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[[Image:Population bottleneck.svg|thumb|Goulot d'étranglement de population suivi de l’extinction ou du rétablissement de l'espèce.]]
[[Image:Northern Elephant Seal, San Simeon2.jpg|thumb|À titre d'exemple, la [[Surexploitation|chasse excessive]] des [[éléphants de mer]] a failli conduire à leur disparition à la fin du {{s-|XIX}}. L'espèce reconstitue ses effectifs, mais reste vulnérable en raison d'une très faible [[diversité génétique]].]]
[[Fichier:Tayside Beaver mother and kit June 5, 2010 Ray Scott.jpg|thumb|Le [[Castor fiber]] a failli disparaitre ; au début du {{s-|XX}}, il n'en restait que quelques centaines dans toute l'Europe. Recolonisant les cours d'eau bassin par bassin, il est en situation de goulot d'étranglement et vulnérable à la consanguinité. Les nombreuses réintroductions faites en Europe depuis un siècle ont permis à différentes souches de se croiser.]]


[[Image:Population bottleneck.svg|vignette|redresse=1.3|Déclin de population suivi de l’extinction ou du rétablissement de l'espèce.]]
Un '''goulet d'étranglement de population''' (aussi appelé '''goulot d'étranglement génétique''') est, dans l'étude de l'[[Évolution (biologie)|évolution]] biologique, un événement correspondant au fait qu'une proportion substantielle de la population d'une espèce disparaît ou est empêchée de se reproduire<ref>{{lien web |langue=en |url=http://www.bookrags.com/research/population-bottleneck-gen-03/ |titre=Population Bottleneck - Research Article from Macmillan Science Library: Genetics}} {{accès payant}}</ref>. Il existe un type sensiblement différent de goulot d'étranglement démographique appelé [[effet fondateur]], celui-ci se produisant lorsqu'un sous-groupe d'une population est, au moins en ce qui concerne sa reproduction, isolé du groupe principal.
[[Image:Northern Elephant Seal, San Simeon2.jpg|vignette|redresse=1.3|À titre d'exemple, la [[Surexploitation|chasse excessive]] des [[éléphants de mer]] a failli conduire à leur disparition à la fin du {{s-|XIX}}. L'espèce reconstitue ses effectifs, mais reste vulnérable en raison d'une très faible [[diversité génétique]].]]
[[Fichier:Tayside Beaver mother and kit June 5, 2010 Ray Scott.jpg|vignette|redresse=1.3|Le [[Castor fiber]] a failli disparaitre ; au début du {{s-|XX}}, il n'en restait que quelques centaines dans toute l'Europe. Il a subi un goulot d'étranglement génétique qui l'a rendu vulnérable à la consanguinité. Les nombreuses réintroductions faites en Europe depuis un siècle ont permis à différentes souches de se croiser. Il recolonise désormais les cours d'eau bassin par bassin. ]]


Un '''goulet d'étranglement de population''' (ou '''goulot d'étranglement''' selon les locuteurs) est, dans l'étude de l'[[Évolution (biologie)|évolution]] d'une espèce, un épisode de réduction sévère de la population, suivi d'une nouvelle expansion démographique. Il entraine une réduction de la diversité génétique de l'espèce<ref>{{lien web |langue=en |url=http://www.bookrags.com/research/population-bottleneck-gen-03/ |accès url=payant |titre=Population Bottleneck - Research Article from Macmillan Science Library: Genetics}}.</ref>.
== Conséquences génétiques ==
Les goulots (ou goulets) d'étranglement de population réduisent ainsi la diversité génétique, et donc la capacité des populations à s'adapter à de nouvelles contraintes de l'environnement telles qu'un changement climatique, ou une baisse des ressources disponibles. Cette [[dérive génétique]] peut éliminer certains allèles qui auraient pu, par sélection naturelle, permettre à l'espèce de s'adapter<ref>{{lien web |langue=en | titre =Bottlenecks and founder effects |éditeur=[[University of California Museum of Paleontology]]|url =http://evolution.berkeley.edu/evolibrary/article/bottlenecks_01 | consulté le = 11 déc. 2015 }}</ref>.


