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[[Image:Los Angeles downtown.jpg|thumb|La vue en contre-plongée des grands immeubles s'interprête comme un [[plan subjectif]] de piéton.]]
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La '''contre-plongée''', ou '''contreplongée''' (en anglais ''{{lang|en|low-angle shot}}''), est un axe de prise de vue du bas vers le haut en [[photographie]] et au [[Prise de vues cinématographique|cinéma]]. La contre-plongée est totale lorsque l'axe optique est vertical par rapport au sujet (photographier le ciel couché sur le dos, par exemple)<ref name="dictionnaire">Vincent Pinel, ''Vocabulaire technique du cinéma'', Nathan Université, 1996, p. 89-90</ref>


La '''contre-plongée''', ou '''contreplongée''' (en anglais ''{{lang|en|low-angle shot}}'', prise de vue d'angle bas), est un [[angle de prise de vue|axe de prise de vue]] du bas vers le haut en [[photographie]] et au [[Prise de vues cinématographique|cinéma]]. La contre-plongée est totale lorsque l'axe optique est vertical par rapport au sujet (photographier le ciel couché sur le dos, par exemple)<ref name="dictionnaire">Vincent Pinel, ''Vocabulaire technique du cinéma'', Nathan Université, 1996, p. 89-90</ref>
L'expression est passée en [[peinture]], remplaçant {{citation|perspective plafonnante}} ou la locution italienne {{citation étrangère|langue=it|di sotto in sù}} pour désigner une représentation où l'on voit un personnage depuis un point de vue plus bas. La contre-plongée est particulièrement caractéristique des plafonds peints<ref>{{ouvrage |prénom1=Ségolène |nom1= Bergeon-Langle| prénom2=Pierre |nom2=Curie |titre= Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique|lieu=Paris|éditeur=Editions du patrimoine|année=2009 |isbn=978-2-7577-0065-5|passage=71}} ; {{ouvrage |prénom=Anne |nom=Souriau |responsabilité=dir. |titre=Vocabulaire d'esthétique |sous-titre=par [[Étienne Souriau]] (1892-1979) |lieu=Paris |éditeur=PUF |édition=3 |collection=Quadrige |année=2010 |année première édition=1990 |pages totale=1493|isbn=9782130573692|passage=1192}}.</ref>.

L'expression est passée en [[Peinture (art)|peinture]], remplaçant {{citation|perspective plafonnante}} ou la locution italienne {{citation étrangère|langue=it|di sotto in sù}} pour désigner une représentation où l'on voit un personnage depuis un point de vue plus bas. La contre-plongée est particulièrement caractéristique des plafonds peints<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Ségolène |nom1=Bergeon-Langle |prénom2=Pierre |nom2=Curie |titre=Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique |éditeur=Editions du patrimoine |lieu=Paris |année=2009 |pages totales=1249 |passage=71 |isbn=978-2-7577-0065-5}} ; {{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Anne |nom1=Souriau |lien auteur1=Étienne Souriau |responsabilité1=dir. |titre=Vocabulaire d'esthétique |sous-titre=par [[Étienne Souriau]] (1892-1979) |éditeur=3 |collection=Quadrige |lieu=Paris |année=2010 |année première édition=1990 |pages totales=1493 |passage=1192 |isbn=978-2-13-057369-2}}.</ref>.


En cinéma comme en peinture, la représentation se fait normalement suivant un axe horizontal. On voit depuis un point situé à la hauteur du milieu du sujet. Les vues inclinées, plongeante quand elle est dirigée vers le bas, en contre-plongée sinon, sont moins banales et sont considérées comme un effet, c'est-à-dire un procédé particulier destiné à forcer l'attention.
En cinéma comme en peinture, la représentation se fait normalement suivant un axe horizontal. On voit depuis un point situé à la hauteur du milieu du sujet. Les vues inclinées, plongeante quand elle est dirigée vers le bas, en contre-plongée sinon, sont moins banales et sont considérées comme un effet, c'est-à-dire un procédé particulier destiné à forcer l'attention.
== Peinture ==
En peinture, la conception classique de la figuration, en vigueur de la [[Renaissance]] au début du {{s-|XX}}, conçoit un tableau comme une fenêtre à travers de laquelle le spectateur voit la scène représentée. Cette fenêtre est généralement verticale, et le regard, supposé perpendiculaire, est horizontal. Cette supposition permet une simplification de la [[perspective]], dans laquelle des lignes verticales représentent dans le tableau les verticales du sujet, et des lignes convergeant sur des points de fuite sur la ligne d'horizon représentent les horizontales parallèles.

