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Biographie (Tocco) et relecture
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'''{{noble-|Roger II}} de Sicile''' ({{date de naissance|22|décembre|1095}} - {{date de décès|26|février|1154}}) est le second fils du grand comte [[Roger Ier de Sicile|Roger de Hauteville]], premier comte [[Normands|normand]] de [[Comté de Sicile|Sicile]], et d’[[Adélaïde de Montferrat]]. Fondateur du [[royaume de Sicile]] ([[1130]]) et du [[royaume d'Afrique]] ([[1146]]), il unifie toutes les conquêtes des Normands en [[Italie]] et en [[Ifriqiya]] sous une seule couronne. Avec les [[Assises d'Ariano]] ([[1140]]), il jette les bases d'un royaume centralisé, investissant le roi et sa bureaucratie d'une autorité absolue. {{noble-|Roger II}} de Sicile fait preuve d'une politique extérieure énergique, menant plusieurs expéditions guerrières en direction de l'[[Afrique du Nord]] et de l'[[Empire byzantin|Orient byzantin]]. Son union avec [[Beatrix de Rethel|Béatrice de Rethel]] donnera une fille, née posthume, plus de huit mois après la mort de son père<ref>Le père est mort le 26 février 1154, et sa fille posthume, le 2 novembre 1154. Elle a donc été conçu dans les derniers jours de la vie de son père.</ref>, [[Constance de Hauteville|Constance]], qui enfantera {{noble|Frédéric II du Saint-Empire|-}}, [[roi de Sicile]] et [[empereur germanique]].
'''{{noble-|Roger II}} de Sicile''' ({{date de naissance|22|décembre|1095}} - {{date de décès|26|février|1154}}) est le second fils du comte [[Roger Ier de Sicile|Roger de Hauteville]], premier comte [[Normands|normand]] de [[Comté de Sicile|Sicile]], et d’[[Adélaïde de Montferrat]]. Fondateur du [[royaume de Sicile]] (1130) et du [[royaume d'Afrique]] (1146), il unifie toutes les conquêtes des Normands en [[Italie]] et en [[Ifriqiya]] sous une seule couronne. Avec les [[Assises d'Ariano]] (1140), il jette les bases d'un royaume centralisé, investissant le roi et sa bureaucratie d'une autorité absolue. {{noble-|Roger II}} de Sicile fait preuve d'une politique extérieure énergique, menant plusieurs expéditions guerrières en direction de l'[[Afrique du Nord]] et de l'[[Empire byzantin|Orient byzantin]]. Son union avec [[Beatrix de Rethel|Béatrice de Rethel]] donnera une fille, née posthume, plus de huit mois après la mort de son père<ref>Le père est mort le 26 février 1154, et sa fille posthume, le 2 novembre 1154. Elle a donc été conçu dans les derniers jours de la vie de son père.</ref>, [[Constance de Hauteville|Constance]], qui enfantera {{noble|Frédéric II du Saint-Empire|-}}, [[roi de Sicile]] et [[empereur germanique]].


== Biographie ==
== Biographie ==
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[[Fichier:Roger II Sicily.jpg|vignette|{{noble-|Roger II}}. Illustration du ''[[Liber ad honorem Augusti]]'' de [[Pierre d'Éboli]], 1196.]]
[[Fichier:Roger II Sicily.jpg|vignette|{{noble-|Roger II}}. Illustration du ''[[Liber ad honorem Augusti]]'' de [[Pierre d'Éboli]], 1196.]]


{{noble-|Roger II}} de Sicile naît le {{Date|22|décembre|1095}}<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=31}}.</ref>. Il est le second fils du comte [[Roger Ier de Sicile|Roger de Hauteville]] et d’[[Adélaïde de Montferrat]]. Lorsque le grand comte meurt en [[1101]], son successeur Simon est encore un enfant. À la mort de Simon le {{Date|28|septembre|1105}}, Adélaïde prend la régence du comté de Sicile au nom de {{noble-|Roger II}}<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=24}}.</ref>. Pendant sa régence, la capitale est transférée de [[Mileto]] à [[Palerme]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=101}}.</ref>. En [[1112]], Roger est fait chevalier dans la ville de [[Palerme]]<ref>{{harvsp|Chalandon|1907|p=360}}.</ref>. Dans un acte de la même année, il est nommé « comte de [[Sicile]] et de [[Calabre]] »<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=30}}.</ref>. L'année suivante, il donne son accord au remariage de sa mère avec le roi {{noble|Baudouin Ier de Jérusalem}}. Ce dernier trouvera dans ce mariage le moyen d'accaparer les richesses immenses d'Adélaïde, avant de la répudier en [[1117]]. {{noble-|Roger II}} n'oubliera jamais cet affront<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=29}}.</ref>.
{{noble-|Roger II}} de Sicile naît le {{Date|22|décembre|1095}}<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=31}}.</ref>. Il est le second fils du comte [[Roger Ier de Sicile|Roger de Hauteville]] et d’[[Adélaïde de Montferrat]]. Lorsque le comte meurt en 1101, son successeur [[Simon de Sicile|Simon]] est encore un enfant. Mais ce dernier meurt prématurément le {{Date|28|septembre|1105}} et Adélaïde prend la régence du comté de Sicile au nom de {{noble-|Roger II}}<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=24}}.</ref>. Pendant sa régence, la capitale est transférée de [[Mileto]] à [[Palerme]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=101}}.</ref>. Roger est éduqué par l'amiral [[Christodulus|Christodoulos]] à partir de 1105, puis par [[Georges d'Antioche]]<ref name=Tocco>{{it}} Francesco Paolo Tocco, « {{noble-|Ruggero II}}, re di Sicilia », ''Dizionario Biografico degli Italiani'', vol. 89, 2017. {{lire en ligne|lien=https://www.treccani.it/enciclopedia/ruggero-ii-re-di-sicilia_(Dizionario-Biografico)/}}</ref>. En 1112, Roger est fait chevalier dans la ville de [[Palerme]]<ref>{{harvsp|Chalandon|1907|p=360}}.</ref>. Dans un acte de la même année, il est nommé « comte de [[Sicile]] et de [[Calabre]] »<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=30}}.</ref>. L'année suivante, il donne son accord au remariage de sa mère avec le roi {{noble|Baudouin Ier de Jérusalem}}<ref name=Tocco/>. Ce dernier trouve dans ce mariage le moyen d'accaparer les richesses immenses d'Adélaïde, avant de la répudier en 1117. {{noble-|Roger II}} n'oubliera jamais cet affront<ref>{{harvsp|Houben|2002|p=29}}.</ref>. La même année, il épouse [[Elvire de Castille (reine de Sicile)|Elvire de Castille]], fille du roi {{noble|Alphonse VI (roi de León)|de Castille}} et de la reine mauresque [[Zaida de Séville|Isabelle]]<ref name=Tocco/>.


{{Citation bloc|[Le retour d'Adélaïde en Sicile] plongea son fils dans la plus grande consternation, et lui inspira pour jamais une violente haine contre le royaume de Jérusalem et ses habitants. Tandis que tous les autres princes chrétiens de l'univers n'ont cessé de faire les plus grands efforts […] pour protéger et faire prospérer notre royaume, comme une plante récemment sortie de terre, ce prince et ses successeurs n'ont pas même cherché jusqu'à ce jour à nous adresser une parole d'amitié […]. Ils paraissent avoir conservé à jamais le souvenir de cette offense, et font injustement peser sur tout un peuple la peine d'une faute qu'ils ne devraient imputer qu'à un seul homme.|[[Guillaume de Tyr]], ''Chronique'', {{XI}}, 29.}}
{{Citation bloc|[Le retour d'Adélaïde en Sicile] plongea son fils dans la plus grande consternation, et lui inspira pour jamais une violente haine contre le royaume de Jérusalem et ses habitants. Tandis que tous les autres princes chrétiens de l'univers n'ont cessé de faire les plus grands efforts […] pour protéger et faire prospérer notre royaume, comme une plante récemment sortie de terre, ce prince et ses successeurs n'ont pas même cherché jusqu'à ce jour à nous adresser une parole d'amitié […]. Ils paraissent avoir conservé à jamais le souvenir de cette offense, et font injustement peser sur tout un peuple la peine d'une faute qu'ils ne devraient imputer qu'à un seul homme.|[[Guillaume de Tyr]], ''Chronique'', {{XI}}, 29.}}


