens usuels d’admission. Il étudie et complète son doctorat sous la direction de l’un des ingénieurs les plus reconnus de Russie, le Dr V.V. Bolotin. Pendant ses études, il habite avec trois autres étudiants dans un petit logement de deux pièces. Lorsque son frère fait sa demande d’admission au programme de deuxième cycle à l’Institut, sa demande est refusée, bien que ses notes soient supérieures à celles de tous les autres candidats. Indigné, ne voyant à ce refus aucune raison valable, Valéry Fabrikant accuse l’Institut d’antisémitisme. C’est alors que le professeur V.V. Bolotin le convoque à son bureau et lui déclare sans détour que s’il ne se tait pas, il n’aura d’autre choix que de l’expulser.

En 1966, Valéry complète son doctorat en génie mécanique avec la mention honneur. Il est alors âgé de 26 ans et cherche un emploi dans ce domaine. Il n’est pas question cependant pour lui de travailler à Moscou. En effet, la loi en vigueur à l’époque interdit d’embaucher à Moscou un non-résident de cette ville. De plus, tous les nouveaux diplômés doivent, pendant au moins deux ans, accepter le travail qu’on leur propose, généralement dans un endroit éloigné, sinon les autorités refusent de leur remettre leur diplôme. C’est ainsi que Valéry accepte un poste d’enseignement à l’Institut de technologie aéronautique de Rybinsk, une ville située à un peu moins de 300 km au nord de Moscou.

À l’Institut de technologie aéronautique de Rybinsk, Fabrikant mentionne à l’occasion à ses étudiants que le Parti communiste et le régime communiste ne sont pas ce qu’il y a de mieux dans le monde et qu’ils ne doivent pas croire les yeux fermés tout ce qu’ils lisent dans les journaux, mais plutôt utiliser leur propre intelligence pour parvenir à leurs propres conclusions. C’est à cette époque que Fabrikant rencontre pour la première fois Galina, une jeune étudiante qui deviendra son épouse.

Deux ans après son entrée à l’Institut, à la suite d'une décision rendue le par le caucus du Parti communiste de l’Institut, Valéry Fabrikant est congédié. Se doutant qu’il y avait plus dans son renvoi que les motifs officiellement invoqués et que le KGB avait sûrement un mot à dire dans cette affaire, Fabrikant se rend, quelques jours plus tard, aux bureaux du KGB et demande de rencontrer le chef du KGB de Rybinsk. Il est reçu par son assistant qui, loin de nier l’implication de KGB dans son renvoi, lui explique que son congédiement n’est pas motivé seulement par quelques remarques faites pendant ses cours, mais par une longue suite de comportements similaires. Ce qui étonne le plus Fabrikant lors de cette entrevue fut l’extraordinaire efficacité du service de renseignement du KGB. Ils connaissent parfaitement bien des actions et paroles dont il ne se souvient plus lui-même. Il est absolument étonné de tout ce qu’ils connaissent dans les moindres détails à son sujet. Ils savent, entre autres, qu’il a pendant ses études à Moscou accusé l’Institut d’ingénierie électrique d’antisémitisme, lorsqu’ils ont refusé d’accepter son frère au deuxième cycle. Mais la plus grande surprise de Valéry fut lorsqu’il entend de la bouche de cet officier du KGB des paroles qu’il n’a dites à personne, sauf à la jeune fille qu’il fréquentait alors qu’il était au collège. Il comprend alors à quel point il a été naïf dans son ignorance du domaine des relations humaines et stupide d’avoir négligé ainsi la sagesse de ses parents. En quittant les bureaux du KGB, Fabrikant se dit que le KGB est bien le seul organisme en Union soviétique à fonctionner avec l’efficacité et la précision d’une horloge suisse. Il ne comprend pas cependant pourquoi un si haut gradé du KGB a pris la peine de passer plusieurs heures à parler ainsi avec lui. Ce n’est que quelques années plus tard qu’il en comprendra la raison.

En 1969, ayant perdu son emploi à l’Institut de technologie aéronautique de Rybinsk, il se trouve un nouvel emploi comme programmeur-analyse à la Manufacture de Moteur Aéronautique de Rybinsk.

