Aller au contenu

« Satyajit Ray » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Pierregil83 (discuter | contributions)
m Restauration des ancres brisées
(45 versions intermédiaires par 19 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
{{En-tête label|AdQ}}
{{En-tête label|AdQ|année=2007}}
{{voir homonymes|Ray}}
{{voir homonymes|Ray}}
{{Infobox Cinéma (personnalité)
{{Infobox Cinéma (personnalité)
Ligne 12 : Ligne 12 :
| nationalité = {{drapeau2|Inde|domaine=Gentilé}}
| nationalité = {{drapeau2|Inde|domaine=Gentilé}}
| date de décès = {{date de décès|23|4|1992|2|5|1921}}
| date de décès = {{date de décès|23|4|1992|2|5|1921}}
| lieu de décès = Calcutta, [[Bengale-Occidental]]
| lieu de décès = [[Calcutta]], [[Bengale-Occidental]]
| profession(s) = [[Réalisateur]]<br />[[Scénariste]]<br />[[Compositeur]]
| profession(s) = [[Réalisateur]]<br />[[Scénariste]]<br />[[Compositeur]]
| films notables = ''[[La Complainte du sentier]]''<br />''[[L'Invaincu]]''<br />''[[Le Monde d'Apu]]''<br />''[[Le Salon de musique]]''<br />''[[Charulata]]''<br />''[[Les Joueurs d'échecs (film)|Les Joueurs d'échecs]]''
| films notables = ''[[La Complainte du sentier]]''<br />''[[L'Invaincu]]''<br />''[[Le Monde d'Apu]]''<br />''[[Le Salon de musique]]''<br />''[[Charulata]]''<br />''[[Les Joueurs d'échecs (film)|Les Joueurs d'échecs]]''
| site internet =
| site internet =
}}
}}

'''Satyajit Ray''' ({{lang|ltr|bn|সত্যজিৎ রায়}} en [[bengali]] {{Prononciation|SatyajitRay2.ogg}}) est un [[réalisateur]], [[écrivain]] et [[compositeur]] [[Inde|indien]] [[Bengale-Occidental|bengali]], né le {{date|2|mai|1921|au cinéma}} à [[Calcutta]] et mort dans la même ville le {{date|23|avril|1992|au cinéma}}.
'''Satyajit Ray''' ({{lang|ltr|bn|সত্যজিৎ রায়}} en [[bengali]] {{Prononciation|SatyajitRay2.ogg}}) est un [[réalisateur]], [[écrivain]] et [[compositeur]] [[Inde|indien]] [[Bengale-Occidental|bengali]], né le {{date-|2|mai|1921|au cinéma}} à [[Calcutta]] et mort le {{date-|23|avril|1992|au cinéma}} dans la même ville.


Né dans une famille aisée, d'un père écrivain et poète majeur de la littérature bengalie, {{Lien|langue=en|fr=Sukumar Ray}}, il reçoit une bonne éducation, en héritier de la [[Renaissance du Bengale|Renaissance bengalie]]. Il étudie au ''[[Presidency College (Calcutta)|Presidency college]]'', avant de rejoindre l'[[université Visva-Bharati]], fondée par le poète [[Rabindranath Tagore]] à [[Santiniketan]].
Né dans une famille aisée, d'un père écrivain et poète majeur de la littérature bengalie, {{Lien|langue=en|fr=Sukumar Ray}}, il reçoit une bonne éducation, en héritier de la [[Renaissance du Bengale|Renaissance bengalie]]. Il étudie au ''[[Presidency College (Calcutta)|Presidency college]]'', avant de rejoindre l'[[université Visva-Bharati]], fondée par le poète [[Rabindranath Tagore]] à [[Santiniketan]].


D'abord maquettiste publicitaire, il fonde en [[1942 au cinéma|1942]] un [[ciné-club]] à [[Bombay]], puis la ''{{Lien|langue=en|fr=Calcutta Film Society}}'' en [[1947 au cinéma|1947]] : cinéastes américains comme européens y sont projetés, notamment les [[Néoréalisme (cinéma)|néo-réalistes]] qui font forte impression. C'est la rencontre avec le cinéaste français [[Jean Renoir]], lors du tournage en Inde du film ''[[Le Fleuve (film, 1951)|Le Fleuve]]'' et le visionnage du film italien néo-réaliste ''[[Le Voleur de bicyclette]]'', lors d'un voyage à [[Londres]], qui le décident à se lancer dans la réalisation cinématographique, alors qu'il exerce le métier d'[[illustrateur]] dans une maison d'édition.
D'abord maquettiste publicitaire, il fonde en [[1942 au cinéma|1942]] un [[ciné-club]] à [[Bombay]], puis la ''{{Lien|langue=en|fr=Calcutta Film Society}}'' en [[1947 au cinéma|1947]] : cinéastes américains comme européens y sont projetés, notamment les [[Néoréalisme (cinéma)|néo-réalistes]] qui font forte impression. C'est la rencontre avec le cinéaste français [[Jean Renoir]], lors du tournage en Inde du film ''[[Le Fleuve (film, 1951)|Le Fleuve]]'', et le visionnage du film italien néo-réaliste ''[[Le Voleur de bicyclette]]'', lors d'un voyage à [[Londres]], qui le décident à se lancer dans la réalisation cinématographique, alors qu'il exerce le métier d'[[illustrateur]] dans une maison d'édition.


Inspiré par le roman [[La Complainte du sentier (roman)|''Pather Panchali'']] de [[Bibhutibhushan Bandopadhyay]], il décide d'en faire un film et le tourne en décor réel, faisant appel à des amis pour tenir les rôles d'acteurs, et le finançant tout seul. À court de fonds, il obtient un prêt du gouvernement du [[Bengale-Occidental|Bengale]] ce qui lui permet d'achever le film. C'est un succès tant artistique que commercial, et Ray reçoit un prix en [[1956 au cinéma|1956]] au [[Festival de Cannes]], faisant découvrir au monde l'industrie cinématographique indienne.
Inspiré par le roman ''[[La Complainte du sentier (roman)|Pather Panchali]]'' de [[Bibhutibhushan Bandopadhyay]], il décide d'en faire un film, [[La Complainte du sentier|''La complainte du sentier'']] (1955) et le tourne en décor réel, faisant appel à des amis pour tenir les rôles d'acteurs, et le finançant tout seul<ref>{{Ouvrage|prénom1=Julien|nom1=Rousseau|prénom2=Hélène|nom2=Kessous|prénom3=Laure|nom3=Bataillou|titre=Bollywood Superstars: histoire d'un cinéma indien|éditeur=France Muséums Kaph Books Department of Culture and Tourism|date=2023|passage=p. 101.|isbn=978-614-8035-51-7|consulté le=2024-01-29}}</ref>. À court de fonds, il obtient du gouvernement du [[Bengale-Occidental|Bengale]] un prêt qui lui permet d'achever le film. C'est un succès tant artistique que commercial, et Ray reçoit un prix en [[1956 au cinéma|1956]] au [[Festival de Cannes]], faisant découvrir au monde l'industrie cinématographique indienne.


Le cinéma de Ray est réaliste ; ses premiers travaux sont pleins de compassion et d'émotion ; son travail postérieur est plus politisé et parfois cynique, mais il y infuse toujours son [[humour]] typique.
Le cinéma de Ray est réaliste ; ses premiers travaux sont pleins de compassion et d'émotion ; son travail postérieur est plus politisé et parfois cynique, mais il y infuse toujours son [[humour]] typique.


Ray a réalisé 37 films, parmi lesquels des [[court métrage|courts]] et des [[long métrage|longs métrages]] ainsi que des [[documentaire]]s. Le premier film de Satyajit Ray, ''[[La Complainte du sentier]]'', remporta onze distinctions internationales, dont le prix du document humain au [[Festival de Cannes 1956]]. C'est le premier volet de la [[trilogie d'Apu]], qui sera suivi par ''[[L'Invaincu|Aparajito]]'' (''L'Invaincu'') et ''[[Le Monde d'Apu|Apur Sansar]]'' (''Le Monde d'Apu''). Ray a exercé au cours de sa vie un large éventail de métiers, dont l'écriture de [[Scénario (film)|scénarios]], le [[casting]], la composition musicale de bandes originales, le [[tournage (audiovisuel)|tournage]], la direction artistique, la conception et la réalisation de ses propres [[générique (cinéma)|génériques]] et [[affiche]]s publicitaires... En dehors du cinéma, il était écrivain, éditeur, illustrateur, graphiste et critique de cinéma. Il a remporté de nombreuses récompenses au cours de sa carrière, dont un [[Oscar du cinéma|Oscar]] pour son œuvre en [[1992 au cinéma|1992]]. Il a été décoré également de la [[Bharat Ratna]], la plus haute distinction de l'Inde en 1992.
Ray a réalisé trente-sept films, parmi lesquels des [[court métrage|courts]] et des [[long métrage|longs métrages]] ainsi que des [[documentaire]]s. Le premier film de Satyajit Ray, ''[[La Complainte du sentier]]'', remporta onze distinctions internationales, dont le prix du document humain au [[Festival de Cannes 1956]]. C'est le premier volet de la [[trilogie d'Apu]], qui sera suivi par ''[[L'Invaincu|Aparajito]]'' (''L'Invaincu'') et ''[[Le Monde d'Apu|Apur Sansar]]'' (''Le Monde d'Apu''). Ray a exercé au cours de sa vie un large éventail de métiers, dont l'écriture de [[Scénario (film)|scénarios]], le [[casting]], la composition musicale de bandes originales, le [[tournage (audiovisuel)|tournage]], la direction artistique, la conception et la réalisation de ses propres [[générique (cinéma)|génériques]] et [[affiche]]s publicitaires… En dehors du cinéma, il était écrivain, éditeur, illustrateur, graphiste et critique de cinéma. Il a remporté de nombreuses récompenses au cours de sa carrière, dont un [[Oscar du cinéma|Oscar]] pour son œuvre en [[1992 au cinéma|1992]]. Il a été décoré également de la [[Bharat Ratna]], la plus haute distinction de l'Inde, en 1992.


== Biographie ==
== Biographie ==

=== Jeunesse ===
=== Jeunesse ===
La généalogie de Satyajit Ray peut être remontée jusqu'à dix générations<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=36}}</ref>. {{Lien|langue=en|fr=Upendrakishore Ray Chowdhury}}, le grand-père de Ray, était écrivain, illustrateur, [[philosophe]], [[Presse écrite|éditeur]] et amateur d'[[astronomie]]. C'était aussi un des chefs du [[Brahmo Samaj]], un mouvement religieux et social réformateur du {{XIXe siècle}} au Bengale. Sukumar Ray, le fils d'Upendrakishore, était un écrivain innovant en matière de poésie de l'absurde et de littérature enfantine, ainsi qu'un illustrateur et critique littéraire reconnu.
La généalogie de Satyajit Ray peut être remontée jusqu'à dix générations<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=36}}.</ref>. {{Lien|langue=en|fr=Upendrakishore Ray Chowdhury}}, le grand-père de Ray, est écrivain, illustrateur, [[philosophe]], [[Presse écrite|éditeur]] et amateur d'[[astronomie]]<ref name=":Barnouw">{{Article|langue=en|prénom1=Erik|nom1=Barnouw|titre=Lives of a Bengal Filmmaker: Satyajit Ray of Calcutta|périodique=The Quarterly Journal of the Library of Congress|volume=38|numéro=2|date=1981|issn=0041-7939|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/29781890|consulté le=2023-10-28|pages=60–77}}.</ref>. C'est aussi un des chefs du [[Brahmo Samaj]], un mouvement religieux et social réformateur du {{s-|XIX}} au Bengale<ref>{{Article|langue=en|auteur=Jhimli Mukherjee Pandey|titre=New publications to explore 'unknown' Upendrakishore|périodique=The Times of India|date=2013-05-11|issn=0971-8257|lire en ligne=https://timesofindia.indiatimes.com/city/kolkata/new-publications-to-explore-unknown-upendrakishore/articleshow/19995232.cms|consulté le=2023-10-28}}.</ref>. Sukumar Ray, le fils d'Upendrakishore, est un écrivain innovant en matière de poésie de l'absurde et de littérature enfantine, ainsi qu'un illustrateur et critique littéraire reconnu<ref name=":Barnouw" />.


Ray naît à Calcutta de Sukumar et Suprabha Ray. Son père meurt alors qu'il a à peine trois ans, et la famille survit avec les maigres revenus de Suprabha. Plus tard, Ray étudie l'[[économie (discipline)|économie]] au ''Presidency College'' de Calcutta, bien que ses goûts le portent vers les [[Beaux-arts (disciplines)|beaux-arts]]. En [[1940]], sa mère le pousse à faire des études à l'université de ''Visva-Bharati'', fondée par Rabindranath Tagore à Santiniketan. Ray est réticent à partir, d'une part à cause de son amour pour la ville de Calcutta, et d'autre part pour la piètre idée qu'il a de la vie intellectuelle à Santiniketan<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=46}}</ref>. La persuasion de sa mère et le respect qu'il porte à Tagore ont finalement raison de ses préventions et le convainquent de tenter cette voie. Ray va à Santiniketan pour étudier les arts graphiques, mais également pour y admirer l'art oriental. Plus tard, il reconnaîtra avoir beaucoup appris des célèbres peintres [[Nandalal Bose]]<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=70}}</ref> et {{Lien|langue=en|fr=Benode Behari Mukherjee}}, sur lesquels il réalisera d'ailleurs un documentaire, ''The Inner Eye'' (''L'Œil intérieur''). Lors de ses visites des grottes d'[[Ajantâ]], [[Ellorâ]] et [[Grottes d'Éléphanta|Elephanta]], Ray développe une grande admiration pour l'[[Art du monde indien|art indien]]<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=71–72}}</ref>.
Ray naît à [[Calcutta]] de Sukumar et Suprabha Ray. Son père meurt alors qu'il a à peine trois ans, et la famille survit avec les maigres revenus de Suprabha. Plus tard, Ray étudie l'[[économie (discipline)|économie]] au {{langue|en|''[[Presidency College (Calcutta)|Presidency College]]''}} de Calcutta, bien que ses goûts le portent vers les [[Beaux-arts (disciplines)|beaux-arts]]. En 1940, sa mère le pousse à faire des études à l'université de ''Visva-Bharati'', fondée par [[Rabindranath Tagore]] à [[Santiniketan]]. Ray est réticent à partir, d'une part à cause de son amour pour la ville de Calcutta, et d'autre part pour la piètre idée qu'il a de la vie intellectuelle à Santiniketan<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=46}}.</ref>. La persuasion de sa mère et le respect qu'il porte à Tagore ont finalement raison de ses préventions et le convainquent de tenter cette voie. Ray va à Santiniketan pour étudier les arts graphiques, mais également pour y admirer l'art oriental. Plus tard, il reconnaît avoir beaucoup appris des célèbres peintres [[Nandalal Bose]]<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=70}}.</ref> et {{Lien|langue=en|fr=Benode Behari Mukherjee}}, sur lesquels il réalise d'ailleurs un documentaire, {{langue|en|''The Inner Eye''}} (''L'Œil intérieur''). Lors de ses visites des grottes d'[[Ajantâ]], [[Ellorâ]] et [[Grottes d'Éléphanta|Elephanta]], Ray développe une grande admiration pour l'[[Art du monde indien|art indien]]<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=71–72}}.</ref>.
[[Fichier:Satyajit ray little.jpg|thumb|left|300px|Satyajit Ray enfant.]]
[[Image:Rabindranath Tagore 1905-1906 Sukumar Ray.jpg|upright=0.7|vignette|gauche|Photographie de [[Rabindranath Tagore]], prise aux alentours de [[1905]] par Sukumar Ray, le père de Satyajit.|alt=Photo représentant Rabîndranâth Tagore.]]
Ray quitte Santiniketan en [[1943]], avant d'avoir achevé son cursus de cinq ans et rentre à Calcutta, où il trouve un emploi dans une [[agence de communication|agence de publicité]] britannique, D. J. Keymer. Il est embauché comme ''junior visualiser'' (créateur junior) et ne gagne que {{unité|80|[[Roupie indienne|roupies]]}} par mois. Bien que la partie artistique de ce travail soit chère au cœur de Ray, et qu'il soit bien traité d'une manière générale, il règne dans cette entreprise une certaine tension entre les employés britanniques et indiens (les premiers étant bien mieux rémunérés), et Ray trouve que « les clients sont en général stupides<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=56–58}}</ref> ». Autour de 1943, Ray est engagé par ''Signet Press'', une nouvelle maison d'édition créée par D. K. Gupta. Gupta demande à Ray de créer les designs des couvertures de livres publiés par ''Signet Press'' et lui laisse une entière liberté artistique. Ray réalise les couvertures de nombreux ouvrages, dont ''Man-Eaters of Kumaon'' (''Les Mangeurs d'hommes de Kumaon''), un livre écrit par le chasseur naturaliste [[Jim Corbett]] sur les [[tigre]]s et [[léopard (félin)|léopards]], ainsi que ''Discovery of India'' (''Découverte de l'Inde'') de [[Jawaharlal Nehru]]. Il travaille aussi sur une adaptation pour les enfants de ''Pather Panchali'', un roman bengali classique de [[Bibhutibhushan Bandopadhyay]], qu'il rebaptise ''Am Antir Bhepu'' (''Le Sifflet en noyau de mangue''). Cette œuvre influence profondément Ray, et deviendra le sujet de son premier film. En plus de la couverture, il illustre le livre ; nombre de ces dessins trouveront leur place dans son film initial<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=38}}</ref>.


[[Fichier:Satyajit ray little.jpg|vignette|gauche|redresse|alt=Un jeune enfant indien, assis, souriant, les bras croisés.|Satyajit Ray enfant.]]
Puis, avec [[Chidananda Das Gupta]] et d'autres, il crée la ''Calcutta Film Society'' en [[1947 au cinéma|1947]], un ciné-club où sont projetés de nombreux films étrangers. Pendant la deuxième guerre mondiale, il s'était lié d'amitié avec des GIs américains stationnés à Calcutta, qui de retour chez eux le tiendront au courant de l'actualité cinématographique. Il côtoie également un employé de la [[Royal Air Force|RAF]], Norman Clare, avec qui il partage la passion des films, du [[Échecs|jeu d'échecs]] et de la musique classique occidentale<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=40–43}}</ref>. En [[1949]], Ray épouse {{Lien|langue=en|trad=Bijoya Ray|fr=Bijoya Das}}, une cousine éloignée et amour de toujours. De cette union naîtra un fils, {{Lien|langue=en|trad=Sandip Ray|fr=Sandip}}, qui est aujourd'hui devenu à son tour un grand cinéaste. La même année, [[Jean Renoir]] vient à Calcutta pour tourner son film ''Le Fleuve''. Ray l'aide à trouver des lieux de tournage en extérieur. C'est à ce moment que Ray expose à Renoir le projet qu'il a en tête depuis un certain temps : filmer [[La Complainte du sentier (roman)|''Pather Panchali'']]. Et Renoir l'encourage à le réaliser<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=42–44}}</ref>. En [[1950 au cinéma|1950]], Ray est envoyé à Londres par D. J. Keymer pour travailler au siège social. Durant son séjour de trois mois à Londres, il regarde {{nombre|99|films}}. Parmi eux, le film italien néoréaliste, ''[[Le Voleur de bicyclette]]'', réalisé en [[1948 au cinéma|1948]] par [[Vittorio De Sica]] lui fera forte impression. Ray dira plus tard qu'il est sorti de la séance avec la ferme intention de devenir réalisateur<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=48}}</ref>.
[[Image:Rabindranath Tagore 1905-1906 Sukumar Ray.jpg|upright=0.7|vignette|gauche|Photographie de [[Rabindranath Tagore]], prise aux alentours de [[1905]] par Sukumar Ray, le père de Satyajit.|alt=Un homme d'âge moyen, aux cheveux et barbe poivre et sel.]]
Ray quitte Santiniketan en [[1943]], avant d'avoir achevé son cursus de cinq ans et rentre à Calcutta, où il trouve un emploi dans une [[agence de communication|agence de publicité]] britannique, D. J. Keymer. Il est embauché comme {{langue|en|''junior visualiser''}} (créateur junior) et ne gagne que {{unité|80|[[Roupie indienne|roupies]]}} par mois. Bien que la partie artistique de ce travail soit chère au cœur de Ray, et qu'il soit bien traité d'une manière générale, il règne dans cette entreprise une certaine tension entre les employés britanniques et indiens (les premiers étant bien mieux rémunérés), et Ray trouve que « les clients sont en général stupides<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=56–58}}.</ref> ». Autour de 1943, Ray est engagé par {{langue|en|''Signet Press''}}, une nouvelle maison d'édition créée par D. K. Gupta. Gupta demande à Ray de créer les designs des couvertures de livres publiés et lui laisse une entière liberté artistique. Ray réalise les couvertures de nombreux ouvrages, dont {{langue|en|''Man-Eaters of Kumaon''}} (''Les Mangeurs d'hommes de Kumaon''), un livre écrit par le chasseur naturaliste [[Jim Corbett]] sur les [[tigre]]s et [[léopard (félin)|léopards]], ainsi que {{langue|en|''Discovery of India''}} (''Découverte de l'Inde'') de [[Jawaharlal Nehru]]. Il travaille aussi sur une adaptation pour les enfants de {{langue|en|''Pather Panchali''}}, un roman bengali classique de [[Bibhutibhushan Bandopadhyay]], qu'il rebaptise {{langue|bn|''Am Antir Bhepu''}} (''Le Sifflet en noyau de mangue''). Cette œuvre influence profondément Ray, et va devenir le sujet de son premier film. En plus de la couverture, il illustre le livre ; nombre de ces dessins trouvent leur place dans son film initial<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=38}}.</ref>.

Puis, avec [[Chidananda Das Gupta]] et d'autres, il crée la {{langue|en|''Calcutta Film Society''}} en [[1947 au cinéma|1947]], un [[ciné-club]] où sont projetés de nombreux films étrangers. Pendant la [[Seconde Guerre mondiale]], il se lie d'amitié avec des [[GI (soldat)|GIs]] américains stationnés à Calcutta, qui de retour chez eux le tiennent au courant de l'actualité cinématographique. Il côtoie également un employé de la [[Royal Air Force|RAF]], Norman Clare, avec qui il partage la passion des films, du [[Échecs|jeu d'échecs]] et de la musique classique occidentale<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=40–43}}.</ref>. En [[1949]], Ray épouse {{Lien|langue=en|trad=Bijoya Ray|fr=Bijoya Das}}, une cousine éloignée et amour de toujours. De cette union naît un fils, {{Lien|langue=en|trad=Sandip Ray|fr=Sandip}}, qui est devenu à son tour un grand cinéaste. La même année, [[Jean Renoir]] vient à Calcutta pour tourner son film ''Le Fleuve''. Ray l'aide à trouver des lieux de tournage en extérieur et lui expose à le projet qu'il a en tête depuis un certain temps : tourner [[La Complainte du sentier (roman)|{{langue|en|''Pather Panchali''}}]]. Renoir l'encourage à le réaliser<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=42–44}}.</ref>. En [[1950 au cinéma|1950]], Ray est envoyé à [[Londres]] par D. J. Keymer pour travailler au siège social. Durant son séjour de trois mois, il regarde {{nobr|99 films}}. Parmi eux, le film italien [[Néoréalisme (cinéma)|néoréaliste]], ''[[Le Voleur de bicyclette]]'', réalisé en [[1948 au cinéma|1948]] par [[Vittorio De Sica]], lui fait forte impression. Ray dit plus tard qu'il est sorti de la séance avec la ferme intention de devenir réalisateur<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=48}}.</ref>.