=== Comte de Sicile et de Calabre ===
=== Comte de Sicile et de Calabre ===
Dès le début de son règne, {{noble-|Roger II}} entame une politique d'expansion en Afrique du Nord. En avril [[1118]], une flotte normande de vingt-quatre vaisseaux débarque à [[Gabès]] en [[Tunisie]] afin de soutenir un sujet indocile de la dynastie [[ziride]], mais l'expédition échoue. En 1118-[[1119]], la flotte normande attaque les côtes [[Tunisie|tunisiennes]] et s'empare de plusieurs vaisseaux. En [[1121]], une flotte [[Islam|musulmane]] dirigée par un prince [[almoravide]] attaque les côtes de Calabre et pille la ville de [[Nicotera]]. Une expédition punitive, forte de trois cents vaisseaux, et commandée par [[Georges d'Antioche]] et [[Christodulus|Christodoulos]], quitte [[Marsala]] en juillet [[1123]]. Une partie des troupes débarque près de [[Mahdia]] et parvient à s'emparer du château de [[Ras Dimass|Ras Dimas]]. Les soldats musulmans font une sortie durant la nuit et isolent la garnison normande. Malgré plusieurs tentatives afin de libérer la garnison, le mauvais temps force la flotte normande à s'éloigner sans pouvoir porter secours à la garnison. Ce désastre de la Mahdia a un grand retentissement dans le monde musulman<ref>{{harvsp|Chalandon|1907|p=370-377}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=113-116}}.</ref>.
Dès le début de son règne, suivant les conseils de son amiral et principal conseiller [[Georges d'Antioche]], {{noble-|Roger II}} entame une politique d'expansion en Afrique du Nord<ref name=Tocco/>. En {{date|avril 1118}}, une flotte normande de vingt-quatre vaisseaux débarque à [[Gabès]] en [[Tunisie]] afin de soutenir un sujet indocile de la dynastie [[ziride]], mais l'expédition échoue. En 1118-1119, la flotte normande attaque les côtes [[Tunisie|tunisiennes]] et s'empare de plusieurs vaisseaux. En 1121, une flotte musulmane dirigée par un prince [[almoravide]] attaque les côtes de Calabre et pille la ville de [[Nicotera]]. Une expédition punitive, forte de trois cents vaisseaux, et commandée par Georges d'Antioche et Christodoulos, quitte [[Marsala]] en {{date|juillet 1123}}. Une partie des troupes débarque près de [[Mahdia]] et parvient à s'emparer du château de [[Ras Dimass|Ras Dimas]]. Les soldats musulmans font une sortie durant la nuit et isolent la garnison normande. Malgré plusieurs tentatives afin de libérer la garnison, le mauvais temps force la flotte normande à s'éloigner sans pouvoir porter secours à la garnison. Ce désastre de la Mahdia a un grand retentissement dans le monde musulman<ref>{{harvsp|Chalandon|1907|p=370-377}}.</ref>{{,}}<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=113-116}}.</ref>.


En juin [[1127]], [[Guillaume d'Apulie|Guillaume, duc d'Apulie]], meurt sans laisser d'enfant. {{noble-|Roger II}} en profite pour réclamer la succession du duché. Mais le pape {{noble|Honorius II}} s'oppose à l'union du comté de Sicile au [[Comté d'Apulie|duché d'Apulie]]. En {{date-|décembre 1127}}, le pape prêche la croisade et monte {{noble|Robert II d'Aversa}} et [[Rainolf d'Alife]], le beau-frère de Roger, contre lui. La coalition échoue cependant et en août [[1128]], Honorius se voit contraint de conférer à {{noble-|Roger II}} le titre de duc d'Apulie à [[Bénévent]]<ref name="brita">{{en}} [[Edmund Curtis]], s.v. « {{noble-|Roger II}} » in ''Encyclopædia Britannica, Eleventh edition'', 1911 [https://en.wikisource.org/wiki/1911_Encyclop%C3%A6dia_Britannica/Roger_II._of_Sicily lire en ligne].</ref>. Après s'être emparé de [[Malte]] en 1127<ref>{{harvsp|Chalandon|1907|p=377}}.</ref>, {{noble-|Roger II}} lance une campagne de pacification qui met fin à la résistance des barons. En septembre [[1129]] à [[Melfi (Italie)|Melfi]], une assemblée d'évêques et de barons prête serment de fidélité au duc et à ses fils, [[Roger III d'Apulie|Roger]] et [[Tancrède de Bari|Tancrède]], et reconnaît la souveraineté du Normand sur l'ensemble de l'[[Pouilles|Apulie]]. Le duc interdit les guerres privées, ordonne aux barons de soumettre les criminels à la justice ducale, et exige que l'on respecte les biens des marchands, des pèlerins et des voyageurs<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=126-130}}.</ref>.
En Italie continentale, Roger entre en conflit dès 1121 avec son neveu [[Guillaume d'Apulie|Guillaume]], [[Duché d'Apulie et de Calabre|duc d'Apulie et de Calabre]]<ref name=Tocco/>. Peu après son échec à Mahdia, il s'empare de [[Montescaglioso]], près de [[Matera]], pour récupérer l'héritage de sa demi-sœur Emma<ref name=Tocco/>. Prenant l'ascendant sur son neveu, Roger récupère la souveraineté de la moitié de Palerme qui appartenait encore aux héritiers de [[Robert Guiscard]], et se fait désigner en 1125 comme héritier du duché d'Apulie et de Calabre<ref name=Tocco/>. Le {{date|28 juillet 1127}}, Guillaume meurt sans laisser d'enfant<ref name=Tocco/>. {{noble-|Roger II}} en profite pour réclamer la succession du duché. Mais le pape {{noble|Honorius II}} s'oppose à l'union du comté de Sicile au [[Comté d'Apulie|duché d'Apulie]]. En {{date-|décembre 1127}}, le pape prêche la croisade et monte contre Roger une ligue dirigée par {{noble|Robert II d'Aversa}} et [[Rainolf d'Alife]], le beau-frère de Roger. Mais la coalition échoue et, en {{date|août 1128}}, Honorius se voit contraint de conférer à {{noble-|Roger II}} le titre de duc d'Apulie à [[Bénévent]]<ref name="brita">{{en}} [[Edmund Curtis]], s.v. « {{noble-|Roger II}} » in ''Encyclopædia Britannica, Eleventh edition'', 1911 [https://en.wikisource.org/wiki/1911_Encyclop%C3%A6dia_Britannica/Roger_II._of_Sicily lire en ligne].</ref>. Après s'être emparé de [[Malte]] en 1127<ref>{{harvsp|Chalandon|1907|p=377}}.</ref>, {{noble-|Roger II}} lance une campagne de pacification qui met fin à la résistance des barons, notamment à [[Bari]] et [[Troia]]<ref name=Tocco/>. En {{date|septembre 1129}} à [[Melfi (Italie)|Melfi]], une assemblée d'évêques et de barons prête serment de fidélité au duc et à ses fils, [[Roger III d'Apulie|Roger]] et [[Tancrède de Bari|Tancrède]], et reconnaît la souveraineté du Normand sur l'ensemble de l'[[Pouilles|Apulie]]. Le duc interdit les guerres privées, ordonne aux barons de soumettre les criminels à la justice ducale, et exige que l'on respecte les biens des marchands, des pèlerins et des voyageurs<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=126-130}}.</ref>.