En 1970, on l'invite, à sa grande surprise, à occuper un poste d’Instructeur en Mécanique théorique à l’Institut polytechnique d’Oulianovsk (Simbirsk). Il est bien connu, en effet, qu’une personne congédiée pour des raisons politiques ne peut jamais être réintégrée dans un poste d’enseignement. Dans sa naïveté, Valéry pense que c’est à cause de ses qualités exceptionnelles d’enseignant qu’on lui accorde cette faveur. Il a appris que, quelques mois après son départ, un sondage a été effectué auprès des étudiants de l’Institut technologique d’où il a été congédié et qu’à la question : « Qui selon vous est le meilleur enseignant? » une majorité d’étudiants a inscrit son nom bien qu’ils savent qu’il n’y enseigne plus et qu’il a été congédié pour motifs d’instabilité politique.

Selon les dossiers de l’Institut polytechnique d’Oulianovsk, Valéry Fabrikant est un homme de sciences brillant.

En 1972, il était promu professeur titulaire.

En 1973, il comprend cependant les véritables raisons de sa réinsertion dans le corps enseignant. Cette année-là, il est approché par le KGB d’Oulianovsk qui lui suggère de devenir un de leurs informateurs. L’officier qui le rencontre lui promet que, s’il accepte de collaborer avec eux, il aura une brillante carrière. Il lui mentionne même que sa promotion d’agrégé est un acompte pour ses « futurs services ». Sans le menacer ouvertement, il lui rappelle que, s’il refuse, le fait d’avoir déjà été congédié pour des raisons politiques ne lui permettrait plus de continuer à occuper un poste d’enseignement. Il n’y a pas de permanence dans les universités soviétiques. Les contrats de tous les professeurs doivent être renouvelés tous les quatre ans par le Conseil d’Éducation (Learned Council). Ce renouvellement est habituellement automatique, sauf pour ceux qui sont jugés politiquement douteux. Cette procédure a été mise en place par les autorités soviétiques afin de se débarrasser de ceux qui ne sont pas politiquement fiables, sans avoir à leur reprocher quoi que ce soit. Une telle décision est sans appel, sauf dans les cas d’irrégularité procédurale. À cette même époque, le renouvellement du contrat d’un professeur vient d’être refusé sans que rien ne lui soit reproché et le bruit court à l’effet que cette décision est politique. Il n’y a aucun doute dans l’esprit de Fabrikant qu’il est le prochain sur la liste s’il ne quitte pas de lui-même.

En 1973, Valéry Fabrikant quitte donc son emploi de professeur agrégé à l'Institut polytechnique d’Oulianovsk.

Le prix que doit payer Fabrikant pour rester fidèle à ses principes d’honnêteté et refuser de collaborer avec le KGB est particulièrement élevé. Les portes d’une carrière académique lui sont désormais définitivement fermées. Il réussit cependant à dénicher un emploi comme chercheur à l’Institut de systèmes de contrôle automatisés d’Ivanovo. Efim Scheinberg, le premier patron de Fabrikant, est une personne excentrique et querelleuse qui maîtrise l’art de se mettre à dos quiconque travaille dans sa division, de sorte que tous les employés de cette division sont finalement transférés dans une autre division, incluant Fabrikant, et que Scheinberg se retrouve à la tête d’une division qui ne compte plus aucun employé. Chacun est surpris de cette situation et se demande pourquoi Scheinberg n’est pas congédié ou rétrogradé. Une rumeur circule à l’effet qu’il est un informateur du KGB et que c’est pour cette raison qu’il est traité si « gentiment ». Fabrikant est donc transféré dans une division où il occupe un poste de programmeur. Selon son nouveau chef de division, Igor Liakishev, Fabrikant est un scientifique compétent.

En 1976, alors qu’il occupe son dernier emploi à Ivanovo, Valéry Fabrikant, âgé alors de 36 ans, épouse Galina, la jeune femme qui a été son étudiante à Rybinsk dix ans auparavant.