=== Les années Apu (1950-1958) ===
=== Les années Apu (1950-1958) ===
{{article détaillé|Filmographie de Satyajit Ray}}
{{article détaillé|Filmographie de Satyajit Ray}}
Ray a donc décidé que [[La Complainte du sentier (roman)|''Pather Panchali'']], le [[roman d'apprentissage]] classique de la littérature bengalie, publié en 1928 par [[Bibhutibhushan Bandopadhyay]], sera le thème de son premier film. Ce roman semi-autobiographique décrit la jeunesse d'Apu, un petit garçon d'un village du Bengale. Ray achève la conception du film en mer, tandis qu'il rentre de Londres en Inde.
Ray décide donc que [[La Complainte du sentier (roman)|{{langue|bn|''Pather Panchali''}}]], le [[roman d'apprentissage]] classique de la littérature bengalie, publié en 1928 par [[Bibhutibhushan Bandopadhyay]], va être le thème de son premier film. Ce roman semi-autobiographique décrit la jeunesse d'Apu, un petit garçon d'un village du [[Bengale]]<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Udayan|nom1=Gupta|prénom2=Satyajit|nom2=Ray|titre=The Politics of Humanism: AN INTERVIEW WITH SATYAJIT RAY|périodique=Cinéaste|volume=12|numéro=1|date=1982|issn=0009-7004|lire en ligne=https://www.jstor.org/stable/41686766|consulté le=2023-10-28|pages=24–29}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article|langue=en-GB|prénom1=Stuart|nom1=Jeffries|titre=Pather Panchali: No 12 best arthouse film of all time|périodique=The Guardian|date=2010-10-20|issn=0261-3077|lire en ligne=https://www.theguardian.com/film/2010/oct/20/pather-panchali-ray-arthouse|consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


Ray réunit ensuite autour de lui une équipe inexpérimentée, dont le [[cadreur|caméraman]] [[Subrata Mitra]] et le directeur artistique {{Lien|langue=en|fr=Bansi Chandragupta}}, qui connaîtront de belles carrières par la suite. Côté acteurs, le casting est principalement constitué d'amateurs. Les prises commencent fin [[1952 au cinéma|1952]], financés par les fonds propres de Ray. Il espère alors qu'une fois ces premières prises réalisées, il pourra trouver des fonds pour poursuivre le projet... cependant, un tel mode de financement n'est pas évident. Aussi ''Pather Panchali'' est tourné sur une période exceptionnellement longue, pendant trois ans, avec des prises organisées de temps en temps, au gré des disponibilités financières obtenues par Ray ou Anil Chowdhury, le directeur de production. Avec un prêt du gouvernement du [[Bengale-Occidental]], le film est finalement terminé et peut sortir en [[1955 au cinéma|1955]]. Il est reçu très favorablement par la critique et remporte un grand succès populaire, remportant de nombreux prix. Il est largement diffusé, aussi bien en Inde qu'à l'étranger. Pendant le montage, Ray refuse de se plier aux demandes émanant de ses financeurs, désireux de modifier le scénario ou de surveiller le producteur. Il ignore également le conseil du gouvernement (qui financera tout de même le film) d'inclure une fin heureuse, dans laquelle la famille d'Apu rejoint un projet de développement<ref name="set1"/>.
Ray réunit ensuite autour de lui une équipe inexpérimentée, dont le [[cadreur|caméraman]] [[Subrata Mitra]] et le directeur artistique {{Lien|langue=en|fr=Bansi Chandragupta}}, qui vont connaître de belles carrières par la suite. Côté acteurs, le {{anglais|casting}} est principalement constitué d'amateurs. Les prises commencent fin [[1952 au cinéma|1952]], financées par les fonds propres de Ray. Il espère alors qu'une fois ces premières prises réalisées, il va pouvoir trouver des fonds pour poursuivre le projet. Un tel mode de financement n'est pas évident, aussi {{langue|bn|''''Pather Panchali''}} est-il tourné sur une période exceptionnellement longue, pendant trois ans, avec des prises organisées de temps en temps, au gré des disponibilités financières obtenues par Ray ou Anil Chowdhury, le directeur de production. Avec un prêt du gouvernement du [[Bengale-Occidental]], le film est finalement terminé et peut sortir en [[1955 au cinéma|1955]]. Il est reçu très favorablement par la critique et rencontre un grand succès populaire, remportant de nombreux prix. Il est largement diffusé, aussi bien en Inde qu'à l'étranger. Pendant le montage, Ray refuse de se plier aux demandes émanant de ses financeurs, désireux de modifier le scénario ou de surveiller le producteur. Il ignore également le conseil du gouvernement {{incise|qui finance tout de même le film}} d'inclure une fin heureuse, dans laquelle la famille d'Apu rejoint un projet de développement<ref name="set1"/>.
Quand Ray montre une scène du film à [[John Huston]], venu en Inde en [[repérage (cinéma)|repérage]] pour le tournage de ''[[L'Homme qui voulut être roi (film)|L'Homme qui voulut être roi]]'', l'enthousiasme de ce dernier est encore plus précieux que les encouragements de Renoir. Il s'agit de la scène mémorable qui expose la vision qu'ont Apu et sa sœur du train traversant la campagne. C'est alors la seule que Ray a pu monter, compte tenu de son petit budget. Huston avertit {{lien|Monroe Wheeler|lang=en}}, du [[Museum of Modern Art]] de [[New York]] qu'un talent majeur est en train de naître. En Inde, les réactions sont enthousiastes. Le ''[[Times of India]]'' écrit {{citation|Il est absurde de le comparer avec n'importe quel cinéma indien […] « Pather Panchali » est du pur cinéma<ref name="set1">{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=95}}</ref>}}. Au Royaume-Uni, [[Lindsay Anderson]] écrit une chronique élogieuse sur le film<ref name="set1"/>. Malgré tout, les réactions ne sont pas uniformément positives. On rapporte ainsi que [[François Truffaut]] aurait déclaré : {{citation|Je ne veux pas voir un film de paysans qui mangent avec les doigts.}}<ref name=filmifunda>{{Lien web
Quand Ray montre une scène du film à [[John Huston]], venu en Inde en [[repérage (cinéma)|repérage]] pour le tournage de ''[[L'Homme qui voulut être roi (film)|L'Homme qui voulut être roi]]'', l'enthousiasme de ce dernier est encore plus précieux que les encouragements de Renoir. Il s'agit de la scène mémorable qui expose la vision qu'ont Apu et sa sœur du train traversant la campagne. C'est alors la seule que Ray a pu monter, compte tenu de son petit budget. Huston avertit {{lien|Monroe Wheeler|lang=en}}, du {{langue|en|''[[Museum of Modern Art]]''}} de [[New York]], qu'un talent majeur est en train de naître. En Inde, les réactions sont enthousiastes. Le {{langue|en|''[[Times of India]]''}} écrit : {{citation|Il est absurde de le comparer avec n'importe quel cinéma indien […]. « {{langue|bn|''Pather Panchali''}} » est du pur cinéma<ref name="set1">{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=95}}.</ref>}}. Au [[Royaume-Uni]], [[Lindsay Anderson]] écrit une chronique élogieuse sur le film<ref name="set1"/>. Malgré tout, les réactions ne sont pas uniformément positives. On rapporte ainsi que [[François Truffaut]] déclare : {{citation|Je ne veux pas voir un film de paysans qui mangent avec les doigts<ref name=filmifunda>{{Lien web
|url=http://www.telegraphindia.com/1050420/asp/calcutta/story_4634530.asp
|url=http://www.telegraphindia.com/1050420/asp/calcutta/story_4634530.asp
|titre=Filmi Funda Pather Panchali (1955)
|titre=Filmi Funda Pather Panchali (1955)
|auteur=
|auteur=
Ligne 53 : Ligne 54 :
|éditeur=The Telegraph
|éditeur=The Telegraph
|consulté le=29 avril 2006
|consulté le=29 avril 2006
}}</ref>. [[Bosley Crowther]], alors le plus influent critique du ''[[The New York Times|New York Times]]'', écrit un article tellement hargneux que le distributeur aux États-Unis, Ed Harrison, pense qu'il va compromettre la sortie du film. Mais au lieu de cela, c'est le contraire qui se produit, ''Pather Panchali'' est particulièrement apprécié et connaît une longue diffusion.
}}.</ref>.}} [[Bosley Crowther]], alors le plus influent critique du ''[[The New York Times|New York Times]]'', écrit un article tellement hargneux que le distributeur aux [[États-Unis]], Ed Harrison, pense qu'il va compromettre la sortie du film. Mais c'est le contraire qui se produit : {{langue|en|''Pather Panchali''}} est particulièrement apprécié et connaît une longue diffusion<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Bosley Crowther|titre=Screen: Exotic Import; Pather Panchali' From India Opens Here|périodique=[[The New York Times]]|date=23 septembre 1958|issn=0362-4331|lire en ligne=https://www.nytimes.com/1958/09/23/archives/screen-exotic-import-pather-panchali-from-india-opens-here.html}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=105}}.</ref>.


La carrière internationale de Ray commence réellement après le succès de son film suivant, ''Aparajito'' (''L'Invaincu''). Ce film narre la lutte sempiternelle entre les ambitions d'un jeune homme, Apu, et l'amour de sa mère. Nombre de critiques, dont [[Mrinal Sen]] et [[Ritwik Ghatak]], le classent un cran au-dessus du premier opus. ''Aparajito'' remporte le [[Lion d'or]] à [[Mostra de Venise|Venise]]. Avant d'achever sa trilogie, Ray réalise deux autres films. D'abord la comédie ''[[La Pierre philosophale]]'' (''Parash Pathar''), suivie par ''[[Le Salon de musique]]'' (''Jalsaghar''), un film sur la décadence des [[État princier des Indes|Zamindars]], considéré comme une de ses œuvres les plus importantes<ref name="malcolm1">{{Lien web
La carrière internationale de Ray commence réellement après le succès de son film suivant, {{langue|bn|''Aparajito''}} (''L'Invaincu''). Ce film narre la lutte sempiternelle entre les ambitions d'un jeune homme, Apu, et l'amour de sa mère. Nombre de critiques, dont [[Mrinal Sen]] et [[Ritwik Ghatak]], le classent un cran au-dessus du premier opus. {{langue|bn|''Aparajito''}} remporte le [[Lion d'or]] à [[Mostra de Venise|Venise]]. Avant d'achever sa trilogie, Ray réalise deux autres films, la comédie ''[[La Pierre philosophale]]'' ({{langue|bn|''Parash Pathar''}}), puis ''[[Le Salon de musique]]'' ({{langue|bn|''Jalsaghar''}}), un film sur la décadence des [[État princier des Indes|Zamindars]], considéré comme une de ses œuvres les plus importantes<ref name="malcolm1">{{Lien web
|url=http://film.guardian.co.uk/Century_Of_Films/Story/0,,36064,00.html
|url=http://film.guardian.co.uk/Century_Of_Films/Story/0,,36064,00.html
|titre=Satyajit Ray: The Music Room
|titre=Satyajit Ray: The Music Room
|auteur=Derek Malcolm
|auteur=Derek Malcolm
Ligne 62 : Ligne 63 :
|éditeur=guardian.co.uk
|éditeur=guardian.co.uk
|consulté le=19 juin 2006
|consulté le=19 juin 2006
}}</ref>.
}}.</ref>.


Tandis qu'il réalise ''Aparajito'', Ray ne pense pas encore à une trilogie, mais cette idée lui vient quand on lui pose la question à Venise<ref>{{Harvsp|Robin Wood|1972|p=61}}</ref>. Le dernier volet, ''Apur Sansar'' (''Le Monde d'Apu'') est réalisé en [[1959 au cinéma|1959]]. Comme pour les deux précédents opus, nombre de critiques le considèrent comme le couronnement de la trilogie<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Adrien Gombeaud (sous la direction d')|titre=Dictionnaire du cinéma asiatique|passage=La Trilogie d'Apu page 27 (par Hubert Niogret)|lieu=|éditeur=Nouveau monde (éditions)|date=octobre 2008|pages totales=640|isbn=978-2-84736-359-3|lire en ligne=}}</ref> ({{Lien|langue=en|trad=Robin Wood (critic)|fr=Robin Wood (auteur)|texte=Robin Wood}}, [[Aparna Sen]]). Ray y a fait jouer deux de ses acteurs favoris, [[Soumitra Chatterjee]] et [[Sharmila Tagore]]. Au début de l'intrigue, Apu vit dans une insignifiante maison de Calcutta, à la limite de la misère. Il contracte avec Aparna un mariage peu ordinaire, et les scènes de leur vie commune forment « un des classiques du cinéma en matière de description de la vie de couple<ref name="Robin Wood 1972">{{Harvsp|Robin Wood|1972}}</ref> », mais une tragédie s'ensuit. À la suite d'un article sévère d'un critique bengali, Ray répond en écrivant à son tour un papier pour défendre son film, fait rare dans sa carrière de réalisateur (l'autre occurrence notable se produira avec ''[[Charulata]]'', son favori)<ref>{{Harvsp|Satyajit Ray|1999|p=13}}</ref>.
Tandis qu'il réalise {{langue|bn|''Aparajito''}}, Ray ne pense pas encore à une trilogie, mais cette idée lui vient quand on lui pose la question à Venise<ref>{{Harvsp|Robin Wood|1972|p=61}}.</ref>. Le dernier volet, {{langue|bn|''Apur Sansar''}} (''Le Monde d'Apu''), est réalisé en [[1959 au cinéma|1959]]. Comme pour les deux précédents opus, nombre de critiques le considèrent comme le couronnement de la trilogie<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Adrien Gombeaud (sous la direction d')|titre=Dictionnaire du cinéma asiatique|passage=La Trilogie d'Apu page 27 (par Hubert Niogret)|lieu=|éditeur=Nouveau monde (éditions)|date=octobre 2008|pages totales=640|isbn=978-2-84736-359-3|lire en ligne=}}.</ref> ({{Lien|langue=en|trad=Robin Wood (critic)|fr=Robin Wood (auteur)|texte=Robin Wood}}, [[Aparna Sen]]). Ray y fait jouer deux de ses acteurs favoris, [[Soumitra Chatterjee]] et [[Sharmila Tagore]]. Au début de l'intrigue, Apu vit dans une insignifiante maison de Calcutta, à la limite de la misère. Il contracte avec Aparna un mariage peu ordinaire, et les scènes de leur vie commune forment « un des classiques du cinéma en matière de description de la vie de couple<ref name="Robin Wood 1972">{{Harvsp|Robin Wood|1972}}.</ref> », mais une tragédie s'ensuit. À la suite d'un article sévère d'un critique bengali, Ray répond en écrivant à son tour un papier pour défendre son film, fait rare dans sa carrière de réalisateur {{incise|l'autre occurrence notable se produira avec {{langue|bn|''[[Charulata]]''}}, son favori|stop}}<ref>{{Harvsp|Satyajit Ray|1999|p=13}}.</ref>.
Le succès a peu de répercussions sur sa vie personnelle pendant les années qui suivent : il continue à vivre avec sa mère, son oncle et d'autres membres de sa famille dans une maison de location<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=5}}</ref>.
Le succès a peu de répercussions sur sa vie personnelle pendant les années qui suivent : il continue à vivre avec sa mère, son oncle et d'autres membres de sa famille dans une maison de location<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=5}}.</ref>.


=== De ''Devi'' à ''Charulata'' (1959-1964) ===
=== De ''Devi'' à ''Charulata'' (1959-1964) ===
Durant cette période, Ray compose des films sur le [[Raj britannique|Raj]] (comme ''Devi''), un documentaire sur Tagore, une comédie (''Mahapurush'') et son premier film basé sur un scénario original (''Kanchenjungha''). Il réalise aussi une série de films qui, pris ensemble, sont considérés par les critiques comme la représentation à l'écran la plus aboutie des femmes indiennes<ref>{{Lien web
Durant cette période, Ray compose des films sur le [[Raj britannique|Raj]] (comme {{langue|bn|''Devi''}}), un documentaire sur Tagore, une comédie ({{langue|bn|''Mahapurush''}}) et son premier film basé sur un scénario original ({{langue|bn|''Kanchenjungha''}}). Il réalise aussi une série de films qui, pris ensemble, sont considérés par les critiques comme la représentation à l'écran la plus aboutie des femmes indiennes<ref>{{Lien web
|url=http://www.metroactive.com/papers/cruz/10.08.03/apu-0341.html
|url=http://www.metroactive.com/papers/cruz/10.08.03/apu-0341.html
|titre=Ghost 'World'
|titre=Ghost 'World'
|auteur=Steve Palopoli
|auteur=Steve Palopoli
Ligne 75 : Ligne 76 :
|éditeur=metroactive.com
|éditeur=metroactive.com
|consulté le=19 juin 2006
|consulté le=19 juin 2006
}}</ref>.
}}.</ref>.


Après ''Apur Sansar'', Ray enchaîne avec ''Devi'' (la Déesse), un film dans lequel il aborde les superstitions dans la société hindoue. Sharmila Tagore interprète Doyamoyee, une jeune femme divinisée par son beau-père. Ray s'inquiète d'un éventuel blocage du film par le bureau de la censure, ou d'être forcé de couper certaines scènes, mais finalement ''Devi'' est épargné. En [[1961 au cinéma|1961]], sur l'insistance du premier ministre [[Jawaharlal Nehru]], Ray est engagé pour réaliser un documentaire sur [[Rabindranath Tagore]], à l'occasion du centenaire de la naissance du poète. C'est un hommage à la personne qui l'a probablement le plus influencé. Avec la contrainte d'une longueur limitée de bandes disponibles de Tagore, Ray relève le défi de construire un film essentiellement à partir de matériaux statiques, et note que cela représente une somme de travail supérieure à trois films classiques<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=277}}</ref>. Au cours de la même année, avec {{Lien|langue=en|trad=Subhash Mukhopadhyay (poet)|fr=Subhas Mukhopadhyay}} et d'autres, Ray est en mesure de faire revivre ''Sandesh'', le magazine pour enfants que son grand-père avait lancé. Ray a épargné pendant plusieurs années pour rendre possible ce projet<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=189}}</ref>. La polysémie du titre (''Sandesh'' signifie à la fois « nouvelles » en bengali et désigne un dessert sucré apprécié au Bengale) donne le ton du magazine, à la fois éducatif et divertissant. Ray se retrouve en personne à illustrer le magazine et à écrire des histoires et des essais pour les enfants. L'écriture devient sa principale source de revenus au cours des années suivantes.
Après {{langue|bn|''Apur Sansar''}}, Ray enchaîne avec {{langue|bn|''Devi''}} (la Déesse), un film dans lequel il aborde les superstitions dans la société hindoue. [[Sharmila Tagore]] interprète Doyamoyee, une jeune femme divinisée par son beau-père. Ray s'inquiète d'un éventuel blocage du film par le bureau de la [[censure]], ou d'être forcé de couper certaines scènes, mais finalement le film est épargné. En [[1961 au cinéma|1961]], sur l'insistance du premier ministre [[Jawaharlal Nehru]], Ray est engagé pour réaliser un documentaire sur [[Rabindranath Tagore]], à l'occasion du centenaire de la naissance du poète. C'est un hommage à la personne qui l'influence probablement le plus. Avec la contrainte d'une longueur limitée de bandes disponibles de Tagore, Ray relève le défi de construire un film essentiellement à partir de matériaux statiques, et note que cela représente une somme de travail supérieure à trois films classiques<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=277}}.</ref>. Au cours de la même année, avec {{Lien|langue=en|trad=Subhash Mukhopadhyay (poet)|fr=Subhas Mukhopadhyay}} et d'autres, Ray est en mesure de faire revivre {{langue|bn|''Sandesh''}}, le magazine pour enfants que son grand-père a lancé. Ray épargne pendant plusieurs années pour rendre possible ce projet<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=189}}.</ref>. La [[polysémie]] du titre ({{langue|bn|''Sandesh''}} signifie « nouvelles » en [[bengali]] et désigne aussi un dessert sucré apprécié au Bengale) donne le ton du magazine, à la fois éducatif et divertissant. Ray se retrouve en personne à illustrer le magazine et à écrire des histoires et des essais pour les enfants. L'écriture devient sa principale source de revenus au cours des années suivantes<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Andrew Robinson|titre=Satyajit Ray: a moral attitude|périodique=British Film Insitute|date=3 septembre 2013|lire en ligne=https://web.archive.org/web/20130905143609/http://www.bfi.org.uk/news-opinion/sight-sound-magazine/features/satyajit-ray-moral-attitude}}.</ref>.


En [[1962 au cinéma|1962]], Ray réalise ''Kanchenjungha'', son premier scénario original, et premier film en couleurs. Il s'agit de l'histoire d'une famille bourgeoise, qui séjourne à [[Darjeeling (ville)|Darjeeling]], une pittoresque ville sur une colline du Bengale-Occidental, dans laquelle la famille tente de lier sa plus jeune fille à un [[ingénieur]] jouissant d'une bonne situation, et ayant étudié à [[Londres]]... Initialement conçu pour se dérouler dans un grand manoir, le film a finalement été tourné sur la célèbre ville à flanc de colline, Ray décidant d'utiliser les nombreuses ombres et lumières, ainsi que les brumes, pour refléter la tension du drame. C'est un Ray amusé qui relève que, tandis que son scénario permet de filmer avec toutes les conditions de lumière possibles, l'équipe de réalisation d'un film commercial présente à Darjeeling au même moment échoue à effectuer la seule prise qu'elle est venue faire, et qui réclame un plein soleil<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=142}}</ref>.
En [[1962 au cinéma|1962]], Ray réalise {{langue|bn|''Kanchenjungha''}}, son premier scénario original, et premier film en couleurs. Il s'agit de l'histoire d'une famille bourgeoise, qui séjourne à [[Darjeeling (ville)|Darjeeling]], une pittoresque ville sur une colline du [[Bengale-Occidental]], dans laquelle la famille tente de lier sa plus jeune fille à un [[ingénieur]] jouissant d'une bonne situation, et ayant étudié à [[Londres]]. Initialement conçu pour se dérouler dans un grand manoir, le film est finalement tourné sur la célèbre ville à flanc de colline, Ray décidant d'utiliser les nombreuses ombres et lumières, ainsi que les brumes, pour refléter la tension du drame. C'est un Ray amusé qui relève que, tandis que son scénario permet de filmer avec toutes les conditions de lumière possibles, l'équipe de réalisation d'un film commercial présente à Darjeeling au même moment échoue à effectuer la seule prise qu'elle est venue faire, et qui réclame un plein soleil<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=142}}.</ref>.
[[Image:darjeeling.jpg|vignette|centré|upright=2.5|Ray a su tirer parti du jeu d'ombres et de lumières, ainsi que des brumes de Darjeeling, pour refléter les émotions des personnages de ''Kanchenjungha''.|alt=Panorama de la ville de Darjeeling.]]
[[Image:darjeeling.jpg|vignette|centré|upright=2.5|Ray a su tirer parti du jeu d'ombres et de lumières, ainsi que des brumes de Darjeeling, pour refléter les émotions des personnages de {{langue|bn|''Kanchenjungha''}}.|alt=Panorama d'une ville à flanc de colline dans le fond, herbe et arbres à l'avant-plan.]]