Le goulot d'étranglement démographique ne doit pas être confondu avec l'[[effet fondateur]], qui se produit lorsqu'un sous-groupe d'une population s'isole du groupe principal et fonde une nouvelle population. L'effet fondateur se traduit également par une faible diversité génétique de départ.
Les goulots d'étranglements de population amplifient cependant les effets de la [[dérive génétique]] des survivants, car ceux-ci deviennent plus marqués avec la taille de la population. Une mutation utile y deviendra plus rare en raison de la raréfaction du ''pool'', mais y prendra une plus grande ampleur relative, surtout si elle augmente sensiblement l'espérance de survie (voir [[équilibres ponctués]]). La réduction significative de la dispersion d'une population mène à long terme soit à une plus grande sélection génétique, soit à l'extinction.


Une sélection excessive des individus reproducteurs dans une race animale d'élevage entraîne également une réduction de la diversité génétique sans que la taille de la population soit cependant affectée.
Un goulot d'étranglement majeur fait augmenter fortement la [[consanguinité]] dans une population en réduisant le nombre possible de partenaires. Cela se traduit par une augmentation de l'expression d'allèles récessifs.En fonction de ces allèles et de l'environnement où ils s'expriment, l'espèce pourra en sortir mieux adaptée si cette expression d'autres allèles récessifs nocifs dans ce même environnement ne la conduit pas dans le même temps à l'extinction. Théoriquement, les porteurs des allèles nocifs auront moins de descendance et ceux des allèles utiles davantage, à condition que la population reste d'une taille suffisante pour que la loi des grands nombres s'applique.


== Effets génétiques ==
== Moyens de mesures, suivi et évaluation ==
Les goulots d'étranglement de population réduisent la diversité génétique, et donc la capacité des populations à s'adapter à de nouvelles contraintes de l'environnement, telles qu'un changement climatique, ou une baisse des ressources disponibles. Ils peuvent éliminer certains allèles qui auraient pu, par sélection naturelle, permettre à l'espèce de s'adapter<ref>{{lien web |langue=en | titre =Bottlenecks and founder effects |éditeur={{lien|trad=University of California Museum of Paleontology}}|url =http://evolution.berkeley.edu/evolibrary/article/bottlenecks_01 | consulté le = 11 déc. 2015 }}.</ref>.
Outre les données historiques disponibles (notamment pour les variétés de plantes cultivées ou les races d'animaux d'élevage ou certaines espèces chassées), il existe des outils dérivés de la [[génétique]] et de la [[biologie moléculaire]], notamment basés sur l'utilisation de l'ADN [[Microsatellite (biologie)|microsatellite]]<ref>{{article |langue=en |nom1=Spencer |prénom1=C. C. |nom2=Neigel |prénom2=J. E. |nom3=Leberg |prénom3=P. L. |année=2000 |titre=Experimental evaluation of the usefulness of microsatellite DNA for detecting demographic bottlenecks |périodique=Molecular Ecology |volume=9|numéro=10 |passage=1517–1528}}</ref>. Ces approches permettent notamment de détecter une grande diversité génétique chez les plantes ou animaux sauvages apparemment identiques<ref>{{article |langue=en |nom1=Tang |prénom1=S. |nom2=Knapp |prénom2=S. J. |année=2003 |titre=Microsatellites uncover extraordinary diversity in Native American land races and wild populations of cultivated sunflower |périodique=Theoretical and Applied Genetics |volume=106|numéro=6|passage=990–1003}}</ref>.


Les goulots d'étranglement de population amplifient les effets de la [[dérive génétique]] parmi les survivants, car celle-ci est plus rapide dans les populations de taille réduite. Du point de vue de la sélection naturelle, une mutation utile y prendra une plus grande ampleur relative, surtout si elle augmente sensiblement l'espérance de survie ou de reproduction.
== Exemples ==
=== Chez l'homme ===
[[Fichier:Richard Dawkins 35th American Atheists Convention.jpg|thumb|left|[[Richard Dawkins]].]]