=== Roi de Sicile ===
=== Roi de Sicile ===
[[Fichier:Chiesa della Martorana Christus krönt Roger II.jpg|vignette|Roger couronné roi par le [[Jésus de Nazareth|Christ]] <br>([[Église de la Martorana]], [[Palerme]]).]]
[[Fichier:Chiesa della Martorana Christus krönt Roger II.jpg|vignette|Roger couronné roi par le [[Jésus de Nazareth|Christ]] <br>([[Église de la Martorana]], [[Palerme]]).]]
{{Article détaillé|Couronnement de Roger II de Sicile}}
{{Article détaillé|Couronnement de Roger II de Sicile}}
La mort du pape {{noble|Honorius II}} en {{date|février 1130}} est suivie d'une double élection{{sfn|Norwich|2018|p=114}}. Les deux papes sont consacrés le même jour, le premier, {{noble|Innocent II}}, à [[Basilique Santa Francesca Romana|Santa Maria Nuova]] ; le deuxième, {{noble|Anaclet II}}, à la [[basilique Saint-Pierre]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=132-134}}.</ref>. Innocent trouve refuge dans le nord de l'Italie et en [[France]], où il est soutenu par [[Bernard de Clairvaux]] et l'ensemble des États européens<ref name=":0">{{Article|langue=fr|auteur1=Pierre Aubé|titre={{noble-|Roger II}} de Sicile. Un normand en Méditerranée|périodique=La pensée de midi - Revue littéraire et de débat d’idées|numéro=8|éditeur=Actes Sud|date=2002|isbn=978-2742738373|lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-la-pensee-de-midi-2002-2-page-115.htm|pages=115-119}}.</ref>. De son côté, Roger prête hommage au pape {{noble-|Anaclet II}} et soumet le clergé de son royaume à ce dernier. Le {{date|27 septembre 1130}}, une [[bulle pontificale]] concède à {{noble-|Roger II}} le royaume de Sicile, de Calabre et d'Apulie{{sfn|Norwich|2018|p=115}}. Le {{date|25 décembre 1130}}, {{noble-|Roger II}} est couronné dans la [[cathédrale de Palerme]]{{sfn|Norwich|2018|p=115}}.
La mort du pape {{noble|Honorius II}} en {{date|février 1130}} est suivie d'une double élection{{sfn|Norwich|2018|p=114}}. Les deux papes sont consacrés le même jour, le premier, {{noble|Innocent II}}, à [[Basilique Santa Francesca Romana|Santa Maria Nuova]] ; le deuxième, {{noble|Anaclet II}}, à la [[basilique Saint-Pierre]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=132-134}}.</ref>. Innocent trouve refuge dans le nord de l'Italie et en [[France]], où il est soutenu par [[Bernard de Clairvaux]] et l'ensemble des États européens<ref name=":0">{{Article|langue=fr|auteur1=Pierre Aubé|titre={{noble-|Roger II}} de Sicile. Un normand en Méditerranée|périodique=La pensée de midi - Revue littéraire et de débat d’idées|numéro=8|éditeur=Actes Sud|date=2002|isbn=978-2742738373|lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-la-pensee-de-midi-2002-2-page-115.htm|pages=115-119}}.</ref>. De son côté, Roger prête hommage au pape {{noble-|Anaclet II}} et soumet le clergé de son royaume à ce dernier. Le {{date|27 septembre 1130}}, une [[bulle pontificale]] concède à {{noble-|Roger II}} le royaume de Sicile, de Calabre et d'Apulie{{sfn|Norwich|2018|p=115}}. Le {{date|25 décembre 1130}}, {{noble-|Roger II}} est officiellement couronné [[Liste des rois de Sicile|roi de Sicile]] dans la [[cathédrale de Palerme]]{{sfn|Norwich|2018|p=115}}.


=== Révolte des barons et guerre contre le Saint-Empire ===
=== Révolte des barons et guerre contre le Saint-Empire ===
Pendant dix années, {{noble-|Roger II}} entreprend une longue campagne contre les barons qui profitent du schisme de l'Église afin de tenter de retrouver leurs anciennes libertés<ref name=":0" />. En [[1131]], le roi de Sicile annexe la ville d'[[Amalfi (Italie)|Amalfi]]<ref name=":1">{{Lien web|langue=fr|titre=Le roi contre le pape, l'empereur et les barons|url=http://www.mondes-normands.caen.fr/france/histoires/medit/7/medit7_1.htm|site=mondes-normands.caen.fr|date=}}.</ref>. Sous le commandement de Rainolf d'Alife, les rebelles infligent une sévère défaite aux forces de {{noble-|Roger II}} à [[Bataille de Nocera|Nocera]] le {{Date|24|juillet|1132}}<ref name=brita/>.
Pendant dix années, {{noble-|Roger II}} entreprend une longue campagne contre les barons qui profitent du schisme de l'Église afin de tenter de retrouver leurs anciennes libertés<ref name=":0" />. En 1131, le roi de Sicile annexe la ville d'[[Amalfi (Italie)|Amalfi]] et y installe une garnison normande<ref name=Tocco/>{{,}}<ref name=":1">{{Lien web|langue=fr|titre=Le roi contre le pape, l'empereur et les barons|url=http://www.mondes-normands.caen.fr/france/histoires/medit/7/medit7_1.htm|site=mondes-normands.caen.fr|date=}}.</ref>. Il soumet ensuite les barons Godefroy d'Andria, Grimoald de Bari et Tancrède de Converano<ref name=Tocco/>. Le {{Date|25|juillet|1132}}, {{noble-|Roger II}} est cependant vaincu à [[Bataille de Nocera|Nocera]] par une coalition dirigée par Rainolf d'Alife<ref name=Tocco/>. Réfugié dans un premier temps à [[Salerne]], le roi reconquiert une grande partie de la péninsule l'année suivante<ref name=Tocco/>.


En juillet [[1134]], sa formidable énergie et la sauvagerie de ses contingents musulmans forcent [[Rainolf d'Alife]] et {{noble|Serge VII de Naples|-}}, duc de Naples, à la soumission. {{noble-|Roger II}} soumet définitivement la ville de [[Capoue]]. Il expulse {{noble|Robert II d'Aversa}}, et place à la tête de la ville son fils cadet [[Alphonse de Capoue|Alphonse]]<ref name=":1" />. En France, [[Bernard de Clairvaux]] forme une coalition composée des rois {{noble|Louis VI de France}}, {{noble|Henri Ier d'Angleterre}}, des empereurs {{noble|Lothaire de Supplinbourg|Lothaire III}}, {{noble|Jean II Comnène}}, et des républiques de [[Gênes]], [[Pise]] et de [[Venise]], contre {{noble-|Roger II}}<ref name=brita/>. En février [[1137]], Lothaire descend en Italie, se joint aux forces de Rainolf d'Alife, et prend la ville de [[Bari]] en juin. À [[San Severino]], après une campagne victorieuse, l'empereur et le pape investissent Rainolf en tant que duc d'Apulie, avant de se retirer en [[Allemagne]]. {{noble-|Roger II}}, débarrassé des forces impériales, reprend du terrain, pille la ville de [[Capoue]], et force {{noble|Serge VII de Naples|-}} à reconnaître sa souveraineté sur [[Naples]]<ref name=brita/>.
En {{date|juillet 1134}}, sa formidable énergie et la sauvagerie de ses contingents musulmans forcent [[Rainolf d'Alife]] et {{noble|Serge VII de Naples|-}}, duc de Naples, à la soumission. {{noble-|Roger II}} soumet définitivement la ville de [[Capoue]]. Il expulse {{noble|Robert II d'Aversa}}, et place à la tête de la ville son fils cadet [[Alphonse de Capoue|Alphonse]]<ref name=":1" />. En France, [[Bernard de Clairvaux]] forme une coalition composée des rois {{noble|Louis VI de France}}, {{noble|Henri Ier d'Angleterre}}, des empereurs {{noble|Lothaire de Supplinbourg|Lothaire III}}, {{noble|Jean II Comnène}}, et des républiques de [[Gênes]], [[Pise]] et de [[Venise]], contre {{noble-|Roger II}}<ref name=brita/>. En {{date|février 1137}}, Lothaire descend en Italie, se joint aux forces de Rainolf d'Alife, et prend la ville de [[Bari]] en juin. À [[San Severino]], après une campagne victorieuse, l'empereur et le pape investissent Rainolf en tant que duc d'Apulie, avant de se retirer en [[Allemagne]]. {{noble-|Roger II}}, débarrassé des forces impériales, reprend du terrain, pille la ville de [[Capoue]], et force {{noble|Serge VII de Naples|-}} à reconnaître sa souveraineté sur [[Naples]]<ref name=brita/>.


Le {{Date|30|octobre|1137}}, [[Rainolf d'Alife]] inflige une nouvelle défaite aux forces de Roger à [[Bataille de Rignano|Rignano]]. La mort du pape {{noble|Anaclet II}} le {{Date|25|janvier|1138}} détermine Roger à demander la confirmation de son titre à {{noble-|Innocent II}}. La mort de Rainolf d'Alife le {{Date|30|avril|1139}} et la défaite des forces pontificales le {{Date|22|juillet|1139}} à [[Galluccio]] sur le [[Garigliano]] forcent la main du pape. Fait prisonnier, ce dernier signe le [[25 juillet]] à [[Mignano Monte Lungo|Mignano]], un [[Paix de Mignano|traité]] reconnaissant à {{noble-|Roger II}} le titre de [[Liste des rois de Sicile|roi de Sicile]], [[Liste des comtes et ducs d'Apulie et de Calabre|duc d'Apulie]], et [[Liste des princes de Capoue|prince de Capoue]]<ref name=brita/>{{,}}<ref name=":0" />{{,}}<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=199}}.</ref>.
Le {{Date|30|octobre|1137}}, alors qu'il vient de reprendre [[Salerne]], Roger est à nouveau vaincu par [[Rainolf d'Alife]] à [[Bataille de Rignano|Rignano]]<ref name=Tocco/>. La mort du pape {{noble|Anaclet II}} le {{Date|25|janvier|1138}} détermine Roger à demander la confirmation de son titre à {{noble-|Innocent II}}, qui refuse et prononce son excommunication<ref name=Tocco/>. La mort de Rainolf d'Alife le {{Date|30|avril|1139}} et la défaite des forces pontificales le {{Date|22|juillet|1139}} à [[Galluccio]] sur le [[Garigliano]] forcent la main du pape. Fait prisonnier, ce dernier signe le {{date|25 juillet}} à [[Mignano Monte Lungo|Mignano]] un [[Paix de Mignano|traité]] reconnaissant à {{noble-|Roger II}} le titre de [[Liste des rois de Sicile|roi de Sicile]], [[Liste des comtes et ducs d'Apulie et de Calabre|duc d'Apulie]], et [[Liste des princes de Capoue|prince de Capoue]]<ref name=brita/>{{,}}<ref name=":0" />{{,}}<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=199}}.</ref>.