Pendant les [[années 1960]], Ray visite le [[Japon]] et prend un plaisir particulier à y rencontrer le réalisateur [[Akira Kurosawa]], pour lequel il a beaucoup de respect. Au pays, il s'accorde des retraites occasionnelles à Darjeeling ou [[Purî]], pour échapper un temps à l'agitation de la ville et terminer tranquillement un scénario.
Pendant les {{nobr|années 1960}}, Ray visite le [[Japon]] et prend un plaisir particulier à y rencontrer le réalisateur [[Akira Kurosawa]], pour lequel il a beaucoup de respect<ref>{{Lien web |langue=en-GB |titre=When Ray Met Kurosawa |url=https://openthemagazine.com/art-culture/when-ray-met-kurosawa/ |site=Open The Magazine |date=2010-03-17 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


En [[1964 au cinéma|1964]], Ray réalise ''Charulata'' (''L'Épouse délaissée''), l'apogée de cette période de création artistique, et considérée comme beaucoup de critiques comme son meilleur film<ref name="Andrew Robinson 2003 157">{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=157}}</ref>. S'appuyant sur ''Nastanirh'', une nouvelle de Tagore, le film raconte l'histoire d'une épouse délaissée (Charu) dans le Bengale du {{XIXe siècle}}, et de ses sentiments grandissants pour son beau-frère Amal. Souvent cité comme chef-d'œuvre [[Wolfgang Amadeus Mozart|mozartien]] de Ray, le cinéaste lui-même en dit que c'est celui qui contient le moins de défauts de son œuvre, et que s'il avait la possibilité de le refaire, il le referait à l'identique<ref name="slant">{{Lien web
En [[1964 au cinéma|1964]], Ray réalise {{langue|bn|''Charulata''}} (''L'Épouse délaissée''), l'apogée de cette période de création artistique, et considérée comme beaucoup de critiques comme son meilleur film<ref name="Andrew Robinson 2003 157">{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=157}}.</ref>. S'appuyant sur {{langue|bn|''Nastanirh''}}, une nouvelle de Tagore, le film raconte l'histoire d'une épouse délaissée (Charu) dans le Bengale du {{s-|XIX}}, et de ses sentiments grandissants pour son beau-frère Amal. Souvent cité comme chef-d'œuvre [[Wolfgang Amadeus Mozart|mozartien]] de Ray, le cinéaste lui-même en dit que c'est celui qui contient le moins de défauts de son œuvre, et que s'il avait la possibilité de le refaire, il le referait à l'identique<ref name="slant">{{Lien web
|url=http://www.slantmagazine.com/film/film_review.asp?ID=1080
|url=http://www.slantmagazine.com/film/film_review.asp?ID=1080
|titre=Charulata
|titre=Charulata
|auteur=Jay Antani
|auteur=Jay Antani
Ligne 91 : Ligne 92 :
|éditeur=Slant magazine
|éditeur=Slant magazine
|consulté le=19 juin 2006
|consulté le=19 juin 2006
}}</ref>. L'interprétation de Charu par [[Madhabi Mukherjee]], ainsi que le travail de Subrata Mitra et Bansi Chandragupta ont été primés à plusieurs reprises. Parmi les autres films de cette période on trouve ''Mahanagar'' (''La Grande Ville''), ''Teen Kanya'' (''Trois Filles''), ''Abhijan'' (''L'Expédition'') et ''Kapurush o Mahapurush'' (''Le Lâche et le Saint'').
}}.</ref>. L'interprétation de Charu par [[Madhabi Mukherjee]], ainsi que le travail de [[Subrata Mitra]] et Bansi Chandragupta ont été primés à plusieurs reprises. Parmi les autres films de cette période on trouve {{langue|bn|''Mahanagar''}} (''La Grande Ville''), {{langue|bn|''Teen Kanya''}} (''Trois Filles''), {{langue|bn|''Abhijan''}} (''L'Expédition'') et {{langue|bn|''Kapurush o Mahapurush''}} (''Le Lâche et le Saint'')<ref>{{Article|langue=en-GB|prénom1=Philip|nom1=French|titre=The Big City – review|périodique=The Guardian|date=2013-08-17|issn=0261-3077|lire en ligne=https://www.theguardian.com/film/2013/aug/18/satyajit-ray-big-city-review|consulté le=2023-10-28}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en-GB |prénom=Dave |nom=Calhoun |titre=The Big City |url=https://www.timeout.com/movies/the-big-city |site=Time Out Worldwide |date=2013-08-13 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.

=== Nouvelles orientations (1965–1982) ===
=== Nouvelles orientations (1965–1982) ===
Dans la période qui suit ''Charulata'', Ray explore une grande variété de genres, allant de la ''[[fantasy]]'' à la [[science-fiction]], en passant par le [[film policier|policier]] et le [[drame (cinéma)|drame historique]]. Ray procède également à de nombreuses expérimentations de forme au cours de cette période. Il prend aussi davantage en compte les préoccupations de la société indienne contemporaine, comblant ainsi une lacune de ses précédents films en la matière. Le premier film majeur de cette phase est ''Nayak'' (''Le Héros''), l'histoire d'une vedette de cinéma qui voyage en train, et rencontre une jeune journaliste sympathique. Avec [[Uttam Kumar]] et Sharmila Tagore dans les premiers rôles, le film explore, au cours des 24 heures de voyage, le conflit intérieur de l'idole naissante, à la réussite apparente. Malgré un prix décerné par la critique à [[Berlinale|Berlin]], le film rencontre un succès mitigé<ref name="Chidananda Das Gupta 1980 91">{{Harvsp|Chidananda Das Gupta|1980|p=91}}</ref>.
Dans la période qui suit {{langue|bn|''Charulata''}}, Ray explore une grande variété de genres, allant de la ''[[fantasy]]'' à la [[science-fiction]], en passant par le [[film policier|policier]] et le [[drame (cinéma)|drame historique]]. Ray procède également à de nombreuses expérimentations de forme au cours de cette période. Il prend aussi davantage en compte les préoccupations de la société indienne contemporaine, comblant ainsi une lacune de ses précédents films en la matière. Le premier film majeur de cette phase est ''Nayak'' (''Le Héros''), l'histoire d'une vedette de cinéma qui voyage en train, et rencontre une jeune journaliste sympathique. Avec [[Uttam Kumar]] et [[Sharmila Tagore]] dans les premiers rôles, le film explore, au cours des {{nobr|24 heures}} de voyage, le conflit intérieur de l'idole naissante, à la réussite apparente. Malgré un prix décerné par la critique à [[Berlinale|Berlin]], le film rencontre un succès mitigé<ref name="Chidananda Das Gupta 1980 91">{{Harvsp|Chidananda Das Gupta|1980|p=91}}.</ref>.


En [[1967 au cinéma|1967]], Ray écrit un scénario pour un film intitulé ''The Alien'', d'après sa nouvelle ''Bankubabur Bandhu'' (''L'Ami de Banku Babu'') qu'il avait écrite en 1962 pour ''Sandesh'', le magazine familial. ''The Alien'' devait être une coproduction américano-indienne, produite par [[Columbia Pictures]] avec [[Peter Sellers]] et [[Marlon Brando]] comme têtes d'affiche. Toutefois, Ray est surpris de découvrir que le script qu'il a écrit a été copyrighté et que les [[droit d'auteur|droits]] ont été déposés. Par la suite, Brando est écarté du projet, et malgré une tentative de le remplacer par [[James Coburn]], Ray rentre désabusé à Calcutta<ref name=IMDbRay>{{Lien web
En [[1967 au cinéma|1967]], Ray écrit un scénario pour un film intitulé {{langue|en|''The Alien''}}, d'après sa nouvelle {{langue|bn|''Bankubabur Bandhu''}} (''L'Ami de Banku Babu''), écrite en 1962 pour {{langue|bn|''Sandesh''}}, le magazine familial. {{langue|en|''The Alien''}} doit être une coproduction américano-indienne, produite par [[Columbia Pictures]] avec [[Peter Sellers]] et [[Marlon Brando]] comme têtes d'affiche. Toutefois, Ray est surpris de découvrir que le script qu'il a écrit fait l’objet d’un [[copyright]] et que les [[droit d'auteur|droits]] sont déposés. Par la suite, Brando est écarté du projet, et malgré une tentative de le remplacer par [[James Coburn]], Ray rentre désabusé à Calcutta<ref name=IMDbRay>{{Lien web
|url=https://www.imdb.com/name/nm0006249/bio
|url=https://www.imdb.com/name/nm0006249/bio
|titre=Biography for Satyajit Ray
|titre=Biography for Satyajit Ray
|auteur=Petra Neumann
|auteur=Petra Neumann
Ligne 103 : Ligne 103 :
|éditeur=Internet Movie Database Inc
|éditeur=Internet Movie Database Inc
|consulté le=29 avril 2006
|consulté le=29 avril 2006
}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web
}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web
|url=http://www.worldofray.com/raysfilmography/unmaderay.aspx
|url=http://www.worldofray.com/raysfilmography/unmaderay.aspx
|titre=The Unmade Ray
|titre=The Unmade Ray
|auteur=KDG
|auteur=KDG
Ligne 110 : Ligne 110 :
|éditeur=Satyajit Ray Society
|éditeur=Satyajit Ray Society
|consulté le=4 novembre 2006
|consulté le=4 novembre 2006
}}</ref>. La Columbia exprime plusieurs fois le souhait de relancer ce projet au cours des [[années 1970]] et [[années 1980|80]], mais rien n'en sort. Quand ''[[E.T. l'extra-terrestre]]'' sort sur les écrans en [[1982 au cinéma|1982]], Ray voit des ressemblances avec son script original {{incise|Ray analyse l'échec du projet dans un numéro de ''[[Sight & Sound]]'' de [[1980 au cinéma|1980]]|stop}}, et d'autres détails supplémentaires sont fournis par son biographe {{lien|Andrew Robinson (Auteur)|trad=W. Andrew Robinson|texte=Andrew Robinson}} (dans ''The Inner Eye'', paru en [[1989]]). Ray est convaincu que le film de [[Steven Spielberg|Spielberg]] n'aurait pas été possible sans son scénario, disponible en Amérique sous forme de photocopies (une accusation que Spielberg récuse)<ref name=UCSCcurrents>{{Lien web
}}.</ref>. La Columbia exprime plusieurs fois le souhait de relancer ce projet au cours des {{nobr|années 1970}} et 1980, mais rien n'en sort. Quand ''[[E.T. l'extra-terrestre]]'' sort sur les écrans en [[1982 au cinéma|1982]], Ray voit des ressemblances avec son script original {{incise|Ray analyse l'échec du projet dans un numéro de {{langue|en|''[[Sight & Sound]]''}} de [[1980 au cinéma|1980]]|stop}}, et d'autres détails supplémentaires sont fournis par son biographe {{lien|Andrew Robinson (Auteur)|trad=W. Andrew Robinson|texte=Andrew Robinson}} (dans {{langue|en|''The Inner Eye''}}, paru en 1989). Ray est convaincu que le film de [[Steven Spielberg|Spielberg]] n'aurait pas été possible sans son scénario, disponible en Amérique sous forme de photocopies (une accusation que Spielberg récuse)<ref name=UCSCcurrents>{{Lien web
|url=http://www.ucsc.edu/currents/01-02/09-17/ray.html
|url=http://www.ucsc.edu/currents/01-02/09-17/ray.html
|titre=Satyajit Ray Collection receives Packard grant and lecture endowment
|titre=Satyajit Ray Collection receives Packard grant and lecture endowment
|auteur=John Newman
|auteur=John Newman
Ligne 117 : Ligne 117 :
|éditeur=UC Santa Cruz Currents online
|éditeur=UC Santa Cruz Currents online
|consulté le=29 avril 2006
|consulté le=29 avril 2006
}}</ref>.
}}.</ref>.


En [[1969 au cinéma|1969]], Ray réalise ce qui sera son plus grand succès commercial. S'appuyant sur un conte pour enfant écrit par son grand-père ''Goopy Gyne Bagha Byne'' (''Les Aventures de Goopy et Bagha'') est une histoire musicale appartenant au genre ''fantasy''. Goopy le chanteur et Bagha le percussionniste, munis de trois os prêtés par le Roi des Fantômes, entament un périple fantastique pour tenter d'empêcher le déclenchement d'une guerre imminente entre deux royaumes voisins. L'une de ses réalisations les plus coûteuses, ce film s'avère très difficile à financer. Ray finit par renoncer à tourner en couleurs, refusant une proposition qui l'aurait obligé à donner le rôle principal à un certain acteur du [[Bollywood]]<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=291–297}}</ref>. Ensuite, Ray signe un film inspiré du roman d'un jeune poète écrivain, Sunil Gangopadhyay. Comportant une structure musicale appréciée comme plus complexe que celle de ''Charulata''<ref>{{Harvsp|Robin Wood|1972|p=13}}</ref>, ''Aranyer Din Ratri'' (''Des jours et des nuits dans la forêt'') suit quatre jeunes hommes urbains allant passer leurs congés en forêt, pour essayer de laisser derrière eux leur existence insignifiante en ville. Presque tous font des rencontres significatives avec des femmes, ce que les critiques considèrent comme une étude révélatrice de la classe moyenne en Inde. Ray choisit l'actrice de Bombay, Simi Garewal, pour incarner une femme tribale, et elle se dit agréablement surprise que Ray ait choisi quelqu'un d'aussi urbain qu'elle pour ce rôle.
En [[1969 au cinéma|1969]], Ray réalise ce qui sera son plus grand succès commercial. S'appuyant sur un conte pour enfant écrit par son grand-père, {{langue|bn|''Goopy Gyne Bagha Byne''}} (''Les Aventures de Goopy et Bagha'') est une histoire musicale appartenant au genre {{langue|en|''fantasy''}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Rabi Banerjee |titre=Reimagining Goopy Gyne Bagha Byne, a Satyajit Ray cult classic |url=https://www.theweek.in/leisure/society/2018/06/24/reimagining-goopy-gyne-bagha-byne-satyajit-ray-cult-classic.html |site=The Week |date=24 juin 2018 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>. Goopy le chanteur et Bagha le percussionniste, munis de trois os prêtés par le roi des fantômes, entament un périple fantastique pour tenter d'empêcher le déclenchement d'une guerre imminente entre deux royaumes voisins. L'une de ses réalisations les plus coûteuses, ce film s'avère très difficile à financer. Ray finit par renoncer à tourner en couleurs, refusant une proposition qui l'aurait obligé à donner le rôle principal à un certain acteur du [[Bollywood]]<ref>{{Harvsp|Marie Seton|1971|p=291–297}}.</ref>. Ensuite, Ray signe un film inspiré du roman d'un jeune poète écrivain, [[Sunil Gangopadhyay]]. Comportant une structure musicale appréciée comme plus complexe que celle de {{langue|bn|''Charulata''}}<ref>{{Harvsp|Robin Wood|1972|p=13}}.</ref>, {{langue|bn|''Aranyer Din Ratri''}} (''Des jours et des nuits dans la forêt'') suit quatre jeunes hommes urbains allant passer leurs congés en forêt, pour essayer de laisser derrière eux leur existence insignifiante en ville. Presque tous font des rencontres significatives avec des femmes, ce que les critiques considèrent comme une étude révélatrice de la classe moyenne en Inde<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Satyajit|nom1=Ray|prénom2=Bert|nom2=Cardullo|titre=Satyajit Ray: interviews|éditeur=University Press of Mississippi|collection=Conversations with filmmakers series|date=2007|isbn=978-1-57806-937-8|isbn2=978-1-57806-936-1|consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


[[Image:ChowringhrrKolkata1945.jpg|gauche|vignette|L'effervescence de la ville de [[Calcutta]] constitue pour Ray à la fois un décor de choix et une source d'inspiration.|alt=Photo ancienne de Calcutta.]]
[[Image:ChowringhrrKolkata1945.jpg|gauche|vignette|L'effervescence de la ville de [[Calcutta]] constitue pour Ray à la fois un décor de choix et une source d'inspiration.|alt=Photo ancienne d'une rue. Des bâtiments sur la gauche et de nombreuses personnes, ainsi que des véhicules, circulent.]]
Après ''Aranyer'', Ray fait une incursion dans la réalité bengalie, alors en pleine effervescence sous l'influence du mouvement d'extrême gauche [[naxalisme|naxalite]]. Il achève la trilogie de Calcutta : ''Pratidwandi'' ([[1970 au cinéma|1970]]), ''Seemabaddha'' ([[1971 au cinéma|1971]]), et ''Jana Aranya'' ([[1975 au cinéma|1975]]), trois films conçus séparément, mais dont les connexions thématiques constituent une sorte de trilogie. ''Pratidwandi'' (''L'Adversaire'') traite d'un jeune diplômé idéaliste qui, bien qu'ayant perdu ses illusions, reste intègre jusqu'à la fin du film. Suit ''Jana Aranya'' (''L'Intermédiaire''), ou comment un jeune homme sombre petit à petit dans le monde de la corruption pour gagner sa vie. Enfin ''Seemabaddha'' (''Company Limited'' en [[anglais]]) traite d'un homme prospère qui renonce à la morale pour s'enrichir davantage. Le premier d'entre eux, ''Pratidwandi'', utilise un style de narration elliptique encore jamais vu dans les films de Ray, faisant appel à des scènes en négatif, des séquences oniriques et d'abrupts ''[[flashback]]s''. Dans les années 1970, Ray adapte aussi deux de ses histoires populaires en films policiers. Principalement destinés à un public d'enfants et de jeunes adultes, aussi bien ''Sonar Kella'' (''[[La Forteresse d'or]]'') et ''Joy Baba Felunath'' (''Le Dieu Éléphant'') trouvent bon accueil chez quelques critiques<ref>{{Harvsp|Rushdie|1992}}</ref>.
Après ''Aranyer'', Ray fait une incursion dans la réalité bengalie, alors en pleine effervescence sous l'influence du mouvement d'extrême gauche [[naxalisme|naxalite]]. Il achève la trilogie de Calcutta : {{langue|bn|''Pratidwandi''}} ([[1970 au cinéma|1970]]), {{langue|bn|''Seemabaddha''}} ([[1971 au cinéma|1971]]), et {{langue|bn|''Jana Aranya''}} ([[1975 au cinéma|1975]]), trois films conçus séparément, mais dont les connexions thématiques constituent une sorte de trilogie. {{langue|bn|''Pratidwandi''}} (''L'Adversaire'') traite d'un jeune diplômé idéaliste qui, bien qu'ayant perdu ses illusions, reste intègre jusqu'à la fin du film. Suit {{langue|bn|''Jana Aranya''}} (''L'Intermédiaire''), ou comment un jeune homme sombre petit à petit dans le monde de la corruption pour gagner sa vie. Enfin {{langue|bn|''Seemabaddha''}} ({{langue|en|''Company Limited''}} en [[anglais]]) traite d'un homme prospère qui renonce à la morale pour s'enrichir davantage. Le premier d'entre eux, {{langue|bn|''Pratidwandi''}}, utilise un style de narration elliptique encore jamais vu dans les films de Ray, faisant appel à des scènes en négatif, des séquences oniriques et d'abrupts ''[[flashback]]s''. Dans les années 1970, Ray adapte aussi deux de ses histoires populaires en films policiers. Principalement destinés à un public d'enfants et de jeunes adultes, aussi bien ''Sonar Kella'' (''[[La Forteresse d'or]]'') que {{langue|bn|''Joy Baba Felunath''}} (''Le Dieu Éléphant'') trouvent bon accueil chez quelques critiques<ref>{{Harvsp|Rushdie|1992}}.</ref>.


Ray envisage de faire un film sur la guerre de libération du [[Bangladesh]], mais abandonne ensuite cette idée, expliquant qu'en tant que réalisateur il est davantage intéressé par les efforts et les périples des réfugiés que par les politiques<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=206}}</ref>. En [[1977 au cinéma|1977]], Ray termine ''Shatranj Ke Khiladi'' (''[[Les Joueurs d'échecs (film)|Les Joueurs d'échec]]''), un film en [[ourdou]] d'après une nouvelle de [[Munshi Premchand]], qui se passe à [[Lucknow]] dans la région de l'[[Awadh]], un an avant la [[révolte des Cipayes]] (1857). Commentaire sur les circonstances qui permirent la colonisation de l'Inde par les Britanniques, c'est le premier long métrage de Ray dans une langue autre que le bengali. Il s'agit aussi du plus gros budget et de celui qui rassemble le plus de vedettes, parmi lesquelles [[Sanjeev Kumar]], Saeed Jaffrey, [[Amjad Khan]], [[Shabana Azmi]], Victor Bannerjee et [[Richard Attenborough]]. Ray réalise une suite à ''Goopy Gyne Bagha Byne'' en [[1980 au cinéma|1980]], le quelque peu exagérément politique ''Hirak Rajar Deshe'' (''[[Le Royaume des diamants]]'') {{incise|où le royaume du diabolique roi des diamants ou ''Hirok Raj'' est une allusion à l'Inde durant l'[[Indira Gandhi#L'état d'urgence|état d'urgence]] décrété par [[Indira Gandhi]]|stop}}<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=188–189}}</ref>. Avec son court métrage ''Pikoo'', son moyen métrage en [[hindi]] ''Sadgati'' (''[[Délivrance (film, 1981)|Délivrance]]'') constitue l'apogée de cette période de sa vie.
Ray envisage de faire un film sur la guerre de libération du [[Bangladesh]], mais abandonne ensuite cette idée, expliquant qu'en tant que réalisateur il est davantage intéressé par les efforts et les périples des réfugiés que par les politiques<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=206}}.</ref>. En [[1977 au cinéma|1977]], Ray termine {{langue|bn|''Shatranj Ke Khiladi''}} (''[[Les Joueurs d'échecs (film)|Les Joueurs d'échec]]''), un film en [[ourdou]] d'après une nouvelle de [[Munshi Premchand]], qui se passe à [[Lucknow]] dans la région de l'[[Awadh]], un an avant la [[révolte des Cipayes]] (1857). Commentaire sur les circonstances qui ont permis la colonisation de l'Inde par les Britanniques, c'est le premier long métrage de Ray dans une langue autre que le bengali. Il s'agit aussi du plus gros budget et de celui qui rassemble le plus de vedettes, parmi lesquelles [[Sanjeev Kumar]], [[Saeed Jaffrey]], [[Amjad Khan]], [[Shabana Azmi]], [[Victor Banerjee]] et [[Richard Attenborough]]. Ray réalise une suite à {{langue|bn|''Goopy Gyne Bagha Byne''}} en [[1980 au cinéma|1980]], le quelque peu exagérément politique {{langue|bn|''Hirak Rajar Deshe''}} (''[[Le Royaume des diamants]]'') {{incise|où le royaume du diabolique roi des diamants ou {{langue|bn|''Hirok Raj''}} est une allusion à l'Inde durant l'[[Indira Gandhi#État d'urgence|état d'urgence]] décrété par [[Indira Gandhi]]|stop}}<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=188–189}}.</ref>.


