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Le '''monologue intérieur''' est un procédé de narration littéraire, expérimenté au {{s-|XVII}} dans ''[[La Princesse de Clèves]]'' de [[Madame de La Fayette]] et exposé en 1931 par [[Édouard Dujardin]]. Ce procédé a pour particularité de suivre les pensées d'un [[personnage de fiction|personnage]]. Certains critiques le rapprochent du [[courant de conscience]] ou « flux de conscience » expérimenté, entre autres, par [[Virginia Woolf]] et [[William Faulkner]].

Le '''monologue intérieur''' est un procédé de narration littéraire, expérimenté au {{s-|XVII}} dans ''[[La Princesse de Clèves]]'' de [[Madame de La Fayette]] et exposé en 1931 par [[Édouard Dujardin]]. Ce procédé a pour particularité de suivre les pensées d'un [[personnage de fiction|personnage]]. Certains critiques le rapprochent du [[courant de conscience]] ou « flux de conscience » expérimenté, entre autres, par [[Virginia Woolf]] et [[William Faulkner]]. En [[littérature de langue allemande]] du début du {{s-|XX}}, l'écrivain autrichien [[Arthur Schnitzler]] a recours au monologue intérieur pour structurer certaines de ses [[Nouvelle (littérature)|nouvelles]], dont la plus connue est ''[[Mademoiselle Else]]''.


== Origine ==
== Origine ==
Le romancier [[Édouard Dujardin]] publie ''[[Les lauriers sont coupés (nouvelle)|Les lauriers sont coupés]]'' en [[1887 en littérature|1887]]. Il y emploie un procédé qu'il nommera et définira dans ''Le Monologue intérieur'' en [[1931]], où il l'applique à l'œuvre de [[James Joyce]].
Le romancier [[Édouard Dujardin]] publie ''[[Les lauriers sont coupés (nouvelle)|Les lauriers sont coupés]]'' en [[1887 en littérature|1887]]. Il y emploie un procédé qu'il nommera et définira comme ''Le Monologue intérieur'' dans un essai, en [[1931]].


{{citation|Il a pour objet d'évoquer le flux ininterrompu des pensées qui traversent l'âme du personnage au fur et à mesure qu'elles naissent sans en expliquer l'enchaînement logique.}}
{{citation|Il a pour objet d'évoquer le flux ininterrompu des pensées qui traversent l'âme du personnage au fur et à mesure qu'elles naissent sans en expliquer l'enchaînement logique.}}


== Utilisation ==
Certaines pages de ''[[Le Rouge et le Noir]]'' de [[Stendhal]] (1830) peuvent être considérées comme des approches du monologue intérieur, même si l'enchaînement logique y est respecté, comme les pensées de Mathilde de La Mole à la fin des ch. II, 8 et II, 11, ou de [[Julien Sorel]] au ch. II, 15.

== Emploi dans la littérature du {{s-|XX}} ==
Dans la littérature de langue anglaise, le procédé est repris par [[Dorothy Richardson]] dès 1915, tandis que la critique [[May Sinclair]] théorise de son côté le [[courant de conscience]] visible chez [[James Joyce]] et [[Virginia Woolf]].
Dans la littérature de langue anglaise, le procédé est repris par [[Dorothy Richardson]] dès 1915, tandis que la critique [[May Sinclair]] théorise de son côté le [[courant de conscience]] visible chez [[James Joyce]] et [[Virginia Woolf]].


Certaines pages de ''[[Le Rouge et le Noir]]'' de [[Stendhal]] (1830) peuvent être considérées comme des approches du monologue intérieur, même si l'enchaînement logique y est respecté, comme les pensées de Mathilde de La Mole à la fin des ch. II, 8 et II, 11, ou de [[Julien Sorel]] au ch. II, 15.
En réaction au [[naturalisme (littérature)|naturalisme]] et aux descriptions à la troisième personne, certains auteurs modernistes s'attachent à suivre le mouvement de la pensée d'un personnage, afin de mieux en connaître le psychisme, et la profondeur de l'esprit humain. Se retrouve le monologue intérieur dans ''Amants, heureux amants'' de [[Valery Larbaud]] ou chez [[Arthur Schnitzler]]. Le monologue intérieur est surtout utilisé sur la longue durée du roman, par exemple dans ''[[Ulysse (roman)|Ulysse]]'', ''[[Mrs Dalloway]]'' ou ''[[Les Vagues]]''.

À la fin du XIX{{e}} siècle et au début du XX{{e}} siècle, en réaction aux descriptions à la troisième personne du [[naturalisme (littérature)|naturalisme]], certains auteurs modernistes s'attachent à suivre le mouvement de la pensée d'un personnage, afin de mieux en connaître le psychisme, et la profondeur de l'esprit humain. L'écrivain autrichien [[Arthur Schnitzler]] a recours à la technique du monologue intérieur dans plusieurs de ses [[Nouvelle (littérature)|nouvelles]], notamment dans ''[[Le Sous-lieutenant Gustel|Le sous-lieutenant Gustel]]'' (1900) et dans ''[[Mademoiselle Else]]'' (1924). Le procédé du monologue intérieur se retrouve dans ''Amants, heureux amants'' de [[Valery Larbaud]]. Le monologue intérieur est surtout utilisé sur la longue durée du [[Roman (littérature)|roman]], par exemple dans ''[[Ulysse (roman)|Ulysse]]'', ''[[Mrs Dalloway]]'' ou ''[[Les Vagues]]''.