Selon un couple d’amis des Fabrikant, les Golod, Valéry n’est pas enclin à s’adonner à de nombreuses activités sociales. Sa vie est entièrement centrée autour de son travail et de sa famille. « En autant qu’il avait une chaise, ses deux ordinateurs et une table de travail dans sa chambre, il était heureux », déclare Inessa Golod. Fabrikant affirme lui-même que son travail et sa famille ont toujours été pour lui toute sa vie. « Si on m’avait laissé seul, ajoute-t-il, personne ne serait mort et je ne serais pas maintenant en prison. »

La famille est très importante pour Fabrikant, ce dernier a un vif désir d’avoir des enfants. Quelque temps après son mariage, n’ayant toujours pas d’enfant, Valéry consulte une clinique médicale à cet effet où un test de sperme est effectué par le Dr Galina Osokina. Lorsque Fabrikant reçoit les résultats du test indiquant qu’il est infertile, il constate que le test n’a pas été fait selon les normes et que les résultats sont par conséquent erronés. Le système soviétique ne permettant pas de consulter un autre médecin que celui qui vous était assigné en fonction de l’adresse de votre domicile, il est donc impossible pour Fabrikant d’obtenir un nouveau test par un autre médecin. Il retourne donc à la clinique pour y rencontrer le Dr Osokina et lui montrer, livre médical à l’appui, comment les tests devaient être faits. Face au refus de cette dernière de reprendre ses tests, il porte plainte au département de la santé à l’effet qu’elle est incompétente. Valéry Fabrikant se rappelle le cas d’un garçon de dix ans qui est décédé au Canada à cause de l’ignorance d’un médecin qui n’a pas su détecter une appendicite. Les docteurs ignorants ne sont pas seulement au Canada, affirme-t-il, il y en a un grand nombre en Union soviétique. Et pour appuyer ses dires, il souligne le fait qu’il s’est marié au Canada le et que son fils est né le . Quelle meilleure preuve peut-on avoir, demande-t-il, de l’ignorance de ce médecin russe et du fait qu’il avait, lui, raison ?

À l’Institut de systèmes de contrôle automatisés d’Ivanovo, bien qu’il occupe un poste hiérarchiquement peu élevé, Valéry Fabrikant jouit d’un salaire nettement supérieur à la moyenne. En fait, son salaire est équivalent à celui du directeur de l’Institut. Cette anomalie est due au fait que l’échelle salariale est calculée en fonction du degré d’éducation et qu’il possède un doctorat en sciences, ce que même le directeur de l’Institut ne possède pas. Fabrikant est conscient que cette situation est propice à susciter de la jalousie à son égard. Le poste qu’il occupe est sujet à renouvellement tous les quatre ans, bien que ce renouvellement soit généralement fait de façon automatique. Pour refuser de renouveler un tel contrat, un vote de plus de 50 % des 15 membres inscrits du Conseil supérieur de l’établissement est requis.

En 1978, fait quasiment sans précédent, une majorité des membres présents du Conseil supérieur de l’Institut vote en faveur du non-renouvellement de son contrat, quoique des contrats d’employés beaucoup moins compétents aient été renouvelés sans problème. Fabrikant est convaincu que la majorité des membres du Conseil sont des informateurs du KGB (sinon ils n’auraient jamais pu atteindre un poste si important). Il voit donc dans ce geste une nouvelle manœuvre du KGB pour lui faire comprendre qu’ils ont le pouvoir de l’atteindre peu importe où il ira et qu’il a tout intérêt à accepter de devenir informateur pour eux. Le KGB sait qu’une perte d’emploi l’atteindrait sérieusement et le placerait dans une situation où il ne lui resterait plus d’autre option que d’accepter de collaborer avec eux. Ce n’est cependant pas ce qui se produit.