Un goulot d'étranglement majeur fait augmenter fortement la [[consanguinité]] dans une population, en réduisant le nombre possible de partenaires. Cela se traduit par une augmentation de l'expression d'allèles récessifs, ce qui peut mener à une [[dépression endogamique]]. En fonction de ces allèles et de l'environnement où ils s'expriment, l'espèce pourra éventuellement en sortir mieux adaptée.
Le biologiste [[Richard Dawkins]], spécialiste de la théorie de l'évolution, a émis le postulat suivant : l'[[génome mitochondrial|ADN mitochondrial]] (hérité de la mère) et l'ADN du chromosome Y (hérité du père) connaissent, il y a {{unité|140000|ans}} et {{unité|60000|ans}}, une [[Théorie de la coalescence|coalescence]]. Or, en 2011, Fulvio Cruciani ''et al.'' ont calculé par la diversité de l'ADN du chromosome Y que le plus récent ancêtre patrilinaire commun daterait d'environ {{unité|142000|années}}<ref name="Cruciani2011">
{{Article |langue=en |nom1=Cruciani |et al.=oui |prénom1=Fulvio |périodique=The American Journal of Human Genetics |titre=A Revised Root for the Human Y Chromosomal Phylogenetic Tree: The Origin of Patrilineal Diversity in Africa |date=19 mai 2011 |volume=88 |numéro=6 |doi=10.1016/j.ajhg.2011.05.002 |url=http://www.cell.com/AJHG/fulltext/S0002-9297%2811%2900164-9 |consulté le=11 juin 2011}}</ref>.


== Moyens de mesure ==
Il faut noter cependant, en conservant le concept de l'Adam Y-chromosomal, que le plus récent ancêtre patrilinéaire commun à tous les hommes, sauf ceux appartenant aux haplogroupes africains [[Haplogroupe A (Y-ADN)|A]] et [[Haplogroupe B (Y-ADN)|B]], l'[[Haplogroupe CT (Y-ADN)|Adam Eurasien]], porteur de la mutation M168, soit environ 98 % de la population, aurait lui vécu il y a environ {{unité|60000|ans}} en Afrique. Si on inclut les haplogroupes A et B (2 % de la population), dans ce cas effectivement l'ancêtre commun aurait vécu il y a environ {{unité|142000|ans}}.
Outre les données historiques disponibles (notamment pour les variétés de plantes cultivées ou les races d'animaux d'élevage ou certaines espèces chassées), il existe des outils dérivés de la [[génétique]] et de la [[biologie moléculaire]], notamment basés sur l'utilisation de l'ADN [[Microsatellite (biologie)|microsatellite]]<ref>{{article |langue=en |nom1=Spencer |prénom1=C. C. |nom2=Neigel |prénom2=J. E. |nom3=Leberg |prénom3=P. L. |année=2000 |titre=Experimental evaluation of the usefulness of microsatellite DNA for detecting demographic bottlenecks |périodique=Molecular Ecology |volume=9|numéro=10 |passage=1517–1528}}.</ref>. Ces approches permettent notamment de détecter une grande diversité génétique chez des plantes ou animaux sauvages apparemment identiques, ou inversement une homogénéité génétique masquée par une diversité d'apparences<ref>{{article |langue=en |nom1=Tang |prénom1=S. |nom2=Knapp |prénom2=S. J. |année=2003 |titre=Microsatellites uncover extraordinary diversity in Native American land races and wild populations of cultivated sunflower |périodique=Theoretical and Applied Genetics |volume=106|numéro=6|passage=990–1003}}.</ref>.


== Populations humaines ==
D'autre part, il est possible de remonter génétiquement, par matrilinéarité, à une unique hypothétique ancêtre commune ([[Ève mitochondriale]]) qui aurait vécu il y a {{unité|140000|ans}}. [[Richard Dawkins]] estime qu'il n'existe pas de raison permettant de supposer que cet « Adam » ait connu cette « Ève », ni même qu'ils aient vécu en même temps en raison du différentiel de fécondité entre homme et femme (cet « Adam » devrait être juste un peu plus proche de nous dans le temps).
=== Homo sapiens ===
La [[théorie de la catastrophe de Toba]] suggère qu'il y aurait eu un goulot d'étranglement de la population humaine à la suite de l'[[éruption du Toba]], en Indonésie, il y a environ {{nb|74000 ans}}, avec une réduction supposée de la population jusqu'à environ {{nb|15000 individus}}<ref name="richard">{{chapitre |langue=en |prénom1 = Richard |nom1 = Dawkins |lien auteur1 = Richard Dawkins| titre ouvrage = [[The Ancestor's Tale|The Ancestor's Tale, A Pilgrimage to the Dawn of Life]] |titre chapitre = The Grasshopper's Tale| passage = 416 | éditeur = Houghton Mifflin Company| lieu = Boston| année = 2004 | isbn = 0297825038 }}.</ref>. Cette éruption aurait provoqué une catastrophe climatique majeure, d'après les traces géologiques qui montrent une variation radicale de la température sur Terre à cette époque (baisse de {{tmp|3|°C}} à {{tmp|3.5|°C}} de la température moyenne)<ref name=Ambrose>{{article |langue=en |url=http://ice2.uab.cat/argo/Argo_actualitzacio/argo_butlleti/ccee/geologia/arxius/1Ambrose%201998.pdf |format=pdf |titre=Late Pleistocene human population bottlenecks, volcanic winter, and differentiation of modern humans |auteur1=Stanley H. Ambrose |périodique=Journal of Human Evolution |année=1998 |volume=34 |passage=623–651}}.</ref>. La théorie de la catastrophe de Toba s'appuie également sur la théorie plus vaste de la [[modernité comportementale]].