La première partie de ''[[Le Bruit et la Fureur]]'' de [[William Faulkner]] présente les pensées d'un homme attardé, et les lecteurs ne comprennent pas toujours ce qui est écrit. [[Samuel Beckett]] dans ses romans emploie la [[Récit à la première personne|première personne]] d'un narrateur confiant ses pensées. [[Nathalie Sarraute]] emploie l'expression « sous-conversation » pour parler de la forme de cette technique dans ses romans.
La première partie de ''[[Le Bruit et la Fureur]]'' de [[William Faulkner]] présente les pensées d'un homme attardé, et les lecteurs ne comprennent pas toujours ce qui est écrit. [[Samuel Beckett]] dans ses romans emploie la [[Récit à la première personne|première personne]] d'un narrateur confiant ses pensées. [[Nathalie Sarraute]] emploie l'expression « sous-conversation » pour parler de la forme de cette technique dans ses romans.

Le recours massif au [[voix intérieure|monologue intérieur]] par [[Albert Cohen]] dans ''[[Belle du Seigneur]]'' en 1968 (douze [[monologue]]s, les quatre d'Ariane, les cinq de Mariette et les trois de Solal, répartis en autant de chapitres sur cent-quarante-huit pages représentant plus de dix pour cent du texte du roman) constitue une des grandes originalités du roman. La plupart des monologues n'ont aucune ponctuation et ne sont découpés en aucun paragraphe{{Sfn|Kouassi|2013|p=238-240}}, ce qui n'est pas sans évoquer l'influence de [[William Faulkner]], de [[Virginia Woolf]] et de l'''[[Ulysse (roman)|Ulysse]]'' de [[James Joyce]]{{Sfn|Kouassi|2013|p=8-9}}. Sans repère, le lecteur doit se concentrer pour voir émerger la pensée du [[narrateur]] derrière ce flot chaotique de mots, redoutable piège à sens. Impossible de lire en diagonale sous peine de ne plus rien comprendre. Chaque mot devient essentiel.


== Caractéristiques ==
== Caractéristiques ==
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La critique Dorrit Cohn distingue la technique du « monologue autonome » à la [[Récit à la première personne|première personne]], le « [[psycho-récit]] » dans lequel le narrateur raconte des pensées, et le « monologue narrativisé », où les pensées sont rendues à la troisième personne, au [[discours indirect libre]].
La critique Dorrit Cohn distingue la technique du « monologue autonome » à la [[Récit à la première personne|première personne]], le « [[psycho-récit]] » dans lequel le narrateur raconte des pensées, et le « monologue narrativisé », où les pensées sont rendues à la troisième personne, au [[discours indirect libre]].


== Bibliographie ==
== Notes et références ==
{{Références}}

== Voir aussi ==
=== Bibliographie ===
* Philippe Chardin (dir.), ''Autour du monologue intérieur'', Paris, Atlantica-Séguier, 2004.
* Philippe Chardin (dir.), ''Autour du monologue intérieur'', Paris, Atlantica-Séguier, 2004.
* Édouard Dujardin, ''Le Monologue intérieur'', Paris, 1931.
* Édouard Dujardin, ''Le Monologue intérieur'', Paris, 1931.
* F. Weisman, ''Du monologue intérieur à la sous-conversation'', Paris, Nizet, 1979.
* F. Weisman, ''Du monologue intérieur à la sous-conversation'', Paris, Nizet, 1979.
* Dorrit Cohn, ''La Transparence intérieure, modes de représentation de la vie psychique dans le roman'', Paris, Seuil, 1981.
* Dorrit Cohn, ''La Transparence intérieure, modes de représentation de la vie psychique dans le roman'', Paris, Seuil, 1981.
* Laura Santone, ''Voci dall’abisso. Nuovi elementi nella genesi del monologo interiore'', Edipuglia, Bari 1999
* Laura Santone, ''Egger, Dujardin, Joyce. Microscopia della voce nel monologo interiore'', Bulzoni, Roma 2010
* {{Ouvrage|prénom=Amenan Gisèle|nom=Kouassi|titre=Les formes du temps dans l'œuvre d'Albert Cohen|nature ouvrage=thèse de doctorat en Langue, Littérature et Civilisation françaises, Université Sorbonne-Nouvelle-Paris 3|année=2013|pages totales=502|sudoc=17491802X|présentation en ligne=http://www.theses.fr/2013PA030060|lire en ligne=https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00916595/document}}


=== Articles connexes ===
* [[Courant de conscience]]
* [[Monologue]]
* [[Soliloque]] <!--{{soupir}}-->
* [[Diégèse]]
* [[Récit à la première personne]]


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{{Portail littérature}}
{{Portail|linguistique|littérature}}


[[Catégorie:Technique littéraire]]
[[Catégorie:Technique littéraire]]

Dernière version du 17 juillet 2023 à 04:57

Le monologue intérieur est un procédé de narration littéraire, expérimenté au XVIIe siècle dans La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette et exposé en 1931 par Édouard Dujardin. Ce procédé a pour particularité de suivre les pensées d'un personnage. Certains critiques le rapprochent du courant de conscience ou « flux de conscience » expérimenté, entre autres, par Virginia Woolf et William Faulkner. En littérature de langue allemande du début du XXe siècle, l'écrivain autrichien Arthur Schnitzler a recours au monologue intérieur pour structurer certaines de ses nouvelles, dont la plus connue est Mademoiselle Else.