La partie du tableau en dessous de la ligne d'horizon montre le sujet avec une légère plongée tandis que la partie au dessus le représente avec une contre-plongée. Lorsque la ligne d'horizon se trouve dans la partie basse du tableau, la contre-plongée domine. Dans le paysage, on place généralement la ligne d'horizon entre le milieu et le tiers inférieur du tableau, de façon à laisser se développer les reliefs et les premiers plans. Ces vues sont généralement considérées comme à l'horizontale ; on parle de vue ''di sotto'' ou en contre-plongée lorsque l'horizon est nettement plus bas. Ces vues ''di sotto'' préservent les proportions des figures humaines.

[[Fichier:Giovanni Battista Tiepolo - The Glory of St Dominic - WGA22280.jpg|vignette|Plafond peint par [[Giovanni Battista Tiepolo|Tiepolo]] en forte contre-plongée ({{s-|XVIII|e}}).]]
Dans les plafonds peints, l'artiste classique présente parfois au spectateur ce qu'il verrait par une ouverture dans le toit, avec une forte contre-plongée.

Cette utilisation, répandue dans la [[Rococo|peinture rococo]], que l'on pourrait désigner par le terme moderne de "contre-plongée totale à 180° par rapport au sol" (contre-plongée verticale), démontre à elle seule que le procédé donne aux personnages visés une force magistrale par rapport au spectateur qui a l’impression d’être dominé par un monde supérieur{{refsou}}.
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== Photographie et cinéma ==
== Photographie et cinéma ==
[[fichier:1930. Александр Родченко на перилах.jpg|vignette|L'artiste [[constructivisme|constructiviste]] russe [[Alexandre Rodchenko]] fut un pionnier de l'utilisation expressive de la contre-plongée.]]
La photographie et le cinéma utilisent, d'une manière générale, les mêmes codes de représentation que la peinture, qui les a précédés, mais la perspective qu'on obtient en basculant un appareil photographique ou cinématographique diffère de celle de la peinture. La « fenêtre sur le monde » cesse d'être verticale, et, en conséquence, les lignes verticales du sujet convergent vers le haut, et les parties basses du sujet sont proportionnellement agrandies, à moins que le photographe n'utilise une [[chambre photographique]] avec décentrement et bascule. Ces effets sont d'autant plus manifestes que la vue est prise à la courte focale.
La photographie et le cinéma utilisent, d'une manière générale, les mêmes codes de représentation que la peinture, qui les a précédés, jusqu'à la [[Première Guerre mondiale]]. Des courants [[Formalisme|formalistes]] commencent alors à mettre en œuvre les moyens expressifs particuliers à la prise de vues photographique, recherchant de nouvelles [[composition picturale|compositions picturales]] avec des axes inclinés. C'est vers cette époque qu'on commence à parler de [[Plongée (image)|plongée]] et contre-plongée<ref>{{citation|Un gros plan en contre-plongée typique de la manière de [[Carl Dreyer|Dreyer]]}}, légende d'un photogramme illustrant {{article|prénom=Herman G. |nom=Weinberg |titre=En causant avec [[Ernst Lubitsch]] |périodique=Cinéa |lieu=Paris |année=1929 |mois=octobre |lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57390573/f22}}.</ref>.

Cependant, leurs recherches ne rejoignent pas la perspective plafonnante. D'une part, ils jouent de toutes les inclinaisons, et d'autre part la perspective qu'on obtient en basculant un appareil photographique ou cinématographique diffère de celle de la peinture. La « fenêtre sur le monde » cesse d'être verticale, et, en conséquence, les lignes verticales du sujet convergent vers le haut, et les parties basses du sujet sont proportionnellement agrandies, à moins que le photographe n'utilise une [[chambre photographique]] avec décentrement et bascule. Ces effets sont d'autant plus manifestes que la vue est prise à la courte focale.


En photographie de mode, on allonge ainsi les jambes des modèles en les photographiant de plus bas.
En photographie de mode, on allonge ainsi les jambes des modèles en les photographiant de plus bas.