=== La dernière période (1983-1992) ===
=== La dernière période (1983-1992) ===
En [[1983 au cinéma|1983]], tandis qu'il travaille sur ''Ghare Baire'' (''La Maison et le Monde''), Ray est frappé par une [[Infarctus du myocarde|crise cardiaque]] qui limitera sérieusement ses activités pendant les neuf années qui lui restent à vivre. ''Ghare Baire'' est achevé en [[1984 au cinéma|1984]] avec l'aide de son fils (qui passe derrière la caméra à partir de ce moment), à cause de sa santé. Il désire depuis longtemps mettre à l'écran ce roman de Tagore qui traite des dangers du [[nationalisme]] et en a écrit le scénario (du moins une première ébauche selon ses dires) dans les [[années 1940]]<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=66–67}}</ref>. En dépit de raccords sommaires dus à sa maladie, le film est encensé par une partie de la critique. Il contient le premier véritable baiser de sa filmographie. En [[1987 au cinéma|1987]], il réalise un documentaire sur son père, Sukumar Ray.
En [[1983 au cinéma|1983]], tandis qu'il travaille sur ''Ghare Baire'' (''La Maison et le Monde''), Ray est frappé par une [[Infarctus du myocarde|crise cardiaque]] qui limitera sérieusement ses activités pendant les neuf années qui lui restent à vivre. ''Ghare Baire'' est achevé en [[1984 au cinéma|1984]] avec l'aide de son fils (qui passe derrière la caméra à partir de ce moment), à cause de sa santé. Il désire depuis longtemps mettre à l'écran ce roman de Tagore qui traite des dangers du [[nationalisme]] et en a écrit le scénario (du moins une première ébauche selon ses dires) dans les {{nobr|années 1940}}<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=66–67}}.</ref>. Malgré les difficultés dues à la maladie de Ray, le film reçoit quelques éloges ; le critique Vincent Canby donne au film une note maximale de cinq étoiles et loue les performances des trois acteurs principaux<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Vincent Canby|titre=Film: By Satyajit Ray|périodique=The New York Times|date=21 juin 1985|issn=0362-4331|lire en ligne=https://www.nytimes.com/1985/06/21/movies/film-by-satyajit-ray.html}}.</ref>. En [[1987 au cinéma|1987]], il réalise un documentaire sur son père, Sukumar Ray<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Vidysrthy Chatterjee |titre=Satyajit Ray's documentaries: A mixed bag |url=https://frontline.thehindu.com/cover-story/satyajit-ray-documentaries-short-films-a-mixed-bag/article37088483.ece |site=Frontline |date=2021-10-21 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


Les trois derniers films de Ray, réalisés après son rétablissement et avec des restrictions d'ordre médical, sont essentiellement tournés en intérieur, et ont un style qui leur est propre. Ils sont plus verbeux que ses films précédents et en général considérés comme inférieurs à son œuvre antérieure. Le premier, ''Ganashatru'' (''Un ennemi du peuple'') est une adaptation de la célèbre pièce d'[[Henrik Ibsen]], et considéré comme le plus moyen des trois<ref>{{Harvsp|Chidananda Das Gupta|1980|p=134}}</ref>. Ray retrouve une partie de sa forme en [[1990 au cinéma|1990]], dans le film ''Shakha Proshakha'' (''Les Branches de l'arbre'')<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=353}}</ref>. Dans celui-ci, un vieillard, après une vie honnête, en vient à apprendre la corruption à laquelle se livrent trois de ses fils... La scène finale le montre trouvant du réconfort dans la compagnie de son quatrième fils, non corrompu mais malade mental. Après ''Shakha Prashakha'', c'est le chant du cygne de Ray : ''Agantuk'' (''Le Visiteur''), d'humeur plus légère, mais grave dans le thème. La visite impromptue d'un oncle perdu de vue depuis longtemps à sa nièce, dans sa maison de Calcutta, fait croître la suspicion quant à ses raisons et soulève un éventail de questions à propos de la civilisation.
Les trois derniers films de Ray, réalisés après son rétablissement et avec des restrictions d'ordre médical, sont essentiellement tournés en intérieur, et ont un style qui leur est propre. Ils sont plus verbeux que ses films précédents et en général considérés comme inférieurs à son œuvre antérieure. Le premier, {{langue|bn|''Ganashatru''}} (''Un ennemi du peuple''), est une adaptation de la célèbre pièce d'[[Henrik Ibsen]], et considéré comme le plus moyen des trois<ref>{{Harvsp|Chidananda Das Gupta|1980|p=134}}.</ref>. Ray retrouve une partie de sa forme en [[1990 au cinéma|1990]], dans le film {{langue|bn|''Shakha Proshakha''}} (''Les Branches de l'arbre'')<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=353}}.</ref>. Dans celui-ci, un vieillard, après une vie honnête, en vient à apprendre la corruption à laquelle se livrent trois de ses fils. La scène finale le montre trouvant du réconfort dans la compagnie de son quatrième fils, non corrompu mais malade mental<ref>{{Lien web |langue=fr|titre=Les Branches de l'arbre - Film (1990) |url=https://www.senscritique.com/film/les_branches_de_l_arbre/476500 |site=SensCritique |consulté le=2023-10-28}}.</ref>. Après {{langue|bn|''Shakha Prashakha''}}, c'est le chant du cygne de Ray : {{langue|bn|''Agantuk''}} (''Le Visiteur''), d'humeur plus légère, mais grave dans le thème. La visite impromptue d'un oncle perdu de vue depuis longtemps à sa nièce, dans sa maison de Calcutta, fait croître la suspicion quant à ses raisons et soulève un éventail de questions à propos de la civilisation<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=353-364}}.</ref>. Le critique Hal Hinson est impressionné et estime qu'{{langue|bn|''Agantuk''}} présente {{citation|toutes les vertus d'un maître artiste en pleine maturité}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Hal Hinson |titre=The Stranger (NR) |url=https://www.washingtonpost.com/wp-srv/style/longterm/movies/videos/thestrangernrhinson_c03113.htm |site=[[The Washington Post]] |date=6 octobre 1995 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


=== Mort ===
En [[1992 au cinéma|1992]], l'état de santé de Ray se détériore à cause de complications cardiaques. Il entre à l'hôpital et ne se rétablira jamais. Quelques semaines avant sa mort, il reçoit un Oscar honorifique, alors qu'il est gravement malade. Il meurt le {{date|23|avril|1992|au cinéma}}.
En [[1992 au cinéma|1992]], l'état de santé de Ray se détériore à cause de complications cardiaques. Il entre à l'hôpital et ne se rétablira jamais<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Sudhir Mishra remembers 'master' Satyajit Ray on death anniversary |url=https://www.newindianexpress.com/entertainment/hindi/2018/apr/23/sudhir-mishra-remembers-master-satyajit-ray-on-death-anniversary-1805285.html |site=The New Indian Express |date=23 avril 2018 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>. Quelques semaines avant sa mort, il reçoit un Oscar honorifique, alors qu'il est gravement malade<ref>{{Lien web |langue=en |titre=When Satyajit Ray accepted his Oscar award from a hospital bed in Kolkata: ‘Best achievement of my moviemaking career’ |url=https://indianexpress.com/article/entertainment/bollywood/when-satyajit-ray-accepted-his-oscar-award-from-a-hospital-bed-in-kolkata-7832844/ |site=The Indian Express |date=2022-03-26 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.

Il meurt le {{date-|23|avril|1992|au cinéma}} à [[Calcutta]], à l'âge de {{nobr|70 ans}}. Il est incinéré<ref>[https://fr.findagrave.com/memorial/96527386/satyajit-ray Find a grave].</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Satyajit Ray dead |url=https://news.google.com/newspapers?nid=P9oYG7HA76QC&dat=19920424&printsec=frontpage&hl=en |site=The Indian Express |date=24 avril 1992 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


== Style cinématographique ==
== Style cinématographique ==
Satyajit Ray a toujours considéré l'écriture scénaristique comme partie intégrante de la réalisation. C'est une des raisons pour lesquelles il a longtemps refusé de faire des films dans une autre langue que le [[bengali]]. Pour ses deux longs métrages qui font exception à cette règle, il écrit le scénario en [[anglais]], puis supervise la traduction pour qu'il puisse être joué en [[hindi]] ou en [[ourdou]]. Le coup d'œil particulier de Ray pour les détails est en accord avec celui de son directeur artistique {{lien|Bansi Chandragupta|lang=en}}. L'influence de ce dernier sur les premiers films de Ray est si importante que Ray écrit toujours ses scénarios en anglais avant de créer la version bengalie, de manière que Chandragupta, non bengalophone, puisse les lire. Le travail de la caméra dans les premières œuvres de Ray suscite de nombreuses admirations pour l'habileté de [[Subrata Mitra]]. Son départ (amer) de l'équipe de Ray, selon nombre de critiques, diminue la qualité de la prise de vue dans les films<ref name="Chidananda Das Gupta 1980 91"/>. Bien que Ray ne se cache pas pour féliciter Mitra, sa ténacité le pousse à prendre les commandes de la caméra à partir de ''Charulata'', ce qui fait que Mitra cessera de travailler pour lui après 1966. Parmi les innovations de Subrata Mitra, on trouve le ''[[Réflecteur (photographie)|{{Langue|en|texte=bounce lighting}}]]'', une technique d'éclairage qui fait réfléchir la lumière sur une toile pour créer un éclairage diffus et réaliste, y compris sur un plateau. D'autre part, Ray reconnaît volontiers sa dette envers [[Jean-Luc Godard]] et [[François Truffaut]] de la [[Nouvelle Vague]] pour avoir introduit de nouvelles techniques et des innovations cinématographiques<ref name=abhijitsen>{{Lien web
Satyajit Ray a toujours considéré l'écriture scénaristique comme partie intégrante de la réalisation. C'est une des raisons pour lesquelles il a longtemps refusé de faire des films dans une autre langue que le [[bengali]]. Pour ses deux longs métrages qui font exception à cette règle, il écrit le scénario en [[anglais]], puis supervise la traduction pour qu'il puisse être joué en [[hindi]] ou en [[ourdou]]. Le coup d'œil particulier de Ray pour les détails est en accord avec celui de son directeur artistique {{lien|Bansi Chandragupta|lang=en}}. L'influence de ce dernier sur les premiers films de Ray est si importante que Ray écrit toujours ses scénarios en anglais avant de créer la version bengalie, de manière que Chandragupta, non bengalophone, puisse les lire. Le travail de la caméra dans les premières œuvres de Ray suscite de nombreuses admirations pour l'habileté de [[Subrata Mitra]]. Son départ de l'équipe de Ray, selon nombre de critiques, diminue la qualité de la prise de vue dans les films<ref name="Chidananda Das Gupta 1980 91"/>. Bien que Ray ne se cache pas pour féliciter Mitra, sa ténacité le pousse à prendre les commandes de la caméra à partir de {{langue|bn|''Charulata''}}, ce qui fait que Mitra cesse de travailler pour lui après 1966. Parmi les innovations de Subrata Mitra, on trouve le ''[[Réflecteur (photographie)|{{Langue|en|texte=bounce lighting}}]]'', une technique d'éclairage qui fait réfléchir la lumière sur une toile pour créer un éclairage diffus et réaliste, y compris sur un plateau. D'autre part, Ray reconnaît volontiers sa dette envers [[Jean-Luc Godard]] et [[François Truffaut]] de la [[Nouvelle Vague]] pour avoir introduit de nouvelles techniques et des innovations cinématographiques<ref name=abhijitsen>{{Lien web
|url=http://www.parabaas.com/satyajit/articles/pAbhijit.html
|url=http://www.parabaas.com/satyajit/articles/pAbhijit.html
|titre=Western Influences on Satyajit Ray
|titre=Western Influences on Satyajit Ray
|auteur=Abhijit Sen
|auteur=Abhijit Sen
Ligne 141 : Ligne 144 :
|éditeur=Parabaas
|éditeur=Parabaas
|consulté le=29 avril 2006
|consulté le=29 avril 2006
}}</ref>.
}}.</ref>.


Bien que Ray ait un monteur fidèle en la personne de {{Lien|langue=en|fr=Dulal Datta}}, il donne habituellement ses instructions pendant que Datta opère les modifications, en temps réel. En effet, pour des raisons financières et d'organisation méticuleuse inhérentes au caractère de Ray, ses films sont pour la plupart coupés « sur la caméra » (à l'exception notable de ''Pather Panchali''). Au début de sa carrière, Ray travaille avec des [[Musique indienne#Musiques savantes|musiciens indiens classiques]], parmi lesquels [[Ravi Shankar (musicien)|Ravi Shankar]], [[Vilayat Khan]] et [[Ali Akbar Khan]]. Néanmoins, l'expérience lui est douloureuse quand il s'aperçoit que la première loyauté de ceux-ci va aux traditions musicales, et non à ses films. Ainsi, son fort désir d'utiliser des rythmes classiques occidentaux, qu'il considère comme essentiels, en particulier pour ses films tournés en milieu urbain, est dans l'impasse<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=315–318}}</ref>. Cela le conduit à composer ses propres mélodies à partir de ''Teen Kanya''. Ray fait appel à des acteurs d'expériences très diverses, allant de célébrités du cinéma à des gens qui n'ont jamais vu un film de leur vie (comme dans ''Aparajito'')<ref>{{Harvsp|Satyajit Ray|1999|p=100}}</ref>. Robin Wood et d'autres l'ont célébré comme le meilleur metteur en scène des rôles enfantins, soulignant ses performances mémorables avec ''Apu'' et ''Durga'' (''Pather Panchali''), Ratan (''Postmaster'') et Mukul (''Sonar Kella''). {{pas clair|Selon l'expérience de l'acteur}}, les instructions de Ray peuvent varier de quasiment rien (acteurs comme {{lien|Utpal Dutt|lang=en}}) à l'emploi de l'acteur comme une marionnette ({{lien|Subir Banerjee|lang=en}} interprétant Apu ou Sharmila Tagore jouant Aparna). Selon les acteurs qui ont travaillé pour lui, sa confiance habituelle dans les acteurs était à l'occasion compensée par sa capacité à payer l'incompétence d'un mépris total<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=307}}</ref>.
Bien que Ray ait un monteur fidèle en la personne de {{Lien|langue=en|fr=Dulal Datta}}, il donne habituellement ses instructions pendant que Datta opère les modifications, en temps réel. En effet, pour des raisons financières et d'organisation méticuleuse inhérentes au caractère de Ray, ses films sont pour la plupart coupés « sur la caméra » (à l'exception notable de {{langue|bn|''Pather Panchali''}}). Au début de sa carrière, Ray travaille avec des [[Musique indienne#Musiques savantes|musiciens indiens classiques]], parmi lesquels [[Ravi Shankar (musicien)|Ravi Shankar]], [[Vilayat Khan]] et [[Ali Akbar Khan]]. Néanmoins, l'expérience lui est douloureuse quand il s'aperçoit que la première loyauté de ceux-ci va aux traditions musicales, et non à ses films. Ainsi, son fort désir d'utiliser des rythmes classiques occidentaux, qu'il considère comme essentiels, en particulier pour ses films tournés en milieu urbain, est dans l'impasse<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=315–318}}.</ref>. Cela le conduit à composer ses propres mélodies à partir de {{langue|bn|''Teen Kanya''}}. Ray fait appel à des acteurs d'expériences très diverses, allant de célébrités du cinéma à des gens qui n'ont jamais vu un film de leur vie (comme dans {{langue|bn|''Aparajito''}})<ref>{{Harvsp|Satyajit Ray|1999|p=100}}.</ref>. Robin Wood et d'autres le célèbrent comme le meilleur metteur en scène des rôles enfantins, soulignant ses performances mémorables avec ''Apu'' et ''Durga'' ({{langue|bn|''Pather Panchali''}}), Ratan ({{langue|en|''Postmaster''}}) et Mukul ({{langue|bn|''Sonar Kella''}}). Selon le degré d’expérience de l'acteur, les instructions de Ray peuvent varier de quasiment rien (acteurs comme {{lien|Utpal Dutt|lang=en}}) à l'emploi de l'acteur comme une marionnette ({{lien|Subir Banerjee|lang=en}} interprétant Apu ou Sharmila Tagore jouant Aparna). Selon les acteurs qui ont travaillé pour lui, sa confiance habituelle dans les acteurs était à l'occasion remplacée par sa capacité à payer l'incompétence d'un mépris total<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=307}}.</ref>.


== Accueil de la critique et du public ==
== Accueil de la critique et du public ==
L'œuvre de Ray est décrite comme un écho aux valeurs d'[[humanisme de la Renaissance|humanisme]] et d'universalité, d'une simplicité trompeuse avec une profonde complexité sous-jacente<ref name="malcolm2">{{Lien web
L'œuvre de Ray est décrite comme un écho aux valeurs d'[[humanisme de la Renaissance|humanisme]] et d'universalité, d'une simplicité trompeuse avec une profonde complexité sous-jacente<ref name="malcolm2">{{Lien web
|url=http://film.guardian.co.uk/features/featurepages/0,4120,708691,00.html
|url=http://film.guardian.co.uk/features/featurepages/0,4120,708691,00.html
|titre=The universe in his backyard
|titre=The universe in his backyard
|auteur=Derek Malcolm
|auteur=Derek Malcolm
Ligne 153 : Ligne 156 :
|éditeur=guardian.co.uk
|éditeur=guardian.co.uk
|consulté le=15 février 2007
|consulté le=15 février 2007
}}</ref>{{,}}<ref name="sragrow">{{Lien web
}}.</ref>{{,}}<ref name="sragrow">{{Lien web
|url=http://satyajitray.ucsc.edu/articles/sragow.html
|url=http://satyajitray.ucsc.edu/articles/sragow.html
|titre=An Art Wedded to Truth
|titre=An Art Wedded to Truth
|auteur=Michael Sragow
|auteur=Michael Sragow
Ligne 160 : Ligne 163 :
|éditeur=The Atlantic Monthly
|éditeur=The Atlantic Monthly
|consulté le=15 février 2007
|consulté le=15 février 2007
}}</ref>. Nombreux sont ceux qui l'ont couverte de louanges. Même Akira Kurosawa s'est prêté à ce jeu en déclarant : {{citation|Ne pas avoir vu le cinéma de Ray revient à exister dans le monde sans avoir vu le soleil ou la lune.}} Ses détracteurs, en revanche, trouvent ses films glacialement lents, progressant comme un {{citation|serpent majestueux<ref name="Andrew Robinson 2003 157"/>}}. Certain trouvent son humanisme naïf, et son œuvre anti-moderne, et prétendent qu'elle pèche par manque de nouveaux modes d'expression ou d'expérimentations, que l'on trouve chez des contemporains de Ray, comme [[Jean-Luc Godard]]. Comme l'écrit {{lien|Stanley Kauffman|lang=en}}, certains critiques sont convaincus que Ray {{citation|part du principe [que les spectateurs] peuvent s'intéresser à un film [dont l'intensité] réside simplement dans ses personnages, plutôt que dans un qui impose des épreuves dramatiques à leurs existences<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=352–353}}</ref>.}} Ray en personne explique qu'il ne peut rien pour ce qui est de la lenteur, et Kurosawa le défend en déclarant {{citation|Ils [les films de Ray] ne sont pas lents du tout. Cela peut être décrit comme un flot décontracté, comme celui d'une grosse rivière.}}
}}.</ref>. Nombreux sont ceux qui la couvrent de louanges. Même [[Akira Kurosawa]] sa prête à ce jeu en déclarant : {{citation|Ne pas avoir vu le cinéma de Ray revient à exister dans le monde sans avoir vu le soleil ou la lune<ref name="Andrew Robinson 2003 157" />.}} Ses détracteurs, en revanche, trouvent ses films glacialement lents, progressant comme un {{citation|serpent majestueux<ref name="Andrew Robinson 2003 157"/>}}. Certain trouvent son humanisme naïf, et son œuvre anti-moderne, et prétendent qu'elle pèche par manque de nouveaux modes d'expression ou d'expérimentations, que l'on trouve chez des contemporains de Ray, comme [[Jean-Luc Godard]]. Comme l'écrit {{lien|Stanley Kauffman|lang=en}}, certains critiques sont convaincus que Ray {{citation|part du principe [que les spectateurs] peuvent s'intéresser à un film qui s’attarde simplement sur ses personnages plutôt que d’imposer des schémas dramatiques à leurs vies<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=352–353}}.</ref>}}. Ray en personne explique qu'il ne peut rien pour ce qui est de la lenteur, et Kurosawa le défend en déclarant : {{citation|Ils [les films de Ray] ne sont pas lents du tout. Son œuvre peut être décrite comme un calme écoulement, semblable à celui d'un large fleuve<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=314-315}}.</ref>}}.


Les critiques ont souvent comparé Ray à d'autres artistes du cinéma ou d'autres médias, comme [[Anton Tchekhov]], Renoir, [[Vittorio De Sica|De Sica]], [[Howard Hawks]] ou [[Wolfgang Amadeus Mozart|Mozart]]. [[William Shakespeare|Shakespeare]] a été également cité<ref name="Robin Wood 1972"/>{{,}}<ref>{{Lien web
Les critiques ont souvent comparé Ray à d'autres artistes du cinéma ou d'autres médias, comme [[Anton Tchekhov]], Renoir, [[Vittorio De Sica|De Sica]], [[Howard Hawks]] ou [[Wolfgang Amadeus Mozart|Mozart]]. [[William Shakespeare|Shakespeare]] a été également cité<ref name="Robin Wood 1972"/>{{,}}<ref>{{Lien web
|url=http://rogerebert.suntimes.com/apps/pbcs.dll/article?AID=/19990117/REVIEWS08/401010342/1023
|url=http://rogerebert.suntimes.com/apps/pbcs.dll/article?AID=/19990117/REVIEWS08/401010342/1023
|titre=The Music Room (1958)
|titre=The Music Room (1958)
|auteur=Roger Ebert
|auteur=Roger Ebert
Ligne 169 : Ligne 172 :
|éditeur=suntimes.com
|éditeur=suntimes.com
|consulté le=29 avril 2006
|consulté le=29 avril 2006
}}</ref>, par exemple par l'écrivain [[V. S. Naipaul]], qui compare une scène de ''Shatranj Ki Khiladi'' (''Les Joueurs d'échecs'') à un jeu shakespearien : {{citation|seulement trois cents mots sont prononcés, mais divinité ! {{incise|des choses terrifiantes se produisent|stop}}<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=246}}</ref>}}. Il est généralement admis, y compris par ceux qui ne sont pas sensibles à l'esthétique des films de Ray, que c'est un cinéaste hors pair pour ce qui est de saisir une culture dans son ensemble et avec toutes ses nuances à travers ses films. Un sentiment que traduit ''[[The Independent]]'', dans la rubrique nécrologique, en s'exclamant : {{citation|Qui d'autre peut relever ce défi ?<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=13–14}}</ref>}}. Quoi qu'il en soit, l'opinion prévaut que les films qu'il a réalisés après sa crise cardiaque ont un peu perdu de la vitalité des débuts.
}}.</ref>, par exemple par l'écrivain [[V. S. Naipaul]], qui compare une scène de ''Shatranj Ki Khiladi'' (''Les Joueurs d'échecs'') à un jeu shakespearien : {{citation|Seulement trois cents mots sont prononcés mais, bonté divine ! {{incise|des choses terrifiantes se produisent|stop}}<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=246}}.</ref>}}. Il est généralement admis, y compris par ceux qui ne sont pas sensibles à l'esthétique des films de Ray, que c'est un cinéaste hors pair pour ce qui est de saisir une culture dans son ensemble et avec toutes ses nuances à travers ses films. Un sentiment que traduit ''[[The Independent]]'', dans la rubrique nécrologique, en s'exclamant : {{citation|Qui d'autre peut relever ce défi<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2005|p=13–14}}.</ref> ?}}.

Début 1980, Ray est ouvertement critiqué par une députée du parlement indien, et ex-actrice : [[Nargis (actrice)|Nargis Dutt]] accuse Ray d'exporter la pauvreté et lui demande de faire des films qui représentent l'Inde moderne<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=327–328}}</ref>. D'un autre côté, une accusation courante formulée à son encontre par les tenants du [[socialisme]] indien est qu'il n'est pas assez engagé dans la défense de la cause des classes opprimées. Certains commentateurs l'accusent de glorifier la pauvreté dans ''Pather Panchali'' et ''Asani Sanket'' à travers le lyrisme et l'esthétique. Il est aussi accusé de ne pas fournir de résolution aux conflits de ses histoires, et de ne pas parvenir à dépasser ses origines [[Bourgeoisie|bourgeoises]]. Durant les troubles des [[Rébellion naxalite|mouvements naxalites des années 1970]], son fils Sandip échappe de peu à une blessure<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=205}}</ref>. Dans un débat public des années 1970, Ray et le cinéaste ouvertement marxiste ''[[Mrinal Sen]]'' polémiquent. Sen le critique pour avoir engagé une starlette telle qu'Uttam Kumar, ce qu'il considère comme un compromis, ce à quoi Ray réplique en déclarant que Sen ne s'en prend qu'à des cibles faciles, c'est-à-dire aux classes moyennes bengalies. Sa vie privée n'est jamais un sujet de potins médiatiques, bien que certains lui prêtent une aventure avec Madhabi Mukherjee dans les années 1960<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=362}}</ref>.