Avant les avancées récentes de la [[génétique des populations]], certains auteurs ont avancé l'idée d'une [[Théorie du coalescent|coalescence]] de certains gènes remontant à cette époque<ref name=Ambrose/> et proposé que cette théorie pourrait expliquer la faible diversité génétique constatée dans l'espèce humaine<ref name="richard"/>. Des études plus récentes sur de nombreux gènes ont toutefois montré qu'il existe différents points de coalescence génétique, sur une période allant de 2 millions d'années à {{nb|60000 ans}} [[avant le présent]], ce qui dément l'existence d'un goulot d'étranglement extrême survenu à cause de l'éruption du Toba<ref name="templeton_tree">{{lien web |langue=en |url=http://www.corante.com/loom/img/Templeton%20tree%20600.jpg |format=jpg |titre=Templeton tree showing coalescence points of different genes |site=corante.com}}</ref>.
Par ailleurs, concernant les plus ''proches'' ancêtres communs à tous, les titulaires des titres peuvent parfaitement changer chaque fois qu'une lignée s'éteint.


=== Néandertal ===
Avant cette étude de Fulvio Cruciani, pour la patrilinéarité, on croyait remonter jusquun ancêtre hypothétique mâle qui aurait vécu il y aurait seulement {{formatnum:60000}} ou {{unité|90000|ans}}<ref name="richard">{{chapitre |langue=en |prénom1 = Richard |nom1 = Dawkins |lien auteur1 = Richard Dawkins| titre ouvrage = [[The Ancestor's Tale|The Ancestor's Tale, A Pilgrimage to the Dawn of Life]] |titre chapitre = The Grasshopper's Tale| passage = 416 | éditeur = Houghton Mifflin Company| lieu = Boston| année = 2004 | isbn = 0297825038 }}</ref>. Cela semble corroborer la [[Théorie de la catastrophe de Toba]], qui suggère qu'il y aurait eu un goulot d'étranglement de la population humaine, il y a environ {{unité|70000|ans}}, où cette dernière se serait supposément réduite à environ {{unité|15000|individus}}<ref name="richard" /> lorsque le [[supervolcan]] du [[lac Toba]] en Indonésie entra en éruption et provoqua un {{Lien|langue=en|trad=Environmental change|fr=changement environnemental|texte=changement environnemental}} conséquent (baisse de {{tmp|3|°C}} à {{tmp|3.5|°C}} de la température moyenne). Cette théorie repose sur un faisceau de preuves géologiques montrant un changement radical de la température sur Terre, sur des preuves d'une coalescence de certains gènes à la même époque (notamment ceux de l'ADN mitochondrial, de l'ADN du chromosome Y et certains gènes nucléaires)<ref>{{article |langue=en |url=http://ice2.uab.cat/argo/Argo_actualitzacio/argo_butlleti/ccee/geologia/arxius/1Ambrose%201998.pdf |format=pdf |titre=Late Pleistocene human population bottlenecks, volcanic winter, and differentiation of modern humans |auteur1=Stanley H. Ambrose |périodique=Journal of Human Evolution |année=1998 |volume=34 |passage=623–651|consulté le=6 nov. 2014}}</ref>, ainsi que sur la faible variation génétique dans l'espèce humaine<ref name="richard"/>.
La population néandertalienne aurait en revanche pu subir des goulots d'étranglement successifs au moment des maximums glaciaires du [[Pléistocène moyen]], avant de croitre à nouveau pendant les phases de rémission climatique et les [[Période interglaciaire|périodes interglaciaires]].