=== Consolidation du royaume ===
=== Consolidation du royaume ===
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{{Article détaillé|Assises d'Ariano}}
{{Article détaillé|Assises d'Ariano}}


Cette trêve donne l'occasion à Roger de doter son royaume d'institutions stables. Il est épaulé par son bras droit [[Georges d'Antioche]], un Grec de [[Syrie]], qui demeure pendant quarante ans son « [[amiral]] », une distinction d'origine [[Sarrasins|sarrasine]]. En septembre [[1140]], {{noble-|Roger II}} convoque tous ses vassaux à [[Ariano Irpino|Ariano]] afin de promulguer les « [[Assises d'Ariano|Assises]] », un ensemble de lois traitant du droit ecclésiastique, des finances, du commerce, de la monnaie, du droit privé, du droit pénal, et enfin du droit public et du pouvoir royal. Il fonde une administration strictement dépendante du souverain, faisant du royaume de Sicile un État bureaucratique et centralisé<ref name=":0" />{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=La consolidation du pouvoir : les Assises d'Ariano|url=http://www.mondes-normands.caen.fr/france/histoires/medit/7/medit7_2.htm|site=mondes-normands.caen.fr|date=}}.</ref>. {{noble-|Roger II}} ordonne l'émission d'un standard de monnaie de basse qualité pour le royaume : le [[ducat]] d'argent<ref>{{Article|auteur1=Lucia Travaini|auteur2=J.-M. Martin|titre=La monetazione nell'Italia normanna|périodique=Revue numismatique|volume=6|numéro=151|date=1996|lire en ligne=|résumé=http://www.persee.fr/doc/numi_0484-8942_1996_num_6_151_2718_t1_0361_0000_2|pages=362}}.</ref>.
Cette trêve donne l'occasion à Roger de doter son royaume d'institutions stables. Il est épaulé par son bras droit [[Georges d'Antioche]], un Grec de [[Syrie]], qui demeure pendant quarante ans son « [[amiral]] », une distinction d'origine [[Sarrasins|sarrasine]]. En {{date|septembre 1140}}, {{noble-|Roger II}} convoque tous ses vassaux à [[Ariano Irpino|Ariano]] afin de promulguer les « [[Assises d'Ariano|Assises]] », un ensemble de lois traitant du droit ecclésiastique, des finances, du commerce, de la monnaie, du droit privé, du droit pénal, et enfin du droit public et du pouvoir royal. Il fonde une administration strictement dépendante du souverain, faisant du royaume de Sicile un État bureaucratique et centralisé<ref name=":0" />{{,}}<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=La consolidation du pouvoir : les Assises d'Ariano|url=http://www.mondes-normands.caen.fr/france/histoires/medit/7/medit7_2.htm|site=mondes-normands.caen.fr|date=}}.</ref>. {{noble-|Roger II}} ordonne l'émission d'un standard de monnaie de basse qualité pour le royaume : le [[ducat]] d'argent<ref>{{Article|auteur1=Lucia Travaini|auteur2=J.-M. Martin|titre=La monetazione nell'Italia normanna|périodique=Revue numismatique|volume=6|numéro=151|date=1996|lire en ligne=|résumé=http://www.persee.fr/doc/numi_0484-8942_1996_num_6_151_2718_t1_0361_0000_2|pages=362}}.</ref>.


À ce titre, {{noble-|Roger II}} peut être considéré comme le promoteur d’un nouveau modèle politique. Synthèse d’éléments [[Féodalité|féodaux]] normands, [[Italiens|italo]]-[[lombards]] et [[arabes]], le pouvoir de {{noble-|Roger II}} s’inspire de formes orientales et plus particulièrement de la monarchie et de l’administration byzantine. {{noble-|Roger II}} puise aussi dans les traditions [[fatimide]]s qui prévalaient alors en Sicile. Ce royaume a un centre décentré, la Sicile qui est à la fois une île de refuge et de commandement, qualifiée dans les sources de « jardin secret des rois ».
À ce titre, {{noble-|Roger II}} peut être considéré comme le promoteur d’un nouveau modèle politique. Synthèse d’éléments [[Féodalité|féodaux]] normands, [[Italiens|italo]]-[[lombards]] et [[arabes]], le pouvoir de {{noble-|Roger II}} s’inspire de formes orientales et plus particulièrement de la monarchie et de l’administration byzantine. {{noble-|Roger II}} puise aussi dans les traditions [[fatimide]]s qui prévalaient alors en Sicile. Ce royaume a un centre décentré, la Sicile qui est à la fois une île de refuge et de commandement, qualifiée dans les sources de « jardin secret des rois ».
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=== Expéditions en Méditerranée et en Afrique ===
=== Expéditions en Méditerranée et en Afrique ===


{{noble-|Roger II}} mène une série de conquêtes en [[Ifriqiya]], [[Crise du XIe siècle|alors en pleine anarchie]], conquêtes que facilite la politique de bon voisinage entretenue avec les [[Fatimides]] d’[[Égypte]]. Une relation épistolaire entre le souverain normand et le [[calife]] [[Al-Hafiz]], en [[1135]], prouve cette entente de fait. {{noble-|Roger II}} s'empare de [[Djerba]] en [[1134]], avec le soutien du calife<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Claude Cahen|titre=Orient et Occident au temps des croisades|éditeur=Aubier|année=1983|pages totales=302|passage=p. 97-98|isbn=978-2-7007-0307-8|sudoc=001271008}}.</ref>, puis de nombreux points d'appui sur la côte africaine : [[Tripoli (ville de Libye)|Tripoli]] en [[1146]], puis [[Gabès]], [[Sfax]], [[Sousse]], et enfin [[Mahdia]] en [[1147]]. Il s'empare également de [[Bône]] en [[1153]], mais à partir de là, son expansion s'arrête, et les conquêtes sont perdues progressivement sous la pression des [[Almohades]]<ref name=":2">{{Lien web|langue=fr|titre=Les expéditions en Méditerranée et en Afrique|url=http://www.mondes-normands.caen.fr/france/histoires/medit/7/medit7_3.htm|site=mondes-normands.caen.fr|date=}}.</ref>. Tenu un temps en échec, il est conduit à s’allier avec le [[comte de Barcelone]] contre les [[Almoravides]], alliance qui inaugure une politique [[Bassin méditerranéen|méditerranéenne]], renforcée par des alliances matrimoniales, qui devait permettre au [[Liste des souverains d'Aragon|roi d’Aragon]] de prendre possession de la Sicile à la fin du {{s|XIII}}<ref>{{harvsp|Aubé|2006|p=127}}.</ref>.
{{noble-|Roger II}} mène une série de conquêtes en [[Ifriqiya]], [[Crise du XIe siècle|alors en pleine anarchie]], conquêtes que facilite la politique de bon voisinage entretenue avec les [[Fatimides]] d’[[Égypte]]. Une relation épistolaire entre le souverain normand et le [[calife]] [[Al-Hafiz]], en 1135, prouve cette entente de fait. {{noble-|Roger II}} s'empare de [[Djerba]] en 1134, avec le soutien du calife<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Claude Cahen|titre=Orient et Occident au temps des croisades|éditeur=Aubier|année=1983|pages totales=302|passage=p. 97-98|isbn=978-2-7007-0307-8|sudoc=001271008}}.</ref>, puis de nombreux points d'appui sur la côte africaine : [[Tripoli (ville de Libye)|Tripoli]] en 1146, puis [[Gabès]], [[Sfax]], [[Sousse]], et enfin [[Mahdia]] en 1147. Avec l'aide de [[Philippe de Mahdia]], successeur de Georges d'Antioche à la tête de la flotte sicilienne, Roger s'empare également de [[Bône]] en 1153<ref name=Tocco/>. À partir de là, son expansion s'arrête, et les conquêtes sont perdues progressivement sous la pression des [[Almohades]]<ref name=":2">{{Lien web|langue=fr|titre=Les expéditions en Méditerranée et en Afrique|url=http://www.mondes-normands.caen.fr/france/histoires/medit/7/medit7_3.htm|site=mondes-normands.caen.fr|date=}}.</ref>. Tenu un temps en échec, il est conduit à s’allier avec le [[comte de Barcelone]] contre les [[Almoravides]], alliance qui inaugure une politique [[Bassin méditerranéen|méditerranéenne]], renforcée par des alliances matrimoniales, qui devait permettre au [[Liste des souverains d'Aragon|roi d’Aragon]] de prendre possession de la Sicile à la fin du {{s-|XIII}}<ref>{{harvsp|Aubé|2006|p=127}}.</ref>.