Dans le paysage, la contre-plongée va de soi face aux édifices imposants, aux pics montagneux, au pied des chemins vertigineux, signalés par les guides touristiques<ref>{{article|prénom=Maurice |nom=Ronay |titre=Paysages II |périodique=Hérodote|année=1977 |numéro=7 |passage=79 (71-91)|lire en ligne=http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5622670b/f81}}.</ref>.
Dans le paysage, la contre-plongée va de soi face aux édifices imposants, aux pics montagneux, au pied des chemins vertigineux, signalés par les guides touristiques<ref>{{article|prénom=Maurice |nom=Ronay |titre=Paysages II |périodique=Hérodote|année=1977 |numéro=7 |passage=79 (71-91)|lire en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5622670b/f81}}.</ref>.
[[File:Fotothek df roe-neg 0006635 004 Portrait einer Frau und eines auf dem Boden lieg.jpg|150 px|droite|vignette|Position simple du cadreur pour exécuter une contre-plongée.]]
[[fichier:General nivelle.jpg|vignette|upright=.5|Portrait du [[Robert Georges Nivelle|général Nivelle]] en contre-plongée.]]
Dans les codes du cinéma et de la photographie, la contre-plongée est souvent utilisée {{cita|pour traduire une position dominante, ou effrayante, un sentiment de puissance}}<ref>Jane Barnwell, ''Les fondamentaux de la réalisation de films'', Editions Pyramyd, 2009, p. 72, {{ISBN|978-2-35017-180-7}}</ref>, ou encore pour magnifier le sujet. Toutefois {{cita|un cinéma qui s'enfermerait [dans ce procédé de [[connotation]]] serait vite voué à la [[sclérose]]}}<ref>Yveline Baticle , « Le verbal, l'iconique et les signes », Communication et langages, 1977, Volume 33, Numéro 1, pp. 20-35 [http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1977_num_33_1_4372 en ligne]</ref>. Dans les scènes d'action, la contre-plongée sert soit pour rendre un mouvement descendant plus spectaculaire en le dirigeant vers le spectateur, soit pour un [[plan subjectif]] du protagoniste. Le découpage de l'action en plans successifs offrant une variété d'angles augmente par lui-même la tension dramatique<ref>{{ouvrage|prénom=Daniel |nom=Arijon |titre=La grammaire du langage filmé |éditeur=Dujarric |année=2004 |première édition=1976|lieu=Paris|traduit de=Grammar of the film language}}, chapitre 24.</ref>.
Dans les codes du cinéma et de la photographie, la contre-plongée est souvent utilisée {{cita|pour traduire une position dominante, ou effrayante, un sentiment de puissance}}<ref>Jane Barnwell, ''Les fondamentaux de la réalisation de films'', Editions Pyramyd, 2009, p. 72, {{ISBN|978-2-35017-180-7}}</ref>, ou encore pour magnifier le sujet. Toutefois {{cita|un cinéma qui s'enfermerait [dans ce procédé de [[connotation]]] serait vite voué à la [[sclérose]]}}<ref>Yveline Baticle , « Le verbal, l'iconique et les signes », Communication et langages, 1977, Volume 33, Numéro 1, pp. 20-35 [http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1977_num_33_1_4372 en ligne]</ref>. Dans les scènes d'action, la contre-plongée sert soit pour rendre un mouvement descendant plus spectaculaire en le dirigeant vers le spectateur, soit pour un [[plan subjectif]] du protagoniste. Le découpage de l'action en plans successifs offrant une variété d'angles augmente par lui-même la tension dramatique<ref>{{Ouvrage|prénom1=Daniel|nom1=Arijon|titre=La grammaire du langage filmé|éditeur=Dujarric|lieu=Paris|année=2004|année première édition=1976|isbn=|langue originale=en |titre original=Grammar of the film language}}, chapitre 24.</ref>.


On peut comprendre la contre-plongée au cinéma comme le point de vue de l’enfant, celui du prisonnier agenouillé, de l’individu blessé à mort, avec son antonyme, la [[plongée (image)|plongée]], le regard du vainqueur sur le vaincu. Mais l'impression qu'elle donne aux spectateurs ne se limite pas à cet aspect. Les célèbres contre-plongées du film ''[[Citizen Kane]]'' renforcent {{Citation|l’impression de puissance du magnat de la presse, mais en même temps elles l’enferment sous les plafonds de son empire et montrent comment une contre-plongée peut restreindre la liberté d’un personnage<ref>{{ouvrage |langue=fr |prénom1=Marie-France |nom1=Briselance |lien auteur1=Marie-France Briselance |prénom2=Jean-Claude |nom2=Morin |lien auteur2=Jean-Claude Morin |titre=Grammaire du cinéma |lieu=Paris |éditeur=Nouveau Monde |lien éditeur=Nouveau Monde (éditions) |année=2010 |pages totales=588 |isbn=978-2-84736-458-3 |passage=474 }}</ref>}}.
On peut comprendre la contre-plongée au cinéma comme le point de vue de l’enfant, celui du prisonnier agenouillé, de l’individu blessé à mort, avec son antonyme, la [[plongée (image)|plongée]], le regard du vainqueur sur le vaincu. Mais l'impression qu'elle donne aux spectateurs ne se limite pas à cet aspect. Les célèbres contre-plongées du film ''[[Citizen Kane]]'' renforcent {{Citation|l’impression de puissance du magnat de la presse, mais en même temps elles l’enferment sous les plafonds de son empire et montrent comment une contre-plongée peut restreindre la liberté d’un personnage<ref>{{Grammaire du cinéma|passage=474}}</ref>}}.