== Animaux d'élevage ==
Cependant, une telle coalescence, bien que prévue par la biologie génétique, n'est pas en soi une preuve de l'existence d'un goulot d'étranglement démographique ; en effet l'ADN mitochondrial et l'ADN du chromosome Y ne représentent qu'une infime partie de l'intégralité du [[génome]] humain et sont respectivement hérités de la mère et du père, ce qui les différencie drastiquement des autres gènes. La plupart des gènes peuvent être hérités du père ou de la mère indifféremment, dont l'histoire peut donc être tracée, soit par matrilinéarité, soit par patrilinéarité<ref name="River_Out_of_Eden">{{chapitre |langue=en |titre chapitre=All Africa and her progenies |auteurs ouvrage= [[Richard Dawkins]] | titre ouvrage = [[River Out of Eden]] | éditeur = Basic Books | lieu = New York | année = 1995 | isbn = 0465016065 }}</ref>.
La sélection génétique des races a conduit les éleveurs à utiliser l'[[insémination artificielle]] pour bénéficier des meilleurs reproducteurs mâles. L'usage sur une grande population femelle de quelques mâles hautement productifs introduit en quelques générations une perte génétique importante et une consanguinité néfaste à la bonne évolution de la race.


Un exemple a été celui de la race bovine suisse [[fribourgeoise]]. Race laitière des alpages, la profession a voulu en faire une race plus mixte dans les années 1930 et a sélectionné un petit nombre de taureaux à bonne conformation bouchère. Malheureusement, l'un d'entre eux était porteur d'une anomalie génétique qui induisait une mortalité anormale chez les veaux nouveau-nés. Un croisement d'absorption a été réalisé avec de la semence de mâles [[Holstein (race bovine)|holstein]] venue d'Amérique et la race a disparu durant les années 1980<ref>{{Ouvrage|langue=fr|nom1=[[Philippe J. Dubois]]|titre=À nos vaches|sous-titre=Inventaire des races bovines disparues et menacées de France|éditeur=Delachaux et Niestlé|lieu=Paris|année=2011|mois=février|pages totales=448|passage=332-341|isbn=978-2-603-01707-4}}.</ref>.
Des études sur de nombreux gènes ont montré qu'il existe différents points de coalescence dans une période allant de 2 millions d'années à {{unité|60000|ans}} avant notre ère, démontrant ainsi l'impossibilité de goulots d'étranglement extrêmes survenus plus récemment (c'est-à-dire un unique couple reproducteur)<ref name="richard" />{{,}}<ref name="templeton_tree">{{lien web |langue=en |url=http://www.corante.com/loom/img/Templeton%20tree%20600.jpg |format=jpg |titre=Templeton tree showing coalescence points of different genes |site=corante.com}}</ref>.


Pour pallier ce risque, les mâles doivent conserver une variabilité génétique importante. Dans la sélection de la race bovine [[montbéliarde]], par exemple, la sélection linéaire a consisté à retenir huit lignées mâles élevées pour optimiser deux ou trois caractères. Les défauts de chacune des lignées sont contrebalancés par leur utilisation sur des femelles complémentaires<ref>{{Lien web|url=http://www.montbeliarde-selection.com/la-selection-lineaire.htm |titre=La sélection linéaire |auteur= |année= |éditeur=Site montbéliarde sélection |consulté le=22 janvier 2016}}.</ref>.
En 2000, un article intitulé ''Biologie moléculaire et évolution'' suggère un autre modèle, autrement dit un « long goulot d'étranglement », qui correspondrait avec la variation génétique restreinte, et non pas un changement brutal d'environnement<ref>{{article |langue=en |url=http://mbe.oupjournals.org/cgi/content/full/17/1/2 |titre=Population Bottlenecks and Pleistocene Human Evolution |périodique=Molecular Biology and Evolution |volume=17 |numéro=1 |date=15 sept. 1999 |auteur1=John Hawks |auteur2=Keith Hunley |auteur3=Sang-Hee Lee |auteur4=Milford Wolpoff}}</ref>. Cela corroborerait certaines hypothèse décrivant une population subsaharienne avoisinant les {{unité|2000|individus}} pendant une période d'environ {{unité|150000|ans}} avant de réaugmenter au [[paléolithique supérieur]]<ref>{{lien web |langue=en |url=http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/7358868.stm |éditeur=BBC news |titre=Human line 'nearly split in two'}}</ref>.

=== En élevage ===
La sélection génétique des races a conduit les éleveurs à utiliser l'[[insémination artificielle]] pour bénéficier des meilleurs reproducteurs mâles. L'usage sur une grande population femelle de quelques mâles hautement productifs introduit en quelques générations une perte génétique importante et une consanguinité néfaste à la bonne évolution de la race.