En 1147, {{noble-|Roger II}} profite de la [[deuxième croisade]] pour mener plusieurs raids contre l'[[Empire byzantin]]. Une flotte probablement commandée par Georges d'Antioche est envoyé vers la Grèce à l'automne 1147{{sfn|Chalandon, t. II|p=135-137}}. Elle s'empare de [[Corfou]] puis ravage les côtes de la Grèce, saccageant entre autres [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], Corinthe, et aussi peut-être [[Athènes]] selon certaines sources occidentales{{sfn|Chalandon, t. II|p=135-137}}. La flotte regagne la Sicile au début de 1148{{sfn|Chalandon, t. II|p=137}}.
En 1147, {{noble-|Roger II}} profite de la [[deuxième croisade]] pour mener plusieurs raids contre l'[[Empire byzantin]]. Une flotte probablement commandée par Georges d'Antioche est envoyé vers la Grèce à l'automne 1147{{sfn|Chalandon, t. II|p=135-137}}. Elle s'empare de [[Corfou]] puis ravage les côtes de la Grèce, saccageant entre autres [[Thèbes (Grèce)|Thèbes]], [[Athènes]], [[Chalcis]] et [[Corinthe]]<ref name=Tocco/>. La flotte regagne la Sicile au début de 1148{{sfn|Chalandon, t. II|p=137}}. L'empereur [[Manuel Ier Comnène|Manuel Comnène]] s'allie avec [[République de Venise|Venise]] et remporte une victoire navale contre les Siciliens près du [[cap Malée]]<ref name=Tocco/>.


Les forces byzantines ayant contre-attaqué et assiégeant Corfou, Georges est envoyé au printemps 1149 pour mener une campagne de diversion contre [[Constantinople]]{{sfn|Chalandon, t. II|p=143}} ; en juin-juillet il est battu à deux reprises par la flotte vénéto-byzantine, débarque à Contantinople mais est repoussé{{sfn|Chalandon, t. II|p=144}} ; il aurait défié [[Manuel Ier Comnène|Manuel Commène]] en lançant plusieurs flèches à travers les fenêtres de son palais<ref name="brita"/>. Cette campagne infructueuse ne permet pas de sauver Corfou{{sfn|Chalandon, t. II|p=145}}.
Au printemps 1149, tandis que les forces byzantines assiègent Corfou, Georges dirige une campagne de diversion contre [[Constantinople]]{{sfn|Chalandon, t. II|p=143}} ; en juin-juillet il est battu à deux reprises par la flotte vénéto-byzantine, débarque à Contantinople mais est repoussé{{sfn|Chalandon, t. II|p=144}} ; il aurait défié [[Manuel Ier Comnène|Manuel Commène]] en lançant plusieurs flèches à travers les fenêtres de son palais<ref name="brita"/>. Cette campagne infructueuse ne permet pas de sauver Corfou, qui est prise par les Byzantins en 1149{{sfn|Chalandon, t. II|p=145}}.


=== De la symbiose culturelle, une exception médiévale ===
=== De la symbiose culturelle, une exception médiévale ===
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L'une des caractéristiques du règne de {{noble-|Roger II}} réside dans le brassage unique des cultures, dont il fait de la Sicile une plateforme de tolérance. Peu au goût des autres États d'Occident dans un contexte de croisade, ce sont pourtant tous les domaines qui vont bénéficier de cette ouverture.
L'une des caractéristiques du règne de {{noble-|Roger II}} réside dans le brassage unique des cultures, dont il fait de la Sicile une plateforme de tolérance. Peu au goût des autres États d'Occident dans un contexte de croisade, ce sont pourtant tous les domaines qui vont bénéficier de cette ouverture.


Tandis que les [[Assises d'Ariano]] (1140) sont d'inspiration aussi bien byzantine qu'arabe, la [[cathédrale de Cefalù]] et la [[chapelle palatine de Palerme]] réalisent une alliance somptueuse et unique entre les influences occidentales et orientales par les peintures, mosaïques, boiseries qui content la chrétienté comme l'histoire de {{noble-|Roger II}}.
Tandis que les [[Assises d'Ariano]] sont d'inspiration aussi bien byzantine qu'arabe, la [[cathédrale de Cefalù]] et la [[chapelle palatine de Palerme]] réalisent une alliance somptueuse et unique entre les influences occidentales et orientales par les peintures, mosaïques, boiseries qui content la chrétienté comme l'histoire de {{noble-|Roger II}}.


Le [[Manteau du couronnement|manteau de couronnement]] de {{noble-|Roger II}}, lui-même le produit de tisserands byzantins, en est un autre reflet par ses broderies qui comportent des inscriptions arabes, mais le joyau en demeure la [[Mappemondes anciennes#Carte d'Al Idrissi (vers 1154)|mappemonde]] d'[[Al Idrissi]], cartographe originaire de [[Ceuta]], qui représente le monde connu de cette époque avec une précision inégalée<ref name=":0" />.
Le [[Manteau du couronnement|manteau de couronnement]] de {{noble-|Roger II}}, lui-même le produit de tisserands byzantins, en est un autre reflet par ses broderies qui comportent des inscriptions arabes, mais le joyau en demeure la [[Mappemondes anciennes#Carte d'Al Idrissi (vers 1154)|mappemonde]] d'[[Al Idrissi]], cartographe originaire de [[Ceuta]], qui représente le monde connu de cette époque avec une précision inégalée<ref name=":0" />.
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=== Lutte contre le Saint-Siège ===
=== Lutte contre le Saint-Siège ===
[[Fichier:Beatrix Konstancie Roger2.jpg|vignette|[[Beatrix de Rethel|Béatrice de Rethel]] et sa fille [[Constance de Hauteville]].]]
[[Fichier:Beatrix Konstancie Roger2.jpg|vignette|[[Beatrix de Rethel|Béatrice de Rethel]] et sa fille [[Constance de Hauteville]].]]
Depuis la mort d'{{noble|Anaclet II}}, l'élection des prélats du royaume de Sicile demeure une pomme de discorde entre le pape et {{noble-|Roger II}}. Le royaume de Sicile comprend une quinzaine d'évêques nommés par {{noble-|Roger II}} avec l'accord d'Anaclet. Cependant, {{noble|Innocent II}} refuse obstinément de reconnaître les actes de son prédécesseur. D'autre part, {{noble-|Innocent II}}, de retour à [[Rome]], éprouve des difficultés à gagner les faveurs des citoyens romains. En [[1143]], une assemblée de citoyens s'empare du [[Capitole]] et restaure le [[Sénat romain|Sénat]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=274-277}}.</ref>.
Depuis la mort d'{{noble|Anaclet II}}, l'élection des prélats du royaume de Sicile demeure une pomme de discorde entre le pape et {{noble-|Roger II}}. Le royaume de Sicile comprend une quinzaine d'évêques nommés par {{noble-|Roger II}} avec l'accord d'Anaclet. Cependant, {{noble|Innocent II}} refuse obstinément de reconnaître les actes de son prédécesseur. D'autre part, {{noble-|Innocent II}}, de retour à [[Rome]], éprouve des difficultés à gagner les faveurs des citoyens romains. En 1143, une assemblée de citoyens s'empare du [[Capitole]] et restaure le [[Sénat romain|Sénat]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=274-277}}.</ref>.