Le fait que le directeur de l’Institut, plusieurs mois après le vote, n’a toujours pris aucune mesure de congédiement à son égard confirme les soupçons de Fabrikant et que le but du KGB n’est pas réellement de le congédier. Fabrikant décide donc de passer à l’action et de pousser le directeur de l’Institut à appliquer la résolution de congédiement qui a été votée. Fabrikant adopte cette ligne de conduite pour deux raisons. Tout d’abord, il veut montrer au KGB qu’il n’a pas peur d’eux. Deuxièmement, il a déjà résolu que, s’il ne peut obtenir justice dans un cas aussi flagrant, il quittera le pays. En effet, la décision de le congédier a été adoptée par une majorité des membres du Conseil présents, mais non, comme le prévoit le règlement, des membres inscrits, plusieurs membres étant absents lors de la tenue du vote. Cette décision est donc illégale, ayant été prise à l’encontre de la règle de procédure établie.

Ayant déjà pris en considération la possibilité de quitter le pays, Fabrikant veut de plus éviter à sa famille des représailles advenant une telle éventualité. En effet, la population russe sait très bien que la majorité de ceux qui quittent le pays le font non pas parce qu’ils sont maltraités, mais pour des raisons économiques, afin de profiter des salaires supérieurs versés à l’Ouest. Ceux qui quittent le pays sont par conséquent très mal vus. Ils sont considérés comme des traitres et leur famille qui reste derrière en subit les contrecoups. Il est donc important pour Fabrikant de démontrer à la communauté qu’il subit une telle injustice qu’il ne lui reste plus d’autre choix que de quitter le pays. Il pense surtout à sa mère et à sa femme qui ne peuvent quitter le pays avec lui. L’idée qu’on pourrait penser qu’il a quitté le pays dans le seul but de profiter d’un meilleur salaire le trouble aussi profondément, puisqu’une telle attitude est complètement opposée à ses principes moraux.

Après plusieurs mois de pression, le directeur le congédie finalement officiellement. À la suite de ce congédiement, Valéry loge une plainte à Moscou contre le service du KGB d’Ivanovo. Il se rend aussi personnellement à Moscou, au Comité central du Parti communiste, et demande de rencontrer le secrétaire responsable de l’industrie légère. Il rencontre son adjoint et lui décrit ce qui s’est passé. Le secrétaire adjoint lui promet de faire enquête. Au cours de cette rencontre, il laisse à Fabrikant l’impression qu’il sent que le KGB d’Ivanovo a commis une stupidité et cherche un moyen de sauver la face. Peu de temps après son retour de Moscou, on offre d’ailleurs à Fabrikant d’être réembauché au même salaire, à titre d’ingénieur sénior, ce qu’il refuse. Cette offre est loin d’être humiliante, au contraire. À titre d’ingénieur sénior, il n’aurait normalement pas eu droit à l’imposante surprime qu’il recevait à cause de son diplôme scientifique. On fait donc une exception à la règle pour lui. De plus, s’il accepte cette offre, il obtiendrait un emploi à vie, puisque le poste d’ingénieur sénior est un poste permanent et non sujet à révision tous les quatre ans comme celui de chercheur. Il s’agit en fait, selon lui, d’une admission indirecte d’avoir mal agi à son égard.

À la suite de son renvoi, Valéry Fabrikant décide donc d’intenter une action civile pour motif de vice de procédure, demandant à être réintégré à son poste original. Il invoque le fait qu’une majorité des membres présents seulement avait voté pour son renvoi et non une majorité des membres inscrits.

En décembre 1978, le procès a lieu devant la juge Kovaleva qui rejette son action. Ce jugement confirme la décision de Fabrikant de quitter l’Union soviétique.

En vertu des lois d’immigration en vigueur en Union soviétique, aucune personne possédant une autorisation sécuritaire ne peut quitter l’Union soviétique. Malheureusement, Galina, l’épouse de Fabrikant, ne possède pas une telle autorisation. Il lui est donc impossible de quitter l’Union soviétique avec son mari. De plus, une personne mariée ne peut quitter l’Union soviétique sans son époux. Bien qu’ils sont toujours amoureux, Galina et Fabrikant doivent donc divorcer pour que Valéry puisse quitter l’Union soviétique. C'est une situation très éprouvante et bien triste pour ce couple qui s’aime toujours.