Un exemple a été celui de la race bovine suisse [[fribourgeoise]]. Race laitière des alpages, la profession a voulu en faire une race plus mixte dans les années 1930 et a sélectionné un petit nombre de taureaux à bonne conformation bouchère. Malheureusement, l'un d'entre eux était porteur d'une anomalie génétique qui induisait une mortalité anormale chez les veaux nouveau-nés. Un croisement d'absorption a été réalisé avec de la semence de mâles [[Holstein (race bovine)|holstein]] venue d'Amérique et la race a disparu durant les années 1980<ref>{{ouvrage|langue=|prénom1=|nom1=[[Philippe J. Dubois]]|lien auteur1=|titre=A nos vaches|sous-titre=Inventaire des races bovines disparues et menacées de France|numéro d'édition=|éditeur=Delachaux et Niestlé|lien éditeur=|lieu=|jour=|mois=février |année=2011|volume=|tome=|pages totales=448|passage=332-341|isbn=978-2-603-01707-4|lire en ligne=|consulté le=}}</ref>.

Pour pallier ce risque, les mâles doivent conserver une variabilité génétique importante. Dans la sélection de la race bovine [[montbéliarde]], par exemple, la sélection linéaire a consisté à retenir huit lignées mâles élevées pour optimiser deux ou trois caractères. Les défauts de chacune des lignées sont contrebalancés par leur utilisation sur des femelles complémentaires<ref>{{Lien web|url=http://www.montbeliarde-selection.com/la-selection-lineaire.htm |titre=La sélection lnéaire |auteur= |année= |éditeur=Site montbéliarde sélection |consulté le=22 janvier 2016}}</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Références|colonnes=1}}
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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* {{article |langue=en |auteur1=J. M. Cornuet |auteur2=G. Luikart |année=1996 |titre=Description and power analysis of two tests for detecting recent population bottlenecks from allele frequency data |périodique=Genetics |volume=144 |passage=2001–2014}}
* {{chapitre |langue=en |nom1= Gilpin |prénom1=M.E. |nom2=Soulé |prénom2=M.E. |année=1986 |titre chapitre=Minimum viable populations: The processes of species extinctions |auteurs ouvrage=M. Soulé (éd.) |titre ouvrage=Conservation biology: The science of scarcity and diversity |passage=13-34 |éditeur=Sinauer Associates}}
* {{article |langue=en |nom1=Luenser |prénom1=K. |prénom2=J. |nom2=Fickel |prénom3=A. |nom3=Lehnen |prénom4=S. |nom4=Speck |prénom5=A. |nom5=Ludwig |année=2005 |titre=Low level of genetic variability in European bisons (Bison bonasus) from the Bialowieza National Park in Poland |périodique=European Journal of Wildlife Research |volume=51 |numéro=2 |passage=84-87}}
* {{Ouvrage |langue=en |prénom1=M. |nom1=Soulé |responsabilité1=éd. |titre=Viable populations for conservation |éditeur=[[Cambridge Univ. Press]] |lieu=Cambridge |année=1987 |pages totales= |isbn=}}

=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Génétique]]
* [[Génétique]]
* [[Analyse génétique]]
* [[Microsatellite (biologie)]]
* [[Dynamique des populations]]
* [[Dynamique des populations]]
* [[Analyse génétique]]
* [[Effet fondateur]]
* [[Épigénétique]]
* [[Microsatellite (biologie)|Microsatellite]]
* [[Sélection naturelle]]
* [[Évolution (biologie)|Évolution]]

=== Bibliographie ===
* {{article |langue=en |auteur1=J. M. Cornuet |auteur2=G. Luikart |année=1996 |titre=Description and power analysis of two tests for detecting recent population bottlenecks from allele frequency data |périodique=Genetics |volume=144 |passage=2001–2014}}
* {{chapitre |langue=en |nom1= Gilpin |prénom1=M.E. |nom2=Soulé |prénom2=M.E. |année=1986 |titre chapitre=Minimum viable populations: The processes of species extinctions |auteurs ouvrage=M. Soulé (éd.) |titre ouvrage=Conservation biology: The science of scarcity and diversity |passage=13-34 |éditeur=Sinauer Associates}}
* {{article |langue=en |nom1=Luenser |prénom1=K. |prénom2=J. |nom2=Fickel |prénom3=A. |nom3=Lehnen |prénom4=S. |nom4=Speck |prénom5=A. |nom5=Ludwig |année=2005 |titre=Low level of genetic variability in European bisons (Bison bonasus) from the Bialowieza National Park in Poland |périodique=European Journal of Wildlife Research |volume=51 |numéro=2 |passage=84-87}}
* {{ouvrage |langue=en |nom1= Soulé |prénom1=M. |responsabilité1=éd. |année=1987 |titre=Viable populations for conservation |lieu=Cambridge |éditeur=[[Cambridge Univ. Press]]}}