La mort d'{{noble-|Innocent II}} le [[24 septembre]] est suivie de l'élection du pape {{noble|Célestin II}}. Le nouveau pape fait appel à l'empereur {{noble|Conrad III de Hohenstaufen}} afin de lutter contre {{noble-|Roger II}}. Ce dernier lance par représailles ses troupes contre la ville de [[Bénévent]] et s'empare des trésors de [[Monte Cassino]]. La mort de {{noble-|Célestin II}} et l'élection d'un nouveau pape en la personne de {{noble|Lucius II}} laisse espérer un rapprochement entre les deux parties. {{noble-|Roger II}} rencontre effectivement le pape à [[Ceprano]] mais le pontife exige la rétrocession de [[Capoue]], ce que le Normand juge inacceptable. Une nouvelle campagne, au cours de laquelle les fils de Roger ravagent les [[États pontificaux]], aboutit à une trêve de sept ans en octobre [[1144]]. Selon un accord conclu en 1149, {{noble-|Roger II}} fournit au nouveau pape {{noble|Eugène III}} des troupes et de l'argent en vue de s'emparer de Rome. Enfin, la rencontre du pape {{noble-|Eugène III}} avec le Normand en juillet [[1150]] à [[Ceprano]] aboutit à un accord diplomatique entièrement favorable au [[Saint-Siège]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=277-287}}.</ref>.
La mort d'{{noble-|Innocent II}} le {{date|24 septembre}} est suivie de l'élection du pape {{noble|Célestin II}}. Le nouveau pape fait appel à l'empereur {{noble|Conrad III de Hohenstaufen}} afin de lutter contre {{noble-|Roger II}}. Ce dernier lance par représailles ses troupes contre la ville de [[Bénévent]] et s'empare des trésors du [[Abbaye territoriale du Mont-Cassin|Mont Cassin]]. La mort de {{noble-|Célestin II}} et l'élection d'un nouveau pape en la personne de {{noble|Lucius II}} laisse espérer un rapprochement entre les deux parties. {{noble-|Roger II}} rencontre effectivement le pape à [[Ceprano]] mais le pontife exige la rétrocession de [[Capoue]], ce que le Normand juge inacceptable. Une nouvelle campagne, au cours de laquelle les fils de Roger ravagent les [[États pontificaux]], aboutit à une trêve de sept ans en {{date|octobre 1144}}. Selon un accord conclu en 1149, {{noble-|Roger II}} fournit au nouveau pape {{noble|Eugène III}} des troupes et de l'argent en vue de s'emparer de Rome. Enfin, la rencontre du pape {{noble-|Eugène III}} avec le Normand en {{date|juillet 1150}} à [[Ceprano]] aboutit à un accord diplomatique entièrement favorable au [[Saint-Siège]]<ref>{{harvsp|Curtis|1912|p=277-287}}.</ref>.


{{noble-|Roger II}} meurt à [[Palerme]] le {{Date|26 février 1154}}{{sfn|Norwich|2018|p=125}}. Son quatrième fils [[Guillaume Ier de Sicile|Guillaume]] lui succède à la tête du [[royaume de Sicile]].
{{noble-|Roger II}} meurt à [[Palerme]] le {{Date|26 février 1154}}{{sfn|Norwich|2018|p=125}}. Son quatrième fils [[Guillaume Ier de Sicile|Guillaume]] lui succède à la tête du [[royaume de Sicile]].


Dans le respect de la tradition des souverains normands d'être inhumés au cœur d'une église, {{noble-|Roger II}} avait souhaité être inhumé dans un sarcophage déposé par lui dans la [[cathédrale de Cefalù]]{{sfn|Norwich|2018|p=125}}, mais son corps est d'abord déposé à l'archevêché de Palerme, puis, avant 1172, transféré à la [[cathédrale de Palerme]], dans un tombeau de [[Porphyre (roche)|porphyre]] où il demeure depuis, malgré plusieurs suppliques des chanoines de Cefalù auprès de {{noble|Guillaume Ier de Sicile|-}} et {{noble|Guillaume II de Sicile|-}}<ref>{{Article |prénom1=Lucien |nom1=Musset |titre=Huit essais sur l'autorité ducale en Normandie ({{sp-|XI|-|XII|s}}) |périodique=Annales de Normandie |volume=17 |numéro=1 |date=1985 |doi=10.3406/annor.1985.6662 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/annor_0570-1600_1985_hos_17_1_6662 |consulté le=2020-05-16 |pages=3–148 }}.</ref>.
Dans le respect de la tradition des souverains normands d'être inhumés au cœur d'une église, {{noble-|Roger II}} avait souhaité être inhumé dans un sarcophage déposé par lui dans la [[cathédrale de Cefalù]]{{sfn|Norwich|2018|p=125}}, mais son corps est d'abord déposé à l'archevêché de Palerme, puis, avant 1172, transféré à la [[cathédrale de Palerme]], dans un tombeau de [[Porphyre (roche)|porphyre]] où il demeure depuis, malgré plusieurs suppliques des chanoines de Cefalù auprès de {{noble|Guillaume Ier de Sicile|-}} et {{noble|Guillaume II de Sicile|-}}<ref>{{Article |prénom1=Lucien |nom1=Musset |titre=Huit essais sur l'autorité ducale en Normandie ({{sp-|XI|-|XII|s}}) |périodique=Annales de Normandie |volume=17 |numéro=1 |date=1985 |doi=10.3406/annor.1985.6662 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/annor_0570-1600_1985_hos_17_1_6662 |consulté le=2020-05-16 |pages=3–148 }}.</ref>.


== Descendance ==
== Descendance ==

Version du 12 mai 2024 à 16:14

Roger II de Sicile
Illustration.
Roger II de Sicile, détail de la mosaïque « Roger couronné roi par le Christ », église de la Martorana, Palerme.
Titre
Roi de Sicile

(23 ans, 2 mois et 1 jour)
Couronnement en la cathédrale de Palerme
Prédécesseur Lui-même (en tant que comte)
Successeur Guillaume Ier
Comte de Sicile

(25 ans, 2 mois et 27 jours)
Prédécesseur Simon de Sicile
Successeur Lui-même (en tant que roi)
Biographie
Dynastie Hauteville
Nom de naissance Roger de Hauteville
Date de naissance
Lieu de naissance Mileto
Date de décès (à 58 ans)
Lieu de décès Palerme
Père Roger de Hauteville
Mère Adélaïde de Montferrat
Conjoint Elvire de Castille
Sibylle de Bourgogne
Beatrix de Rethel
Enfants Roger d'Apulie
Tancrède de Bari
Alphonse de Capoue
Guillaume de Sicile
Simon de Tarente
Constance de Hauteville

Roger II (roi de Sicile)
Rois de Sicile

Roger II de Sicile ( - ) est le second fils du comte Roger de Hauteville, premier comte normand de Sicile, et d’Adélaïde de Montferrat. Fondateur du royaume de Sicile (1130) et du royaume d'Afrique (1146), il unifie toutes les conquêtes des Normands en Italie et en Ifriqiya sous une seule couronne. Avec les Assises d'Ariano (1140), il jette les bases d'un royaume centralisé, investissant le roi et sa bureaucratie d'une autorité absolue. Roger II de Sicile fait preuve d'une politique extérieure énergique, menant plusieurs expéditions guerrières en direction de l'Afrique du Nord et de l'Orient byzantin. Son union avec Béatrice de Rethel donnera une fille, née posthume, plus de huit mois après la mort de son père[1], Constance, qui enfantera Frédéric II, roi de Sicile et empereur germanique.

Biographie

Régence de la comtesse Adélaïde

L’Italie du Sud en 1112, à la majorité de Roger II.
Roger II. Illustration du Liber ad honorem Augusti de Pierre d'Éboli, 1196.

Roger II de Sicile naît le [2]. Il est le second fils du comte Roger de Hauteville et d’Adélaïde de Montferrat. Lorsque le comte meurt en 1101, son successeur Simon est encore un enfant. Mais ce dernier meurt prématurément le et Adélaïde prend la régence du comté de Sicile au nom de Roger II[3]. Pendant sa régence, la capitale est transférée de Mileto à Palerme[4]. Roger est éduqué par l'amiral Christodoulos à partir de 1105, puis par Georges d'Antioche[5]. En 1112, Roger est fait chevalier dans la ville de Palerme[6]. Dans un acte de la même année, il est nommé « comte de Sicile et de Calabre »[7]. L'année suivante, il donne son accord au remariage de sa mère avec le roi Baudouin Ier de Jérusalem[5]. Ce dernier trouve dans ce mariage le moyen d'accaparer les richesses immenses d'Adélaïde, avant de la répudier en 1117. Roger II n'oubliera jamais cet affront[8]. La même année, il épouse Elvire de Castille, fille du roi Alphonse VI de Castille et de la reine mauresque Isabelle[5].

« [Le retour d'Adélaïde en Sicile] plongea son fils dans la plus grande consternation, et lui inspira pour jamais une violente haine contre le royaume de Jérusalem et ses habitants. Tandis que tous les autres princes chrétiens de l'univers n'ont cessé de faire les plus grands efforts […] pour protéger et faire prospérer notre royaume, comme une plante récemment sortie de terre, ce prince et ses successeurs n'ont pas même cherché jusqu'à ce jour à nous adresser une parole d'amitié […]. Ils paraissent avoir conservé à jamais le souvenir de cette offense, et font injustement peser sur tout un peuple la peine d'une faute qu'ils ne devraient imputer qu'à un seul homme. »

— Guillaume de Tyr, Chronique, XI, 29.