Début 1980, Ray est ouvertement critiqué par une députée du parlement indien, et ex-actrice : [[Nargis (actrice)|Nargis Dutt]] accuse Ray d'« exporter la pauvreté » et lui demande de faire des films qui représentent l'Inde moderne<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=327–328}}.</ref>. D'un autre côté, une accusation courante formulée à son encontre par les tenants du [[socialisme]] indien est qu'il n'est pas assez engagé dans la défense de la cause des classes opprimées. Certains commentateurs l'accusent de glorifier la pauvreté dans ''Pather Panchali'' et ''Asani Sanket'' à travers le lyrisme et l'esthétique. Il est aussi accusé de ne pas fournir de résolution aux conflits de ses histoires, et de ne pas parvenir à dépasser ses origines [[Bourgeoisie|bourgeoises]]. Durant les troubles des [[Rébellion naxalite|mouvements naxalites des années 1970]], son fils Sandip échappe de peu à une blessure<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=205}}.</ref>. Dans un débat public des années 1970, Ray et le cinéaste ouvertement marxiste ''[[Mrinal Sen]]'' polémiquent. Sen le critique pour avoir engagé une starlette telle qu'Uttam Kumar, ce qu'il considère comme un compromis, ce à quoi Ray réplique en déclarant que Sen ne s'en prend qu'à des cibles faciles, c'est-à-dire aux classes moyennes bengalies. Sa vie privée n'est jamais un sujet de potins médiatiques, bien que certains lui prêtent une aventure avec Madhabi Mukherjee dans les années 1960<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=362}}.</ref>.
== Héritage artistique ==
== Héritage artistique ==
Satyajit Ray est une icône culturelle en Inde et dans les communautés bengalies du monde entier. Il reçoit le [[prix Ramon Magsaysay]] en 1967 pour sa façon de véhiculer une image fidèle de l'Inde<ref name="rmaf">{{Lien web|auteur=Ramon Magsaysay Award Foundation|titre=Ray, Satyajit|jour=|mois=|année=|url=http://www.rmaf.org.ph/newrmaf/main/awardees/awardee/profile/81|site=RMAF|consulté le=17 février 2015}}</ref>. Après sa mort, l'agitation de la ville de Calcutta fut comme suspendue, tandis que des centaines de milliers de personnes se massaient autour de sa maison afin de lui rendre un dernier hommage<ref>{{Lien web
Satyajit Ray est une icône culturelle en Inde et dans les communautés bengalies du monde entier. Il reçoit le [[prix Ramon Magsaysay]] en 1967 pour sa façon de véhiculer une image fidèle de l'Inde<ref name="rmaf">{{Lien web|auteur=Ramon Magsaysay Award Foundation|titre=Ray, Satyajit|jour=|mois=|année=|url=http://www.rmaf.org.ph/newrmaf/main/awardees/awardee/profile/81|site=RMAF|consulté le=17 février 2015}}.</ref>. Après sa mort, l'agitation de la ville de Calcutta est comme suspendue, tandis que des centaines de milliers de personnes se massent autour de sa maison afin de lui rendre un dernier hommage<ref>{{Lien web
|url=http://www.doononline.net/pages/info_features/features_spotlights/spotlights/aghosh/ray.htm
|url=http://www.doononline.net/pages/info_features/features_spotlights/spotlights/aghosh/ray.htm
|titre=Satyajit Ray
|titre=Satyajit Ray
|auteur=Amitav Ghosh
|auteur=Amitav Ghosh
Ligne 181 : Ligne 183 :
|éditeur=Doom Online
|éditeur=Doom Online
|consulté le=19 juin 2006
|consulté le=19 juin 2006
}}</ref>. L'influence de Satyajit Ray sur le cinéma bengali est large et profonde : nombre de réalisateurs, parmi lesquels on peut citer [[Aparna Sen]], [[Rituparno Ghosh]], [[Goutam Ghose]], [[Tareque Masud]] et [[Tanvir Mokammel]] au Bangladesh, ont été influencés par sa manière de faire des films. De l'autre côté de l'échiquier, des cinéastes tels [[Buddhadev Dasgupta]], [[Mrinal Sen]]<ref>{{Lien web
}}.</ref>. L'influence de Satyajit Ray sur le cinéma bengali est large et profonde : nombre de réalisateurs, parmi lesquels on peut citer [[Aparna Sen]], [[Rituparno Ghosh]], [[Goutam Ghose]], [[Tareque Masud]] et [[Tanvir Mokammel]] au Bangladesh, sont influencés par sa manière de faire des films. De l'autre côté de l'échiquier, des cinéastes tels [[Buddhadev Dasgupta]], [[Mrinal Sen]]<ref>{{Lien web
|url=http://www.littlemag.com/2000/mrinal.htm
|url=http://www.littlemag.com/2000/mrinal.htm
|titre=Our lives, their lives
|titre=Our lives, their lives
|auteur=Mrinal Sen
|auteur=Mrinal Sen
Ligne 188 : Ligne 190 :
|éditeur=Little Magazine
|éditeur=Little Magazine
|consulté le=29 juin 2006
|consulté le=29 juin 2006
}}</ref> et Adoor Gopalakrishnan ont reconnu sa contribution à la genèse du cinéma indien. En dehors de l'Inde, des réalisateurs comme [[Martin Scorsese]]<ref>{{Lien web
}}.</ref> et Adoor Gopalakrishnan reconnaissent sa contribution à la genèse du cinéma indien. En dehors de l'Inde, des réalisateurs comme [[Martin Scorsese]]<ref>{{Lien web
|url=http://www.gwhatchet.com/media/storage/paper332/news/2002/03/04/Arts/Martin.Scorsese.Hits.Dc.Hangs.With.The.Hachet-195598.shtml?norewrite200607071207&sourcedomain=www.gwhatchet.com
|url=http://www.gwhatchet.com/media/storage/paper332/news/2002/03/04/Arts/Martin.Scorsese.Hits.Dc.Hangs.With.The.Hachet-195598.shtml?norewrite200607071207&sourcedomain=www.gwhatchet.com
|titre=Martin Scorsese hits DC, hangs with the Hachet
|titre=Martin Scorsese hits DC, hangs with the Hachet
|auteur=Chris Ingui
|auteur=Chris Ingui
Ligne 195 : Ligne 197 :
|éditeur=Hatchet
|éditeur=Hatchet
|consulté le=29 juin 2006
|consulté le=29 juin 2006
}}</ref>, [[James Ivory]]<ref>{{Lien web
}}.</ref>, [[James Ivory]]<ref>{{Lien web
|url=http://www.screenonline.org.uk/people/id/532213/index.html
|url=http://www.screenonline.org.uk/people/id/532213/index.html
|titre=Ivory, James (1928-)
|titre=Ivory, James (1928-)
|auteur=Sheldon Hall
|auteur=Sheldon Hall
Ligne 202 : Ligne 204 :
|éditeur=Screen Online
|éditeur=Screen Online
|consulté le=12 février 2007
|consulté le=12 février 2007
}}</ref>, [[Abbas Kiarostami]] et [[Elia Kazan]] auraient été influencés par son style cinématographique. ''[[Forty Shades of Blue]]'', réalisé par [[Ira Sachs]] en 2005, est un [[remake]] assez libre de ''Charulata'', et dans le film ''My Family'' de 1995, la scène finale est calquée sur la fin d'''Apur Sansar''. Des références similaires aux films de Ray sont présentes, par exemple, dans des œuvres récentes telles ''Sacred Evil''<ref>{{Lien web
}}.</ref>, [[Abbas Kiarostami]] et [[Elia Kazan]] auraient été influencés par son style cinématographique. ''[[Forty Shades of Blue]]'', réalisé par [[Ira Sachs]] en 2005, est un {{anglais|[[remake]]}} assez libre de {{langue|bn|''Charulata''}}, et dans le film {{langue|en|''My Family''}} de 1995, la scène finale est calquée sur la fin d{{'}}{{langue|bn|''Apur Sansar''}}. Des références similaires aux films de Ray sont présentes, par exemple, dans des œuvres récentes telles {{langue|en|''Sacred Evil''}}<ref>{{Lien web
|url=http://www.telegraphindia.com/1060609/asp/etc/story_6319302.asp
|url=http://www.telegraphindia.com/1060609/asp/etc/story_6319302.asp
|titre=Sacred Ray
|titre=Sacred Ray
|auteur=Subhash K. Jha
|auteur=Subhash K. Jha
Ligne 209 : Ligne 211 :
|éditeur=Telegraph India
|éditeur=Telegraph India
|consulté le=29 juin 2006
|consulté le=29 juin 2006
}}</ref>, la {{Lien|langue=en|trad=Elements trilogy|fr=trilogie des éléments}} (''[[Fire (film, 1996)|Fire]]'', ''[[Earth (film, 1998)|Earth]]'' et ''[[Water (film)|Water]]'') de [[Deepa Mehta]] et même dans des films de [[Jean-Luc Godard]]<ref>{{Lien web
}}.</ref>, la {{Lien|langue=en|trad=Elements trilogy|fr=trilogie des éléments}} (''[[Fire (film, 1996)|{{langue|en|Fire}}]]'', ''[[Earth (film, 1998)|{{langue|en|Earth}}]]'' et ''[[Water (film)|{{langue|en|Water}}]]'') de [[Deepa Mehta]] et même dans des films de [[Jean-Luc Godard]]<ref>{{Lien web
|url=http://archive.sensesofcinema.com/contents/01/16/godard_habib.html
|url=http://archive.sensesofcinema.com/contents/01/16/godard_habib.html
|titre=Before and After: Origins and Death in the Work of Jean-Luc Godard
|titre=Before and After: Origins and Death in the Work of Jean-Luc Godard
|auteur=André Habib
|auteur=André Habib
Ligne 216 : Ligne 218 :
|éditeur=Senses of Cinema
|éditeur=Senses of Cinema
|consulté le=29 juin 2006
|consulté le=29 juin 2006
}}</ref>.
}}.</ref>.


Le personnage [[Famille Nahasapeemapetilon|Apu Nahasapeemapetilon]] de la série télévisuelle américaine en dessin animé ''[[Les Simpson]]'' a été ainsi nommé en hommage à Ray. Simultanément avec Madhabi Mukherjee, Ray a été la première personnalité du cinéma indien à avoir un timbre étranger à son effigie, en [[Dominique (pays)|Dominique]]. De nombreuses œuvres littéraires contiennent des références à Ray ou à ses réalisations, parmi lesquelles ''Herzog'', le roman de [[Saul Bellow]] et ''Youth'', de [[J. M. Coetzee]]. Dans ''Haroun et la mer des Histoires'', de [[Salman Rushdie]], deux poissons se nomment ''Goopy'' et ''Bagha'', un hommage au film de ''fantasy'' de Ray. En 1993, l'[[Université de Californie à Santa Cruz|UC Santa Cruz]] a fondé la collection des Films et Études de Satyajit Ray, et en 1995, le gouvernement indien a créé l'Institut d'étude cinématographique et télévisuel Satyajit Ray, pour les études en lien avec le cinéma. En 2007, la [[British Broadcasting Corporation|BBC]] a annoncé que deux histoires de Feluda serait bientôt adaptées sous forme radiophonique<ref>{{Lien web
Le personnage [[Famille Nahasapeemapetilon|Apu Nahasapeemapetilon]] de la série télévisuelle américaine en dessin animé ''[[Les Simpson]]'' est ainsi nommé en hommage à Ray. Simultanément avec Madhabi Mukherjee, Ray est la première personnalité du cinéma indien à avoir un timbre étranger à son effigie, en [[Dominique (pays)|Dominique]]. De nombreuses œuvres littéraires contiennent des références à Ray ou à ses réalisations, parmi lesquelles {{langue|de|''Herzog''}}, le roman de [[Saul Bellow]] et {{langue|en|''Youth''}}, de [[J. M. Coetzee]]. Dans ''Haroun et la mer des Histoires'', de [[Salman Rushdie]], deux poissons se nomment ''Goopy'' et ''Bagha'', un hommage au film de {{langue|en|''fantasy''}} de Ray. En 1993, l'[[Université de Californie à Santa Cruz|UC Santa Cruz]] fonde la collection des Films et Études de Satyajit Ray, et en 1995, le gouvernement indien crée l'Institut d'étude cinématographique et télévisuel Satyajit Ray, pour les études en lien avec le cinéma. En 2007, la [[British Broadcasting Corporation|BBC]] annonce que deux histoires de Feluda vont bientôt être adaptées sous forme radiophonique<ref>{{Lien web
|url=http://www.financialexpress.com/fe_archive_full_story.php?content_id=152924
|url=http://www.financialexpress.com/fe_archive_full_story.php?content_id=152924
|titre=Feluda goes global, via radio
|titre=Feluda goes global, via radio
|auteur=Sudipta Datta
|auteur=Sudipta Datta
Ligne 225 : Ligne 227 :
|éditeur=Financial Express
|éditeur=Financial Express
|consulté le=12 février 2007
|consulté le=12 février 2007
}}</ref>. Lors du [[festival du film de Londres]], un Satyajit Ray Award récompense le réalisateur dont le premier métrage rend le mieux « le talent artistique, la compassion et l'humanité de la vision de Ray ».
}}.</ref>. Lors du [[festival du film de Londres]], un Satyajit Ray Award récompense le réalisateur dont le premier métrage rend le mieux {{Citation|le talent artistique, la compassion et l'humanité de la vision de Ray}}<ref>{{Lien web |langue=en |titre=60 years of awards at the London Film Festival – A brief history of the competition |url=https://www.bfi.org.uk/features/60-years-awards-london-film-festival-brief-history-competition |site=BFI |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


== Filmographie ==
== Filmographie ==
{{Article détaillé|Filmographie de Satyajit Ray}}
{{Article détaillé|Filmographie de Satyajit Ray}}


Satyajit Ray est surtout connu comme [[réalisateur]]. Toutefois, c'est aussi un [[Roman (littérature)|auteur]], qui a écrit des histoires et des scénarios, ainsi qu'un compositeur de musiques et un producteur, en plus d'autres fonctions annexes dans quelques films (il a par exemple été l'assistant de [[Jean Renoir]] lors du tournage du film ''[[Le Fleuve (film, 1951)|Le Fleuve]]'').
Satyajit Ray est surtout connu comme [[réalisateur]]. Toutefois, c'est aussi un [[Roman (littérature)|auteur]], qui a écrit des histoires et des scénarios, ainsi qu'un compositeur de musiques et un producteur, en plus d'autres fonctions annexes dans quelques films (il a par exemple été l'assistant de [[Jean Renoir]] lors du tournage du film ''[[Le Fleuve (film, 1951)|Le Fleuve]]'')<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Satyajit Ray {{!}} Biography, Movies, Awards, & Facts {{!}} Britannica |url=https://www.britannica.com/biography/Satyajit-Ray |site=www.britannica.com |date=2023-09-25 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Ashoke Nag |titre=Ray-esque {{!}} Satyajit Ray’s French Connection |url=https://www.firstpost.com/entertainment/ray-esque-satyajit-rays-french-connection-10998001.html |site=Firstpost |date=2022-08-02 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


La plupart des films de Satyajit Ray mettent en scène la disparition d'un monde très majoritairement rural et le monde impitoyable de la ville (Calcuta) qui étend ses tentacules sur la campagne<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Adrien Gombeaud|titre=Dictionnaire du cinéma asiatique|passage=Satyajit RAY pages 439-441 (par Hubert Niogret)|lieu=|éditeur=Nouveau monde (éditions)|date=octobre 2008|pages totales=640|isbn=978-2-84736-359-3|lire en ligne=}}</ref>.
La plupart des films de Satyajit Ray mettent en scène la disparition d'un monde très majoritairement rural et le monde impitoyable de la ville ([[Calcutta]]) qui étend ses tentacules sur la campagne<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=Adrien Gombeaud|titre=Dictionnaire du cinéma asiatique|passage=Satyajit RAY pages 439-441 (par Hubert Niogret)|lieu=|éditeur=Nouveau monde (éditions)|date=octobre 2008|pages totales=640|isbn=978-2-84736-359-3|lire en ligne=}}.</ref>.


* [[1955 au cinéma|1955]] : ''[[La Complainte du sentier]]'' (''Pather Panchali'')
* [[1955 au cinéma|1955]] : ''[[La Complainte du sentier]]'' ({{langue|bn|''Pather Panchali''}})
* [[1956 au cinéma|1956]] : ''[[L'Invaincu]]'' (''Aparajito'')
* [[1956 au cinéma|1956]] : ''[[L'Invaincu]]'' ({{langue|bn|''Aparajito''}})
* [[1958 au cinéma|1958]] : ''[[La Pierre philosophale]]'' (''Parash Pathar'')
* [[1958 au cinéma|1958]] : ''[[La Pierre philosophale]]'' ({{langue|bn|''Parash Pathar''}})
* [[1959 au cinéma|1959]] : ''[[Le Salon de musique]]'' (''Jalsaghar'')
* [[1959 au cinéma|1959]] : ''[[Le Salon de musique]]'' ({{langue|bn|''Jalsaghar''}})
* [[1959 au cinéma|1959]] : ''[[Le Monde d'Apu]]'' (''Apur Sansar'')
* [[1959 au cinéma|1959]] : ''[[Le Monde d'Apu]]'' ({{langue|bn|''Apur Sansar''}})
* [[1960 au cinéma|1960]] : ''[[La Déesse (film, 1960)|La Déesse]]'' (''Devi'')
* [[1960 au cinéma|1960]] : ''[[La Déesse (film, 1960)|La Déesse]]'' ({{langue|bn|''Devi''}})
* [[1961 au cinéma|1961]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Rabindranath Tagore (film)|texte=Rabindranath Tagore}}'' (documentaire)
* [[1961 au cinéma|1961]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Rabindranath Tagore (film)|texte=Rabindranath Tagore}}'' - documentaire
* [[1961 au cinéma|1961]] : ''[[Trois Filles]]'' (''Teen Kanya'')
* [[1961 au cinéma|1961]] : ''[[Trois Filles]]'' ({{langue|bn|''Teen Kanya''}})
* [[1962 au cinéma|1962]] : ''{{Lien|langue=en|trad=Kanchenjungha|fr=Kanchenjungha (film)|texte=Kanchenjungha}}''
* [[1962 au cinéma|1962]] : ''{{Lien|langue=en|trad=Kanchenjungha|fr=Kanchenjungha (film)|texte=Kanchenjungha}}''
* [[1962 au cinéma|1962]] : ''[[L'Expédition (film)|L'Expédition]]'' (''Abhijaan'')
* [[1962 au cinéma|1962]] : ''[[L'Expédition (film)|L'Expédition]]'' ({{langue|bn|''Abhijaan''}})
* [[1963 au cinéma|1963]] : ''[[La Grande Ville (film, 1963)|La Grande Ville]]'' (''Mahanagar'')
* [[1963 au cinéma|1963]] : ''[[La Grande Ville (film, 1963)|La Grande Ville]]'' ({{langue|bn|''Mahanagar''}})
* [[1964 au cinéma|1964]] : ''[[Charulata]]''
* [[1964 au cinéma|1964]] : ''[[Charulata]]''
* [[1965 au cinéma|1965]] : ''{{Lien|langue=en|trad=Two (1964 film)|fr=Two (film, 1964)|texte=Two}}'' (court-métrage)
* [[1965 au cinéma|1965]] : ''{{Lien|langue=en|trad=Two (1964 film)|fr=Two (film, 1964)|texte=Two}}'' - court-métrage
* 1965 : ''[[Le Saint (film, 1965)|Le Saint]]'' (''Mahapurush'')
* [[1965 au cinéma|1965]] : ''[[Le Saint (film, 1965)|Le Saint]]'' ({{langue|bn|''Mahapurush''}})
* 1965 : ''[[Le Lâche]]'' (''Kapurush'')
* [[1965 au cinéma|1965]] : ''[[Le Lâche]]'' ({{langue|bn|''Kapurush''}})
* [[1966 au cinéma|1966]] : ''[[Le Héros (film)|Le Héros]]'' (''Nayak'')
* [[1966 au cinéma|1966]] : ''[[Le Héros (film)|Le Héros]]'' ({{langue|bn|''Nayak''}})
* [[1967 au cinéma|1967]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Chiriyakhana|texte=Le Zoo}}'' (''Chiriyakhana'')
* [[1967 au cinéma|1967]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Chiriyakhana|texte=Le Zoo}}'' ({{langue|bn|''Chiriyakhana''}})
* [[1969 au cinéma|1969]] : ''[[Les Aventures de Goopy et Bagha]]'' (''Goopy Gyne Bagha Byne'')
* [[1969 au cinéma|1969]] : ''[[Les Aventures de Goopy et Bagha]]'' ({{langue|bn|''Goopy Gyne Bagha Byne''}})
* [[1970 au cinéma|1970]] : ''[[Des jours et des nuits dans la forêt]]'' (''Aranyer Din Ratri'')
* [[1970 au cinéma|1970]] : ''[[Des jours et des nuits dans la forêt]]'' ({{langue|bn|''Aranyer Din Ratri''}})
* [[1971 au cinéma|1971]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Sikkim (film)|texte=Sikkim}}'' (documentaire)
* [[1971 au cinéma|1971]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Sikkim (film)|texte=Sikkim}}'' - documentaire
* 1971 : ''[[L'Adversaire (film, 1971)|L'Adversaire]]'' (''Pratidwandi'')
* [[1971 au cinéma|1971]] : ''[[L'Adversaire (film, 1971)|L'Adversaire]]'' ({{langue|bn|''Pratidwandi''}})
* 1971 : ''{{Lien|langue=en|trad=A Company Limited|fr=Enfermé dans des limites}}'' (''Seemabaddha'')
* [[1971 au cinéma|1971]] : ''{{Lien|langue=en|trad=Seemabaddha|fr=Enfermé dans des limites}}'' ({{langue|bn|''Seemabaddha''}})
* [[1972 au cinéma|1972]] : ''{{Lien|langue=en|fr=The Inner Eye}}'' (documentaire)
* [[1972 au cinéma|1972]] : ''{{Lien|langue=en|fr=The Inner Eye}}'' - documentaire
* [[1973 au cinéma|1973]] : ''[[Tonnerres lointains]]'' (''Ashani Sanket'')
* [[1973 au cinéma|1973]] : ''[[Tonnerres lointains]]'' ({{langue|bn|''Ashani Sanket''}})
* [[1974 au cinéma|1974]] : ''[[La Forteresse d'or]]'' (''Sonar Kella'')
* [[1974 au cinéma|1974]] : ''[[La Forteresse d'or]]'' ({{langue|bn|''Sonar Kella''}})
* [[1976 au cinéma|1976]] : ''[[Bala (film, 1976)|Bala]]''
* [[1976 au cinéma|1976]] : ''[[Bala (film, 1976)|Bala]]''
* 1976 : ''{{Lien|langue=en|trad=Jana Aranya|fr=The Middleman}}'' (''Jana Aranya)''
* [[1976 au cinéma|1976]] : ''[[Jana Aranya]]''
* [[1977 au cinéma|1977]] : ''[[Les Joueurs d'échecs (film)|Les Joueurs d'échecs]]'' (''Shatranj Ke Khilari'')
* [[1977 au cinéma|1977]] : ''[[Les Joueurs d'échecs (film)|Les Joueurs d'échecs]]'' ({{langue|bn|''Shatranj Ke Khilari''}})
* [[1979 au cinéma|1979]] : ''[[Le Dieu éléphant]]'' (''Joi Baba Felunath'')
* [[1979 au cinéma|1979]] : ''[[Le Dieu éléphant]]'' ({{langue|bn|''Joi Baba Felunath''}})
* [[1980 au cinéma|1980]] : ''[[Le Royaume des diamants]]'' (''Heerak Rajar Deshe'')
* [[1980 au cinéma|1980]] : ''[[Le Royaume des diamants]]'' ({{langue|bn|''Heerak Rajar Deshe''}})
* [[1981 au cinéma|1981]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Pikoo (film)|texte=Pikoo}}'' (court-métrage)
* [[1981 au cinéma|1981]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Pikoo (film)|texte=Pikoo}}'' - court-métrage
* [[1984 à la télévision|1984]] : ''[[Délivrance (film, 1981)|Délivrance]]'' (''Sadgati'') - téléfilm
* [[1984 à la télévision|1984]] : ''[[Délivrance (film, 1981)|Délivrance]]'' ({{langue|bn|''Sadgati''}}) - téléfilm
* [[1984 au cinéma|1984]] : ''[[La Maison et le Monde (film)|La Maison et le Monde]]'' (''Ghare Baire'')
* [[1984 au cinéma|1984]] : ''[[La Maison et le Monde (film)|La Maison et le Monde]]'' ({{langue|bn|''Ghare Baire''}})
* [[1987 au cinéma|1987]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Sukumar Ray (film)|texte=Sukumar Ray}}'' - documentaire
* [[1987 au cinéma|1987]] : ''{{Lien|langue=en|fr=Sukumar Ray (film)|texte=Sukumar Ray}}'' - documentaire
* [[1990 au cinéma|1990]] : ''[[Un ennemi du peuple (film, 1989)|Un ennemi du peuple]]'' ({{langue|bn|''Ganashatru''}})