Origine[modifier | modifier le code]

Le romancier Édouard Dujardin publie Les lauriers sont coupés en 1887. Il y emploie un procédé qu'il nommera et définira comme Le Monologue intérieur dans un essai, en 1931.

« Il a pour objet d'évoquer le flux ininterrompu des pensées qui traversent l'âme du personnage au fur et à mesure qu'elles naissent sans en expliquer l'enchaînement logique. »

Utilisation[modifier | modifier le code]

Dans la littérature de langue anglaise, le procédé est repris par Dorothy Richardson dès 1915, tandis que la critique May Sinclair théorise de son côté le courant de conscience visible chez James Joyce et Virginia Woolf.

Certaines pages de Le Rouge et le Noir de Stendhal (1830) peuvent être considérées comme des approches du monologue intérieur, même si l'enchaînement logique y est respecté, comme les pensées de Mathilde de La Mole à la fin des ch. II, 8 et II, 11, ou de Julien Sorel au ch. II, 15.

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, en réaction aux descriptions à la troisième personne du naturalisme, certains auteurs modernistes s'attachent à suivre le mouvement de la pensée d'un personnage, afin de mieux en connaître le psychisme, et la profondeur de l'esprit humain. L'écrivain autrichien Arthur Schnitzler a recours à la technique du monologue intérieur dans plusieurs de ses nouvelles, notamment dans Le sous-lieutenant Gustel (1900) et dans Mademoiselle Else (1924). Le procédé du monologue intérieur se retrouve dans Amants, heureux amants de Valery Larbaud. Le monologue intérieur est surtout utilisé sur la longue durée du roman, par exemple dans Ulysse, Mrs Dalloway ou Les Vagues.

La première partie de Le Bruit et la Fureur de William Faulkner présente les pensées d'un homme attardé, et les lecteurs ne comprennent pas toujours ce qui est écrit. Samuel Beckett dans ses romans emploie la première personne d'un narrateur confiant ses pensées. Nathalie Sarraute emploie l'expression « sous-conversation » pour parler de la forme de cette technique dans ses romans.

Le recours massif au monologue intérieur par Albert Cohen dans Belle du Seigneur en 1968 (douze monologues, les quatre d'Ariane, les cinq de Mariette et les trois de Solal, répartis en autant de chapitres sur cent-quarante-huit pages représentant plus de dix pour cent du texte du roman) constitue une des grandes originalités du roman. La plupart des monologues n'ont aucune ponctuation et ne sont découpés en aucun paragraphe[1], ce qui n'est pas sans évoquer l'influence de William Faulkner, de Virginia Woolf et de l'Ulysse de James Joyce[2]. Sans repère, le lecteur doit se concentrer pour voir émerger la pensée du narrateur derrière ce flot chaotique de mots, redoutable piège à sens. Impossible de lire en diagonale sous peine de ne plus rien comprendre. Chaque mot devient essentiel.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Le monologue intérieur est caractérisé par des phrases nominales, des énumérations, une logique peu visible (idées juxtaposées, association d'idées, parataxe, ellipses), une ponctuation inhabituelle.

La critique Dorrit Cohn distingue la technique du « monologue autonome » à la première personne, le « psycho-récit » dans lequel le narrateur raconte des pensées, et le « monologue narrativisé », où les pensées sont rendues à la troisième personne, au discours indirect libre.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Kouassi 2013, p. 238-240.
  2. Kouassi 2013, p. 8-9.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Philippe Chardin (dir.), Autour du monologue intérieur, Paris, Atlantica-Séguier, 2004.
  • Édouard Dujardin, Le Monologue intérieur, Paris, 1931.
  • F. Weisman, Du monologue intérieur à la sous-conversation, Paris, Nizet, 1979.
  • Dorrit Cohn, La Transparence intérieure, modes de représentation de la vie psychique dans le roman, Paris, Seuil, 1981.
  • Laura Santone, Voci dall’abisso. Nuovi elementi nella genesi del monologo interiore, Edipuglia, Bari 1999
  • Laura Santone, Egger, Dujardin, Joyce. Microscopia della voce nel monologo interiore, Bulzoni, Roma 2010
  • Amenan Gisèle Kouassi, Les formes du temps dans l'œuvre d'Albert Cohen (thèse de doctorat en Langue, Littérature et Civilisation françaises, Université Sorbonne-Nouvelle-Paris 3), , 502 p. (SUDOC 17491802X, présentation en ligne, lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]