En résumé, la contre-plongée au cinéma peut grandir moralement un personnage mais peut aussi en souligner les défauts les plus repoussants. Ainsi, les possibilités de son utilisation sont infinies et non pas cantonnées à la seule exaltation d'un personnage et au lyrisme.
En résumé, la contre-plongée au cinéma peut grandir moralement un personnage mais peut aussi en souligner les défauts les plus repoussants. Ainsi, les possibilités de son utilisation sont infinies et non pas cantonnées à la seule exaltation d'un personnage et au lyrisme.
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Image:Citizen-Kane-Filming-Low-Angle.jpg|[[Orson Welles]] préparant une prise de vues en contre-plongée pour ''[[Citizen Kane]]'' (1941).
Orson Welles-Citizen Kane1.jpg|Kane, le magnat de la presse, domine son auditoire (cadré en contreplongée) - ''[[Citizen Kane]]'', réalisé par [[Orson Welles]].
Image:Orson Welles-Citizen Kane1.jpg|Kane, le magnat de la presse, domine son auditoire (cadré en contre-plongée) - ''Citizen Kane''.
Touch of Evil-Orson Welles.JPG|Hans Quinlan, le flic pourri, est gonflé par l’abus d’alcool (cadré en contreplongée) - ''[[La Soif du mal]]'', réalisé par Orson Welles.
Image:Touch of Evil-Orson Welles.JPG|Hans Quinlan, le flic pourri, est gonflé par l’abus d’alcool (cadré en contre-plongée) dans ''[[La Soif du mal]]'', réalisé par Orson Welles.
Image:Forest of metasequoia glyptostroboides at at Nagai Botanical Garden, February 2024 - 8010.jpg|Vue en contre-plongée des {{Latin|[[Metasequoia glyptostroboides]]}} du jardin botanique du [[parc Nagai]], à [[Osaka]].
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== Peinture ==
[[File:Andrea Mantegna 064.jpg|vignette|[[Andrea Mantegna]], faux [[oculus]] de la [[La Chambre des Époux|Chambre des Époux]], [[Palazzo Ducale (Mantoue)|Palais ducal]], [[Mantoue]], vers 1470]]
En peinture, la conception classique de la figuration, en vigueur de la [[Renaissance]] au début du {{s-|XX}}, conçoit un tableau comme une fenêtre à travers laquelle le spectateur voit la scène représentée. Cette fenêtre est généralement verticale, et le regard, supposé perpendiculaire, est horizontal. Cette supposition permet une simplification de la [[perspective]], dans laquelle des lignes verticales représentent dans le tableau les verticales du sujet, et des lignes convergeant sur des points de fuite sur la ligne d'horizon représentent les horizontales parallèles.

La partie du tableau en dessous de la ligne d'horizon montre le sujet avec une légère plongée tandis que la partie au-dessus le représente avec une contre-plongée. Lorsque la ligne d'horizon se trouve dans la partie basse du tableau, la contre-plongée domine. Dans le paysage, on place généralement la ligne d'horizon entre le milieu et le tiers inférieur du tableau, de façon à laisser se développer les reliefs et les premiers plans. Ces vues sont généralement considérées comme à l'horizontale ; on parle de vue ''di sotto'' ou en contre-plongée lorsque l'horizon est nettement plus bas. Ces vues ''di sotto'' préservent les proportions des figures humaines.
[[Fichier:Ottorino Bicchi - Autoritratto 1942.jpg|thumb|115px|Ottorino Bicchi, ''Autoportrait'', 1942]]
Dans les plafonds peints, l'artiste classique présente avec une forte contre-plongée au spectateur ce qu'il verrait par une ouverture dans le toit, puis dans le [[Ciel (religion)|Ciel]], peuplé d'êtres [[Transcendance|transcendants]], avec une vue sur le. Ce procédé initié à la fin du {{s-|XV}} par [[Andrea Mantegna|Mantegna]] et perfectionné au siècle suivant par [[Michel Ange]] ([[plafond de la chapelle Sixtine]], 1508-1512), s'est répandu au {{s-|XVII}} avec l'art de la [[Contre-Réforme]] et est très souvent utilisé au {{s-|XVIII}} dans la [[Rococo|peinture rococo]].