* [[1990 au cinéma|1990]] : ''[[Un ennemi du peuple (film, 1989)|Un ennemi du peuple]]'' (''Ganashatru'')
* [[1990 au cinéma|1990]] : ''[[Les Branches de l'arbre]]'' ({{langue|bn|''Shakha Proshakha''}})
* 1990 : ''[[Les Branches de l'arbre]]'' (''Shakha Proshakha'')
* [[1991 au cinéma|1991]] : ''[[Le Visiteur (film, 1991)|Le Visiteur]]'' ({{langue|bn|''Agantuk''}})
* [[1991 au cinéma|1991]] : ''[[Le Visiteur (film, 1991)|Le Visiteur]]'' (''Agantuk'')


== Œuvre littéraire ==
== Œuvre littéraire ==
{{article détaillé|Œuvre littéraire de Satyajit Ray}}
{{article détaillé|Œuvre littéraire de Satyajit Ray}}
Ray est à l'origine de deux personnages très populaires de la littérature enfantine bengalie : {{Lien|langue=en|fr=Feluda}}, un [[détective privé|détective]], et le {{Lien|langue=en|trad=Professeur Shonku|fr=Professor Shonku}}, un scientifique. Il compose des nouvelles, qui sont publiées par douze, sous forme de recueils, dont le titre est toujours un jeu de mot sur le terme « douze » (par exemple ''Eker pitthe dui'', littéralement « deux en sus d'un »). L'intérêt de Ray pour les énigmes et les calembours se retrouve dans ses histoires : Feluda doit souvent résoudre un casse-tête pour venir à bout d'un cas. Les histoires de Feluda sont racontées par son cousin Topse, un peu l'équivalent du [[Docteur Watson]] pour [[Sherlock Holmes]]. Les histoires de [[science-fiction]] du Pr Shonku sont présentées sous la forme du journal du scientifique, découvert après sa mystérieuse disparition. Dans ces nouvelles, Ray donne libre cours à son penchant pour le macabre, le suspense, et d'autres aspects qu'il évite dans ses films, donnant là matière à une intéressante étude psychologique<ref>{{Harvsp|Ashis Nandy|1995}}</ref>. La plupart de ses écrits ont désormais été traduits en anglais, rencontrant un nouveau lectorat.
Ray est à l'origine de deux personnages très populaires de la littérature enfantine bengalie : {{Lien|langue=en|fr=Feluda}}, un [[détective privé|détective]], et le {{Lien|langue=en|trad=Professor Shonku|fr=Professeur Shonku}}, un scientifique. Il compose des nouvelles, qui sont publiées par douze, sous forme de recueils, dont le titre est toujours un jeu de mots sur le terme « douze » (par exemple {{langue|bn|''Eker pitthe dui''}}, littéralement « deux en sus d'un »). L'intérêt de Ray pour les énigmes et les calembours se retrouve dans ses histoires : Feluda doit souvent résoudre un casse-tête pour venir à bout d'un cas. Les histoires de Feluda sont racontées par son cousin Topse, un peu l'équivalent du [[Docteur Watson]] pour [[Sherlock Holmes]]. Les histoires de [[science-fiction]] du {{Pr}} Shonku sont présentées sous la forme du journal du scientifique, découvert après sa mystérieuse disparition. Dans ces nouvelles, Ray donne libre cours à son penchant pour le macabre, le suspense, et d'autres aspects qu'il évite dans ses films, donnant là matière à une intéressante étude psychologique<ref>{{Harvsp|Ashis Nandy|1995}}.</ref>.


La plupart de ses scénarios sont publiés en bengali dans le journal littéraire ''Eksan''. Ray écrit en 1982 son autobiographie, incluant son enfance ''{{Lien|langue=en|fr=Jakhan Choto Chilam}}'' (1982) ainsi que des essais sur le cinéma : ''[[Our Films, Their Films]]'' (''Nos films, leurs films'') ainsi que ''{{Lien|langue=en|fr=Bishoy Chalachchitra}}'' en 1976, ''{{Lien|langue=en|fr=Ekei Bole Shooting}}'' en 1979. Au milieu des [[années 1990]], les essais de Ray et une anthologie de ses nouvelles ont été publiés en Occident. ''Our Films, Their Films'' est une anthologie des critiques de films faites par Ray. L'ouvrage contient des articles ainsi que des extraits de son journal personnel. Il est en deux parties, la première traitant du cinéma indien, la seconde s'intéresse à [[Hollywood]] et à certains réalisateurs internationaux ([[Charlie Chaplin]], [[Akira Kurosawa]]) ainsi qu'à des mouvements, tels le [[Néoréalisme (cinéma)|néoréalisme]] italien. Son livre ''Bishoy Chalachchitra '' est traduit en anglais en 2006 sous le titre ''Speaking of Films''. Il contient une description synthétique de sa philosophie et des différents aspects du cinéma. Ray a également écrit un recueil de vers fantaisistes intitulé ''{{Lien|langue=en|fr=Today Bandha Ghorar Dim}}'', parmi lesquels figure une traduction du ''[[Jabberwocky (poème)|Jabberwocky]]'' de [[Lewis Carroll]]. Il est aussi l'auteur d'une série d'histoires drôles en bengali sur [[Nasr Eddin Hodja|Mollah Nasiruddin]].
La plupart de ses scénarios sont publiés en bengali dans le journal littéraire {{langue|bn|''Eksan''}}. Ray écrit en 1982 son autobiographie, incluant son enfance ''{{Lien|langue=en|fr=Jakhan Choto Chilam}}'' (1982)<ref>{{Ouvrage|prénom1=Satyajit|nom1=Ray|prénom2=Bijaẏā|nom2=Rāẏa|prénom3=Satyajit|nom3=Ray|titre=Childhood days: a memoir|éditeur=Penguin Books|collection=A Penguin original Autobiography|date=1998|isbn=978-0-14-025079-4|consulté le=2023-10-28}}.</ref> ainsi que des essais sur le cinéma : {{langue|en|''[[Our Films, Their Films]]''}} (''Nos films, leurs films'') ainsi que ''{{Lien|langue=en|fr=Bishoy Chalachchitra}}'' en 1976, ''{{Lien|langue=en|fr=Ekei Bole Shooting}}'' en 1979. Au milieu des {{nobr|années 1990}}, les essais de Ray et une anthologie de ses nouvelles sont publiés en Occident. {{langue|en|''Our Films, Their Films''}} est une anthologie des critiques de films faites par Ray. L'ouvrage contient des articles ainsi que des extraits de son journal personnel. Il est en deux parties, la première traitant du cinéma indien, la seconde s'intéresse à [[Hollywood]] et à certains réalisateurs internationaux ([[Charlie Chaplin]], [[Akira Kurosawa]]) ainsi qu'à des mouvements, tels le [[Néoréalisme (cinéma)|néoréalisme]] italien. Ce livre parait en France dès 1982, traduit de l'anglais par Tony Mayer pour Lattes éd. Son livre {{langue|bn|''Bishoy Chalachchitra ''}} est traduit en anglais en 2006 sous le titre {{langue|en|''Speaking of Films''}}. Il contient une description synthétique de sa philosophie et des différents aspects du cinéma<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Renu|nom1=Saran|titre=History of Indian Cinema|éditeur=Diamond Pocket Books Pvt Ltd|date=2014-03-04|isbn=978-93-5083-651-4|lire en ligne=https://books.google.com.mx/books/about/History_of_Indian_Cinema.html?id=XAT4AgAAQBAJ&redir_esc=y|consulté le=2023-10-29}}.</ref>. Ray écrit également un recueil de vers fantaisistes intitulé ''{{Lien|langue=en|fr=Today Bandha Ghorar Dim}}'', parmi lesquels figure une traduction du ''[[Jabberwocky (poème)|Jabberwocky]]'' de [[Lewis Carroll]]<ref>{{Article|langue=en-IN|auteur1=Nimi Kurian|titre=Ray of sunshine|périodique=The Hindu|date=2015-09-03|issn=0971-751X|lire en ligne=https://www.thehindu.com/features/kids/unimaginable-mystery-with-ray/article7611344.ece|consulté le=2023-10-28}}.</ref>. Il est aussi l'auteur d'une série d'histoires drôles en bengali sur [[Nasr Eddin Hodja|Mollah Nasiruddin]]<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Uddalak Mukherje |titre=The wisest fool |url=https://www.telegraphindia.com/opinion/the-wisest-fool-molla-nasiruddin-and-the-global-liberal-project/cid/1872619 |site=www.telegraphindia.com |date=1 juillet 2022 |consulté le=2023-10-28}}.</ref>.


Satyajit Ray a également conçu deux [[police d'écriture|polices de caractères]], baptisées ''Ray Roman'' et ''Ray Bizarre''. ''Ray Roman'' a remporté une compétition internationale en 1970. Dans certains cercles de Calcutta, Ray continue à être connu comme un graphiste hors pair, indépendamment de sa carrière de réalisateur. Ray a lui-même illustré tous ses livres, ainsi que leurs couvertures, de la même manière qu'il créait lui-même les affiches et le matériel promotionnel de ses films.
Satyajit Ray a également conçu deux [[police d'écriture|polices de caractères]], baptisées {{langue|en|''Ray Roman''}} et {{langue|en|''Ray Bizarre''}}. {{langue|en|''Ray Roman''}} remporte une compétition internationale en 1970. Dans certains cercles de Calcutta, Ray continue à être connu comme un graphiste hors pair, indépendamment de sa carrière de réalisateur. Ray a lui-même illustré tous ses livres, ainsi que leurs couvertures, de la même manière qu'il créait lui-même les affiches et le matériel promotionnel de ses films<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Sudipta Datta |titre=The Ray show goes on |url=https://www.financialexpress.com/archive/the-ray-show-goes-on/263406/ |site=Financialexpress |date=2008-01-20 |consulté le=2023-10-29}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=57}}.</ref>.


== Distinctions ==
== Distinctions ==
Nombre de prix et récompenses furent décernés à Ray tout au long de sa vie. En obtenant le titre de docteur honoraire de l'[[Université d'Oxford]], il est la seconde personnalité du monde du cinéma à être ainsi honorée, après [[Charlie Chaplin|Chaplin]]. Il obtient le [[Prix Dadasaheb Phalke]] en [[1985 au cinéma|1985]]. En [[1987 au cinéma|1987]], il est décoré de la [[Légion d'honneur]] par le président français François Mitterrand. Peu avant sa mort, c'est le gouvernement indien qui lui remet la plus prestigieuse décoration civile, le ''[[Bharat Ratna]]''. Pour l'ensemble de son œuvre, l'[[Academy of Motion Picture Arts and Sciences|Académie des arts et des sciences du cinéma]] a récompensé Ray d'un Oscar honoraire en [[1992 au cinéma|1992]]. Il reçoit également à titre posthume l'''Akira Kurosawa Award'' pour sa carrière de réalisateur lors du [[Festival du film de San Francisco]] : c'est l'actrice Sharmila Tagore qui le représente à cette occasion<ref>{{Lien web
Nombre de prix et récompenses furent décernés à Ray tout au long de sa vie. En obtenant le titre de docteur honoraire de l'[[Université d'Oxford]], il est la seconde personnalité du monde du cinéma à être ainsi honorée, après [[Charlie Chaplin|Chaplin]]<ref>{{Harvsp|Andrew Robinson|2003|p=1}}.</ref>. Il obtient le [[prix Dadasaheb Phalke]] en [[1985 au cinéma|1985]]<ref>{{Lien web |titre=Awards Won by Satyajit Ray|url=http://www.thecolorsofindia.com/satyajit-ray/awards.html |site=www.thecolorsofindia.com |consulté le=2023-10-29}}.</ref>. En [[1987 au cinéma|1987]], il est décoré de la [[Légion d'honneur]] par le président français François Mitterrand<ref>{{Article|titre=30 years after Satyajit Ray, French honour for his Apu|périodique=The Times of India|date=2017-06-11|issn=0971-8257|lire en ligne=https://timesofindia.indiatimes.com/city/kolkata/30-years-after-ray-french-honour-for-his-apu/articleshow/59090903.cms|consulté le=2023-10-29}}.</ref>. Peu avant sa mort, c'est le gouvernement indien qui lui remet la plus prestigieuse décoration civile, le ''[[Bharat Ratna]]''<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Peter B. Flint|titre=Satyajit Ray, 70, Cinematic Poet, Dies|périodique=The New York Times|date=24 avril 1992|lire en ligne=https://www.nytimes.com/1992/04/24/movies/satyajit-ray-70-cinematic-poet-dies.html|pages=25}}.</ref>. Pour l'ensemble de son œuvre, l'[[Academy of Motion Picture Arts and Sciences|Académie des arts et des sciences du cinéma]] a récompensé Ray d'un Oscar honoraire en [[1992 au cinéma|1992]]<ref>{{Lien web |langue=en |titre=When Satyajit Ray accepted his Oscar award from a hospital bed in Kolkata: ‘Best achievement of my moviemaking career’ |url=https://indianexpress.com/article/entertainment/bollywood/when-satyajit-ray-accepted-his-oscar-award-from-a-hospital-bed-in-kolkata-7832844/ |site=The Indian Express |date=2022-03-26 |consulté le=2023-10-29}}.</ref>. Il reçoit également à titre posthume l'''Akira Kurosawa Award'' pour sa carrière de réalisateur lors du [[Festival du film de San Francisco]] : c'est l'actrice Sharmila Tagore qui le représente à cette occasion<ref>{{Lien web
|url=http://history.sffs.org/awards_tributes/search.php?search_by=6&searchfield=Satyajit+Ray
|url=http://history.sffs.org/awards_tributes/search.php?search_by=6&searchfield=Satyajit+Ray
|titre=Festival international du film de San Francisco
|titre=Festival international du film de San Francisco
|auteur=
|auteur=
Ligne 289 : Ligne 290 :
|éditeur=
|éditeur=
|consulté le=11 février 2007
|consulté le=11 février 2007
}}</ref>.
}}.</ref>.

== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Traduction/Référence|en|Satyajit Ray|155075865}}
{{Traduction/Référence|en|Satyajit Ray|155075865}}
Ligne 409 : Ligne 409 :
| éditeur=Penguin
| éditeur=Penguin
| isbn=9780140140361
| isbn=9780140140361
}}.
* {{Ouvrage
| nom1=Ghosh
| prénom1=Nemai
| année=1991
| titre=Satyajit Ray at 70
| langue=anglais
| éditeur=Eiffel Editions
| isbn=9782930010076
}}.
}}.
* {{Ouvrage
* {{Ouvrage
Ligne 459 : Ligne 468 :
| éditeur=Ramsay
| éditeur=Ramsay
| isbn=2859564403
| isbn=2859564403
}}. Paru d'abord chez Lattes en 1982 (traduit de l'anglais par Tony Mayer) et chez Ramsay, dans la collection Ramsay Poche Cinema, en 1985.
}}.
* Satyajit Ray, ''Fatik et le jongleur de Calcutta'', éditions Bordas, Paris, 1981 {{ISBN|2040180249}}. Edité par Paule Pagliano et traduit du bengali par France Bhattacharya, ''Fatik'' est le premier roman de Satyajit Ray publié en français.
* Satyajit Ray, ''Fatik et le jongleur de Calcutta'', éditions Bordas, Paris, 1981 {{ISBN|2040180249}}. Édité par Paule Pagliano et traduit du bengali par France Bhattacharya, ''Fatik'' est le premier roman de Satyajit Ray publié en français.
*{{Ouvrage|prénom1=Julien|nom1=Rousseau|prénom2=Hélène|nom2=Kessous|prénom3=Laure|nom3=Bataillou|titre=Bollywood Superstars: histoire d'un cinéma indien|éditeur=France Muséums Kaph Books Department of Culture and Tourism|date=2023|isbn=978-614-8035-51-7|consulté le=2024-01-29}}


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
{{Liens}}
* {{en}} [http://www.satyajitray.org Satyajitray.org]
* {{en}} [https://web.archive.org/web/20070216131822/http://www.worldofray.com/home/home.aspx Satyajit Ray], ''World of Ray''
* Le film [http://manikda.space ''Manikda - My life with Satyajit Ray'']
* {{Bases}}
* {{Dictionnaires}}
* {{Autorité}}


{{Palette|Satyajit Ray|Filmfare Award du meilleur réalisateur|Bharat Ratna}}
{{Palette|Satyajit Ray|Filmfare Award du meilleur réalisateur|Bharat Ratna|Oscar d'honneur}}
{{Portail|Bengale-Occidental|cinéma indien|réalisation audiovisuelle|musiques du monde|polar}}
{{Portail|Bengale-Occidental|cinéma indien|réalisation audiovisuelle|musiques du monde|polar}}
{{Article de qualité|oldid=23262569|date=24 novembre 2007|tri=Ray, Satyajit}}
{{Article de qualité|oldid=23262569|date=24 novembre 2007|tri=Ray, Satyajit}}
Ligne 480 : Ligne 485 :
[[Catégorie:Producteur indien de cinéma]]
[[Catégorie:Producteur indien de cinéma]]
[[Catégorie:Compositeur indien de musique de film]]
[[Catégorie:Compositeur indien de musique de film]]
[[Catégorie:Écrivain indien]]
[[Catégorie:Écrivain indien du XXe siècle]]
[[Catégorie:Auteur indien de roman policier]]
[[Catégorie:Auteur indien de roman policier]]
[[Catégorie:Nouvelliste indien]]
[[Catégorie:Nouvelliste indien]]
Ligne 491 : Ligne 496 :
[[Catégorie:Lauréat du prix Dadasaheb Phalke]]
[[Catégorie:Lauréat du prix Dadasaheb Phalke]]
[[Catégorie:Récipiendaire de la Bharat Ratna]]
[[Catégorie:Récipiendaire de la Bharat Ratna]]
[[Catégorie:Personnalité de la musique classique décorée de la Légion d'honneur]]
[[Catégorie:Personnalité liée à la musique classique décorée de la Légion d'honneur]]
[[Catégorie:Docteur honoris causa de l'université de Calcutta]]
[[Catégorie:Docteur honoris causa de l'université de Calcutta]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université de Calcutta]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université de Calcutta]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université Visva-Bharati]]
[[Catégorie:Étudiant de l'université Visva-Bharati]]
[[Catégorie:Tollywood (bengali)]]
[[Catégorie:Bharata natyam]]
[[Catégorie:Lauréat du prix Sangeet Natak Akademi]]
[[Catégorie:Naissance en mai 1921]]
[[Catégorie:Naissance en mai 1921]]
[[Catégorie:Naissance à Calcutta]]
[[Catégorie:Naissance à Calcutta]]
Ligne 500 : Ligne 508 :
[[Catégorie:Décès à Calcutta]]
[[Catégorie:Décès à Calcutta]]
[[Catégorie:Décès à 70 ans]]
[[Catégorie:Décès à 70 ans]]
[[Catégorie:Tollywood (bengali)]]
[[Catégorie:Mort d'une maladie]]
[[Catégorie:Bharata natyam]]
[[Catégorie:Personnalité indienne incinérée]]
[[Catégorie:Lauréat du prix Sangeet Natak Akademi]]

Version du 11 avril 2024 à 19:33

Satyajit Ray
সত্যজিৎ রায়
Description de cette image, également commentée ci-après
Portrait de Satyajit Ray en 1981.
Naissance
Calcutta, Drapeau de l'Empire britanniques des Indes Raj britannique
Nationalité Drapeau de l'Inde Indien
Décès (à 70 ans)
Calcutta, Bengale-Occidental
Profession Réalisateur
Scénariste
Compositeur
Films notables La Complainte du sentier
L'Invaincu
Le Monde d'Apu
Le Salon de musique
Charulata
Les Joueurs d'échecs

Satyajit Ray (সত্যজিৎ রায় en bengali Écouter) est un réalisateur, écrivain et compositeur indien bengali, né le à Calcutta et mort le dans la même ville.

Né dans une famille aisée, d'un père écrivain et poète majeur de la littérature bengalie, Sukumar Ray (en), il reçoit une bonne éducation, en héritier de la Renaissance bengalie. Il étudie au Presidency college, avant de rejoindre l'université Visva-Bharati, fondée par le poète Rabindranath Tagore à Santiniketan.

D'abord maquettiste publicitaire, il fonde en 1942 un ciné-club à Bombay, puis la Calcutta Film Society (en) en 1947 : cinéastes américains comme européens y sont projetés, notamment les néo-réalistes qui font forte impression. C'est la rencontre avec le cinéaste français Jean Renoir, lors du tournage en Inde du film Le Fleuve, et le visionnage du film italien néo-réaliste Le Voleur de bicyclette, lors d'un voyage à Londres, qui le décident à se lancer dans la réalisation cinématographique, alors qu'il exerce le métier d'illustrateur dans une maison d'édition.

Inspiré par le roman Pather Panchali de Bibhutibhushan Bandopadhyay, il décide d'en faire un film, La complainte du sentier (1955) et le tourne en décor réel, faisant appel à des amis pour tenir les rôles d'acteurs, et le finançant tout seul[1]. À court de fonds, il obtient du gouvernement du Bengale un prêt qui lui permet d'achever le film. C'est un succès tant artistique que commercial, et Ray reçoit un prix en 1956 au Festival de Cannes, faisant découvrir au monde l'industrie cinématographique indienne.

Le cinéma de Ray est réaliste ; ses premiers travaux sont pleins de compassion et d'émotion ; son travail postérieur est plus politisé et parfois cynique, mais il y infuse toujours son humour typique.

Ray a réalisé trente-sept films, parmi lesquels des courts et des longs métrages ainsi que des documentaires. Le premier film de Satyajit Ray, La Complainte du sentier, remporta onze distinctions internationales, dont le prix du document humain au Festival de Cannes 1956. C'est le premier volet de la trilogie d'Apu, qui sera suivi par Aparajito (L'Invaincu) et Apur Sansar (Le Monde d'Apu). Ray a exercé au cours de sa vie un large éventail de métiers, dont l'écriture de scénarios, le casting, la composition musicale de bandes originales, le tournage, la direction artistique, la conception et la réalisation de ses propres génériques et affiches publicitaires… En dehors du cinéma, il était écrivain, éditeur, illustrateur, graphiste et critique de cinéma. Il a remporté de nombreuses récompenses au cours de sa carrière, dont un Oscar pour son œuvre en 1992. Il a été décoré également de la Bharat Ratna, la plus haute distinction de l'Inde, en 1992.

Biographie

Jeunesse

La généalogie de Satyajit Ray peut être remontée jusqu'à dix générations[2]. Upendrakishore Ray Chowdhury (en), le grand-père de Ray, est écrivain, illustrateur, philosophe, éditeur et amateur d'astronomie[3]. C'est aussi un des chefs du Brahmo Samaj, un mouvement religieux et social réformateur du XIXe siècle au Bengale[4]. Sukumar Ray, le fils d'Upendrakishore, est un écrivain innovant en matière de poésie de l'absurde et de littérature enfantine, ainsi qu'un illustrateur et critique littéraire reconnu[3].