Pour pouvoir émigrer, Fabrikant doit obtenir un visa d’émigration. Sa demande est accordée relativement rapidement après son divorce, si l’on tient compte du fait que la loi, qui exige qu’une telle demande soit répondue dans les 30 jours, est rarement respectée. Une fois ses bagages enregistrés à Moscou, Fabrikant prend le train pour quitter l’Union soviétique. Galina tient à l’accompagner le plus longtemps possible. Ils réservent donc une cabine pour deux, avec toilette et douche – une marque de confort qu’on ne retrouve pas dans les trains en Amérique – et font le chemin ensemble jusqu'à Brest. C’est là qu’ils se séparent, Galina promettant de s’occuper de la mère de Valéry en son absence. Le fait de l’avoir ainsi accompagné jusqu’à Brest est, pour Fabrikant, une grande marque de considération et de courage de la part de Galina[2].

Au Canada

En 1979, Valéry Fabrikant immigre au Canada.

En 1980, Valéry Fabrikant entre dans l'enseignement à l'Université Concordia.

Il étudie la théorie de l'élasticité, portant sur l'étude des contraintes qui s'exercent sur un milieu continu solide lorsqu'il est sollicité ou déformé. Il publiera des ouvrages (sur les thèmes de la mécanique de la rupture, la théorie du potentiel, ou encore la mécanique du contact) de génie mécanique en 1985 et 1989[1].

Sur le plan personnel, il est alors marié et père de deux enfants.

En 1990, il y devient professeur agrégé au département de génie mécanique.

À Concordia, Fabrikant se plaint de s'être fait refuser la titularisation à quatre reprises, accuse ses employeurs de chercher à le congédier, et s'oppose fermement à la pratique de créditer certaines personnes en tant que coauteurs de publications auxquelles elles n'ont pas vraiment contribué.

Au début des années 1990, Fabrikant est victime d'une crise cardiaque. Les choses s'enveniment à son retour, après sa convalescence, et culminent avec la tuerie du 24 août 1992.

En 1992, il poursuit en justice deux collègues pour que leurs noms soient retirés de publications qu'il avait lui-même écrites dans les années 1980. Fabrikant devait d'ailleurs comparaître le 25 août 1992, soit le lendemain de ce qui allait devenir le jour de la fusillade, pour outrage au tribunal. Lors d'une audience précédente en Cour supérieure du Québec, il avait accusé le juge en chef Allan B. Gold, chancelier de l'université Concordia de choisir « ses juges les plus corrompus » pour entendre sa cause[1].

Tuerie de l'Université Concordia

La fusillade orchestrée par Valery Fabrikant survient au neuvième étage de l'Université Concordia, au pavillon Henry F. Hall, le . Les victimes sont les professeurs Matthew Douglas (66 ans), Michael Hogben (52 ans) et Jaan Saber (46 ans), ainsi que le titulaire de la chaire de génie électrique et informatique, Phoivos Ziogas (48 ans). Une secrétaire, Elizabeth Horwood, sera aussi blessée par balles.

Valery Fabrikant avait essayé par plusieurs moyens d'obtenir des armes à feu, impliquant l'université Concordia. Cette dernière refusera de lui signer une recommandation pour l'obtention d'un permis de transport d'arme à autorisation restreinte, pour le tir à la cible. Dans une lettre envoyée à la Sûreté du Québec et datée du , soit six semaines avant la tuerie, le vice-recteur aux services de l'université explique le refus en invoquant le règlement de l'établissement sur le port d'arme, et indique qu'en raison des différends entre le professeur et son employeur « l'université a toutes les raisons de s'inquiéter de l'obtention par M. Fabrikant d'un permis de port d'arme »[citation nécessaire].

Des trois armes utilisées par Fabrikant lors de la fusillade, une première fut achetée par l'enseignant le , et les deux autres l'ont été par son épouse le jour même du massacre, le 24 août. Valery Fabrikant avait passé avec succès son examen d'initiation aux armes de poing en , et son épouse en juillet de l'année suivante. L'homme était également inscrit dans un club de tir[1].