Comte de Sicile et de Calabre

Dès le début de son règne, suivant les conseils de son amiral et principal conseiller Georges d'Antioche, Roger II entame une politique d'expansion en Afrique du Nord[5]. En , une flotte normande de vingt-quatre vaisseaux débarque à Gabès en Tunisie afin de soutenir un sujet indocile de la dynastie ziride, mais l'expédition échoue. En 1118-1119, la flotte normande attaque les côtes tunisiennes et s'empare de plusieurs vaisseaux. En 1121, une flotte musulmane dirigée par un prince almoravide attaque les côtes de Calabre et pille la ville de Nicotera. Une expédition punitive, forte de trois cents vaisseaux, et commandée par Georges d'Antioche et Christodoulos, quitte Marsala en . Une partie des troupes débarque près de Mahdia et parvient à s'emparer du château de Ras Dimas. Les soldats musulmans font une sortie durant la nuit et isolent la garnison normande. Malgré plusieurs tentatives afin de libérer la garnison, le mauvais temps force la flotte normande à s'éloigner sans pouvoir porter secours à la garnison. Ce désastre de la Mahdia a un grand retentissement dans le monde musulman[9],[10].

En Italie continentale, Roger entre en conflit dès 1121 avec son neveu Guillaume, duc d'Apulie et de Calabre[5]. Peu après son échec à Mahdia, il s'empare de Montescaglioso, près de Matera, pour récupérer l'héritage de sa demi-sœur Emma[5]. Prenant l'ascendant sur son neveu, Roger récupère la souveraineté de la moitié de Palerme qui appartenait encore aux héritiers de Robert Guiscard, et se fait désigner en 1125 comme héritier du duché d'Apulie et de Calabre[5]. Le , Guillaume meurt sans laisser d'enfant[5]. Roger II en profite pour réclamer la succession du duché. Mais le pape Honorius II s'oppose à l'union du comté de Sicile au duché d'Apulie. En , le pape prêche la croisade et monte contre Roger une ligue dirigée par Robert II d'Aversa et Rainolf d'Alife, le beau-frère de Roger. Mais la coalition échoue et, en , Honorius se voit contraint de conférer à Roger II le titre de duc d'Apulie à Bénévent[11]. Après s'être emparé de Malte en 1127[12], Roger II lance une campagne de pacification qui met fin à la résistance des barons, notamment à Bari et Troia[5]. En à Melfi, une assemblée d'évêques et de barons prête serment de fidélité au duc et à ses fils, Roger et Tancrède, et reconnaît la souveraineté du Normand sur l'ensemble de l'Apulie. Le duc interdit les guerres privées, ordonne aux barons de soumettre les criminels à la justice ducale, et exige que l'on respecte les biens des marchands, des pèlerins et des voyageurs[13].

Roi de Sicile

Roger couronné roi par le Christ
(Église de la Martorana, Palerme).

La mort du pape Honorius II en est suivie d'une double élection[14]. Les deux papes sont consacrés le même jour, le premier, Innocent II, à Santa Maria Nuova ; le deuxième, Anaclet II, à la basilique Saint-Pierre[15]. Innocent trouve refuge dans le nord de l'Italie et en France, où il est soutenu par Bernard de Clairvaux et l'ensemble des États européens[16]. De son côté, Roger prête hommage au pape Anaclet II et soumet le clergé de son royaume à ce dernier. Le , une bulle pontificale concède à Roger II le royaume de Sicile, de Calabre et d'Apulie[17]. Le , Roger II est officiellement couronné roi de Sicile dans la cathédrale de Palerme[17].

Révolte des barons et guerre contre le Saint-Empire

Pendant dix années, Roger II entreprend une longue campagne contre les barons qui profitent du schisme de l'Église afin de tenter de retrouver leurs anciennes libertés[16]. En 1131, le roi de Sicile annexe la ville d'Amalfi et y installe une garnison normande[5],[18]. Il soumet ensuite les barons Godefroy d'Andria, Grimoald de Bari et Tancrède de Converano[5]. Le , Roger II est cependant vaincu à Nocera par une coalition dirigée par Rainolf d'Alife[5]. Réfugié dans un premier temps à Salerne, le roi reconquiert une grande partie de la péninsule l'année suivante[5].

En , sa formidable énergie et la sauvagerie de ses contingents musulmans forcent Rainolf d'Alife et Serge VII, duc de Naples, à la soumission. Roger II soumet définitivement la ville de Capoue. Il expulse Robert II d'Aversa, et place à la tête de la ville son fils cadet Alphonse[18]. En France, Bernard de Clairvaux forme une coalition composée des rois Louis VI de France, Henri Ier d'Angleterre, des empereurs Lothaire III, Jean II Comnène, et des républiques de Gênes, Pise et de Venise, contre Roger II[11]. En , Lothaire descend en Italie, se joint aux forces de Rainolf d'Alife, et prend la ville de Bari en juin. À San Severino, après une campagne victorieuse, l'empereur et le pape investissent Rainolf en tant que duc d'Apulie, avant de se retirer en Allemagne. Roger II, débarrassé des forces impériales, reprend du terrain, pille la ville de Capoue, et force Serge VII à reconnaître sa souveraineté sur Naples[11].

Le , alors qu'il vient de reprendre Salerne, Roger est à nouveau vaincu par Rainolf d'Alife à Rignano[5]. La mort du pape Anaclet II le détermine Roger à demander la confirmation de son titre à Innocent II, qui refuse et prononce son excommunication[5]. La mort de Rainolf d'Alife le et la défaite des forces pontificales le à Galluccio sur le Garigliano forcent la main du pape. Fait prisonnier, ce dernier signe le à Mignano un traité reconnaissant à Roger II le titre de roi de Sicile, duc d'Apulie, et prince de Capoue[11],[16],[19].

Consolidation du royaume

Ducat d'argent de Roger II (1140).

Cette trêve donne l'occasion à Roger de doter son royaume d'institutions stables. Il est épaulé par son bras droit Georges d'Antioche, un Grec de Syrie, qui demeure pendant quarante ans son « amiral », une distinction d'origine sarrasine. En , Roger II convoque tous ses vassaux à Ariano afin de promulguer les « Assises », un ensemble de lois traitant du droit ecclésiastique, des finances, du commerce, de la monnaie, du droit privé, du droit pénal, et enfin du droit public et du pouvoir royal. Il fonde une administration strictement dépendante du souverain, faisant du royaume de Sicile un État bureaucratique et centralisé[16],[20]. Roger II ordonne l'émission d'un standard de monnaie de basse qualité pour le royaume : le ducat d'argent[21].

À ce titre, Roger II peut être considéré comme le promoteur d’un nouveau modèle politique. Synthèse d’éléments féodaux normands, italo-lombards et arabes, le pouvoir de Roger II s’inspire de formes orientales et plus particulièrement de la monarchie et de l’administration byzantine. Roger II puise aussi dans les traditions fatimides qui prévalaient alors en Sicile. Ce royaume a un centre décentré, la Sicile qui est à la fois une île de refuge et de commandement, qualifiée dans les sources de « jardin secret des rois ».

Expéditions en Méditerranée et en Afrique

Roger II mène une série de conquêtes en Ifriqiya, alors en pleine anarchie, conquêtes que facilite la politique de bon voisinage entretenue avec les Fatimides d’Égypte. Une relation épistolaire entre le souverain normand et le calife Al-Hafiz, en 1135, prouve cette entente de fait. Roger II s'empare de Djerba en 1134, avec le soutien du calife[22], puis de nombreux points d'appui sur la côte africaine : Tripoli en 1146, puis Gabès, Sfax, Sousse, et enfin Mahdia en 1147. Avec l'aide de Philippe de Mahdia, successeur de Georges d'Antioche à la tête de la flotte sicilienne, Roger s'empare également de Bône en 1153[5]. À partir de là, son expansion s'arrête, et les conquêtes sont perdues progressivement sous la pression des Almohades[23]. Tenu un temps en échec, il est conduit à s’allier avec le comte de Barcelone contre les Almoravides, alliance qui inaugure une politique méditerranéenne, renforcée par des alliances matrimoniales, qui devait permettre au roi d’Aragon de prendre possession de la Sicile à la fin du XIIIe siècle[24].

En 1147, Roger II profite de la deuxième croisade pour mener plusieurs raids contre l'Empire byzantin. Une flotte probablement commandée par Georges d'Antioche est envoyé vers la Grèce à l'automne 1147[25]. Elle s'empare de Corfou puis ravage les côtes de la Grèce, saccageant entre autres Thèbes, Athènes, Chalcis et Corinthe[5]. La flotte regagne la Sicile au début de 1148[26]. L'empereur Manuel Comnène s'allie avec Venise et remporte une victoire navale contre les Siciliens près du cap Malée[5].