{{Portail|Origine et évolution du vivant}}
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[[Catégorie:Génétique des populations]]
[[Catégorie:Génétique des populations]]

Dernière version du 18 janvier 2024 à 17:06

Déclin de population suivi de l’extinction ou du rétablissement de l'espèce.
À titre d'exemple, la chasse excessive des éléphants de mer a failli conduire à leur disparition à la fin du XIXe siècle. L'espèce reconstitue ses effectifs, mais reste vulnérable en raison d'une très faible diversité génétique.
Le Castor fiber a failli disparaitre ; au début du XXe siècle, il n'en restait que quelques centaines dans toute l'Europe. Il a subi un goulot d'étranglement génétique qui l'a rendu vulnérable à la consanguinité. Les nombreuses réintroductions faites en Europe depuis un siècle ont permis à différentes souches de se croiser. Il recolonise désormais les cours d'eau bassin par bassin.

Un goulet d'étranglement de population (ou goulot d'étranglement selon les locuteurs) est, dans l'étude de l'évolution d'une espèce, un épisode de réduction sévère de la population, suivi d'une nouvelle expansion démographique. Il entraine une réduction de la diversité génétique de l'espèce[1].

Le goulot d'étranglement démographique ne doit pas être confondu avec l'effet fondateur, qui se produit lorsqu'un sous-groupe d'une population s'isole du groupe principal et fonde une nouvelle population. L'effet fondateur se traduit également par une faible diversité génétique de départ.

Une sélection excessive des individus reproducteurs dans une race animale d'élevage entraîne également une réduction de la diversité génétique sans que la taille de la population soit cependant affectée.

Effets génétiques[modifier | modifier le code]

Les goulots d'étranglement de population réduisent la diversité génétique, et donc la capacité des populations à s'adapter à de nouvelles contraintes de l'environnement, telles qu'un changement climatique, ou une baisse des ressources disponibles. Ils peuvent éliminer certains allèles qui auraient pu, par sélection naturelle, permettre à l'espèce de s'adapter[2].

Les goulots d'étranglement de population amplifient les effets de la dérive génétique parmi les survivants, car celle-ci est plus rapide dans les populations de taille réduite. Du point de vue de la sélection naturelle, une mutation utile y prendra une plus grande ampleur relative, surtout si elle augmente sensiblement l'espérance de survie ou de reproduction.

Un goulot d'étranglement majeur fait augmenter fortement la consanguinité dans une population, en réduisant le nombre possible de partenaires. Cela se traduit par une augmentation de l'expression d'allèles récessifs, ce qui peut mener à une dépression endogamique. En fonction de ces allèles et de l'environnement où ils s'expriment, l'espèce pourra éventuellement en sortir mieux adaptée.

Moyens de mesure[modifier | modifier le code]

Outre les données historiques disponibles (notamment pour les variétés de plantes cultivées ou les races d'animaux d'élevage ou certaines espèces chassées), il existe des outils dérivés de la génétique et de la biologie moléculaire, notamment basés sur l'utilisation de l'ADN microsatellite[3]. Ces approches permettent notamment de détecter une grande diversité génétique chez des plantes ou animaux sauvages apparemment identiques, ou inversement une homogénéité génétique masquée par une diversité d'apparences[4].

Populations humaines[modifier | modifier le code]

Homo sapiens[modifier | modifier le code]

La théorie de la catastrophe de Toba suggère qu'il y aurait eu un goulot d'étranglement de la population humaine à la suite de l'éruption du Toba, en Indonésie, il y a environ 74 000 ans, avec une réduction supposée de la population jusqu'à environ 15 000 individus[5]. Cette éruption aurait provoqué une catastrophe climatique majeure, d'après les traces géologiques qui montrent une variation radicale de la température sur Terre à cette époque (baisse de °C à 3,5 °C de la température moyenne)[6]. La théorie de la catastrophe de Toba s'appuie également sur la théorie plus vaste de la modernité comportementale.