Les peintres modernes ont eu parfois recours à l'effet de contre-plongée, notamment dans la pratique de l'[[autoportrait]]. L'exemple le plus connu est celui de [[Lucian Freud]], ''Reflet avec deux enfants'', réalisé en 1965 et exposé au musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid<ref>[http://mediation.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-Freud/ENS-freud.html Lucian Freud. L’atelier], ''Paris Art'', mars 2010</ref>.
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== Références ==
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[[Catégorie:Terme de technique cinématographique]]
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[[Catégorie:Prise de vue photographique]]
[[Catégorie:Prise de vue photographique]]
[[Catégorie:Technique cinématographique]]
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[[Catégorie:Analyse et esthétique du cinéma]]

Dernière version du 10 mars 2024 à 17:40

La vue en contre-plongée des grands immeubles s'interprète comme un plan subjectif de piéton.

La contre-plongée, ou contreplongée (en anglais low-angle shot, prise de vue d'angle bas), est un axe de prise de vue du bas vers le haut en photographie et au cinéma. La contre-plongée est totale lorsque l'axe optique est vertical par rapport au sujet (photographier le ciel couché sur le dos, par exemple)[1]

L'expression est passée en peinture, remplaçant « perspective plafonnante » ou la locution italienne « di sotto in sù » pour désigner une représentation où l'on voit un personnage depuis un point de vue plus bas. La contre-plongée est particulièrement caractéristique des plafonds peints[2].

En cinéma comme en peinture, la représentation se fait normalement suivant un axe horizontal. On voit depuis un point situé à la hauteur du milieu du sujet. Les vues inclinées, plongeante quand elle est dirigée vers le bas, en contre-plongée sinon, sont moins banales et sont considérées comme un effet, c'est-à-dire un procédé particulier destiné à forcer l'attention.

Photographie et cinéma[modifier | modifier le code]

L'artiste constructiviste russe Alexandre Rodchenko fut un pionnier de l'utilisation expressive de la contre-plongée.

La photographie et le cinéma utilisent, d'une manière générale, les mêmes codes de représentation que la peinture, qui les a précédés, jusqu'à la Première Guerre mondiale. Des courants formalistes commencent alors à mettre en œuvre les moyens expressifs particuliers à la prise de vues photographique, recherchant de nouvelles compositions picturales avec des axes inclinés. C'est vers cette époque qu'on commence à parler de plongée et contre-plongée[3].

Cependant, leurs recherches ne rejoignent pas la perspective plafonnante. D'une part, ils jouent de toutes les inclinaisons, et d'autre part la perspective qu'on obtient en basculant un appareil photographique ou cinématographique diffère de celle de la peinture. La « fenêtre sur le monde » cesse d'être verticale, et, en conséquence, les lignes verticales du sujet convergent vers le haut, et les parties basses du sujet sont proportionnellement agrandies, à moins que le photographe n'utilise une chambre photographique avec décentrement et bascule. Ces effets sont d'autant plus manifestes que la vue est prise à la courte focale.

En photographie de mode, on allonge ainsi les jambes des modèles en les photographiant de plus bas.

Dans le paysage, la contre-plongée va de soi face aux édifices imposants, aux pics montagneux, au pied des chemins vertigineux, signalés par les guides touristiques[4].

Position simple du cadreur pour exécuter une contre-plongée.

Dans les codes du cinéma et de la photographie, la contre-plongée est souvent utilisée « pour traduire une position dominante, ou effrayante, un sentiment de puissance »[5], ou encore pour magnifier le sujet. Toutefois « un cinéma qui s'enfermerait [dans ce procédé de connotation] serait vite voué à la sclérose »[6]. Dans les scènes d'action, la contre-plongée sert soit pour rendre un mouvement descendant plus spectaculaire en le dirigeant vers le spectateur, soit pour un plan subjectif du protagoniste. Le découpage de l'action en plans successifs offrant une variété d'angles augmente par lui-même la tension dramatique[7].