Au printemps 1149, tandis que les forces byzantines assiègent Corfou, Georges dirige une campagne de diversion contre Constantinople[27] ; en juin-juillet il est battu à deux reprises par la flotte vénéto-byzantine, débarque à Contantinople mais est repoussé[28] ; il aurait défié Manuel Commène en lançant plusieurs flèches à travers les fenêtres de son palais[11]. Cette campagne infructueuse ne permet pas de sauver Corfou, qui est prise par les Byzantins en 1149[29].

De la symbiose culturelle, une exception médiévale

Manteau du couronnement de Roger II.
Intérieur de la chapelle palatine, à Palerme.

L'une des caractéristiques du règne de Roger II réside dans le brassage unique des cultures, dont il fait de la Sicile une plateforme de tolérance. Peu au goût des autres États d'Occident dans un contexte de croisade, ce sont pourtant tous les domaines qui vont bénéficier de cette ouverture.

Tandis que les Assises d'Ariano sont d'inspiration aussi bien byzantine qu'arabe, la cathédrale de Cefalù et la chapelle palatine de Palerme réalisent une alliance somptueuse et unique entre les influences occidentales et orientales par les peintures, mosaïques, boiseries qui content la chrétienté comme l'histoire de Roger II.

Le manteau de couronnement de Roger II, lui-même le produit de tisserands byzantins, en est un autre reflet par ses broderies qui comportent des inscriptions arabes, mais le joyau en demeure la mappemonde d'Al Idrissi, cartographe originaire de Ceuta, qui représente le monde connu de cette époque avec une précision inégalée[16].

Lutte contre le Saint-Siège

Béatrice de Rethel et sa fille Constance de Hauteville.

Depuis la mort d'Anaclet II, l'élection des prélats du royaume de Sicile demeure une pomme de discorde entre le pape et Roger II. Le royaume de Sicile comprend une quinzaine d'évêques nommés par Roger II avec l'accord d'Anaclet. Cependant, Innocent II refuse obstinément de reconnaître les actes de son prédécesseur. D'autre part, Innocent II, de retour à Rome, éprouve des difficultés à gagner les faveurs des citoyens romains. En 1143, une assemblée de citoyens s'empare du Capitole et restaure le Sénat[30].

La mort d'Innocent II le est suivie de l'élection du pape Célestin II. Le nouveau pape fait appel à l'empereur Conrad III de Hohenstaufen afin de lutter contre Roger II. Ce dernier lance par représailles ses troupes contre la ville de Bénévent et s'empare des trésors du Mont Cassin. La mort de Célestin II et l'élection d'un nouveau pape en la personne de Lucius II laisse espérer un rapprochement entre les deux parties. Roger II rencontre effectivement le pape à Ceprano mais le pontife exige la rétrocession de Capoue, ce que le Normand juge inacceptable. Une nouvelle campagne, au cours de laquelle les fils de Roger ravagent les États pontificaux, aboutit à une trêve de sept ans en . Selon un accord conclu en 1149, Roger II fournit au nouveau pape Eugène III des troupes et de l'argent en vue de s'emparer de Rome. Enfin, la rencontre du pape Eugène III avec le Normand en à Ceprano aboutit à un accord diplomatique entièrement favorable au Saint-Siège[31].

Roger II meurt à Palerme le [32]. Son quatrième fils Guillaume lui succède à la tête du royaume de Sicile.

Dans le respect de la tradition des souverains normands d'être inhumés au cœur d'une église, Roger II avait souhaité être inhumé dans un sarcophage déposé par lui dans la cathédrale de Cefalù[32], mais son corps est d'abord déposé à l'archevêché de Palerme, puis, avant 1172, transféré à la cathédrale de Palerme, dans un tombeau de porphyre où il demeure depuis, malgré plusieurs suppliques des chanoines de Cefalù auprès de Guillaume Ier et Guillaume II[33].

Descendance

Le premier mariage de Roger II avec Elvire de Castille, fille d'Alphonse VI de Castille, vers 1118, donnera cinq fils : Roger d'Apulie, Tancrède de Bari, Alphonse de Capoue, Guillaume de Sicile, Henri de Sicile, et une fille. Elvire meurt en 1139 et Roger II se marie dix ans plus tard avec Sibylle, fille de Hugues II, duc de Bourgogne. Cette dernière meurt en 1151 et Roger se marie avec Béatrice de Rethel, fille du comte de Rethel, avec laquelle il espère avoir d'autres fils. Sa dernière femme lui donne une fille posthume, Constance de Hauteville destinée, après l'extinction de la lignée des Hauteville, à transmettre le royaume à la maison de Hohenstaufen[34].

Héritage

Mappemonde d'Al Idrissi (1154).

À la cour de Palerme, Roger II attire auprès de lui plusieurs personnages de grand renom, comme le cartographe arabe Al-Idrissi. Ce dernier s'installe à Palerme en 1139, et entreprend à la demande de Roger II une enquête qui durera quinze ans[36]. Cette œuvre, le Livre de Roger (al-Kîtab al-Rudjâri) est rédigée en arabe, à la gloire du roi normand, et achevée probablement à la mi-janvier 1154[16],[37],[36].

Roger fait preuve d'une tolérance absolue envers les diverses croyances, races et langues de son royaume[11]. L'architecture religieuse sous le règne de Roger II est un exemple frappant de ce remarquable métissage[38] : église de la Vierge couronnée (1130), chapelle Palatine (1131), église de la Martorana (1140), construite par Georges d'Antioche, église Saint-Jean des Ermites (1143) à Palerme, cathédrale de Cefalù (1131).

Représentation contemporaine dans les arts et la culture

Notes et références

  1. Le père est mort le 26 février 1154, et sa fille posthume, le 2 novembre 1154. Elle a donc été conçu dans les derniers jours de la vie de son père.
  2. Houben 2002, p. 31.
  3. Houben 2002, p. 24.
  4. Curtis 1912, p. 101.
  5. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r (it) Francesco Paolo Tocco, « Ruggero II, re di Sicilia », Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 89, 2017. [lire en ligne]
  6. Chalandon 1907, p. 360.
  7. Houben 2002, p. 30.
  8. Houben 2002, p. 29.
  9. Chalandon 1907, p. 370-377.
  10. Curtis 1912, p. 113-116.
  11. a b c d e et f (en) Edmund Curtis, s.v. « Roger II » in Encyclopædia Britannica, Eleventh edition, 1911 lire en ligne.
  12. Chalandon 1907, p. 377.
  13. Curtis 1912, p. 126-130.
  14. Norwich 2018, p. 114.
  15. Curtis 1912, p. 132-134.
  16. a b c d e et f Pierre Aubé, « Roger II de Sicile. Un normand en Méditerranée », La pensée de midi - Revue littéraire et de débat d’idées, Actes Sud, no 8,‎ , p. 115-119 (ISBN 978-2742738373, lire en ligne).
  17. a et b Norwich 2018, p. 115.
  18. a et b « Le roi contre le pape, l'empereur et les barons », sur mondes-normands.caen.fr.
  19. Curtis 1912, p. 199.
  20. « La consolidation du pouvoir : les Assises d'Ariano », sur mondes-normands.caen.fr.
  21. Lucia Travaini et J.-M. Martin, « La monetazione nell'Italia normanna », Revue numismatique, vol. 6, no 151,‎ , p. 362 (résumé).
  22. Claude Cahen, Orient et Occident au temps des croisades, Aubier, , 302 p. (ISBN 978-2-7007-0307-8, SUDOC 001271008), p. 97-98.
  23. « Les expéditions en Méditerranée et en Afrique », sur mondes-normands.caen.fr.
  24. Aubé 2006, p. 127.
  25. Chalandon, t. II, p. 135-137.
  26. Chalandon, t. II, p. 137.
  27. Chalandon, t. II, p. 143.
  28. Chalandon, t. II, p. 144.
  29. Chalandon, t. II, p. 145.
  30. Curtis 1912, p. 274-277.
  31. Curtis 1912, p. 277-287.
  32. a et b Norwich 2018, p. 125.
  33. Lucien Musset, « Huit essais sur l'autorité ducale en Normandie (XIe – XIIe siècles) », Annales de Normandie, vol. 17, no 1,‎ , p. 3–148 (DOI 10.3406/annor.1985.6662, lire en ligne, consulté le ).
  34. Curtis 1912, p. 193-294.
  35. « Les grandes dynasties de l'histoire normande » [lire en ligne].
  36. a et b Norwich 2018, p. 123.
  37. « Al-Idrîsî géographe », sur classes.bnf.fr.
  38. « Architecture religieuse sous le règne de Roger II (1130-1154) », sur mondes-normands.caen.fr.

Voir aussi

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Bibliographie

Liens internes

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