Avant les avancées récentes de la génétique des populations, certains auteurs ont avancé l'idée d'une coalescence de certains gènes remontant à cette époque[6] et proposé que cette théorie pourrait expliquer la faible diversité génétique constatée dans l'espèce humaine[5]. Des études plus récentes sur de nombreux gènes ont toutefois montré qu'il existe différents points de coalescence génétique, sur une période allant de 2 millions d'années à 60 000 ans avant le présent, ce qui dément l'existence d'un goulot d'étranglement extrême survenu à cause de l'éruption du Toba[7].

Néandertal[modifier | modifier le code]

La population néandertalienne aurait en revanche pu subir des goulots d'étranglement successifs au moment des maximums glaciaires du Pléistocène moyen, avant de croitre à nouveau pendant les phases de rémission climatique et les périodes interglaciaires.

Animaux d'élevage[modifier | modifier le code]

La sélection génétique des races a conduit les éleveurs à utiliser l'insémination artificielle pour bénéficier des meilleurs reproducteurs mâles. L'usage sur une grande population femelle de quelques mâles hautement productifs introduit en quelques générations une perte génétique importante et une consanguinité néfaste à la bonne évolution de la race.

Un exemple a été celui de la race bovine suisse fribourgeoise. Race laitière des alpages, la profession a voulu en faire une race plus mixte dans les années 1930 et a sélectionné un petit nombre de taureaux à bonne conformation bouchère. Malheureusement, l'un d'entre eux était porteur d'une anomalie génétique qui induisait une mortalité anormale chez les veaux nouveau-nés. Un croisement d'absorption a été réalisé avec de la semence de mâles holstein venue d'Amérique et la race a disparu durant les années 1980[8].

Pour pallier ce risque, les mâles doivent conserver une variabilité génétique importante. Dans la sélection de la race bovine montbéliarde, par exemple, la sélection linéaire a consisté à retenir huit lignées mâles élevées pour optimiser deux ou trois caractères. Les défauts de chacune des lignées sont contrebalancés par leur utilisation sur des femelles complémentaires[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Population Bottleneck - Research Article from Macmillan Science Library: Genetics » Accès payant.
  2. (en) « Bottlenecks and founder effects », University of California Museum of Paleontology (en) (consulté le ).
  3. (en) C. C. Spencer, J. E. Neigel et P. L. Leberg, « Experimental evaluation of the usefulness of microsatellite DNA for detecting demographic bottlenecks », Molecular Ecology, vol. 9, no 10,‎ , p. 1517–1528.
  4. (en) S. Tang et S. J. Knapp, « Microsatellites uncover extraordinary diversity in Native American land races and wild populations of cultivated sunflower », Theoretical and Applied Genetics, vol. 106, no 6,‎ , p. 990–1003.
  5. a et b (en) Richard Dawkins, « The Grasshopper's Tale », dans The Ancestor's Tale, A Pilgrimage to the Dawn of Life, Boston, Houghton Mifflin Company, (ISBN 0297825038), p. 416.
  6. a et b (en) Stanley H. Ambrose, « Late Pleistocene human population bottlenecks, volcanic winter, and differentiation of modern humans », Journal of Human Evolution, vol. 34,‎ , p. 623–651 (lire en ligne [PDF]).
  7. (en) « Templeton tree showing coalescence points of different genes » [jpg], sur corante.com
  8. Philippe J. Dubois, À nos vaches : Inventaire des races bovines disparues et menacées de France, Paris, Delachaux et Niestlé, , 448 p. (ISBN 978-2-603-01707-4), p. 332-341.
  9. « La sélection linéaire », Site montbéliarde sélection (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) J. M. Cornuet et G. Luikart, « Description and power analysis of two tests for detecting recent population bottlenecks from allele frequency data », Genetics, vol. 144,‎ , p. 2001–2014
  • (en) M.E. Gilpin et M.E. Soulé, « Minimum viable populations: The processes of species extinctions », dans M. Soulé (éd.), Conservation biology: The science of scarcity and diversity, Sinauer Associates, , p. 13-34
  • (en) K. Luenser, J. Fickel, A. Lehnen, S. Speck et A. Ludwig, « Low level of genetic variability in European bisons (Bison bonasus) from the Bialowieza National Park in Poland », European Journal of Wildlife Research, vol. 51, no 2,‎ , p. 84-87
  • (en) M. Soulé (éd.), Viable populations for conservation, Cambridge, Cambridge Univ. Press,

Articles connexes[modifier | modifier le code]