On peut comprendre la contre-plongée au cinéma comme le point de vue de l’enfant, celui du prisonnier agenouillé, de l’individu blessé à mort, avec son antonyme, la plongée, le regard du vainqueur sur le vaincu. Mais l'impression qu'elle donne aux spectateurs ne se limite pas à cet aspect. Les célèbres contre-plongées du film Citizen Kane renforcent « l’impression de puissance du magnat de la presse, mais en même temps elles l’enferment sous les plafonds de son empire et montrent comment une contre-plongée peut restreindre la liberté d’un personnage[8] ».

En résumé, la contre-plongée au cinéma peut grandir moralement un personnage mais peut aussi en souligner les défauts les plus repoussants. Ainsi, les possibilités de son utilisation sont infinies et non pas cantonnées à la seule exaltation d'un personnage et au lyrisme.

Peinture[modifier | modifier le code]

Andrea Mantegna, faux oculus de la Chambre des Époux, Palais ducal, Mantoue, vers 1470

En peinture, la conception classique de la figuration, en vigueur de la Renaissance au début du XXe siècle, conçoit un tableau comme une fenêtre à travers laquelle le spectateur voit la scène représentée. Cette fenêtre est généralement verticale, et le regard, supposé perpendiculaire, est horizontal. Cette supposition permet une simplification de la perspective, dans laquelle des lignes verticales représentent dans le tableau les verticales du sujet, et des lignes convergeant sur des points de fuite sur la ligne d'horizon représentent les horizontales parallèles.

La partie du tableau en dessous de la ligne d'horizon montre le sujet avec une légère plongée tandis que la partie au-dessus le représente avec une contre-plongée. Lorsque la ligne d'horizon se trouve dans la partie basse du tableau, la contre-plongée domine. Dans le paysage, on place généralement la ligne d'horizon entre le milieu et le tiers inférieur du tableau, de façon à laisser se développer les reliefs et les premiers plans. Ces vues sont généralement considérées comme à l'horizontale ; on parle de vue di sotto ou en contre-plongée lorsque l'horizon est nettement plus bas. Ces vues di sotto préservent les proportions des figures humaines.

Ottorino Bicchi, Autoportrait, 1942

Dans les plafonds peints, l'artiste classique présente avec une forte contre-plongée au spectateur ce qu'il verrait par une ouverture dans le toit, puis dans le Ciel, peuplé d'êtres transcendants, avec une vue sur le. Ce procédé initié à la fin du XVe siècle par Mantegna et perfectionné au siècle suivant par Michel Ange (plafond de la chapelle Sixtine, 1508-1512), s'est répandu au XVIIe siècle avec l'art de la Contre-Réforme et est très souvent utilisé au XVIIIe siècle dans la peinture rococo.

Les peintres modernes ont eu parfois recours à l'effet de contre-plongée, notamment dans la pratique de l'autoportrait. L'exemple le plus connu est celui de Lucian Freud, Reflet avec deux enfants, réalisé en 1965 et exposé au musée Thyssen-Bornemisza, à Madrid[9].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Vincent Pinel, Vocabulaire technique du cinéma, Nathan Université, 1996, p. 89-90
  2. Ségolène Bergeon-Langle et Pierre Curie, Peinture et dessin, Vocabulaire typologique et technique, Paris, Editions du patrimoine, , 1249 p. (ISBN 978-2-7577-0065-5), p. 71 ; Anne Souriau (dir.), Vocabulaire d'esthétique : par Étienne Souriau (1892-1979), Paris, 3, coll. « Quadrige », (1re éd. 1990), 1493 p. (ISBN 978-2-13-057369-2), p. 1192.
  3. « Un gros plan en contre-plongée typique de la manière de Dreyer », légende d'un photogramme illustrant Herman G. Weinberg, « En causant avec Ernst Lubitsch », Cinéa, Paris,‎ (lire en ligne).
  4. Maurice Ronay, « Paysages II », Hérodote, no 7,‎ , p. 79 (71-91) (lire en ligne).
  5. Jane Barnwell, Les fondamentaux de la réalisation de films, Editions Pyramyd, 2009, p. 72, (ISBN 978-2-35017-180-7)
  6. Yveline Baticle , « Le verbal, l'iconique et les signes », Communication et langages, 1977, Volume 33, Numéro 1, pp. 20-35 en ligne
  7. Daniel Arijon (trad. de l'anglais), La grammaire du langage filmé [« Grammar of the film language »], Paris, Dujarric, (1re éd. 1976), chapitre 24.
  8. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, coll. « Cinéma », , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 474
  9. Lucian Freud. L’atelier, Paris Art, mars 2010

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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