Ray naît à Calcutta de Sukumar et Suprabha Ray. Son père meurt alors qu'il a à peine trois ans, et la famille survit avec les maigres revenus de Suprabha. Plus tard, Ray étudie l'économie au Presidency College de Calcutta, bien que ses goûts le portent vers les beaux-arts. En 1940, sa mère le pousse à faire des études à l'université de Visva-Bharati, fondée par Rabindranath Tagore à Santiniketan. Ray est réticent à partir, d'une part à cause de son amour pour la ville de Calcutta, et d'autre part pour la piètre idée qu'il a de la vie intellectuelle à Santiniketan[5]. La persuasion de sa mère et le respect qu'il porte à Tagore ont finalement raison de ses préventions et le convainquent de tenter cette voie. Ray va à Santiniketan pour étudier les arts graphiques, mais également pour y admirer l'art oriental. Plus tard, il reconnaît avoir beaucoup appris des célèbres peintres Nandalal Bose[6] et Benode Behari Mukherjee (en), sur lesquels il réalise d'ailleurs un documentaire, The Inner Eye (L'Œil intérieur). Lors de ses visites des grottes d'Ajantâ, Ellorâ et Elephanta, Ray développe une grande admiration pour l'art indien[7].

Un jeune enfant indien, assis, souriant, les bras croisés.
Satyajit Ray enfant.
Un homme d'âge moyen, aux cheveux et barbe poivre et sel.
Photographie de Rabindranath Tagore, prise aux alentours de 1905 par Sukumar Ray, le père de Satyajit.

Ray quitte Santiniketan en 1943, avant d'avoir achevé son cursus de cinq ans et rentre à Calcutta, où il trouve un emploi dans une agence de publicité britannique, D. J. Keymer. Il est embauché comme junior visualiser (créateur junior) et ne gagne que 80 roupies par mois. Bien que la partie artistique de ce travail soit chère au cœur de Ray, et qu'il soit bien traité d'une manière générale, il règne dans cette entreprise une certaine tension entre les employés britanniques et indiens (les premiers étant bien mieux rémunérés), et Ray trouve que « les clients sont en général stupides[8] ». Autour de 1943, Ray est engagé par Signet Press, une nouvelle maison d'édition créée par D. K. Gupta. Gupta demande à Ray de créer les designs des couvertures de livres publiés et lui laisse une entière liberté artistique. Ray réalise les couvertures de nombreux ouvrages, dont Man-Eaters of Kumaon (Les Mangeurs d'hommes de Kumaon), un livre écrit par le chasseur naturaliste Jim Corbett sur les tigres et léopards, ainsi que Discovery of India (Découverte de l'Inde) de Jawaharlal Nehru. Il travaille aussi sur une adaptation pour les enfants de Pather Panchali, un roman bengali classique de Bibhutibhushan Bandopadhyay, qu'il rebaptise Am Antir Bhepu (Le Sifflet en noyau de mangue). Cette œuvre influence profondément Ray, et va devenir le sujet de son premier film. En plus de la couverture, il illustre le livre ; nombre de ces dessins trouvent leur place dans son film initial[9].

Puis, avec Chidananda Das Gupta et d'autres, il crée la Calcutta Film Society en 1947, un ciné-club où sont projetés de nombreux films étrangers. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il se lie d'amitié avec des GIs américains stationnés à Calcutta, qui de retour chez eux le tiennent au courant de l'actualité cinématographique. Il côtoie également un employé de la RAF, Norman Clare, avec qui il partage la passion des films, du jeu d'échecs et de la musique classique occidentale[10]. En 1949, Ray épouse Bijoya Das (en), une cousine éloignée et amour de toujours. De cette union naît un fils, Sandip (en), qui est devenu à son tour un grand cinéaste. La même année, Jean Renoir vient à Calcutta pour tourner son film Le Fleuve. Ray l'aide à trouver des lieux de tournage en extérieur et lui expose à le projet qu'il a en tête depuis un certain temps : tourner Pather Panchali. Renoir l'encourage à le réaliser[11]. En 1950, Ray est envoyé à Londres par D. J. Keymer pour travailler au siège social. Durant son séjour de trois mois, il regarde 99 films. Parmi eux, le film italien néoréaliste, Le Voleur de bicyclette, réalisé en 1948 par Vittorio De Sica, lui fait forte impression. Ray dit plus tard qu'il est sorti de la séance avec la ferme intention de devenir réalisateur[12].

Les années Apu (1950-1958)

Ray décide donc que Pather Panchali, le roman d'apprentissage classique de la littérature bengalie, publié en 1928 par Bibhutibhushan Bandopadhyay, va être le thème de son premier film. Ce roman semi-autobiographique décrit la jeunesse d'Apu, un petit garçon d'un village du Bengale[13],[14].

Ray réunit ensuite autour de lui une équipe inexpérimentée, dont le caméraman Subrata Mitra et le directeur artistique Bansi Chandragupta (en), qui vont connaître de belles carrières par la suite. Côté acteurs, le casting est principalement constitué d'amateurs. Les prises commencent fin 1952, financées par les fonds propres de Ray. Il espère alors qu'une fois ces premières prises réalisées, il va pouvoir trouver des fonds pour poursuivre le projet. Un tel mode de financement n'est pas évident, aussi ''Pather Panchali est-il tourné sur une période exceptionnellement longue, pendant trois ans, avec des prises organisées de temps en temps, au gré des disponibilités financières obtenues par Ray ou Anil Chowdhury, le directeur de production. Avec un prêt du gouvernement du Bengale-Occidental, le film est finalement terminé et peut sortir en 1955. Il est reçu très favorablement par la critique et rencontre un grand succès populaire, remportant de nombreux prix. Il est largement diffusé, aussi bien en Inde qu'à l'étranger. Pendant le montage, Ray refuse de se plier aux demandes émanant de ses financeurs, désireux de modifier le scénario ou de surveiller le producteur. Il ignore également le conseil du gouvernement — qui finance tout de même le film — d'inclure une fin heureuse, dans laquelle la famille d'Apu rejoint un projet de développement[15]. Quand Ray montre une scène du film à John Huston, venu en Inde en repérage pour le tournage de L'Homme qui voulut être roi, l'enthousiasme de ce dernier est encore plus précieux que les encouragements de Renoir. Il s'agit de la scène mémorable qui expose la vision qu'ont Apu et sa sœur du train traversant la campagne. C'est alors la seule que Ray a pu monter, compte tenu de son petit budget. Huston avertit Monroe Wheeler (en), du Museum of Modern Art de New York, qu'un talent majeur est en train de naître. En Inde, les réactions sont enthousiastes. Le Times of India écrit : « Il est absurde de le comparer avec n'importe quel cinéma indien […]. « Pather Panchali » est du pur cinéma[15] ». Au Royaume-Uni, Lindsay Anderson écrit une chronique élogieuse sur le film[15]. Malgré tout, les réactions ne sont pas uniformément positives. On rapporte ainsi que François Truffaut déclare : « Je ne veux pas voir un film de paysans qui mangent avec les doigts[16]. » Bosley Crowther, alors le plus influent critique du New York Times, écrit un article tellement hargneux que le distributeur aux États-Unis, Ed Harrison, pense qu'il va compromettre la sortie du film. Mais c'est le contraire qui se produit : Pather Panchali est particulièrement apprécié et connaît une longue diffusion[17],[18].

La carrière internationale de Ray commence réellement après le succès de son film suivant, Aparajito (L'Invaincu). Ce film narre la lutte sempiternelle entre les ambitions d'un jeune homme, Apu, et l'amour de sa mère. Nombre de critiques, dont Mrinal Sen et Ritwik Ghatak, le classent un cran au-dessus du premier opus. Aparajito remporte le Lion d'or à Venise. Avant d'achever sa trilogie, Ray réalise deux autres films, la comédie La Pierre philosophale (Parash Pathar), puis Le Salon de musique (Jalsaghar), un film sur la décadence des Zamindars, considéré comme une de ses œuvres les plus importantes[19].

Tandis qu'il réalise Aparajito, Ray ne pense pas encore à une trilogie, mais cette idée lui vient quand on lui pose la question à Venise[20]. Le dernier volet, Apur Sansar (Le Monde d'Apu), est réalisé en 1959. Comme pour les deux précédents opus, nombre de critiques le considèrent comme le couronnement de la trilogie[21] (Robin Wood (en), Aparna Sen). Ray y fait jouer deux de ses acteurs favoris, Soumitra Chatterjee et Sharmila Tagore. Au début de l'intrigue, Apu vit dans une insignifiante maison de Calcutta, à la limite de la misère. Il contracte avec Aparna un mariage peu ordinaire, et les scènes de leur vie commune forment « un des classiques du cinéma en matière de description de la vie de couple[22] », mais une tragédie s'ensuit. À la suite d'un article sévère d'un critique bengali, Ray répond en écrivant à son tour un papier pour défendre son film, fait rare dans sa carrière de réalisateur — l'autre occurrence notable se produira avec Charulata, son favori[23]. Le succès a peu de répercussions sur sa vie personnelle pendant les années qui suivent : il continue à vivre avec sa mère, son oncle et d'autres membres de sa famille dans une maison de location[24].

De Devi à Charulata (1959-1964)

Durant cette période, Ray compose des films sur le Raj (comme Devi), un documentaire sur Tagore, une comédie (Mahapurush) et son premier film basé sur un scénario original (Kanchenjungha). Il réalise aussi une série de films qui, pris ensemble, sont considérés par les critiques comme la représentation à l'écran la plus aboutie des femmes indiennes[25].

Après Apur Sansar, Ray enchaîne avec Devi (la Déesse), un film dans lequel il aborde les superstitions dans la société hindoue. Sharmila Tagore interprète Doyamoyee, une jeune femme divinisée par son beau-père. Ray s'inquiète d'un éventuel blocage du film par le bureau de la censure, ou d'être forcé de couper certaines scènes, mais finalement le film est épargné. En 1961, sur l'insistance du premier ministre Jawaharlal Nehru, Ray est engagé pour réaliser un documentaire sur Rabindranath Tagore, à l'occasion du centenaire de la naissance du poète. C'est un hommage à la personne qui l'influence probablement le plus. Avec la contrainte d'une longueur limitée de bandes disponibles de Tagore, Ray relève le défi de construire un film essentiellement à partir de matériaux statiques, et note que cela représente une somme de travail supérieure à trois films classiques[26]. Au cours de la même année, avec Subhas Mukhopadhyay (en) et d'autres, Ray est en mesure de faire revivre Sandesh, le magazine pour enfants que son grand-père a lancé. Ray épargne pendant plusieurs années pour rendre possible ce projet[27]. La polysémie du titre (Sandesh signifie « nouvelles » en bengali et désigne aussi un dessert sucré apprécié au Bengale) donne le ton du magazine, à la fois éducatif et divertissant. Ray se retrouve en personne à illustrer le magazine et à écrire des histoires et des essais pour les enfants. L'écriture devient sa principale source de revenus au cours des années suivantes[28].

En 1962, Ray réalise Kanchenjungha, son premier scénario original, et premier film en couleurs. Il s'agit de l'histoire d'une famille bourgeoise, qui séjourne à Darjeeling, une pittoresque ville sur une colline du Bengale-Occidental, dans laquelle la famille tente de lier sa plus jeune fille à un ingénieur jouissant d'une bonne situation, et ayant étudié à Londres. Initialement conçu pour se dérouler dans un grand manoir, le film est finalement tourné sur la célèbre ville à flanc de colline, Ray décidant d'utiliser les nombreuses ombres et lumières, ainsi que les brumes, pour refléter la tension du drame. C'est un Ray amusé qui relève que, tandis que son scénario permet de filmer avec toutes les conditions de lumière possibles, l'équipe de réalisation d'un film commercial présente à Darjeeling au même moment échoue à effectuer la seule prise qu'elle est venue faire, et qui réclame un plein soleil[29].

Panorama d'une ville à flanc de colline dans le fond, herbe et arbres à l'avant-plan.
Ray a su tirer parti du jeu d'ombres et de lumières, ainsi que des brumes de Darjeeling, pour refléter les émotions des personnages de Kanchenjungha.

Pendant les années 1960, Ray visite le Japon et prend un plaisir particulier à y rencontrer le réalisateur Akira Kurosawa, pour lequel il a beaucoup de respect[30].

En 1964, Ray réalise Charulata (L'Épouse délaissée), l'apogée de cette période de création artistique, et considérée comme beaucoup de critiques comme son meilleur film[31]. S'appuyant sur Nastanirh, une nouvelle de Tagore, le film raconte l'histoire d'une épouse délaissée (Charu) dans le Bengale du XIXe siècle, et de ses sentiments grandissants pour son beau-frère Amal. Souvent cité comme chef-d'œuvre mozartien de Ray, le cinéaste lui-même en dit que c'est celui qui contient le moins de défauts de son œuvre, et que s'il avait la possibilité de le refaire, il le referait à l'identique[32]. L'interprétation de Charu par Madhabi Mukherjee, ainsi que le travail de Subrata Mitra et Bansi Chandragupta ont été primés à plusieurs reprises. Parmi les autres films de cette période on trouve Mahanagar (La Grande Ville), Teen Kanya (Trois Filles), Abhijan (L'Expédition) et Kapurush o Mahapurush (Le Lâche et le Saint)[33],[34].

Nouvelles orientations (1965–1982)

Dans la période qui suit Charulata, Ray explore une grande variété de genres, allant de la fantasy à la science-fiction, en passant par le policier et le drame historique. Ray procède également à de nombreuses expérimentations de forme au cours de cette période. Il prend aussi davantage en compte les préoccupations de la société indienne contemporaine, comblant ainsi une lacune de ses précédents films en la matière. Le premier film majeur de cette phase est Nayak (Le Héros), l'histoire d'une vedette de cinéma qui voyage en train, et rencontre une jeune journaliste sympathique. Avec Uttam Kumar et Sharmila Tagore dans les premiers rôles, le film explore, au cours des 24 heures de voyage, le conflit intérieur de l'idole naissante, à la réussite apparente. Malgré un prix décerné par la critique à Berlin, le film rencontre un succès mitigé[35].

En 1967, Ray écrit un scénario pour un film intitulé The Alien, d'après sa nouvelle Bankubabur Bandhu (L'Ami de Banku Babu), écrite en 1962 pour Sandesh, le magazine familial. The Alien doit être une coproduction américano-indienne, produite par Columbia Pictures avec Peter Sellers et Marlon Brando comme têtes d'affiche. Toutefois, Ray est surpris de découvrir que le script qu'il a écrit fait l’objet d’un copyright et que les droits sont déposés. Par la suite, Brando est écarté du projet, et malgré une tentative de le remplacer par James Coburn, Ray rentre désabusé à Calcutta[36],[37]. La Columbia exprime plusieurs fois le souhait de relancer ce projet au cours des années 1970 et 1980, mais rien n'en sort. Quand E.T. l'extra-terrestre sort sur les écrans en 1982, Ray voit des ressemblances avec son script original — Ray analyse l'échec du projet dans un numéro de Sight & Sound de 1980, et d'autres détails supplémentaires sont fournis par son biographe Andrew Robinson (en) (dans The Inner Eye, paru en 1989). Ray est convaincu que le film de Spielberg n'aurait pas été possible sans son scénario, disponible en Amérique sous forme de photocopies (une accusation que Spielberg récuse)[38].

En 1969, Ray réalise ce qui sera son plus grand succès commercial. S'appuyant sur un conte pour enfant écrit par son grand-père, Goopy Gyne Bagha Byne (Les Aventures de Goopy et Bagha) est une histoire musicale appartenant au genre fantasy[39]. Goopy le chanteur et Bagha le percussionniste, munis de trois os prêtés par le roi des fantômes, entament un périple fantastique pour tenter d'empêcher le déclenchement d'une guerre imminente entre deux royaumes voisins. L'une de ses réalisations les plus coûteuses, ce film s'avère très difficile à financer. Ray finit par renoncer à tourner en couleurs, refusant une proposition qui l'aurait obligé à donner le rôle principal à un certain acteur du Bollywood[40]. Ensuite, Ray signe un film inspiré du roman d'un jeune poète écrivain, Sunil Gangopadhyay. Comportant une structure musicale appréciée comme plus complexe que celle de Charulata[41], Aranyer Din Ratri (Des jours et des nuits dans la forêt) suit quatre jeunes hommes urbains allant passer leurs congés en forêt, pour essayer de laisser derrière eux leur existence insignifiante en ville. Presque tous font des rencontres significatives avec des femmes, ce que les critiques considèrent comme une étude révélatrice de la classe moyenne en Inde[42].

Photo ancienne d'une rue. Des bâtiments sur la gauche et de nombreuses personnes, ainsi que des véhicules, circulent.
L'effervescence de la ville de Calcutta constitue pour Ray à la fois un décor de choix et une source d'inspiration.

Après Aranyer, Ray fait une incursion dans la réalité bengalie, alors en pleine effervescence sous l'influence du mouvement d'extrême gauche naxalite. Il achève la trilogie de Calcutta : Pratidwandi (1970), Seemabaddha (1971), et Jana Aranya (1975), trois films conçus séparément, mais dont les connexions thématiques constituent une sorte de trilogie. Pratidwandi (L'Adversaire) traite d'un jeune diplômé idéaliste qui, bien qu'ayant perdu ses illusions, reste intègre jusqu'à la fin du film. Suit Jana Aranya (L'Intermédiaire), ou comment un jeune homme sombre petit à petit dans le monde de la corruption pour gagner sa vie. Enfin Seemabaddha (Company Limited en anglais) traite d'un homme prospère qui renonce à la morale pour s'enrichir davantage. Le premier d'entre eux, Pratidwandi, utilise un style de narration elliptique encore jamais vu dans les films de Ray, faisant appel à des scènes en négatif, des séquences oniriques et d'abrupts flashbacks. Dans les années 1970, Ray adapte aussi deux de ses histoires populaires en films policiers. Principalement destinés à un public d'enfants et de jeunes adultes, aussi bien Sonar Kella (La Forteresse d'or) que Joy Baba Felunath (Le Dieu Éléphant) trouvent bon accueil chez quelques critiques[43].

Ray envisage de faire un film sur la guerre de libération du Bangladesh, mais abandonne ensuite cette idée, expliquant qu'en tant que réalisateur il est davantage intéressé par les efforts et les périples des réfugiés que par les politiques[44]. En 1977, Ray termine Shatranj Ke Khiladi (Les Joueurs d'échec), un film en ourdou d'après une nouvelle de Munshi Premchand, qui se passe à Lucknow dans la région de l'Awadh, un an avant la révolte des Cipayes (1857). Commentaire sur les circonstances qui ont permis la colonisation de l'Inde par les Britanniques, c'est le premier long métrage de Ray dans une langue autre que le bengali. Il s'agit aussi du plus gros budget et de celui qui rassemble le plus de vedettes, parmi lesquelles Sanjeev Kumar, Saeed Jaffrey, Amjad Khan, Shabana Azmi, Victor Banerjee et Richard Attenborough. Ray réalise une suite à Goopy Gyne Bagha Byne en 1980, le quelque peu exagérément politique Hirak Rajar Deshe (Le Royaume des diamants) — où le royaume du diabolique roi des diamants ou Hirok Raj est une allusion à l'Inde durant l'état d'urgence décrété par Indira Gandhi[45].

La dernière période (1983-1992)

En 1983, tandis qu'il travaille sur Ghare Baire (La Maison et le Monde), Ray est frappé par une crise cardiaque qui limitera sérieusement ses activités pendant les neuf années qui lui restent à vivre. Ghare Baire est achevé en 1984 avec l'aide de son fils (qui passe derrière la caméra à partir de ce moment), à cause de sa santé. Il désire depuis longtemps mettre à l'écran ce roman de Tagore qui traite des dangers du nationalisme et en a écrit le scénario (du moins une première ébauche selon ses dires) dans les années 1940[46]. Malgré les difficultés dues à la maladie de Ray, le film reçoit quelques éloges ; le critique Vincent Canby donne au film une note maximale de cinq étoiles et loue les performances des trois acteurs principaux[47]. En 1987, il réalise un documentaire sur son père, Sukumar Ray[48].

Les trois derniers films de Ray, réalisés après son rétablissement et avec des restrictions d'ordre médical, sont essentiellement tournés en intérieur, et ont un style qui leur est propre. Ils sont plus verbeux que ses films précédents et en général considérés comme inférieurs à son œuvre antérieure. Le premier, Ganashatru (Un ennemi du peuple), est une adaptation de la célèbre pièce d'Henrik Ibsen, et considéré comme le plus moyen des trois[49]. Ray retrouve une partie de sa forme en 1990, dans le film Shakha Proshakha (Les Branches de l'arbre)[50]. Dans celui-ci, un vieillard, après une vie honnête, en vient à apprendre la corruption à laquelle se livrent trois de ses fils. La scène finale le montre trouvant du réconfort dans la compagnie de son quatrième fils, non corrompu mais malade mental[51]. Après Shakha Prashakha, c'est le chant du cygne de Ray : Agantuk (Le Visiteur), d'humeur plus légère, mais grave dans le thème. La visite impromptue d'un oncle perdu de vue depuis longtemps à sa nièce, dans sa maison de Calcutta, fait croître la suspicion quant à ses raisons et soulève un éventail de questions à propos de la civilisation[52]. Le critique Hal Hinson est impressionné et estime qu'Agantuk présente « toutes les vertus d'un maître artiste en pleine maturité »[53].

Mort

En 1992, l'état de santé de Ray se détériore à cause de complications cardiaques. Il entre à l'hôpital et ne se rétablira jamais[54]. Quelques semaines avant sa mort, il reçoit un Oscar honorifique, alors qu'il est gravement malade[55].

Il meurt le à Calcutta, à l'âge de 70 ans. Il est incinéré[56],[57].

Style cinématographique

Satyajit Ray a toujours considéré l'écriture scénaristique comme partie intégrante de la réalisation. C'est une des raisons pour lesquelles il a longtemps refusé de faire des films dans une autre langue que le bengali. Pour ses deux longs métrages qui font exception à cette règle, il écrit le scénario en anglais, puis supervise la traduction pour qu'il puisse être joué en hindi ou en ourdou. Le coup d'œil particulier de Ray pour les détails est en accord avec celui de son directeur artistique Bansi Chandragupta (en). L'influence de ce dernier sur les premiers films de Ray est si importante que Ray écrit toujours ses scénarios en anglais avant de créer la version bengalie, de manière que Chandragupta, non bengalophone, puisse les lire. Le travail de la caméra dans les premières œuvres de Ray suscite de nombreuses admirations pour l'habileté de Subrata Mitra. Son départ de l'équipe de Ray, selon nombre de critiques, diminue la qualité de la prise de vue dans les films[35]. Bien que Ray ne se cache pas pour féliciter Mitra, sa ténacité le pousse à prendre les commandes de la caméra à partir de Charulata, ce qui fait que Mitra cesse de travailler pour lui après 1966. Parmi les innovations de Subrata Mitra, on trouve le bounce lighting, une technique d'éclairage qui fait réfléchir la lumière sur une toile pour créer un éclairage diffus et réaliste, y compris sur un plateau. D'autre part, Ray reconnaît volontiers sa dette envers Jean-Luc Godard et François Truffaut de la Nouvelle Vague pour avoir introduit de nouvelles techniques et des innovations cinématographiques[58].

Bien que Ray ait un monteur fidèle en la personne de Dulal Datta (en), il donne habituellement ses instructions pendant que Datta opère les modifications, en temps réel. En effet, pour des raisons financières et d'organisation méticuleuse inhérentes au caractère de Ray, ses films sont pour la plupart coupés « sur la caméra » (à l'exception notable de Pather Panchali). Au début de sa carrière, Ray travaille avec des musiciens indiens classiques, parmi lesquels Ravi Shankar, Vilayat Khan et Ali Akbar Khan. Néanmoins, l'expérience lui est douloureuse quand il s'aperçoit que la première loyauté de ceux-ci va aux traditions musicales, et non à ses films. Ainsi, son fort désir d'utiliser des rythmes classiques occidentaux, qu'il considère comme essentiels, en particulier pour ses films tournés en milieu urbain, est dans l'impasse[59]. Cela le conduit à composer ses propres mélodies à partir de Teen Kanya. Ray fait appel à des acteurs d'expériences très diverses, allant de célébrités du cinéma à des gens qui n'ont jamais vu un film de leur vie (comme dans Aparajito)[60]. Robin Wood et d'autres le célèbrent comme le meilleur metteur en scène des rôles enfantins, soulignant ses performances mémorables avec Apu et Durga (Pather Panchali), Ratan (Postmaster) et Mukul (Sonar Kella). Selon le degré d’expérience de l'acteur, les instructions de Ray peuvent varier de quasiment rien (acteurs comme Utpal Dutt (en)) à l'emploi de l'acteur comme une marionnette (Subir Banerjee (en) interprétant Apu ou Sharmila Tagore jouant Aparna). Selon les acteurs qui ont travaillé pour lui, sa confiance habituelle dans les acteurs était à l'occasion remplacée par sa capacité à payer l'incompétence d'un mépris total[61].