Procès

Valery Fabrikant s'est représenté lui-même à son procès pour le meurtre de quatre collègues. En cour, il fait preuve d'un comportement jugé excentrique lors des audiences. Le juge suspend alors les procédures pour exiger un examen des facultés intellectuelles de l'accusé, et après qu'il eut été déclaré sain d'esprit, Fabrikant tenta de se défendre pendant cinq mois. Le juge arrêta cependant la procédure et les membres du jury se trouvèrent dans l'obligation de le prononcer coupable de meurtre au premier degré. Il a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Bien que deux psychiatres aient témoigné favorablement envers lui, l'accusé disait se sentir insulté par ces experts et demanda à rencontrer le docteur Louis Morissette, de l'Institut Philippe-Pinel. Morissette arriva à une position contraire aux deux spécialistes ayant précédemment rencontré Fabrikant. Le psychiatre nota entre autres que les rapports précédant le retour au travail du professeur, en 1992 après une crise cardiaque, avaient toujours fait état de la satisfaction des étudiants de Fabrikant, ainsi que de ses collègues de travail. Il déclara que Fabrikant n'était pas, à son avis, apte à subir un procès, qu'il souffrait de plus qu'un simple trouble de la personnalité, et qu'il devrait être traité par la médication appropriée (chose que le principal intéressé refusait).

Conséquences de la fusillade

Certains des professeurs qui ont survécu à l'affaire Fabrikant ont vu leur comptes gelés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) à la suite d'une enquête sur les allégations de Fabrikant.

Autres procédures judiciaires

En 2000, Valery Fabrikant a été déclaré plaideur quérulent parce qu'il a accumulé les recours futiles et mal fondés en grand nombre devant les tribunaux.

Le , Valery Fabrikant se représente en Cour supérieure du Québec pour l'audition d'une plainte déposée avant la tuerie de 1992 (donc avant qu'il ne soit déclaré plaideur quérulent). Il réclame alors près de 600 000 $ en dommage et intérêts à d'anciens collègues de l'Université Concordia qui auraient « profité injustement » de ses travaux et « extorqué » ses documents. Comme à son habitude, Fabrikant - qui se représente sans avocat encore une fois - met à rude épreuve la patience des avocats de la défense et le juge Gilles Hébert.

Le 13 novembre, le juge Gilles Hébert se récuse de la cause civile. Il affirme ne plus être en mesure de faire preuve d'impartialité, n'en pouvant plus de supporter les insultes et les récriminations de l'accusé. De sa cellule, Fabrikant accueille la décision en applaudissant.

Le 20 novembre, la juge Nicole Morneau reprend les procédures là où son collègue les a abandonnées.

Moins d'une semaine après la reprise du procès, le , la juge met fin abruptement au procès en se référant à l'article 75.1 du Code de procédure civile du Québec pour justifier sa décision. Elle estime la cause frivole et sans fondement.

Aujourd'hui

Valery Fabrikant purge actuellement sa peine à l'Établissement Archambault de Sainte-Anne-des-Plaines dans les Laurentides au Québec. Il ne peut être libéré sur parole avant le .

L'ancien professeur continue ses recherches académiques de la prison. Il a publié dans le IMA Journal of Applied Mathematics en 2006[3]. L'adresse de l'auteur était la suivante : Prisonnier ##167932D, Prison Archambault, Ste-Anne-des-Plaines, Québec, Canada J0N 1H0.

Il utilise couramment Internet par l'entremise de son fils, ainsi que Usenet[4],[5] où il argumente en faveur de la théorie du complot[6].

Livres

Références

  1. a b c et d André Noël, « Valery Fabrikant, un Don Quichotte paranoïaque », La Presse,‎ (lire en ligne).
  2. Page personnelle de V. Fabrikant
  3. (en) Valery Fabrikant, « Utilization of divergent integrals and a new symbolism in contact and crack analysis », IMA Journal of Applied Mathematics, vol. 72, no 2,‎ , p. 180-190 (ISSN 1464-3634 et 0272-4960, résumé).
  4. « Valery Fabrikant », sur Everything2, (consulté le ).
  5. « Repost: Official Fabrikant FAQ », sur groups.google.ca, (consulté le ).
  6. Page personnelle de V. Fabrikant où sont compilés certains de ses envois.

Liens externes