Accueil de la critique et du public

L'œuvre de Ray est décrite comme un écho aux valeurs d'humanisme et d'universalité, d'une simplicité trompeuse avec une profonde complexité sous-jacente[62],[63]. Nombreux sont ceux qui la couvrent de louanges. Même Akira Kurosawa sa prête à ce jeu en déclarant : « Ne pas avoir vu le cinéma de Ray revient à exister dans le monde sans avoir vu le soleil ou la lune[31]. » Ses détracteurs, en revanche, trouvent ses films glacialement lents, progressant comme un « serpent majestueux[31] ». Certain trouvent son humanisme naïf, et son œuvre anti-moderne, et prétendent qu'elle pèche par manque de nouveaux modes d'expression ou d'expérimentations, que l'on trouve chez des contemporains de Ray, comme Jean-Luc Godard. Comme l'écrit Stanley Kauffman (en), certains critiques sont convaincus que Ray « part du principe [que les spectateurs] peuvent s'intéresser à un film qui s’attarde simplement sur ses personnages plutôt que d’imposer des schémas dramatiques à leurs vies[64] ». Ray en personne explique qu'il ne peut rien pour ce qui est de la lenteur, et Kurosawa le défend en déclarant : « Ils [les films de Ray] ne sont pas lents du tout. Son œuvre peut être décrite comme un calme écoulement, semblable à celui d'un large fleuve[65] ».

Les critiques ont souvent comparé Ray à d'autres artistes du cinéma ou d'autres médias, comme Anton Tchekhov, Renoir, De Sica, Howard Hawks ou Mozart. Shakespeare a été également cité[22],[66], par exemple par l'écrivain V. S. Naipaul, qui compare une scène de Shatranj Ki Khiladi (Les Joueurs d'échecs) à un jeu shakespearien : « Seulement trois cents mots sont prononcés mais, bonté divine ! — des choses terrifiantes se produisent[67] ». Il est généralement admis, y compris par ceux qui ne sont pas sensibles à l'esthétique des films de Ray, que c'est un cinéaste hors pair pour ce qui est de saisir une culture dans son ensemble et avec toutes ses nuances à travers ses films. Un sentiment que traduit The Independent, dans la rubrique nécrologique, en s'exclamant : « Qui d'autre peut relever ce défi[68] ? ».

Début 1980, Ray est ouvertement critiqué par une députée du parlement indien, et ex-actrice : Nargis Dutt accuse Ray d'« exporter la pauvreté » et lui demande de faire des films qui représentent l'Inde moderne[69]. D'un autre côté, une accusation courante formulée à son encontre par les tenants du socialisme indien est qu'il n'est pas assez engagé dans la défense de la cause des classes opprimées. Certains commentateurs l'accusent de glorifier la pauvreté dans Pather Panchali et Asani Sanket à travers le lyrisme et l'esthétique. Il est aussi accusé de ne pas fournir de résolution aux conflits de ses histoires, et de ne pas parvenir à dépasser ses origines bourgeoises. Durant les troubles des mouvements naxalites des années 1970, son fils Sandip échappe de peu à une blessure[70]. Dans un débat public des années 1970, Ray et le cinéaste ouvertement marxiste Mrinal Sen polémiquent. Sen le critique pour avoir engagé une starlette telle qu'Uttam Kumar, ce qu'il considère comme un compromis, ce à quoi Ray réplique en déclarant que Sen ne s'en prend qu'à des cibles faciles, c'est-à-dire aux classes moyennes bengalies. Sa vie privée n'est jamais un sujet de potins médiatiques, bien que certains lui prêtent une aventure avec Madhabi Mukherjee dans les années 1960[71].

Héritage artistique

Satyajit Ray est une icône culturelle en Inde et dans les communautés bengalies du monde entier. Il reçoit le prix Ramon Magsaysay en 1967 pour sa façon de véhiculer une image fidèle de l'Inde[72]. Après sa mort, l'agitation de la ville de Calcutta est comme suspendue, tandis que des centaines de milliers de personnes se massent autour de sa maison afin de lui rendre un dernier hommage[73]. L'influence de Satyajit Ray sur le cinéma bengali est large et profonde : nombre de réalisateurs, parmi lesquels on peut citer Aparna Sen, Rituparno Ghosh, Goutam Ghose, Tareque Masud et Tanvir Mokammel au Bangladesh, sont influencés par sa manière de faire des films. De l'autre côté de l'échiquier, des cinéastes tels Buddhadev Dasgupta, Mrinal Sen[74] et Adoor Gopalakrishnan reconnaissent sa contribution à la genèse du cinéma indien. En dehors de l'Inde, des réalisateurs comme Martin Scorsese[75], James Ivory[76], Abbas Kiarostami et Elia Kazan auraient été influencés par son style cinématographique. Forty Shades of Blue, réalisé par Ira Sachs en 2005, est un remake assez libre de Charulata, et dans le film My Family de 1995, la scène finale est calquée sur la fin d'Apur Sansar. Des références similaires aux films de Ray sont présentes, par exemple, dans des œuvres récentes telles Sacred Evil[77], la trilogie des éléments (en) (Fire, Earth et Water) de Deepa Mehta et même dans des films de Jean-Luc Godard[78].

Le personnage Apu Nahasapeemapetilon de la série télévisuelle américaine en dessin animé Les Simpson est ainsi nommé en hommage à Ray. Simultanément avec Madhabi Mukherjee, Ray est la première personnalité du cinéma indien à avoir un timbre étranger à son effigie, en Dominique. De nombreuses œuvres littéraires contiennent des références à Ray ou à ses réalisations, parmi lesquelles Herzog, le roman de Saul Bellow et Youth, de J. M. Coetzee. Dans Haroun et la mer des Histoires, de Salman Rushdie, deux poissons se nomment Goopy et Bagha, un hommage au film de fantasy de Ray. En 1993, l'UC Santa Cruz fonde la collection des Films et Études de Satyajit Ray, et en 1995, le gouvernement indien crée l'Institut d'étude cinématographique et télévisuel Satyajit Ray, pour les études en lien avec le cinéma. En 2007, la BBC annonce que deux histoires de Feluda vont bientôt être adaptées sous forme radiophonique[79]. Lors du festival du film de Londres, un Satyajit Ray Award récompense le réalisateur dont le premier métrage rend le mieux « le talent artistique, la compassion et l'humanité de la vision de Ray »[80].

Filmographie

Satyajit Ray est surtout connu comme réalisateur. Toutefois, c'est aussi un auteur, qui a écrit des histoires et des scénarios, ainsi qu'un compositeur de musiques et un producteur, en plus d'autres fonctions annexes dans quelques films (il a par exemple été l'assistant de Jean Renoir lors du tournage du film Le Fleuve)[81],[82].

La plupart des films de Satyajit Ray mettent en scène la disparition d'un monde très majoritairement rural et le monde impitoyable de la ville (Calcutta) qui étend ses tentacules sur la campagne[83].

Œuvre littéraire

Ray est à l'origine de deux personnages très populaires de la littérature enfantine bengalie : Feluda (en), un détective, et le Professeur Shonku (en), un scientifique. Il compose des nouvelles, qui sont publiées par douze, sous forme de recueils, dont le titre est toujours un jeu de mots sur le terme « douze » (par exemple Eker pitthe dui, littéralement « deux en sus d'un »). L'intérêt de Ray pour les énigmes et les calembours se retrouve dans ses histoires : Feluda doit souvent résoudre un casse-tête pour venir à bout d'un cas. Les histoires de Feluda sont racontées par son cousin Topse, un peu l'équivalent du Docteur Watson pour Sherlock Holmes. Les histoires de science-fiction du Pr Shonku sont présentées sous la forme du journal du scientifique, découvert après sa mystérieuse disparition. Dans ces nouvelles, Ray donne libre cours à son penchant pour le macabre, le suspense, et d'autres aspects qu'il évite dans ses films, donnant là matière à une intéressante étude psychologique[84].

La plupart de ses scénarios sont publiés en bengali dans le journal littéraire Eksan. Ray écrit en 1982 son autobiographie, incluant son enfance Jakhan Choto Chilam (en) (1982)[85] ainsi que des essais sur le cinéma : Our Films, Their Films (Nos films, leurs films) ainsi que Bishoy Chalachchitra (en) en 1976, Ekei Bole Shooting (en) en 1979. Au milieu des années 1990, les essais de Ray et une anthologie de ses nouvelles sont publiés en Occident. Our Films, Their Films est une anthologie des critiques de films faites par Ray. L'ouvrage contient des articles ainsi que des extraits de son journal personnel. Il est en deux parties, la première traitant du cinéma indien, la seconde s'intéresse à Hollywood et à certains réalisateurs internationaux (Charlie Chaplin, Akira Kurosawa) ainsi qu'à des mouvements, tels le néoréalisme italien. Ce livre parait en France dès 1982, traduit de l'anglais par Tony Mayer pour Lattes éd. Son livre Bishoy Chalachchitra est traduit en anglais en 2006 sous le titre Speaking of Films. Il contient une description synthétique de sa philosophie et des différents aspects du cinéma[86]. Ray écrit également un recueil de vers fantaisistes intitulé Today Bandha Ghorar Dim (en), parmi lesquels figure une traduction du Jabberwocky de Lewis Carroll[87]. Il est aussi l'auteur d'une série d'histoires drôles en bengali sur Mollah Nasiruddin[88].

Satyajit Ray a également conçu deux polices de caractères, baptisées Ray Roman et Ray Bizarre. Ray Roman remporte une compétition internationale en 1970. Dans certains cercles de Calcutta, Ray continue à être connu comme un graphiste hors pair, indépendamment de sa carrière de réalisateur. Ray a lui-même illustré tous ses livres, ainsi que leurs couvertures, de la même manière qu'il créait lui-même les affiches et le matériel promotionnel de ses films[89],[90].

Distinctions

Nombre de prix et récompenses furent décernés à Ray tout au long de sa vie. En obtenant le titre de docteur honoraire de l'Université d'Oxford, il est la seconde personnalité du monde du cinéma à être ainsi honorée, après Chaplin[91]. Il obtient le prix Dadasaheb Phalke en 1985[92]. En 1987, il est décoré de la Légion d'honneur par le président français François Mitterrand[93]. Peu avant sa mort, c'est le gouvernement indien qui lui remet la plus prestigieuse décoration civile, le Bharat Ratna[94]. Pour l'ensemble de son œuvre, l'Académie des arts et des sciences du cinéma a récompensé Ray d'un Oscar honoraire en 1992[95]. Il reçoit également à titre posthume l'Akira Kurosawa Award pour sa carrière de réalisateur lors du Festival du film de San Francisco : c'est l'actrice Sharmila Tagore qui le représente à cette occasion[96].

Notes et références

  1. Julien Rousseau, Hélène Kessous et Laure Bataillou, Bollywood Superstars: histoire d'un cinéma indien, France Muséums Kaph Books Department of Culture and Tourism, (ISBN 978-614-8035-51-7), p. 101.
  2. Marie Seton 1971, p. 36.
  3. a et b (en) Erik Barnouw, « Lives of a Bengal Filmmaker: Satyajit Ray of Calcutta », The Quarterly Journal of the Library of Congress, vol. 38, no 2,‎ , p. 60–77 (ISSN 0041-7939, lire en ligne, consulté le ).
  4. (en) Jhimli Mukherjee Pandey, « New publications to explore 'unknown' Upendrakishore », The Times of India,‎ (ISSN 0971-8257, lire en ligne, consulté le ).
  5. Andrew Robinson 2003, p. 46.
  6. Marie Seton 1971, p. 70.
  7. Marie Seton 1971, p. 71–72.
  8. Andrew Robinson 2003, p. 56–58.
  9. Andrew Robinson 2005, p. 38.
  10. Andrew Robinson 2005, p. 40–43.
  11. Andrew Robinson 2005, p. 42–44.
  12. Andrew Robinson 2005, p. 48.
  13. (en) Udayan Gupta et Satyajit Ray, « The Politics of Humanism: AN INTERVIEW WITH SATYAJIT RAY », Cinéaste, vol. 12, no 1,‎ , p. 24–29 (ISSN 0009-7004, lire en ligne, consulté le ).
  14. (en-GB) Stuart Jeffries, « Pather Panchali: No 12 best arthouse film of all time », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  15. a b et c Marie Seton 1971, p. 95.
  16. « Filmi Funda Pather Panchali (1955) », The Telegraph, (consulté le ).
  17. (en) Bosley Crowther, « Screen: Exotic Import; Pather Panchali' From India Opens Here », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne).
  18. Andrew Robinson 2003, p. 105.
  19. Derek Malcolm, « Satyajit Ray: The Music Room », guardian.co.uk, (consulté le ).
  20. Robin Wood 1972, p. 61.
  21. Adrien Gombeaud (sous la direction d'), Dictionnaire du cinéma asiatique, Nouveau monde (éditions), , 640 p. (ISBN 978-2-84736-359-3), La Trilogie d'Apu page 27 (par Hubert Niogret).
  22. a et b Robin Wood 1972.
  23. Satyajit Ray 1999, p. 13.
  24. Andrew Robinson 2003, p. 5.
  25. Steve Palopoli, « Ghost 'World' », metroactive.com (consulté le ).
  26. Andrew Robinson 2003, p. 277.
  27. Marie Seton 1971, p. 189.
  28. (en) Andrew Robinson, « Satyajit Ray: a moral attitude », British Film Insitute,‎ (lire en ligne).
  29. Andrew Robinson 2003, p. 142.
  30. (en-GB) « When Ray Met Kurosawa », sur Open The Magazine, (consulté le ).
  31. a b et c Andrew Robinson 2003, p. 157.
  32. Jay Antani, « Charulata », Slant magazine (consulté le ).
  33. (en-GB) Philip French, « The Big City – review », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le ).
  34. (en-GB) Dave Calhoun, « The Big City », sur Time Out Worldwide, (consulté le ).
  35. a et b Chidananda Das Gupta 1980, p. 91.
  36. Petra Neumann, « Biography for Satyajit Ray », Internet Movie Database Inc (consulté le ).
  37. KDG, « The Unmade Ray », Satyajit Ray Society (consulté le ).
  38. John Newman, « Satyajit Ray Collection receives Packard grant and lecture endowment », UC Santa Cruz Currents online, (consulté le ).
  39. (en) Rabi Banerjee, « Reimagining Goopy Gyne Bagha Byne, a Satyajit Ray cult classic », sur The Week, (consulté le ).
  40. Marie Seton 1971, p. 291–297.
  41. Robin Wood 1972, p. 13.
  42. (en) Satyajit Ray et Bert Cardullo, Satyajit Ray: interviews, University Press of Mississippi, coll. « Conversations with filmmakers series », (ISBN 978-1-57806-937-8 et 978-1-57806-936-1).
  43. Rushdie 1992.
  44. Andrew Robinson 2003, p. 206.
  45. Andrew Robinson 2003, p. 188–189.
  46. Andrew Robinson 2003, p. 66–67.
  47. (en) Vincent Canby, « Film: By Satyajit Ray », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne).
  48. (en) Vidysrthy Chatterjee, « Satyajit Ray's documentaries: A mixed bag », sur Frontline, (consulté le ).
  49. Chidananda Das Gupta 1980, p. 134.
  50. Andrew Robinson 2003, p. 353.
  51. « Les Branches de l'arbre - Film (1990) », sur SensCritique (consulté le ).
  52. Andrew Robinson 2003, p. 353-364.
  53. (en) Hal Hinson, « The Stranger (NR) », sur The Washington Post, (consulté le ).
  54. (en) « Sudhir Mishra remembers 'master' Satyajit Ray on death anniversary », sur The New Indian Express, (consulté le ).
  55. (en) « When Satyajit Ray accepted his Oscar award from a hospital bed in Kolkata: ‘Best achievement of my moviemaking career’ », sur The Indian Express, (consulté le ).
  56. Find a grave.
  57. (en) « Satyajit Ray dead », sur The Indian Express, (consulté le ).
  58. Abhijit Sen, « Western Influences on Satyajit Ray », Parabaas (consulté le ).
  59. Andrew Robinson 2003, p. 315–318.
  60. Satyajit Ray 1999, p. 100.
  61. Andrew Robinson 2003, p. 307.
  62. Derek Malcolm, « The universe in his backyard », guardian.co.uk, (consulté le ).
  63. Michael Sragow, « An Art Wedded to Truth », The Atlantic Monthly, (consulté le ).
  64. Andrew Robinson 2003, p. 352–353.
  65. Andrew Robinson 2003, p. 314-315.
  66. Roger Ebert, « The Music Room (1958) », suntimes.com, (consulté le ).
  67. Andrew Robinson 2003, p. 246.
  68. Andrew Robinson 2005, p. 13–14.
  69. Andrew Robinson 2003, p. 327–328.
  70. Andrew Robinson 2003, p. 205.
  71. Andrew Robinson 2003, p. 362.
  72. Ramon Magsaysay Award Foundation, « Ray, Satyajit », sur RMAF (consulté le ).
  73. Amitav Ghosh, « Satyajit Ray », Doom Online, (consulté le ).
  74. Mrinal Sen, « Our lives, their lives », Little Magazine (consulté le ).
  75. Chris Ingui, « Martin Scorsese hits DC, hangs with the Hachet », Hatchet, (consulté le ).
  76. Sheldon Hall, « Ivory, James (1928-) », Screen Online (consulté le ).
  77. Subhash K. Jha, « Sacred Ray », Telegraph India, (consulté le ).
  78. André Habib, « Before and After: Origins and Death in the Work of Jean-Luc Godard », Senses of Cinema, (consulté le ).
  79. Sudipta Datta, « Feluda goes global, via radio », Financial Express, (consulté le ).
  80. (en) « 60 years of awards at the London Film Festival – A brief history of the competition », sur BFI (consulté le ).
  81. (en) « Satyajit Ray | Biography, Movies, Awards, & Facts | Britannica », sur www.britannica.com, (consulté le ).
  82. (en) Ashoke Nag, « Ray-esque | Satyajit Ray’s French Connection », sur Firstpost, (consulté le ).
  83. Adrien Gombeaud, Dictionnaire du cinéma asiatique, Nouveau monde (éditions), , 640 p. (ISBN 978-2-84736-359-3), Satyajit RAY pages 439-441 (par Hubert Niogret).
  84. Ashis Nandy 1995.
  85. Satyajit Ray, Bijaẏā Rāẏa et Satyajit Ray, Childhood days: a memoir, Penguin Books, coll. « A Penguin original Autobiography », (ISBN 978-0-14-025079-4).
  86. (en) Renu Saran, History of Indian Cinema, Diamond Pocket Books Pvt Ltd, (ISBN 978-93-5083-651-4, lire en ligne).
  87. (en) Nimi Kurian, « Ray of sunshine », The Hindu,‎ (ISSN 0971-751X, lire en ligne, consulté le ).
  88. (en) Uddalak Mukherje, « The wisest fool », sur www.telegraphindia.com, (consulté le ).
  89. (en) Sudipta Datta, « The Ray show goes on », sur Financialexpress, (consulté le ).
  90. Andrew Robinson 2003, p. 57.
  91. Andrew Robinson 2003, p. 1.
  92. « Awards Won by Satyajit Ray », sur www.thecolorsofindia.com (consulté le ).
  93. « 30 years after Satyajit Ray, French honour for his Apu », The Times of India,‎ (ISSN 0971-8257, lire en ligne, consulté le ).
  94. (en) Peter B. Flint, « Satyajit Ray, 70, Cinematic Poet, Dies », The New York Times,‎ , p. 25 (lire en ligne).
  95. (en) « When Satyajit Ray accepted his Oscar award from a hospital bed in Kolkata: ‘Best achievement of my moviemaking career’ », sur The Indian Express, (consulté le ).
  96. « Festival international du film de San Francisco » (consulté le ).

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

En anglais

  • (en) Darius Cooper, William Rothman, et Dudley Andrew, The Cinema of Satyajit Ray, Between Tradition and Modernity, Cambridge University Press, (ISBN 9780521629805, lire en ligne).
  • (en) Chidananda Das Gupta, The cinema of Satyajit Ray, Vikas Publishing House, (ISBN 9780706910353).
  • (en) Suranjan Ganguly, Satyajit Ray: In search of the modern, Scarecrow Press, (ISBN 9780810859005).
  • Subrata Mitra, « The Genius of Satyajit Ray », India Today,‎ .
  • (en) Ashis Nandy, The Savage Freud and Other Essays on Possible and Retrievable Selves, Princeton University Press, (ISBN 9780691044118), « Satyajit Ray's Secret Guide to Exquisite Murders ».
  • (en) Ben Nyce, Satyajit Ray: A Study of His Films, Praeger Publishers, (ISBN 9780275926663).
  • (en) Satyajit Ray, Our films, their films, Asia Book Corp of Amer, (ISBN 9780863113178).
  • (en) Satyajit Ray, My Years with Apu, Faber and Faber, (ISBN 9780571176953).
  • (en) Satyajit Ray, Speaking of films, Penguin India, (ISBN 9780144000265).
  • (en) Andrew Robinson, Satyajit Ray: The Inner Eye: The Biography of a Master Film-Maker, I. B. Tauris, (ISBN 9781860649653).
  • (en) Andrew Robinson, Satyajit Ray: A Vision of Cinema, I. B. Tauris, (ISBN 9781845110741).
  • (en) Salman Rushdie, Imaginary Homelands, Penguin, (ISBN 9780140140361).
  • (en) Nemai Ghosh, Satyajit Ray at 70, Eiffel Editions, (ISBN 9782930010076).
  • (en) Marie Seton, Satyajit Ray: Portrait of a director, Indiana University Press, (ISBN 9780253168153).
  • (en) Robin Wood, The Apu trilogy, November Books Ltd, (ISBN 9780856310034).
  • Moinak Biswas, Apu and after: Re-visiting Ray's cinema, Seagull Books, (ISBN 9781905422265).

En français

  • Upendrakishore, Sukumar & Satyajit Ray, Les aventures de Goopy et Bagha & autres histoires du Bengale (Avec le dvd du film Goopy Ghyne Bagha Byne)/Éditions Chandeigne, 2008
  • Youssef Ishaghpour, Satyajit Ray, l'Orient et l'Occident, Editions de la Différence, collection : Les essais, 2002 (ISBN 2-7291-1401-7)
  • Henri Micciollo : Satyajit Ray, Éditions L'Age D'Homme, Lausanne 1981
  • Alok B. Nandi, Que s'ouvre Le salon de musique ! Lecture d'un film de Satyajit Ray, Mémoire ELICIT, 1992-1993.
  • Charles Tesson, Satyajit Ray, Editions de l'Étoile/Cahiers du Cinéma, (ISBN 2866421175).
  • Satyajit Ray, Ecrits sur le cinéma, Ramsay, (ISBN 2859564403). Paru d'abord chez Lattes en 1982 (traduit de l'anglais par Tony Mayer) et chez Ramsay, dans la collection Ramsay Poche Cinema, en 1985.
  • Satyajit Ray, Fatik et le jongleur de Calcutta, éditions Bordas, Paris, 1981 (ISBN 2040180249). Édité par Paule Pagliano et traduit du bengali par France Bhattacharya, Fatik est le premier roman de Satyajit Ray publié en français.
  • Julien Rousseau, Hélène Kessous et Laure Bataillou, Bollywood Superstars: histoire d'un cinéma indien, France Muséums Kaph Books Department of Culture and Tourism, (ISBN 978-614-8035-51-7)

Liens externes